Archives pour la catégorie Littérature italienne

La version de Fenoglio de Gianrico Carofiglio

Editeur : Slatkine& Cie

Traducteur : Elsa Damien

Après son cycle consacré à l’avocat Guido Guerrieri (ne ratez pas Les yeux fermés), Gianrico Carofigio a entamé une autre série concernant le maréchal Pietro Fenoglio. Après l’été froid (pas encore lu) et Une vérité changeante, voici donc le troisième tome mettant en scène Fenoglio qui n’est pas une enquête policière à proprement parler.

Le maréchal Pietro Fenoglio approche de sa retraite, affichant 58 ans au compteur. Malheureusement, son arthrose l’a obligé à subir une opération de la hanche, puis de longues séances de rééducation dans une clinique de physiothérapie. Ses séances de travail vont être dirigées par la belle physiothérapeute Bruna.

Fenoglio apprend qu’il va avoir un malade comme partenaire. Le précédent était une personne âgée et cela ne le rassure pas. A sa grande surprise, Giulio est un jeune de 24 ans qui a été victime d’un accident de voiture. Giulio a subi une opération pour poser une prothèse de hanche et doit lui aussi réaliser sa rééducation.

Giulio est un jeune homme un peu perdu dans sa vie. Il poursuit des études de droit pour faire plaisir à ses parents mais se retrouve à un âge où il se demande ce qu’il va faire. Victime d’un accident de route, il porte aussi une prothèse de hanche et doit faire sa rééducation. Etonnamment, les deux hommes vont engager la conversation et évoquer des sujets à travers certaines affaires traitées par Fenoglio.

Autant vous le dire tout de suite, ce roman n’est pas un roman policier, même si Fenoglio va évoquer trois ou quatre de ses enquêtes. Ce scénario ressemble plutôt à une discussion entre deux personnages sur la vie, sur les choix que l’on fait ou qu’on est obligé de faire, sur les opportunités et sur le métier de policier. Pour certaines affaires qui méritent d’être détaillées d’ailleurs, GianricoCarofiglio utilise dans ces chapitres la narration à la première personne pour laisser Fenoglio prendre en main l’intrigue.

A travers ces dialogues, on retrouve bien vite les qualités d’écoute et d’observation de Fenoglio. En tant que sénior (comme on dit en France), il retrouve un plaisir à transmettre son savoir et montre une certaine nostalgie envers le passé. Il parle avec une grande tendresse et nous montre aussi un manque d’assurance quand il évoque ses réflexions sur ce qu’il s’est passé, sans jamais chercher à s’excuser.

A travers toutes ces journées à pédaler, il va parler de son début dans le métier de policier, puis va aborder les techniques d’interrogatoire, les doutes, le mensonge, la colère, la vérité, le mensonge … Il aborde aussi les techniques de la police pour faire avouer à tout prix un suspect que les policiers pensent coupables (même si dans le cas présenté ils se trompent) ou les qualités nécessaires à un inspecteur comme la déduction.

Il ressort de ces discussion un calme, une sérénité mais aussi beaucoup de tendresse et de besoin d’aider ce jeune homme face à un carrefour de la vie. Fenoglio ne va jamais imposer son point de vue aux questions de Giulio mais s’appuyer sur ces exemples pour au final laisser à l’autre le choix de son opinion. Par cette façon de présenter son intrigue, GianricoCarofiglio écrit un roman intemporel qui s’apparente à une leçon de vie.

D’un ton résolument intimiste et tourné vers l’autre, l’auteur nous présente Fenoglio comme le témoin pour les générations futures, remplissant son rôle d’instructeur, de guide et d’aide. Forcément, pour un vieux comme moi, ce roman me parle. Et j’ai adoré la fin, quand Fenoglio et Giulio se séparent et que le prisme change : tout examinateur et observateur que se présente Fenoglio, c’est bien Giulio qui lui fera remarquer que Bruna éprouve de l’affection pour lui. Ce qui démontre bien que nous tous avons beaucoup à apprendre des autres ; une formidable leçon d’humanité.

Le chant des innocents de Piergiorgio Pulixi

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons-Reumaux

Nous avions fait la connaissance de Piergiorgio Pulixi avec le formidable L’île des âmes qui se déroulait en Sardaigne dont la visite était assurée par deux inspectrices Mara Rais et Eva Croce. Nous les retrouvions l’année suivante dans L’illusion du mal dans lequel apparaissait un nouveau personnage Vito Stega. Ce roman a d’ailleurs brillamment remporté le trophée de meilleur roman étranger de l’Association 813 (Rejoignez-nous !). En réalité, ce roman était le troisième d’une quadrilogie (pour le moment), Les chants du mal, mettant en scène Vito, personnage de flic complexe. Le chant des innocents revient dans le passé et s’avère être le premier tome de la quadrilogie.

Les policiers entrèrent dans la maison pour trouver une scène de carnage. Une jeune fille a été poignardée 85 fois et sa meurtrière se laisse désarmer en répétant inlassablement et d’une voix atone : « Il est à moi ». Elle doit parler de son petit ami. Les policiers sont effrayés non pas par la scène mais par la meurtrière : Une gamine qui n’a que 13 ans.

Vito Stega est suspendu de son poste de commissaire pour avoir tué son partenaire Jacopo Di Giulio. Sa hiérarchie lui impose de suivre des entretiens avec une psychologue, Livia Salerno. Ayant fait lui-même des études de psychologie et de droit, il se montre réfractaire envers ces rendez-vous. D’un abord bourru et agressif, il ne souhaite que son autodestruction depuis que Cinzia sa femme l’a quitté quatre mois auparavant.

L’inspectrice Teresa Brusca se retrouve aux premières loges et hérite de cette affaire d’adolescente et demande conseil à Vito. Mais ils doivent bien se rendre à l’évidence qu’aucun indice ne leur permet d’avancer. Quand un deuxième adolescent tue son père à coups de marteau, Teresa et Vito sont persuadés que quelqu’un manipule ces jeunes, qu’ils vont surnommer le Marionnettiste. Alors que leur hiérarchie les prie de boucler les affaires, les assassins étant connus, ils vont enquêter chacun de leur coté.

Pour bien l’apprécier, il faut à mon humble avis aborder ce roman comme le premier d’une série. Il faut par conséquent passer par la présentation du personnage principal et c’est le cas puisque Vito Stega occupe tout l’espace disponible, tant il est imposant et psychologiquement complexe. Sa rage d’ailleurs souffre de la volonté de l’auteur de grossir le trait dans certaines scènes.

Mais à l’instar de ceux qui le fréquentent, on ne peut qu’aimer Vito Stega malgré ses défauts. Son entourage ne s’y trompe pas, sa femme tout d’abord qui a parfaitement su voir en lui son talent et qui refuse de le suivre sur son trajet autodestructif, sa collègue ensuite qui en tombe secrètement amoureuse, sa psychologue enfin qui veut le protéger quitte à lui supprimer sa raison de vivre, les enquêtes. Que des femmes me direz-vous ? Je dois avouer que Piergiorgio Pulixi a le don de les créer désirantes (et je précise pas toutes belles comme dans les magazines), fortes et sûres d’elles. On peut d’ailleurs y ajouter sa voisine Ada et sa petite fille qui sont pour moi les bonnes idées de cette galerie de personnages.

Enfin, Piergiorgio Pulixi a le talent d’écrire juste et avec rythme. Quelque soit le chapitre, tout y est minutieusement dosé et le rythme est apporté par les chapitres ultra-courts qui ne dépassent que rarement les quatre pages. Ce roman est prenant, vif, animé et on ne veut pas le lâcher. Quand au sujet, il m’a paru banal parce qu’on parle tous les jours des adolescents hypnotisés par les jeux vidéos (mais il faut se rappeler que le roman a été écrit en 2015) et j’avais deviné bien tôt de quoi il s’agissait. Le chant des innocents est donc le premier roman d’un cycle passionnant qui donne furieusement envie de lire le suivant.

Péché mortel de Carlo Lucarelli

Editeur : Métaillié

Traducteur : Serge Quadrupani

Dans la postface de son roman, Carlo Lucarelli nous indique qu’il a encore des comptes à régler avec De Luca après ses quatre précédentes enquêtes qui sont : Carte blanche suivi de L’Été trouble (1999), Via Delle Oche (1999), et Une affaire italienne (2021).

24 juillet 1943, Bologne. Alors qu’il se rend dans une maison pour une interpellation contre des gens pratiquant le marché noir, dont le chef est Egisto Saccani, le commissaire De Luca se trompe de maison et découvre un cadavre sans tête. Ils arrêtent donc un adolescent Negroni Gianfranco qui semble avoir perdu la tête en indiquant avoir vu le Christ des Chiens. Alors qu’il passe la journée avec sa fiancée Lorenza et ses amis, l’un d’eux le met sur la piste d’une fresque présente dans un mausolée du cimetière qui s’appelle le Christ des Chiens. Pendant ce temps-là, la charcuterie est partagée entre la questure et la milice.

Le lendemain, l’information circule que Mussolini vient d’être arrêté. Le consul a ordonné de libérer les hommes arrêtés la veille et De Luca se rend au cimetière. Il découvre la fresque et en déduit que la tête doit reposer dans les environs. En effet, il finit par la découvrir sur la rive de la rivière. Mais en la rapportant, il est pris à partie par des manifestants qui veulent se débarrasser des fascistes et les policiers sont considérés comme les premiers fascistes.

Quand il apporte la tête au service de médecine légiste, les conclusions le guident vers un homme corpulent. Mais surtout, De Luca est surpris d’apprendre que la tête n’appartient pas au corps, les traces de découpe ne correspondent pas. Quand il veut interrogés le Trafiquant et son jeune ami, ils ont tous deux disparus, libérés par le consul Martina, qui est la directeur de la milice.

Carlo Lucarelli nous avait présenté De Luca comme un personnage jugé comme fascisant puisqu’il occupait le poste de commissaire de police pendant la guerre. Un doute subsistait sur sa situation réelle. L’auteur met les choses au clair et nous peint un enquêteur doué et obsédé par les mystères qu’il doit résoudre. Cela en devient une telle obsession qu’il semble être imperméable face aux soubresauts de son environnement et n’avoir comme seule réponse que : « Je ne fais pas de politique, je suis de la police ».

Je ne vais pas vous faire l’affront de juger l’enquête proposée dans ce Péché mortel, tant tout y est mené de main de maître et que l’on suit son avancement du point de vue de De Luca, et pouvoir apprécier sa logique de réflexion. Il faut aussi préciser que Carlo Lucarelli n’est pas du genre à vous mâcher la lecture, chaque mot, chaque phrase sont importants et il arrive à nous faire ressentir l’ambiance qui régnait à cette époque dans des scènes mémorables comme celle du bombardement, où l’on ressent les soubresauts à chaque explosion.

Et puis, le contexte historique est parfaitement rendu, non pas par les événements qui vont se succéder mais par la réaction des différents protagonistes. Il faut bien avouer que la situation a dû être invivable pour le peuple italien. Imaginez : Alors que les Américains entrent en Sicile, Mussolini se fait virer et emprisonner. Le peuple se retourne contre les fascistes qui eux, retournent leur veste. A peine trois mois plus tard, les Allemands envahissent le nord de l’Italie et restaurent la dictature.

Carlo Lucarelli ne s’appesantit pas sur les événements mais se concentre sur leur impact en regardant la réaction des gens (et on n’est pas loin du Corps Noir de Dominique Manotti). Il y rajoute une bonne dose d’humour et de dérision. Outre son personnage de flic remarquablement complexe, son intrigue policière tordue, ce roman est une belle leçon d’histoire grâce à laquelle on apprend beaucoup de choses sur une période dont on a bien peu parlé.

Ce n’est qu’un début, Commissaire Soneri de Valerio Varesi

Editeur : Agullo

Traducteur : Florence Rigollet

Chaque année, je retrouve le Commissaire Soneri comme on rencontre un vieil ami. Lors de cette rencontre, nous devisons sur divers sujets qui bien évidemment dévient sur des sujets contemporains. Avec son air désabusé, il fait montre d’une lucidité remarquable et nous parle ici d’héritage.

Soneri regarde la pluie tomber sur Parme quand Juvara, son adjoint vient lui annoncer la découverte d’un corps. L’homme, retrouvé pendu avec une ceinture, a réussi à sectionner les barbelés enfermant le chantier et pénétrer dans ce lieu peu fréquenté avant de se donner la mort, qui remonte au moins à douze heures. Le problème qui se pose à Soneri est de découvrir son identité puisqu’aucun papier n’a été trouvé.

« Les suicidés sont beaucoup plus clairvoyants qu’on le croit. »

En sortant, Soneri voit une dépanneuse manœuvrer pour emmener une Vespa Primavera 125. Le petit scooter a été trouvé près d’un camp de Roms. Dans la valise du mort, Juvara y trouve des habits de marque. Alors qu’il déjeune avec son ami Nanetti, le téléphone vient les déranger : un homme vient d’être assassiné devant chez lui de 23 coups de couteau, pendant que sa compagne prenait sa douche.

« Les hommes vieillissent mieux que les motos. »

Franca Pezzani les reçoit en état de choc. Elle a entendu l’interphone de la porte, puis plus rien. Quand elle s’est inquiétée, elle est allée voir et a trouvé son mari mort, poignardé. Quand elle donne son nom, Guglielmo Boselli, Soneri se rappelle son surnom, Elmo, l’un des leaders du Mouvement Etudiant de 1968. Pourtant, pour lui, Elmo s’était rangé des affaires politiques. Bizarrement, la Vespa s’avère appartenir à Elmo ; la déclaration de vol date de 34 ans !

« Malheureusement, on a tendance à embellir tous nos souvenirs. La mémoire les arrange. »

Dans chaque roman, Valerio Varesi nous parle d’un aspect de la société avec un recul et une lucidité impressionnante, et propose sa vision avec plusieurs années d’avance. Il faut se rappeler que la série a commencé a être publiée en 2003 et montre des aspects dont on retrouve les conséquences aujourd’hui. Si on répertorie les romans sortis en France par rapport aux dates de publication italienne, on trouve :

Le Fleuve des brumes (2003) : Métaphore entre le Pô et l’état de l’Italie

La pension de Via Saffi (2004) : Regrets vis-à-vis de ses propres erreurs passées

Les ombres de Montelupo (2005) : Les erreurs sur le mauvais jugement de son père

Les mains vides (2006) : Le Nouveau Monde a choisi une idole unique : l’argent

Or, encens et poussière (2007) : La fracture entre les pauvres et les riches

La Maison du Commandant (2008) : Le rejet des étrangers et leur statut de boucs émissaires

La Main de Dieu (2009) : La place de la religion dans la société moderne

« le problème n’est pas tant la mort des autres, mais la part de nous-mêmes qui meurt avec eux. »

Ce roman est sorti en 2010 et aborde le sujet des révoltes communistes des années 60 et de l’héritage à la fois sur la société mais aussi, d’une façon plus intime, sur les conséquences des enfants des leaders. On y trouve une réflexion d’un des personnages interrogés qui dit, (je paraphrase car je n’ai pas retrouvé le passage exact) : Les communistes ont créé le bordel, et les gens veulent des règles, de l’ordre. Il n’est pas étonnant que le peuple se tourne vers l’extrême-droite qui leur promet de la discipline.

« Tout est bon à prendre, surtout quand on n’a rien. »

Quand on voit la situation actuelle de l’Italie, on mesure l’aspect visionnaire de Valerio Varesi. Avec son air débonnaire, son art de l’interrogatoire, où il laisse parler les gens mais sait les provoquer au bon moment, Soneri va réussir à démêler cette pelote de laine bien complexe en nous parlant de nous, en nous mettant en garde. Et après avoir tourné la dernière page, je me suis senti plus serein après ma discussion avec mon ami Soneri. On se donne rendez-vous l’année prochaine, bien entendu ! 

«  – Qu’avons-nous à voir avec la politique et tout ce qui s’ensuit ? se récria Coriani
– Rien, rien …, répéta Soneri, déçu et rempli d’amertume. Nous, on est seulement là pour ramasser les morceaux. »

Le tueur au caillou d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Avec cette troisième enquête (aventure) de Marco Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour et De rage et de vent, on reprend les ingrédients des deux précédentes, les mêmes personnages pour une histoire dramatique et rageante qui pose beaucoup de questions.

Milan voit ses températures augmenter avec le retour du mois de mars. Dans une cité HLM (Habitation pour Locataires Miséreux) que l’on surnomme la caserne, toutes les populations pauvres de différentes nationalités se côtoient. Ces barres d’immeubles comportant plusieurs milliers d’appartements sont vouées à la démolition. Faute d’argent, la municipalité a délaissé cette cité et ferme les yeux sur des mafias qui permettent à des familles pauvres de squatter moyennant un loyer versé en dessous de table.

Francisco habite là-bas et travaille dans sa propre entreprise en tant que décorateur de boutiques, en réalisant leur devanture. En rentrant, il fait part de sa colère envers son dernier client qui ne lui règle pas sa facture alors que le travail a été réalisé depuis six mois. Sa femme Chiara essaie de le calmer, en sachant qu’il a raison. Merde ! il ne peut pas se permettre avec sa petite entreprise de travailler gratuitement pour les riches ! Pour arrondir ses fins de mois, il stocke des équipements « tombés du camion » sur lequel il touche une commission.

Au centre-ville, Fabrizio Gotti, le propriétaire d’une chaîne de boucheries a été retrouvé assassiné au pied de sa maison. On lui a tiré une balle dans la poitrine et une dans la tête, à bout portant. Le brigadier Carella et le sous-brigadier Ghezzi penchent pour un amateur plutôt que la mafia. Chose étonnante : un caillou a été posé sur le corps. Pourvu que ce ne soit pas un tueur en série ! Il va être difficile de trouver une raison à ce meurtre, l’homme semblant honnête, inconnu des services de police.

Quand Cesare Crisanti, un architecte connu est retrouvé assassiné d’une balle dans la tête avec un caillou, la panique gagne la justice et la police. On ne peut décemment pas laisser cette affaire aux mains de la police milanaise. Rome décide d’envoyer sa propre équipe de spécialistes, accompagnée d’un profileur, pour calmer les médias. Ne voulant pas lâcher l’affaire, Carella et Ghezzi se mettent en congés avec l’accord de leur chef pour poursuivre l’enquête. Les deux morts ont été tués par deux armes différentes dont le seul point commun est qu’elles sont mal entretenues.

Encore un mois à tenir avant d’être dégagé de ses obligations envers l’émission qu’il a créée : Crazy Love ! Carlo Monterossi se demande ce qu’il va faire après. Katia Sironi, son attachée de presse l’appelle : sa mère a cédé aux belles paroles d’un vendeur de religiosités et s’est fait voler une bague valant des millions. Elle demande à Carlo et Oscar, un détective secret de la récupérer en dehors de tout circuit légal.

On retrouve dans ce roman tout le charme que j’avais trouvé dans les deux premiers, avec un meilleur équilibre entre l’humour et la colère de Carlo (et donc de l’auteur ?). On y retrouve de l’humour froid, du cynisme mais aussi un aspect humain et social que l’auteur endosse pour dénoncer les conditions de vie des pauvres travailleurs. Il faut voir comment ils se retrouvent essorés par la mafia calabraise et vivent dans des conditions lamentables alors que la police et les politiques ferment les yeux.

Déjà dans De rage et de vent, Carella et Ghezzi prenaient de l’importance dans l’intrigue. Ici on les retrouve au même niveau que Carlo et Oscar et les deux fils de l’histoire sont menés en parallèle pour se retrouver à la fin de façon totalement inattendue. Alessandro Robecchi nous construit ici une intrigue que l’on aura du mal à oublier, de celles qui nous placent face à un dilemme, à des choix impossibles à prendre, à des questions impossibles à répondre.

Alessandro Robecchi arrive à nous faire vivre dans les familles italiennes, arrive à nous plonger dans des discussions typiques, où les italiens parlent vite, nous enrobent dans des circonvolutions, des phrases sans fin. Et puis, il donne une importance de plus en plus importante aux femmes, Katrina la moldave cuisinière pour Carlo mais aussi Madame Rosa, la femme de Ghezzi qui occupe un rôle central, et pas seulement pour les plats délicieux qu’elle concocte pour Carella et son mari.

Avec ce roman, Alessandro Robecchi s’impose comme un auteur de premier plan dans le polar milanais. Il apporte un fort aspect social et a décidé de montrer comment la majorité des gens vivent, ceux qui travaillent et n’ont pas assez d’argent pour se loger et manger décemment. Ajouté à cela, on trouve une intrigue qui pose clairement la question de la justice et on se retrouve face à un dilemme qui nous fait réfléchir. Je peux vous garantir que vous n’êtes pas prêt d’oublier cette histoire immensément dramatique et tristement réaliste.

De rage et de vent d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Deuxième tome des enquêtes de Carlo Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour, ce roman change totalement le ton, car on passe d’un humour cynique agressif à de la rage pure et froide. Tout aussi excellent !

Andrea Serini, en tant que propriétaire de l’agence de vente de véhicules de luxe, tient absolument à fermer sa boutique et éteindre les lumières. Ce soir-là, un bruit de mouvement l’attire, quelqu’un est entré. Il se retrouve face à un vieux camarade qui veut retrouver son argent. Sous la menace, Andrea lui donne un nom, Anna Galinda, avant de prendre un balle en pleine tête. En sortant, un moine l’aperçoit et lui intime de s’arrêter. Il s’agit du sous-brigadier Tarcisio Ghezzi, qui n’a pas le temps de sortir son arme devant la rapidité de l’homme. En deux coups, il se retrouve assommé et son arme dérobée.

Carlo Monterossi, créateur de l’émission Crazy Love pour la grande usine à merde (la télévision) où il s’agit d’étaler au grand jour les histoires d’amour du grand public, veut depuis un certain temps stopper sa collaboration. Pour lui, ce concept est devenu indécent. Mais son agente Katia Sironi insiste : il ne peut pas partir comme ça, Ils sont prêts à lui offrir un pont d’or (sur lequel un touchera un copieux pourcentage). Elle veut qu’il rencontre le Boss en personne, Luca Calleri. Et contre toute attente, Carlo accepte.

Dans le restaurant de luxe, Carlo arrive en avance et assiste à l’arrivée du « Ponte », devant qui tout le monde plie. Son temps est compté, il n’accorde pas dix minutes à quiconque, et d’ailleurs, il ne mange pas et confirme qu’il compte sur Carlo. Dépité par cette attitude, Carlo finit au bar et est accosté par une femme. Tous deux boivent et Carlo raccompagne la jeune femme chez elle, la couche sur canapé et la couvre. En sortant, il claque la porte, avec un bruit sec, un CLAC qui résonnera longtemps dans la tête de Carlo. Le lendemain, il apprend qu’elle a été torturée et tuée avec le même revolver qu’Andréa Serini.

Par rapport au premier roman, qui étalait un humour cynique que j’avais adoré, cette deuxième enquête se révèle bien plus sérieuse. On y trouve bien quelques traits d’humour dans les dialogues ou quand il s’agit de se moquer des policiers. Mais le ton est irrémédiablement noir, à l’image de cette ville de Milan, balayée par un vent glacial, qui correspond bien au titre et à l’humeur de Carlo Monterossi.

Le décor hivernal anormal, ce vent infernal, fait ressurgir une rage froide, que Carlo va ressentir, ajouté à un sentiment de culpabilité envers la mort d’Anna Galinda. Il ne cessera de se rappeler cette porte se fermant dans un CLAC fatal, croyant qu’il est à l’origine de sa mort. Il va donc se lancer dans cette croisade pour dénicher les coupables et comprendre cet engrenage mortel.

Car derrière Carlo et son humeur noire, l’auteur nous montre combien les richards se servent des pauvres et rien de plus efficace que de mettre sur le devant de la scène les prostituées. Il nous montre une caste sans aucune pitié ni humanité, une frange d’ultra-riches fiers de leur impunité, usant et abusant de gens qui, finalement, ne peuvent qu’être définitivement les perdants de cette société.

A nouveau, on trouve dans ce roman colérique un scénario remarquable, complexe à souhait où les intrigues sont menées en parallèle entre Carlo, Ghezzi et Carella, où l’auteur nous imprègne de cette ville glacée par ce vent inhabituel. Cette deuxième enquête, très différente de la première, confirme que cette série est à suivre avec impatience, avec une mention spéciale pour Katrina, la cuisinière moldave de Carlo, une vraie mama qui prend soin de son protégé. 

Ceci n’est pas une chanson d’amour d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo & Agathe Lauriot Dit Prévost

Suite au billet de Jean-Marc Lahérrère, j’avais acquis ce roman et l’ai mis de côté. Maintenant que les trois tomes sont sortis, nous commençons donc une semaine complète dédiée à Alessandro Robecchi et son personnage récurrent Carlo Monterossi.

A voir les célébrités (que l’on appelle « stars ») squatter les émissions de télévision et étaler leurs problèmes de cœur, Carlo Monterossi a l’idée de transposer le concept auprès des gens du public et créé l’émission « Crazy Love ». Grâce à des scenarii concoctés aux petits oignons, l’émission rencontre un succès immédiat dès lors qu’il s’agit de regarder les malheurs de la ménagère, aidé en cela par la présentatrice vedette que tout le monde s’arrache Flora de Pisis.

Sauf que Carlo Monterossi ressent de la lassitude et veut arrêter de produire son émission pour « l’Usine à merde ». Quand un homme frappe à sa porte en voulant lui coller une balle entre les deux yeux, Carlo va faire appel à des deux amis Nadia et Oscar pour résoudre ce mystère plus tôt que la police ne serait capable de le faire.

Un homme riche monsieur Finzi fait appel à deux tueurs à gages pour résoudre un petit problème. Afin de pouvoir réaliser son centre commercial, il fait appel à un intermédiaire pour déloger des gitans du terrain. Mais l’affaire tourne mal, avec tirs de coups de feu et lancers de cocktail Molotov. Le bilan est lourd, deux morts côté gitans dont un enfant, et des policiers blessés. Il veut donc se débarrasser de l’intermédiaire incompétent.

En parallèle, les gitans ne peuvent pas laisser impuni cet acte meurtrier envers les leurs. N’ayant aucune confiance envers la police, et ils ont raison, ils vont mandater Hego et Clinton pour retrouver les assassins et les faire disparaitre de la surface de la Terre, ce qui ne serait pas une lourde perte.

Si vous ne le savez pas, je nourris une véritable aversion envers la télévision. Je ne peux donc que louer Alessandro Robecchi quand il l’évoque sous le terme « Usine à merde ». Et je m’attendais à détester Carlo Monterossi avant même de tourner la première page. Par son métier, scénariste et producteur d’émission de bas-étage (c’est mon opinion), Carlo pourrait ressembler à un chasseur de primes sans âme, courant après le profit en créant des émissions voyeuristes sans limites pourvu que cela lui ramène du fric.

Sauf que Carlo Monterossi, après avoir rencontré un succès incommensurable, songe à changer d’orientation devant son « bébé » qui devient de plus en plus obscène. Vous l’aurez compris, loin d’être un personnage exempt de tout reproche, nous avons affaire à quelqu’un en quête de rédemption, d’autant plus qu’on va vouloir attenter à sa vie. En comparaison, ses acolytes Nadia et Oscar sont plus effacés … mais attendons la suite de la série.

Par contre, les deux autres groupes permettent de profiter pleinement de l’humour de l’auteur, très cynique et bien noir comme je l’aime. Autant Carlo nous montre un humour noir et désabusé sur le Système, autant les tueurs à gages nous offrent des répliques d’une drôlerie irrésistible. Même certaines scènes prêtent à rire surtout dans la dernière émission de Crazy Love, flirtant avec du burlesque.

Enfin, Alessandro Robecchi a construit une intrigue retorse à souhait. Au-delà de faire avancer trois groupes indépendants n’ayant aucun lien, il va bâtir son édifice petit à petit et faire se rencontrer tout le monde, d’une façon totalement naturelle. On ne peut qu’être ébahi par cette maitrise mais aussi par le rythme global, même si on peut regretter quelques passages inutilement bavards et la présence d’un groupe néonazi qui aurait mérité à lui seul une enquête supplémentaire.

En conclusion, j’ai envie de dire : « Chouette, un nouveau personnage récurrent à suivre. » Mais il faut aussi souligner la remarquable acuité du monde de la télévision, la description de groupes néonazis, le ton personnel parsemé d’humour caustique et des personnages attachants. Ceci n’est pas une chanson d’amour, qui rappelle un titre de Public Image Limited, est une très bonne entrée en matière dans les affaires de Carlo Monterossi.

L’illusion du mal de Piergiorgio Pulixi

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons-Reumaux

Dans L’île des âmes, nous faisions la connaissance de Mara Rais et Eva Croce, la première sarde et mutée aux affaires non élucidées et la deuxième milanaise ayant demandé sa mutation suite à la mort de sa petite fille. Autant L’île aux âmes faisait la part belle aux paysages et aux légendes de la Sardaigne, autant nous nous retrouvons dans un pur thriller qui respecte à la lettre les codes du genre. Un thriller de haut vol, 600 pages avalées en trois jours seulement.

Le verdict vient de tomber dans le procès d’un pédophile avéré et stupéfie l’assistance. Le beau-père ayant abusé de la jeune fille est acquitté parce qu’à force de faire trainer en longueur les délais d’enquête, les faits qui lui sont reprochés sont devenus prescrits. La présidence du tribunal ne peut que commencer son annonce par des excuses : « Je vous demande pardon au nom du peuple italien pour cette grave injustice dont nous avons tous conscience… »

Après avoir remercié son avocat, Daniele Truzzu rentre chez lui. A son domicile, un homme l’attend et l’endort. Plus tard, ce jour-là, une vidéo est postée sur Whatsapp. On y voit Truzzu attaché sur une chaise, les dents arrachées, la bouche ensanglantée. Puisque la justice ne peut faire son travail, le peuple devra voter sur le sort du violeur. Le ravisseur donne trois heures aux gens pour entre la vie et la mort.

Eva, en pèlerinage sur ses terres natales à Belfast, reçoit un appel de Mara. Elle doit vite revenir pour retrouver le violeur, dont les dents ont été offertes dans un sac en plastique à la victime de Truzzu, sa belle-fille. Quand la vidéo déferle sur les réseaux sociaux, tout le monde ne parle que de cela. En haut lieu, à Milan, tout le système judiciaire est sur les dents (désolé, je n’ai pas pu m’empêcher de la faire !). On dépêche sur place un excellent policier habitué aux cas difficiles, Vito Strega.

« En Italie, le meurtre vend plus que le cul. » Luana Rubicondi a commencé comme simple journaliste avant d’arriver devant les écrans pour les informations télévisées. Approchant de la cinquantaine, après un passage au télé-achat, elle a profité du regain d’intérêt pour les faits divers et créé son émission Verdict. Quand elle apprend l’existence de la video du Dentiste, elle change son programme et improvise une émission spéciale qui va mettre le feu aux poudres.

Les qualités qu’attendent les fanas du thriller peuvent se résumer en quelques mots : des personnages forts, une histoire prenante et du rythme. Ce que j’attends des thrillers, c’est une belle écriture et un thème qui permet d’élever le débat au dessus d’une simple course poursuite après un serial killer. Avec ce roman là, les fanas du genre vont être comblés et j’ai été happé, ébloui par ses qualités et les différences avec le premier roman.

On retrouve avec une joie non dissimulée nos deux inspectrices dont tous les traits de caractère sont aussi opposés que l’eau et le feu. Malgré cela, elles forment un duo imparable, implacable et redoutablement efficace. A la limite, on n’avait pas besoin de Vito Strega sauf pour les scènes finales. S’il n’est pas nécessaire d’avoir lu L’île des âmes auparavant, je vous conseille tout de même de la faire, pour deux raisons : vous appréhenderez mieux les personnalités de Mara et Eva ainsi que la Sardaigne ; et il vient de sortir au format poche.

L’histoire est implacablement menée, avec ses morts toutes les deux cent pages, le passage d’un personnage à l’autre, les dialogues qui claquent, des phrases courtes, les chapitres qui ne dépassent que rarement les quatre pages. Toutes ces qualités font que cela nous pousse à aller toujours plus loin, à vouloir connaitre la suite et ne pas le lâcher. De ce point de vue là aussi, ce roman est une grande réussite.

Enfin le sujet qui se rapproche de 7 milliards de jurés ? de Frédéric Bertin-Denis, fera forcément réagir beaucoup de gens. L’état étant le garant du progrès de la société, il est inadmissible que les budgets de la justice soient sabrés, que les procès trainent en longueur et que des coupables évidents s’en sortent avec des dessous de table ou juste un avocat doué. Piergiorgio Pulixi s’en sort remarquablement bien en abordant tous les points de vue et en cela, ce roman s’avère bigrement passionnant aussi.

Allez, je vais chipoter un peu, alors que ce thriller est réellement un excellent roman. Tout d’abord, comme je l’ai dit, le personnage de Vito Strenga n’était pas nécessaire, sauf pour la fin. Ensuite, il a tendance à insister sur le mal-être de Mara, sur la dureté d’Eva, et cela se voit, même si j’apprécie Eva. Enfin, les événements, c’est à dire chaque kidnapping, interviennent de façon un peu trop rythmé (toutes les 150 pages environ) et j’aurais aimé un peu plus de surprise. Mais au regard du plaisir que j’ai eu à le lire, je chipote.

Ne ratez pas cet excellent thriller, il en vaut largement le coup.

Le tailleur gris d’Andrea Camilleri

Editeur : Métailié (Grand Format) ; Points (Format poche)

Traducteur : Serge Quadruppani

A coté des enquêtes du célèbre commissaire Montalbano, le regretté Andrea Camilleri nous offre par moments des romans orphelins. Celui-ci se présente comme un roman intimiste sur le doute et la confiance.

Un banquier quinquagénaire, veuf depuis dix ans, se retrouve à la retraite et passe d’une vie professionnelle chargée à une activité quasi-nulle. Il a rencontré Adèle, lors de la mort de son mari, habillée de son impeccable tailleur gris et en est tombé amoureux. Puis ils se sont mariés, malgré leurs 25 années de différence. Ajouté à sa beauté renversante, le banquier a pu apprécier l’appétit sexuel d’Adèle.

Puis, avec sa retraite, ils ont commencé à faire chambre à part. Tout juste pouvait-il assister à Adèle en train de s’habiller. Pour lui, cela ne fait aucun doute, Adèle le trompe. Pourtant, Adèle semble débordée par toutes ses activités, faisant partie de nombreux comités. D’ailleurs, grâce à son manque d’activité, il arrive à la suivre et la découvre au bras d’un jeune homme sportif, devant un motel miséreux.

Alors qu’il est contacté par le fils d’une connaissance pour tenir un poste de direction dans une entreprise douteuse, probablement en lien avec la mafia, il se demande si Adèle n’a pas œuvré en douce pour qu’il obtienne cet emploi. Se pose pour lui la question de l’infidélité de sa femme, de l’utilité de continuer son activité professionnelle, et d’un problème de santé qui vient de se déclarer.

Il s’agit ici d’un roman introspectif, dont le personnage central est notre banquier, à l’aube d’une nouvelle vie. Et qui dit nouvelle vie, dit décision à prendre quant à la suite à donner à sa vie. Nous assistons donc aux questionnements de notre retraité confronté à des choix cornéliens difficiles à prendre.

Sachant qu’il ne pourra pas se séparer de sa femme, car il n’envisage pas de vivre seul, il est assailli de doutes qui lui posent plus de questions qu’ils ne lui apportent de réponses. Nous le suivons dans cette narration au rythme lent tout en éprouvant pour lui de l’affection et même de la pitié.

Comme la narration se fait du point de vue du retraité, donc nous ne connaitrons pas le nom, les questions qu’il se pose vont se multiplier sans que nous ayons toutes les réponses. Mais ce roman est une formidable démonstration sur la vieillesse, sur la confiance, la jalousie et la difficulté de prendre des décisions fortes. Et même si ce roman est court, on n’est pas prêt de l’oublier.

Une vérité changeante de Gianrico Carofiglio

Editeur : Slatkine & Cie

Traducteur : Elsa Damien

J’avais découvert Gianrico Carofiglio avec son personnage d’avocat Guido Guerrieri et j’avais adoré Les yeux fermés, un roman court qui se termine par un coup de poignard. Nous avons droit ici à un nouveau personnage, le Maréchal Pietro Feniglio et à un retour dans les années 90.

1989 à Bari. Cardinale Lorenzo, le célèbre braqueur de banque, est signalé à la Polyclinique où il est venu, accompagné son fils pour faire un scanner cérébral. Le Maréchal Pietro Feniglio se rend sur place et voit entrer la famille. Il préfère les rencontrer seul à seul, et laisse le temps à Lorenzo de connaitre le résultat de l’examen avant de l’emmener sans effusion de sang ni violence.

Le Maréchal Pietro Feniglio n’a pas le temps de se reposer. Le corps de Fraddosio Sabino est retrouvé égorgé dans son appartement. En arrivant sur place, il monte à l’appartement et sent un parfum. Puis il interroge Cassano Lattarulo, une voisine qui a vu un jeune homme s’enfuir, après avoir donné comme excuse qu’il s’était trompé d’adresse. Elle l’a vu jeter un sac en papier dans une benne à ordures, et a noté le numéro d’immatriculation de sa voiture.

Cette affaire semble rondement menée, presque trop facile tant il lui suffit de trouver le jeune homme que tout accuse. Dans la benne, les policiers trouvent bien un sac en papier et le couteau. L’identification de la voiture les conduit à un dénommé Michele Fornelli, propriétaire d’un magasin de vêtements de luxe. Mais il est trop âgé pour être la personne aperçue par la voisine. Peut-être s’agit-il de son fils ?

Bizarrerie de l’édition française, l’année dernière sortait L’été froid, la deuxième enquête du Maréchal Pietro Feniglio, et voici donc la première. J’ai donc attendu un an pour ne pas lire cette série à l’envers. Et je me suis retrouvé dans un roman très court, à l’intrigue très simple et aux personnages bien marqués, et bien marquants.

Car oui, le Maréchal occupe toute la place sur la scène, avec ses intuitions, sa curiosité acérée, l’utilisation de ses cinq sens, et son humanité. Bien qu’il promène sa mine que l’on imagine nonchalante, on le suit dans ses interrogatoires ciblés et ses quelques pensées qui sont surtout des questionnements. On ne voit apparaitre que rarement sa femme, par conte j’ai apprécié le clin d’œil avec l’apparition de Guido Guerrieri.

Malgré un scénario simple, ce roman qui se contente de nous présenter ce nouveau personnage récurrent comporte une intrigue terrible et un style rapide et bigrement efficace. On n’y trouve pas un mot de trop, Gianrico Carofiglio va à l’essentiel, même dans les dialogues remarquablement directs. Il ne me reste plus maintenant qu’à lire L’été froid, qu’on se le dise.