Le chouchou du mois de février 2017

En ce mois de février, j’ai inauguré une nouvelle rubrique : Espace BD. J’ai en effet eu l’occasion de lire deux adaptations des romans de HG.Wells, scénarisées par Dobbs. Si j’ai apprécié l’unité des dessins alors que ce sont deux dessinateurs différents qui ont signé les 2 volumes, le format BD m’a paru court pour La machine à explorer le temps, alors que La guerre des mondes m’a vraiment plu, du moins le premier tome sorti. C’est Glénat qui édite ces Bandes Dessinées.

J’ai continué aussi de lire des novellas, en regardant du coté de La Manufacture de livres. Vagabond de Franck Bouysse (Manufacture de livres) est stylistiquement parfait, et Albuquerque de Dominique Forma (Manufacture de livres) est de facture plus classique et on prend beaucoup de plaisir à arpenter la Route 66.

Trois de mes auteurs favoris sont passés à l’autopsie ce mois : Brutale de Jacques-Olivier Bosco (Robert Laffont-La Bête noire) est un pur roman d’action comme sait les faire. La voix secrète Michaël Mention (10/18) est peut-être une réédition, mais j’ai eu l’impression de lire un autre livre, plus complet, plus prenant, plus réussi. Enfin, avec Dans l’ombre d’Arnaldur Indridason (Métaillé), on est plongé en pleine deuxième guerre mondiale pendant l’occupation de l’Islande par les Britanniques puis les Américains. C’est une nouvelle réussite, très éloignée des enquêtes d’Erlendur.

Ce qui marquera ce mois de février, ce sera l’originalité de traitement dans les intrigues. Avec Le vrai du faux et même pire de Martine Nougué (Editions du Caïman), cette auteure confirme son talent de peindre des ambiances en s’intéressant aux gens, qui font avancer l’intrigue. American requiem de Jean Christophe Buchot (Editions La Renverse) est un livre attachant qui part du principe que JFK nous parle de lui et c’est passionnant. Derrière les portes de BA.Paris (Hugo & Cie) est un thriller qui peut paraitre simple mais c’est cette simplicité qui fait mouche, qui sonne vrai. Duel de faussaires de Bradford Morrow (Seuil) nous plonge dans l’univers des faussaires, et délivre un beau message d’amour des livres.  Irezumi de Akimitsu Takagi (Denoel) enfin, est un pur roman policier qui date de 1948 et qui nous dévoile le Japon, ses traditions, sa philosophie et tout le mystère qui entoure les tatouages, véritables œuvres d’art.

Pour le titre de chouchou du mois, j’aurais pu choisir un auteur que j’adore. J’ai préféré mettre en avant un jeune auteur qui écrit des romans policiers en abordant des thèmes importants, tout en gardant une originalité dans le traitement. Gymnopédie pour une disparue d’Ahmed Tiab (Editions de l’Aube) nous parle des racines, et de leur importance dans la vie que nous nous construisons. C’est aussi pour cette thématique et sa subtilité de traitement qu’il fait un beau chouchou du mois, estampillé Black Novel.

J’espère que vous trouverez votre bonheur de lecture parmi ces avis. Je vous donne rendez vous le mois prochain pour un nouveau chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal : lisez !

 

La voix secrète de Michaël Mention

Editeur original : La Fantascope

Réédition en format poche : 10/18

Ce roman tient une place particulière dans mes souvenirs littéraires, puisque c’est grâce à celui-ci que j’ai découvert le talent de Michaël Mention. A l’époque, c’était Unwalkers qui avait attiré mon attention sur les deux polars de cet auteur. Puis, j’ai rencontré plusieurs fois Michaël dans des salons, et j’ai découvert quelqu’un de profondément humain, qui a des choses à dire, et qui les dit bien, quelque soit le style ou le genre qu’il choisit.

Quand Michaël m’a parlé de cette réédition, c’était à Quais de Polar, l’année dernière. Il était tout heureux de m’annoncer cette réédition, en me disant qu’il avait repris tout le roman, y ajoutant des ambiances, des bruits, des odeurs pour mettre en valeur cette époque de la fin 1835, tout en en gardant la trame et l’intrigue. Je me rappelle que j’avais été dubitatif, car je considère qu’un livre doit vivre sa vie …

Puis, lors d’une rencontre à Paris, au début de cette année, Michaël m’a demandé si je l’avais lu. Je lui ai avoué que non, je ne l’avais pas ouvert, que je n’étais pas très chaud car je ne voulais pas entacher mes souvenirs de ma lecture précédente. Finalement, je me suis décidé à le relire, et je peux vous dire que le nombre de livres que je relis est très faible. Et je ne le regrette pas du tout. Car j’ai eu l’impression de lire un autre livre. Cette lecture m’a aussi confirmé que j’avais raison de faire une confiance aveugle dans ses écrits, tant Michaël est capable de passer du thriller au roman noir, du polar au roman historique avec toujours autant de talent et de passion.

Je ne vais pas paraphraser ce que j’ai écrit à propos de ce roman lors de mon premier billet que vous pourrez lire ici.

Nous sommes en décembre 1835. Pierre François Lacenaire, célèbre tueur en série et poète, attend sa mort prochaine dans sa cellule de la Conciergerie. Son exécution est prévue dans un mois, et il jouit de beaucoup d’égards : bons repas, visites d’amis et de connaissances, confort quant à la rédaction de ses mémoires. Durant ce mois de décembre, un tueur d’enfants sévit sur la capitale. Chaque corps porte des marques qui sont identiques à celles relevées sur des victimes de Lacenaire. Allard, le chef de la Sureté va être chargé de cette enquête qui va s’avérer explosive et destructrice pour ces deux personnages autant que pour le pouvoir en place.

Dans mon billet précédent, je parlais de ce charme qui ressortait du personnage de Lacenaire. Avec cette nouvelle lecture, j’ai eu l’impression qu’après avoir dessiné les personnages, Michaël Mention y a dessiné les décors. Et c’est un décor fait de désolations, de pourritures, de miséreux à tous les coins de rue. Les odeurs, les rues sombres et poussiéreuses viennent en opposition avec la cour du roi Louis-Philippe, qui est conscient de la misère de son peuple et ne lui propose que des apparitions luxueuses. On parcourt les rues au bruit des sabots des chevaux, on partage les quignons de pain des prisonniers.

Des personnages à l’ambiance de ce Paris du 19ème siècle, Michaël Mention nous en met plein les yeux, plein les oreilles, plein le nez, et en profite pour nous peindre une société qui a bien peu changé, où les pauvres vivent dans la misère et les riches au milieu de leurs ors. La voix secrète, version 2017, s’avère un polar historique certes, mais qui ravira tous les lecteurs avides de découvrir une nouvelle voix du polar, qui ne doit pas rester secrète.

Le vrai du faux et même pire de Martine Nougué

Editeur : Editions du Caïman

Nous avions laissé la lieutenante Pénélope Cissé en pleine affaire politicienne lors des Belges reconnaissants, et j’étais très curieux de lire son deuxième roman, ayant pour personnage principal la même Pénélope. Ce deuxième roman confirme tout le bien que j’ai pu ressentir à la lecture de son premier roman.

Armand Rouquette et Jocelyn Cabrol se réveillent enchainés dans une cave. Ils sont là depuis au moins vingt quatre heures, et leurs chaines les empêchent d’aller ne serait-ce qu’au fond de cet endroit sombre. Entre Armand et son bistrot qui fait aussi maison close, et Jocelyn qui possède la plus grosse exploitation d’ostréiculture à force de harceler ses concurrents, on ne peut pas dire que ces deux oiseaux-là soient innocents comme l’agneau qui vient de naitre. Ce que les deux gus ne comprennent pas, c’est pourquoi Jojo, le benêt du village, les a drogués puis enfermés là. Il y a forcément quelqu’un derrière ses actes ! Puis, le soir venu, c’est un troisième homme que Jojo amène, le fameux Louis Guidoni, le petit caïd local.

Pénélope Cissé débarque de Dakar avec sa fille, Lisa-Fatouh, 11 ans. Elles débarquent chez Luigi, un homme débonnaire et bouquiniste qui a une librairie dans le centre de Sète. Luigi a accepté de s’occupé de la petite fille pendant que Pénélope retourne au travail. Elle a la « joie » d’y trouver un couple de consultants, experts en management, qui doit améliorer l’efficacité du commissariat. Pour commencer cette affaire des trois disparus, Pénélope décide d’aller voir la mamie du coin, Marceline Dangelo, 80 ans bien tapés.

Même si Pénélope tient un peu plus le devant de la scène que dans le premier, Martine Nougué nous sert la même méthode que pour son premier roman, à savoir mettre les gens au centre de l’intrigue. Je peux donc dire sans trop me tromper que c’est là sa marque de fabrique. Et je peux vous dire que c’est avec un énorme plaisir que l’on parcourt les alentours de l’étang de Thau, et en particulier le quartier de la Pointe, que l’on s’installe à la terrasse d’un café pour écouter les gens du cru deviser des événements. L’immersion en est impressionnante et la façon de faire impeccable. Pour vous en rendre compte, j’ai lu ce roman en une journée (240 pages tout de même !).

Concernant Pénélope, que tout lecteur va très vite adorer, on en sait guère plus sur son passé, et on peut penser que ce mystère se lèvera tout doucement en temps voulu. Reste que le couple (façon de parler) formé par Luigi et Lisa-Fatouh a tout pour faire craquer même les plus durs et que l’intrigue, même si elle est simple, s’avère tout de même à la fois fort bien pensée et fort bien amenée.

Voilà donc un deuxième roman, en forme de confirmation d’un nouveau talent pour le roman policier français. Car tout tient dans les personnages, et pour entendre de belles histoires, il suffit d’écouter les gens. C’est ce que propose Martine Nougué, et de bien belle façon. Et comme cela se passe en été, on a hâte que les températures remontent pour aller visiter ce coin si chaleureux.

Ne ratez pas les avis des amis Claude et Genevieve

Dans l’ombre d’Arnaldur Indridason

Editeur : Métaillié

Traducteur : Eric Boury

Si vous suivez ce blog, vous savez que je suis un fan d’Arnaldur Indridason, et en particulier des enquêtes ayant pour personnage récurrent Erlendur, un personnage attachant et profondément humain. On sentait depuis quelque temps qu’Indridason voulait écrire autre chose, sortir des intrigues mettant en scène son inspecteur fétiche. Et je dois dire que j’ai été moins passionné par ces romans où Erlendur n’apparaissait pas, sauf Betty, un bel exercice de style et un hommage aux polars de la grande époque.

Cette fois ci, Arnaldur Indridason se penche sur la période de la deuxième guerre mondiale, période où l’Islande a été occupée par les armées britanniques avant d’être remplacées par les armées américaines. C’est ce que les Islandais ont appelé « La Situation ». Avant cette période, l’Islande était un pays d’agriculteurs et de pêcheurs. Cette période est vue par les habitants comme un passage brutal à l’ère moderne avec ce que cela comporte de violence et de criminalité.

Reykjavik, 1941. Un représentant de commerce rentre chez lui d’un voyage d’affaires et ne trouve pas sa compagne à la maison. Il est vrai que, quand il est parti, ils se sont engueulés avec Véra, et qu’il a préféré faire la sourde oreille et s’en aller. Il décide de sortir la chercher.

Un homme a été retrouvé assassiné chez lui d’une balle dans la tête, tirée par derrière. Cela ressemble à une exécution, genre de crime dont la police islandaise n’a pas l’habitude de voir. Flovent, un jeune inspecteur de la police criminelle et qui a fait un stage à Scotland Yard va être chargée de l’affaire. En observant la scène du crime, il trouve une balle, que l’on utilise avec des revolvers américains.

Quand il remonte cette information à son chef, celui-ci en fait part aux occupants qui vont lui adjoindre Thorson, un inspecteur de la police militaire. Ce dernier a l’avantage d’être issu d’une famille islandaise qui a migré au Canada. Les deux hommes vont travailler ensemble et vont être bien surpris quand le bailleur de la victime ne reconnait pas le corps. Mais qui peut bien être ce mort ?

On va en parler de l’abandon de Erlendur ! Et on a l’impression qu’Indridason a voulu ses nouveaux personnages complètement différents de son inspecteur fétiche. Là où Erlendur est humain, à l’écoute, peu bavard et renfermé sur lui-même, Flovent et Thorson ont la fougue de la jeunesse. Ils sont énergiques, n’hésitent pas à bousculer les témoins, à insister sur des questions et sont ouverts aux autres. Ils travaillent aussi très bien ensemble, ne se cachant rien des progrès de l’enquête. Ces deux-là s’avèrent être l’exact opposé d’Erlendur, quitte à ce que le trait soit parfois un peu gros.

Comme dans Le Lagon Noir, Arnaldur Indridason revient sur la transformation de la société islandaise due à la présence des Anglais puis des Américains. Si cela ressemble à une invasion, tel que c’est présenté ici, il n’en est pas moins qu’Indridason confirme et appuie son propos en montrant comment s’est développée la violence, la circulation des armes ou bien l’apparition de la prostitution. A croire l’auteur, l’Islande était auparavant un paradis terrestre avant que les soldats ne débarquent.

Mais je ne veux pas caricaturer le propos de l’auteur, et juste évoquer mon opinion. Car le sujet (ou l’un des sujets) est bien le nazisme et la recherche par les nazis des origines de la race parfaite, la race aryenne. Ici, on aura droit à un chercheur docteur qui fera des recherches sur l’origine de la criminalité, partant du principe que le Mal est inscrit dans les gênes des personnes déviantes. Et comme d’habitude, avec Arnaldur Indridason, on apprend beaucoup de choses sans en avoir l’air.

L’aspect historique ne fera pas d’ombre à la force des personnages, aussi bien les perosnnages principaux dont j’ai déjà parlé que les personnages secondaires, avec des figures d’une force (et en particulier une relation homme/fils que j’ai beaucoup apprécié). On peut penser que cela fait beaucoup de thèmes abordés dans un roman de 330 pages. C’est sans compter avec le talent de l’auteur et la fluidité de son style qui fait que, malgré certains noms islandais, on n’est jamais perdus. Et du déroulement de l’intrigue à la présence des personnages, ce premier tome de la trilogie s’avère un vrai beau boulot de professionnel d’auteur de romans policiers. Il ne reste plus qu’à attendre le mois d’octobre pour lire la suite.

American Requiem de Jean-Christophe Buchot

Editeur : Editions La Renverse

Illustrations : Hélène Balcer et Yann Voracek

C’est un tout petit roman, mais quand on le tient en main, on sent que ce que l’on va lire va être grand. Ce n’est pas un polar, ce n’est pas un essai, mais plutôt une confession. Imaginez que JFK nous parle du royaume des morts …

Quatrième de couverture :

« Aujourd’hui ça commence. Aujourd’hui je suis mort. »

Depuis l’autre côté, la voix de JFK nous parvient par éclats, esquilles, fragments de souvenirs se réunissant telles les pièces d’un puzzle onirique et pourtant parfaitement documenté.

Il a fallu sept ans à Jean-Christophe Buchot pour écrire ce roman noir qui tient tout autant de la poésie que de l’essai.

« Coincé à l’arrière de ma Lincoln Continental, je rêve d’un avion qui m’emporterait au-delà de la vérité », nous confie le président assassiné… Et si les faits, seuls, ne suffisaient pas à faire émerger la vérité ? S’il fallait les soumettre à l’épreuve de la littérature pour qu’éclate enfin toute la lumière ?

Mon avis :

Le premier plaisir démarre quand on tient le livre entre les mains. Avec sa couverture cartonnée toute noire et cette écriture comme un tag sur un mur, ou une épitaphe sur une tombe, la découpe du roman non rectangulaire (de travers) nous prépare à un voyage pas comme les autres. Puis, on découvre, juste après le titre, une illustration, une sorte de peinture d’un homme qui regarde une famille devant une tombe. C’est juste magnifique !

Agrémentée de peintures qui intègrent des photos et de nombreuses citations issues de poètes du 19ème et 20ème siècle, ce court roman prend le parti d’imaginer ce que dirait John Fitzgerald Kennedy d’entre les morts. JFK passe en revue sa famille qui, en quatre générations, est arrivée au sommet de l’état, presque au sommet du monde. JFK parle de son frère ainé, qui était destiné aux plus hautes fonctions et qui est mort en héros pendant la deuxième guerre mondiale. JFK parle de son complexe vis-à-vis de lui, du drame de se voir dénigré par son père, de ses regrets à propos de son amour de jeunesse, des morts qui ont parsemé son parcours, de ses erreurs avant, pendant et après son règne. JFK parle aussi de sa vision du monde, de ses rêves, de sa mort voulue, pressentie, pour se poser en tant que martyr de la guerre.

Plein de bons sentiments, accusant les lobbys de la guerre, ce roman s’avère par moments un peu naïf, simple par rapport à la situation géopolitique de l’époque. Et il est surtout le portrait d’un homme avec ses rêves, ses envies, ses cicatrices, ses regrets, et ses messages qui sont autant de phrases à garder en mémoire. Finalement, c’est un roman poignant, attachant, plein d’espoir, que tous les fans de la famille Kennedy et tous les autres doivent lire pour le portrait d’un homme seul qui a tous les pouvoirs en main, tant d’actions à réaliser et si peu de temps pour le faire.

Ce roman étant édité par une petite maison d’édition, Les éditions La Renverse, il vaut mieux le commander directement chez eux. C’est ici .

Brutale de Jacques-Olivier Bosco

Editeur : Robert Laffont – La Bête Noire

C’est avec un grand plaisir que je vous présente le tout dernier Jacques-Olivier Bosco, dit JOB. Et quand on attaque un livre de JOB, il vaut mieux avoir la santé, car ça va vite, très vite. Place à l’action !

Quatrième de couverture :

Elle est jeune. Elle est belle. Elle est flic. Elle est brutale.

Des jeunes vierges vidées de leur sang sont retrouvées abandonnées dans des lieux déserts, comme dans les films d’horreur. Les responsables ? Des cinglés opérant entre la Tchétchénie, la Belgique et la France. Les mêmes qui, un soir, mitraillent à l’arme lourde un peloton de gendarmerie au sud de Paris.

Que veulent-ils ? Qui est cet « Ultime » qui les terrorise et à qui ils obéissent ?

Face à cette barbarie, il faut un monstre. Lise Lartéguy en est un. Le jour, elle est flic au Bastion, aux Batignolles, le nouveau QG de la PJ parisienne. La nuit, un terrible secret la transforme en bête sauvage. Lise, qui peut être si douce et aimante, sait que seul le Mal peut combattre le Mal, quitte à en souffrir, et à faire souffrir sa famille.

Mon avis :

Je connais peu d’auteurs qui œuvrent sur le créneau du roman d’action pure. Je connais encore moins d’auteurs qui le font avec un tel talent. Comme je le disais plus haut, quand on ouvre un livre de JOB, il vaut mieux être en bonne santé, et se préparer à un sprint. Avec Brutale, le sprint va durer 400 pages, dans une course effrénée contre des monstres qui, je l’espère, n’existent pas et n’existeront pas.

Il ne faut pas chercher de message dans ce livre, mais pour autant, on y retrouve les mêmes thèmes qui sont la justice ou l’injustice, et la vengeance expéditive. Le personnage qui va incarner ces thèmes se nomme Lise Lartéguy. Depuis sa plus tendre enfance, elle a des accès de violence qui mettent en danger ses proches. Grace à son père, elle entre dans la police et s’avère être une enquêtrice chevronnée mais totalement hors contrôle. Et lors de ses accès de rage meurtrière, elle devient aussi féroce et mortelle que les ennemis qu’elle pourchasse.

Et c’est parti pour 400 pages de folie. JOB maitrise parfaitement le sens du rythme, alternant les scènes d’action effarantes avec des pauses fort bien venues où il peut approfondir la psychologie de ses personnages. Cela donne un livre que l’on ne peut pas lâcher de la première à la dernière page. Je peux vous garantir qu’il y a des scènes d’action dans ce roman qui sont tout simplement époustouflantes, tout cela grace à ce style si évocateur et visuel et aussi grace à cette faculté de ne dire que ce qui est nécessaire.

Il faut tout de même ajouter que le but des romans de Job n’est pas d’être toujours crédible. Les méchants sont très méchants, les innocents sont gentils. Les traits sont grossis à la limite de la caricature, comme ce que fait Tarantino au cinéma. Et quand il nous lance dans le feu de l’action, la lecture est tout simplement jouissive. J’y ai juste trouvé quelques indices qui tombent du ciel pour guider Lise dans sa quête et j’ai trouvé cela dommage.

Par contre, j’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver un personnage que j’aime beaucoup (le Cramé) ainsi que Mako (hommage à Laurent Guillaume), croisés au fil des pages. Et puis, j’y ai trouvé une bande son qui me parle, essentiellement rock (AC/DC, Unwalkers, U2 …) ou bien faite de bruit et de fureur, avec quelques passages de douceur dont Amy Winehouse. Cela donne aussi le ton de ce livre, qui alterne entre action et calme et qui procure une sensation de passer du bon temps. De la bonne vraie littérature divertissante et populaire, quoi !

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude

Derrière les portes de B.A.Paris

Editeur : Hugo&Cie

Traducteur : Luc Rigoureau

C’est à la suite d’une discussion avec Jeanne Desaubry, puis du billet de l’ami Yvan, puis de l’insistance de ma femme, que je me suis jeté sur cette lecture. Je dois dire que le fait que ce soit un premier roman était un argument supplémentaire. Et pour un premier roman, c’est assez époustouflant.

Grace est une commercial de fruits et légumes pour les magasins Harrod’s. Depuis que ses parents sont partis vivre leur retraite en Nouvelle Zélande, elle s’occupe du mieux qu’elle peut de sa sœur trisomique Millie. Etant très souvent en déplacement en Amérique du Sud, Grace a placé Millie dans une école spécialisée et passe les week-ends où elle est là avec sa sœur.

C’était une après midi comme une autre, un de ces samedis ensoleillés où il fait bon piqueniquer dans un parc et jouer aux cartes, allongé sur la pelouse. Quand une musique se fait entendre, Millie se met à danser juste à coté d’un kiosque. C’est alors qu’un homme se lève et invite Millie à danser. Pour Grace, outre que cet homme est très beau, c’est le coup de foudre. Il s’appelle Jack Angel.

Jack est un avocat à succès qui défend les femmes victimes de maltraitance conjugale. Jack va faire la cour à Grace, demander sa main à ses parents et ils vont projeter de se marier. Leurs amis voient en eux le couple idéal, ils sont faits l’un pour l’autre. Jack prévoit un voyage de noces en Thaïlande et comme cadeau de mariage une maison à la campagne. Le jour du mariage, Millie qui doit être la demoiselle d’honneur, se casse une jambe. Ce n’est que le début du cauchemar de Grace.

Il y a une certaine naïveté dans ce roman, de premier degré, qui fait que le lecteur est immédiatement plongé dans la psychologie de Grace, puisque c’est elle qui nous raconte son histoire. Et c’est cette naïveté, cette fraicheur qui font que la recette fonctionne si bien. Mais il n’y a pas que ça : Le roman est construit en alternance entre passé et présent, et il s’ouvre sur une scène actuelle où le couple Angel reçoit deux couples d’amis. Effectivement, dans cette scène, on voit bien que Jack et Grace forment le couple idéal … si ce n’est qu’il y a quelques remarques, quelques sous-entendus qui vont faire que l’on se pose des questions … Ces questions vont se muer en malaise jusqu’à la scène du mariage où nous entrons dans le vif du sujet !

L’intérêt n’est pas dans la tension inhérente à une situation de torture mentale mais bien dans la réaction de Grace face aux maltraitances, ou devrais-je dire à la torture psychologique  que va lui infliger son mari Jack. Et si certaines situations peuvent paraitre peu crédibles, BA. Paris s’en sert pour montrer une Grace aux abois, faisant tout ce qui est en son pouvoir pour tout encaisser et espérer sauver Millie.

Il n’y a rien de nouveau dans le thème choisi, mais l’originalité tient dans ce fragile équilibre que l’auteure créé entre les événements et la réaction de Grace, en évitant des scènes granguignolesques et surtout en ne transformant jamais Grace en Super-héroïne. Sans aucune violence inutile autre que psychologique, BA Paris va nous tenir en haleine, dans un final d’une simplicité confondante mais d’une efficacité maximale.

A part quelques scènes (très rares) où je n’ai pas accroché (au début surtout), je dois dire que je n’ai pas lâché ce livre, à la fois avide de savoir comment cela pouvait finir, mais aussi traversé par une sorte de culpabilité à regarder les autres vivre. Et c’est bien un aspect très intéressant de ce livre : placer le lecteur en position de voyeur et deviner ses réactions en écrivant celles des amis de Grace. Franchement, je ne peux que vous conseiller de lire ce premier roman qui m’a beaucoup étonné par sa simplicité.

Les novellas de la Manufacture de Livres

Editeur : Manufacture de livres

On voit de plus en plus apparaître de courts romans que les anglo-saxons appellent des novellas, qui sont entre le format du roman et celui de la nouvelle. Je vous propose de jeter un œil sur deux romans de la Manufacture de Livres :

Vagabond de Franck Bouysse :

vagabond

Présentation de l’éditeur :

Un homme dont on ne connaîtra pas le nom, ses soirées, il les passe à jouer du blues dans les cafés de Limoges, mais ce pourrait être ailleurs. Mais pas n’importe où : il faut que ce soit une ville avec des traces d’histoire, des ruelles sombres, des vieilles pierres. La journée, il marche dans les rues, voyant à peine les humains qui sillonnent d’un pas pressé les rues, ceux qui ont quelque chose à faire, une vie à construire alors que la sienne, de vie, ressemble à une ruine. Et voilà qu’un soir apparaît au bar une femme, une inconnue magnifique, pour laquelle il se met à jouer sa propre musique, à chanter ses propres mots. Ils boivent un verre, il la raccompagne au pied de sa demeure et rentre à son hôtel miteux. La reverra-t-il ? Saura-t-il qui elle est ? Il rentre à son hôtel pour dormir, pour rêver à Alicia, celle avec qui il y a quinze ans il partageait la scène, celle qui est partie et qui lui a brisé le cœur. Alicia est en ville. Elle chante au Styx. L’homme sera au Styx, bien sûr, pour Alicia. Ça n’est pas une bonne idée, et il le sait. L’apparition de ce fantôme va déclencher chez l’homme une plongée dans le passé, dans l’enfance et la douleur. Bouysse bascule alors dans la poésie, noire, violente, obsessionnelle, et achève son roman en beauté et en désespoir, emmenant avec lui un lecteur consentant, déconcerté, pris.

Mon avis :

Avec son style poétique et ses sujets noirs, il fallait bien que Franck Bouysse s’intéresse à la musique, et au Blues en particulier. Son personnage principal est guitariste et joue tous les soirs pour des ombres, celles de son passé. Jusqu’à cette apparition qui va le faire basculer vers une conclusion inéluctable.

Encore une fois, Franck Bouysse m’enchante. Et même si le format est court, même si le sujet est classique, je ne peux m’empêcher à chaque phrase de me dire que c’est très bien trouvé, que c’est très bien écrit. Je ne peux m’empêcher de me laisser bercer de plaisir, de plonger dans cette histoire noire et entêtante. C’est une nouvelle fois une grande réussite, le genre de romans que l’on a envie de lire plusieurs fois, juste pour le plaisir.

Albuquerque de Dominique Forma

albuquerque

Présentation de l’éditeur :

Décembre 2001, Albuquerque, Nouveau-Mexique, Jamie Asheton est gardien de parking. Voici l’instant qu’il redoutait depuis un après-midi poisseux de septembre 1990, lorsqu’ils avaient, sa femme Jackie et lui, déserté leur appartement de Manhattan. Une Pontiac firebird avec deux hommes à bord s’approche de sa guérite. Il va falloir faire vite, très vite pour s’échapper du traquenard et aller chercher Jackie. Ensuite il faudra fuir vers Los Angeles pour retrouver les hommes du programme fédéral de protection des témoins. Mais la route est longue jusqu’à la cité des Anges… longue pour un couple traqué, longue pour un homme que sa femme n’aime plus et qui est condamnée à partager sa vie.

Mon avis :

Entre Dominique Forma et moi, cela ressemble à un rendez-vous raté. Au sens où j’ai beaucoup de ses livres à la maison et je n’ai jamais trouvé le temps de les ouvrir. Je répare donc cette injustice avec ce court roman où il se passe beaucoup de choses en très peu de pages.

Si contrairement à Franck Bouysse, je ne suis pas emporté par le style, ici on se laisse porter par l’histoire, en regardant les miles défiler sur la célèbre route 66. Ce couple en fuite, poursuivi par des truands, cherche une protection avec une certaine naïveté. On va donc suivre cette histoire plutôt classique avec plaisir, et tourner la dernière page sur une bouffée d’optimisme teintée d’espoir vain. Cela nous donne un bon moment de lecture divertissante.

Duel de faussaires de Bradford Morrow

Editeur : Seuil

Traducteur : Philippe Loubat-Delranc

Rien qu’à lire la quatrième de couverture, j’avais envie de lire ce livre : Plonger dans le monde des faussaires, qui plus est dans le monde des flasificateurs de dédicaces, c’est pour tous les amoureux de livres un vrai régal. Ce fut le cas.

« On ne retrouva jamais ses mains. »

C’est ainsi que démarre ce roman et tout tient en une phrase.

Le narrateur nous situe le contexte, celui des collectionneurs de livres. Adam Diehl en était un célèbre. Il fut retrouvé assassiné chez lui et son corps atrocement mutilé. Le narrateur le connaissait bien, puisqu’il était son ami et beau frère. Tous les deux aimaient les livres, les originaux de grands auteurs tels que Conan Doyle, Faulkner, Yeats et bien d’autres. Dans leur domaine, ils sont peu nombreux, et finissent par tous se connaitre. Mais la brutalité de ce meurtre a ébranlé la communauté des collectionneurs.

Le père du narrateur était un collectionneur émérite. Sa passion avait pour objectif de sauver ces œuvres originales pour sauvegarder la culture. Sa mère lui a appris à écrire et lui faisait faire des boucles et des boucles, tant et si bien qu’il avait acquis une grande habileté de ses mains. La tentation était bien grande de passer à la falsification des œuvres anciennes, ce que le narrateur fit bien vite, jusqu’à en faire son « métier ».

Le narrateur connaissait Adam Diehl et devint amoureux de sa sœur Meghan dès qu’il la vit. Entre méfiance et soupçons, les deux hommes ne se sont jamais vraiment aimés. Et le narrateur réussit malgré tout à se marier, tout en soupçonnant son tout nouveau beau-frère d’être un concurrent dans le domaine de la falsification. Entre la douleur de la perte d’un être cher et le métier de faussaire, les rebondissements vont vite survenir et compliquer la vie du jeune couple.

Après la première phrase remarquablement bien trouvée et qui jette un froid, l’auteur revient à plus de calme. Nous ne sommes pas dans un roman d’action, encore moins dans un livre gore. Nous allons plutôt avancer dans une ambiance feutrée, celle des bibliothèques et des boutiques poussiéreuses des collectionneurs. Certes, l’arrivée d’Internet et des boutiques en ligne évite de se déplacer dans ces boutiques. Et on se rend compte que cela facilite grandement le commerce illicite d’œuvres falsifiées.

Avec son style posé, calme, explicite, l’auteur nous invite à entrer dans ce microcosme obscur, qui ne s’affiche jamais au grand jour. Il nous montre aussi que c’est un petit monde où tout le monde se connait et où tout un chacun se méfie de son prochain. Cela ressemble beaucoup au monde des acheteurs de bijoux, au monde des receleurs, bref au monde des truands.

Après cette présentation qui va prendre un tiers du livre, on peut s’attendre à ce que le narrateur cherche le coupable de l’agression de son beau-frère. Le mystère ne sera jamais levé, ou du moins pas complètement, même si on a des pistes vers la fin du livre. En tous cas, le roman se transforme rapidement vers un harcèlement du narrateur qui va vite devenir une obsession, pour sauver sa vie et celle de son couple.

Si je dois vous donner une dernière argumentation qui vous décidera à plonger sur ce livre, c’est que le style de l’auteur reste toujours énigmatique, n’en disant que le minimum, nous plongeant dans la psychologie du personnage principal avec ce que cela comporte de zones d’ombre. Et si je vous dis que ce roman est le premier de l’auteur traduit en France, et qu’il en a écrit six autres, alors on est en droit d’espérer d’autres excellents romans à venir. Et ça, c’est rudement chouette.

Ne ratez pas les avis des amis Claude et de Bobpolar

 

Gymnopédie pour une disparue de Ahmed Tiab

Editeur : Editions de l’Aube

Découvert avec Le Français de Roseville, je dois dire que cet auteur m’interpelle par sa façon de construire ses intrigues et par son style très personnel. Avec ce roman, il confirme qu’il est un auteur à part et surtout un auteur à ne pas rater.

Boualem est un jeune homme qui veut faire business man pour s’en sortir. Sa première affaire, c’était la vente d’une paire de basket qu’il avait trouvée dans le hall d’un immeuble. Alors que l’Algérie s’enfonce dans les émeutes, le quartier d’Oran où il habite reste encore calme. Mais il se rend bien compte qu’il va devoir rejoindre la France pour poursuivre sa carrière.

Boris habite un petit appartement à Paris qu’il a hérité de Tante Rose, une amie de sa mère. Laure Sieger, sa mère, l’a abandonné alors qu’il avait 8 ans, et aujourd’hui en 2013, il s’en sort grâce à son emploi à la mairie. Il n’a pas de contacts avec les autres, si ce n’est une liaison avec Gino, le fils de la gardienne. Par hasard, il rencontre Oussama, qui lui montre une photographie de jeunes gens djihadistes, partis s’entraîner en Syrie. Sur la Photo, l’un des jeunes semble être le sosie de Boris. Serait-il son frère caché ?

Aujourd’hui, Kemal Fadil est chef de la police d’un quartier d’Oran. Son affaire en cours porte sur une série de meurtres dont les corps sont étrangement disposés. Quand on découvre le cadavre d’une femme supposée d’adonner à la sorcellerie, il suit la piste de rituels ancestraux, depuis longtemps abandonnés dans cette société qui s’est donnée toute entière à la modernité.

Indéniablement, Ahmed Tiab fait partie de ces tous nouveaux auteurs dont il faut suivre la trace. Car tout, dans ses romans, est fait avec originalité. Il y apporte sa propre touche aussi bien dans la construction que dans le style. Et il nous permet aussi d’approcher les difficultés de l’Algérie balancée entre modernité et histoire, entre politique et terrorisme. Mais tout cela n’est pas fait avec de gros sabots, et n’a pas pour but d’écrire des brûlots. Ahmed Tiab préfère prendre les faits et exposer une situation comme le ferait le meilleur des journalistes. S’il aborde le sujet du Djihadisme, ce n’est pas le sujet principal du livre, qui nous parle plutôt de la recherche de ses racines et des questions que tout un chacun se pose sur ses origines.

Ce que j’aime c’est Ahmed Tiab, c’est cette façon, l’air de rien, de construire ses personnages, et de ne jamais les juger. Il les présente dans leurs faits de tous les jours et avec une telle tendresse que l’on finit par non seulement adhérer, mais aussi s’attacher à eux. Ces trois personnages vont former une histoire qui va se culminer vers une fin non pas dramatique mais qui va répondre à bien des questions.

D’ailleurs, la construction aussi est originale. D’autres auteurs auraient alterné les chapitres passant de l’un à l’autre. Ici, Boualem aura droit à une première partie, Boris à deux parties puis nous finirons par Kemal avant d’aboutir à la conclusion. On peut avoir l’impression de lire trois histoires différentes, trois nouvelles accolées. Mais c’est sans compter sur le talent de l’auteur qui réunit le tout dans un ensemble parfaitement cohérent.

Quand je vous dis que cet auteur, vraiment à part, est à suivre, c’est aussi avec ce rythme de la narration, qui pourrait laisser penser à de la nonchalance. Mais après quelques pages, cela en devient hypnotique et on devient accroché à cette plume réellement unique et d’une simplicité que beaucoup peuvent lui envier. Je suis sur qu’après ce roman, Ahmed Tiab va nous sortir un grand livre et qu’il sera enfin reconnu. Je ne suis pas pressé, je suis patient !

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude.