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Des poches pleines de poches v12

C’est déjà la 12ème rubrique consacrée aux livres de poches, avec des découvertes à ne pas manquer.

Gisèle de Denis Flageul

Editeur : Atelier in8

Collection : Polaroid

Gisèle fait ses courses dans un supermarché et peine à trouver une place libre sur le parking. Et après des tours et des retours, elle se gare. Quand un homme lui fait une remarque, elle sort un pistolet de sa boite à gants et le braque. Il faut dire qu’avec son fils Jean-Marc qui ne lui donne aucune nouvelle et les deux hommes patibulaires qui ont sonné à sa porte et qui le cherchent, il y a de quoi péter un câble.

Quand on lit une novella de la collection Polaroïd, il faut s’attendre à une histoire bien noire et bien écrite. On a du mal à croire que c’est un premier roman tant l’auteur montre dans cette histoire simple une maitrise impressionnante, autant dans sa façon de présenter les personnages que dans le déroulement de l’intrigue. Alternant entre phrases détaillées et morceaux hachés, il nous tient en haleine jusqu’à un final flamboyant.

L’amant religieux de Claude Picq

Autoédition

Michel D. est assis au restaurant et regarde la serveuse. Elle ressemble à Lola, ses yeux surtout. Maintenant Lola est morte, comme beaucoup d’autres. Il ne peut supporter de vivre seul, a besoin de se sentir désiré. Et quand cela dure trop longtemps, il les tue et arrange son acte comme un accident ou un suicide. Avec son air charmeur et anodin, il arrive toujours à s’en sortir.

Il faut que vous lisiez cette novella écrite en vers, sans forcément de rimes ; enfin, pas toujours. Cela impose donc des phrases courtes qui pour autant vont s’avérer explicites, tant dans les descriptions des lieux que dans les sentiments des protagonistes. On prend un réel plaisir à avaler cette histoire, pleine d’humour noir caustique et cela me rappelle, dans la forme, un roman écrit aussi en vers de Jean-Bernard Pouy : 54×13 (L’Atalante).

Terminus Leipzig de Max Annas & Jérôme Leroy

Editeur : Points

Christine Steiner, commissaire à la brigade anti-terroriste, monte une équipe pour interpeler Boulinier, un activiste d’extrême droite. Lors de l’intervention, elle se prend trois balles dans son gilet et apprend le suicide de sa mère. Sur une photographie chez sa mère, elle découvre le nom de son père et décide de le rejoindre en Allemagne.

Wolfgang Sonne et sa compagne Elke se préparent à quitter leur maison à cause du risque que présente la gravière. Ils sortent en pleine nuit pour déterrer des armes qu’ils avaient enfouies dans le jardin du voisin. Il leur semble entendre des bruits comme si on les épiaient. La situation devient urgente.

Il n’est pas commun de lire un polar écrit à quatre mains par deux auteurs étrangers. J’avais déjà lu et apprécié Le coffre de Jacky Schwartzmann et Lucian-Dragos Bogdan. Si l’histoire est bien menée, le format court nuit à l’intrigue puisqu’on se retrouve dans une situation d’assaut et que la fin semble trop rapide par rapport à la mise en situation du début qui, elle, était remarquablement bien faite. Malgré tout, le contexte reste intéressant et instructif.

Harry Bosch 7 : L’oiseau des ténèbres de Michael Connelly

Editeur : Seuil (Grand Format) ; Points (Format Poche)

Traducteur : Robert Pépin

Après Les Égouts de Los Angeles, La Glace noire, La Blonde en béton, Le Dernier Coyote, Le Cadavre dans la Rolls, et L’Envol des anges, L’oiseau des ténèbres est la septième enquête de Harry Bosch, un rendez-vous raté pour moi.

L’inspecteur Harry Bosch est l’une des pièces maîtresses du procès de David Storey, le célèbre producteur de films à Hollywood. Ce dernier a invité une jeune actrice lors de la première de son dernier film et il a fini la nuit avec elle. Le lendemain matin, le corps de la jeune femme a été retrouvé dans son lit, victime de strangulation dans une posture de masturbation. Est-elle morte d’asphyxie auto-érotique ou l’a-t-on aidée ?

Depuis son opération du cœur, narrée dans Créances de sang, Terry McCaleb profite de sa retraite avec Graciela, son fils adoptif Raymond et la petite Cielo, âgée de quatre mois. Terry alterne donc entre son bateau et la maison de Graciela. L’équilibre de leur couple est mis à mal quand Jaye Winston du LAPD vient lui demander de l’aide pour son enquête, Terry ayant été profileur pour le FBI.

Edward Gunn a été retrouvé dans son appartement, les mains ligotées dans le dos, un nœud coulant relié à ses pieds. Terry McCaleb accepte de jeter un œil au dossier. Il remarque que la tête de Gunn a été recouverte d’un seau, que son bâillon comportait une inscription latine «Cave Cave Dus videt», qui veut dire «Prends garde, prends garde, Dieu voit» et qu’une figurine en forme de chouette était positionnée sur l’armoire, comme si elle observait la scène, autant de messages à exploiter en provenance du tueur.

Je pensais lire une enquête de Harry Bosch, et je me suis retrouvé avec deux affaires menées en parallèle, l’enquête de Terry McCaleb d’un côté et le procès dans lequel Harry Bosch est impliqué de l’autre. Du coup, je n’ai pas réussi à entrer véritablement dans ce roman et cette lecture me laisse un gout amer. Certes, un auteur ne peut pas être « au top » tout le temps, mais cette intrigue m’a donné l’impression que l’auteur faisait passer son envie de réunir plusieurs de ses personnages récurrents avant de construire une intrigue solide.

En fait, j’ai bien retrouvé la rigueur dans les descriptions, aussi bien dans les démarches que dans l’enquête elle-même ; j’ai bien retrouvé des dialogues bien faits dans le procès, même si cela m’a semblé un peu long et démonstratif. Mais voilà, Terry McCaleb finit par prendre toute la place, sa façon d’enquêter ressemble à un jeu de piste où il avance indice par indice.

Enfin, certaines pistes tombent du ciel, même si Michael Connelly nous passionne quand il parle du peintre Hyeronimus Bosch. Les liens entre l’enquête de McCaleb et le procès de Bosch sont des plus ténus. Et on referme le livre en ayant l’impression d’avoir lu un bon polar, mais à propos duquel on en attendait bien plus et bien mieux. Un coup d’épée dans l’eau dans éclaboussure. Pas grave, je me rattraperai avec Wonderland Avenue.

Le tailleur gris d’Andrea Camilleri

Editeur : Métailié (Grand Format) ; Points (Format poche)

Traducteur : Serge Quadruppani

A coté des enquêtes du célèbre commissaire Montalbano, le regretté Andrea Camilleri nous offre par moments des romans orphelins. Celui-ci se présente comme un roman intimiste sur le doute et la confiance.

Un banquier quinquagénaire, veuf depuis dix ans, se retrouve à la retraite et passe d’une vie professionnelle chargée à une activité quasi-nulle. Il a rencontré Adèle, lors de la mort de son mari, habillée de son impeccable tailleur gris et en est tombé amoureux. Puis ils se sont mariés, malgré leurs 25 années de différence. Ajouté à sa beauté renversante, le banquier a pu apprécier l’appétit sexuel d’Adèle.

Puis, avec sa retraite, ils ont commencé à faire chambre à part. Tout juste pouvait-il assister à Adèle en train de s’habiller. Pour lui, cela ne fait aucun doute, Adèle le trompe. Pourtant, Adèle semble débordée par toutes ses activités, faisant partie de nombreux comités. D’ailleurs, grâce à son manque d’activité, il arrive à la suivre et la découvre au bras d’un jeune homme sportif, devant un motel miséreux.

Alors qu’il est contacté par le fils d’une connaissance pour tenir un poste de direction dans une entreprise douteuse, probablement en lien avec la mafia, il se demande si Adèle n’a pas œuvré en douce pour qu’il obtienne cet emploi. Se pose pour lui la question de l’infidélité de sa femme, de l’utilité de continuer son activité professionnelle, et d’un problème de santé qui vient de se déclarer.

Il s’agit ici d’un roman introspectif, dont le personnage central est notre banquier, à l’aube d’une nouvelle vie. Et qui dit nouvelle vie, dit décision à prendre quant à la suite à donner à sa vie. Nous assistons donc aux questionnements de notre retraité confronté à des choix cornéliens difficiles à prendre.

Sachant qu’il ne pourra pas se séparer de sa femme, car il n’envisage pas de vivre seul, il est assailli de doutes qui lui posent plus de questions qu’ils ne lui apportent de réponses. Nous le suivons dans cette narration au rythme lent tout en éprouvant pour lui de l’affection et même de la pitié.

Comme la narration se fait du point de vue du retraité, donc nous ne connaitrons pas le nom, les questions qu’il se pose vont se multiplier sans que nous ayons toutes les réponses. Mais ce roman est une formidable démonstration sur la vieillesse, sur la confiance, la jalousie et la difficulté de prendre des décisions fortes. Et même si ce roman est court, on n’est pas prêt de l’oublier.

Harry Bosch 6 : L’envol des anges de Michael Connelly

Editeur : Points

Traducteur : Jean Esch

Après Les égouts de Los Angeles, La glace noire, La Blonde en béton, Le dernier coyote, et Le cadavre dans la Rolls, voici la sixième enquête de Hieronymus Bosch, dit Harry, qui va nous évoquer les émeutes de Los Angeles et les problèmes de racisme dans la police.

C’est un appel du chef adjoint Irvin Irving qui surprend Harry Bosch alors qu’il se réveille avec l’espoir de voir sa femme Eleanor Wish. Il est convoqué au funiculaire Angel’s flight (d’où le titre francisé du roman) pour un double meurtre, qui ne se situe pas dans sa zone d’intervention. Il est soulagé au moins de ne pas voir reçu de mauvaises nouvelles concernant sa femme. Il demande immédiatement à son équipe Kizmin Rider et Jerry Edgar de le rejoindre sur place.

Sur place, toutes les équipes de police sont déjà présentes. Irving présente la situation à Bosch : les deux victimes sont Catalina Parez, une femme de ménage et Howard Elias le célèbre avocat qui s’est spécialisé dans les procès opposant les afro-américains à la police de Los Angeles. Pour éviter de mettre de l’huile sur le feu, Irving veut que Bosch se charge de cette enquête, étant d’un autre district, ce qui permettra de montrer à l’opinion publique une forme d’impartialité dans l’enquête.

En effet, depuis l’affaire Rodney King, de nombreuses émeutes ont vu le jour dès qu’une affaire louche concernant la police apparait. En étudiant la scène de crime, Bosch s’aperçoit que la balle mortelle qui a atteint Howard Elias a traversé sa main avant de se loger dans sa tête ; l’œuvre d’un excellent tireur. Mais que venait faire cet avocat dans ce funiculaire si loin de son bureau, si tard, alors qu’il était attendu pour l’affaire du Black Warrior ?

Avec ce roman, Michael Connelly trouve son rythme de croisière, et étale son talent pour mettre en place une intrigue qui part d’une scène de meurtre, nous dévoile les dessous de l’affaire, nous fait suivre beaucoup de pistes avant de nous surprendre à la fin par un dénouement surprenant bien qu’il s’avère totalement logique. Nous avons donc à faire à un polar haut de gamme.

Toutes les qualités du roman policier se retrouvent dans ce roman, des chapitres plus courts que dans les tomes précédents, une précision dans le déroulement et les méthodes policières utilisées, une psychologie de tous les personnages impeccable, et un équilibre entre l’enquête et la vie privée de Bosch parfait. Avec tous ses rebondissements et ses différentes pistes, ce roman est un pur plaisir de lecture.

Michael Connelly colle aussi à une actualité brûlante qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Il montre comment la police suit une justice à deux vitesse en fonction de la couleur de la peau, comment ils peuvent arranger les preuves pour accuser des innocents, comment les différents services se font une guerre interne, combien sont importantes les conférences de presse où on s’arrange avec la vérité, tout cela pour éviter un embrasement d’un contexte social déjà chaud. Angel’s flight est un des romans majeurs du cycle Harry Bosch.

Harry Bosch 5 : Le cadavre dans la Rolls de Michael Connelly

Editeur : Seuil & Calmann-Levy (Grand Format) ; Points & Livre de Poche (Format Poche)

Traducteur : Jean Esch

Après Les égouts de Los Angeles, La glace noire, La Blonde en béton, et Le dernier coyote, voici la cinquième enquête de Hieronymus Bosch, dit Harry, qui va continuer à mettre en place les personnes entourant l’inspecteur.

Après dix-huit mois de dépression, Harry Bosch revient aux affaires et se retrouve propulsé Chef de groupe, au bureau des cambriolages de la police de Hollywood, Suite à la décision de la nouvelle lieutenante Grace Billets, Bosch aura sous ses ordres Jerry Edgar et Kizmin Rider. Bosch est appelé aux alentours du Dodger stadium où se déroule la finale de football américain.

Bosch est accueilli l’agent Powers qui est chargé de surveiller la voiture, à l’intérieur de laquelle on a retrouvé un corps. Le mort s’appelle Anthony Aliso et a été abattu de deux balles dans la tête, ce qui ressemble à une exécution de la mafia. Aliso est connu pour être un producteur de films de série Z. Powers tient à prévenir Bosch et son équipe qu’il a laissé ses empreintes dans la voiture en ouvrant le coffre.

Bosch ne tient pas à prévenir l’OCID, le département chargé de la lutte anti-mafia. Mais sur l’insistance de Jerry, il les appelle et leur communique la découverte du corps. Dom Carbone qui est de permanence lui assure que l’OCID n’est pas intéressé. Bosch fait donc rapatrier la voiture avec le corps dedans pour ne pas affoler la foule. Bizarrement, rien n’a été volé, et Aliso avait loué sa voiture à Las Vegas, où il gérait ses affaires de cinéma.

Avec cet épisode, qui commence comme une banale affaire de meurtre, on sent que Michael Connelly veut faire d’Harry Bosch un personnage récurrent et qu’il veut le faire durer longtemps. Il va ainsi introduire le personnage d’Eleanor Wish, une ancienne compagne de Bosch, ex-agent du FBI qui sort tout juste de prison. Nous avons droit donc à des retrouvailles, liées à cette enquête.

L’intrigue démontre que Michael Connelly a acquis un savoir-faire et qu’il déroule les pistes, vraies ou fausses, avec le naturel du grand auteur qu’il est. Il est toujours aussi précis dans sa description des processus policiers et nous montre ici les liens de la mafia dans l’industrie cinématographique pour blanchir leur argent sale. Il nous montre aussi la main mise de Chicago sur Las Vegas malgré les purges annoncées par les politiques.

Enfin, il n’épargne pas les différents services de police, les guerres internes entre la brigade criminelle, la lutte anti-mafia et la police des polices. Bosch aura fort à faire avec des attaques venant de toutes parts, pour résoudre cette affaire dans les toutes dernières pages et pour se défendre. Il est à noter aussi le personnage de Grace Billets, la nouvelle lieutenante que Bosch apprend à connaitre et qui se place d’emblée dans son camp. Et tout cela est raconté avec un naturel, un allant et une simplicité qui forcent l’admiration, pour donner un excellent polar.

La sirène qui fume de Benjamin Dierstein

Editeur : Nouveau Monde (Grand format) ; Points (Format Poche)

Benjamin Dierstein a décidé de consacrer une trilogie aux années 2010, celles qui ont vu la défaite de Nicolas Sarkozy, dont deux tomes sont déjà parus. J’avais adoré le deuxième (La défaite des idoles) … eh oui, je les ai lus dans le désordre … et j’ai donc décidé de revenir en arrière avec La sirène qui fume.

Dimanche 13 mars 2011. Une Renault Espace est garée devant le Bunny Bar. La conductrice fait un signe à une jeune femme qui en sort. Elles se rejoignent et prennent la direction de la place de Clichy. Une BMW les suit. Elles se garent sur un parking de Saint Ouen. Le conducteur de la BMW empoigne un Ruger et se dirige vers la Renault. Arrivé à la porte, il tue les deux jeunes femmes de sang froid.

Samedi 19 mars 2011. Le lieutenant Christian Kertesz se traine à son bureau de la Brigade de Répression du Proxénétisme. Il se désintéresse des déclarations de viol du week-end, et rentre chez lui. Au milieu des vapeurs d’alcool médicamenteux, il entend son voisin frapper sa femme et débarquent chez eux, armé de son Sig Sauer. Le coup de téléphone d’un de ses amis corses lui demande de rendre un service : retrouver Clothilde, la fille du sénateur Edouard Le Maréchal. Cette affaire peut lui permettre de rembourser une partie de sa dette de plusieurs millions d’euros envers la mafia corse.

Lundi 28 mars 2011. Le capitaine Gabriel Prigent n’a pas encore terminé de déballer ses cartons avec sa femme Isabelle. Il arrive de Rennes et sent bien que sa fille de 15 ans, Elise, le déteste. Accueilli par la commissaire Nadia Chatel de la Brigade Criminelle, il fera équipe avec la brigadier Nesrine Bensaada pour l’exécution dans un parking de Saint-Ouen. Mais ses collègues le regardent de travers ; ils n’oublient pas qu’il a dénoncé ses collègues à al police des polices.

Même s’il s’est passé un an et demi entre ma lecture de La défaite des idoles et celui-ci, je n’ai rien oublié de l’histoire ni du style de l’auteur. Je savais donc ce à quoi je devais m’attendre, et je n’ai pas été déçu. Ces deux personnages de flic qui entament leur descente aux enfers sont juste inoubliables dans leurs excès, leurs obsessions, leurs cicatrices ouvertes et leur passé qui les hantent ; deux hommes solitaires courant après une solution non pas en guise de rédemption mais en guise de course vers un idéal inatteignable.

Outre le contexte très fortement policier et formidablement bien décrit, on y découvre l’ampleur de la guerre des services de police, chacun gardant ses informations pour soi. On y découvre aussi des femmes et des hommes prêts à tout, obligés d’affronter le pire. Le fait que Prigent et Kertesz enquêtent séparément dans deux enquêtes qui vont se rejoindre se révélera plus anecdotique, tant l’aura de ces deux-là emplit tout l’espace.

On se retrouve aussi en plein contexte politique bouillonnant : la course aux élections présidentielles bat son plein, la gauche semblant pouvoir l’emporter grâce à son « champion » DSK, avant que la célèbre affaire n’éclate à New-York. L’auteur en dit d’ailleurs dans une interview que ces trois années ont été les plus importantes pour la France et que c’est pour cela qu’il veut y consacrer une trilogie.

L’ambiance, les décors, les personnages nagent donc dans un univers glauque, à base de prostitution infantile et déroule une enquête où tout le monde est impliqué et doit arranger la vérité pour sauver sa peau (ou son poste). Et cela donne un premier roman impressionnant, qui amoncelle les scènes comme on entasse les morceaux de cadavres, c’est violent, dur, aidé par une plume acerbe, rapide, hachée qui donne un rythme infernal à la lecture. On n’a pas envie de lâcher ce roman, et le plaisir qu’il procure nous rendra indulgent quant à certaines scènes de la fin du livre, quelque peu excessives. Vivement le troisième !

City of windows de Robert Pobi

Editeur : Les Arènes / Equinox (Grand Format) ; Points (Format poche)

Traductrice : Mathilde Helleu

J’étais passé à coté lors de sa sortie en grand format, ne trouvant pas le temps de l’ouvrir. Sa sortie en format poche est l’occasion pour moi d’effectuer une séance de rattrapage pour cet excellent thriller.

19 décembre, New York. Nimi Olsen tente de traverser la 42ème rue en dehors des passages réservés pour les piétons. Par chance, une bonne âme lui fait signe de passer et elle le remercie d’un simple sourire. A ce moment-là, le pare-brise éclate et la tête de l’homme au volant disparait. Puis, le coup de feu retentit. Par un pur reflexe, le corps appuie sur l’accélérateur et la voiture bondit en avant. Le bilan se monte à deux morts.

Alors qu’il termine son cours de licence à l’université de Columbia, le docteur Lucas Page souhaite de joyeuses fêtes de Noël aux étudiants puis rejoint son secrétariat, balayant rapidement les nombreux messages reçus dans la journée. Sur la télévision branchée sur CNN, il assiste à un compte-rendu de l’assassinat qui vient de survenir, mais préfère l’ignorer volontairement.

Lucas Page a perdu une jambe, un bras et un œil dans une précédente enquête pour le FBI. Il a refait sa vie avec Erin, qui l’a soigné. Ils forment une famille unie avec les enfants estropiés qu’ils adoptent. Quand l’agent spécial Brett Kehoe sonne à la porte, Lucas Page sait qu’il est le seul à pouvoir les aider à trouver d’où a été tiré le coup de feu, grâce à son génie mathématique. Il accepte contre l’opinion d’Erin, et fera équipe avec l’agent spécial Whitaker. Et la série de meurtres ne fait que commencer.

Pour l’introduction d’un nouveau personnage, Robert Pobi en a choisi un avec de nombreux handicaps, mais il lui a surtout concocté un caractère bien particulier basé essentiellement sur un humour ravageur, fortement cynique. L’auteur y ajoute de bons sentiments avec sa vie de famille et le fait qu’ils aient décidé d’adopter des enfants estropiés. N’en jetez plus : ce personnage là, on l’adopte et pour longtemps.

Robert Pobi fait montre d’un beau savoir faire, à la fois dans la conduction de son intrigue mais aussi dans la construction de son intrigue, écrite sur la base de chapitres courts. Il nous montre un sacré talent dans la description de scènes d’action ; j’en veux la scène où un groupuscule investit sa maison, où on se retrouve à dévorer une trentaine de pages sans prendre le temps de respirer.

Et puis, Robert Pobi nous présente son avis, au travers de ce personnage qui a acquis une grande lucidité sur le monde qui nous entoure. Il nous donne son avis sur les lobbyistes de tout poil, les défenseurs des possesseurs d’armes à feu, le racisme de tout poil mais aussi les préjugés de la police, les journalistes et les politiciens si prompts à désigner des boucs émissaires pour le peuple. Voilà un excellent thriller qui donne envie de poursuivre l’aventure avec Lucas Page.

Harry Bosch 4 : Le dernier coyote de Michael Connelly

Editeur : Seuil &Calmann Levy (Grand format) ; Points& Livre de poche (Format poche)

Traducteur : Jean Esch

Après Les égouts de Los Angeles, La glace noire et la Blonde en béton, voici donc la quatrième enquête de Hieronymus Bosch, dit Harry, qui va permettre de revenir sur le passé de Harry. C’est avec cet opus que la série atteint ses lettres de noblesse.

Harry Bosch a reçu trop de mauvaises nouvelles en même temps, ce qui a eu pour conséquence de lui faire perdre ses nerfs. D’un point de vue personnel, Sylvia sa compagne a décidé d’accepter un poste en Italie et donc de le quitter. Et suite à un tremblement de terre, sa maison, située sur les collines de Los Angeles, a été déclarée inhabitable. Il a donc décidé de continuer à y vive en toute clandestinité.

Lors de l’interrogatoire d’un suspect, le lieutenant Harvey Pounds, a fait capoter la stratégie de Bosch. Il s’en est suivi une altercation pendant laquelle Bosch a fait passer son chef à travers une vitre. Bosch se retrouve donc suspendu de ses fonctions avec une obligation de suivre des séances chez une psychologue, Carmen Hinijos, afin de mieux maitriser son agressivité.

Lors d’une de ses séances, la psychologue lui demande de lui expliquer ce qui s’est passé. Harry Bosch lui narre son « exploit » et sa philosophie : « Tout le monde compte ou personne ne compte ». Cela lui permet de revenir sur le meurtre non élucidé d’une prostituée, Marjorie Lowe, le 28 octobre 1961. Bosch va mettre à profit sa mise à pied pour enquêter en toute illégalité sur cette affaire et remonter le fil jusque dans les hautes sphères de la justice et de l’état.

Le roman s’ouvre sur un Harry Bosch fatigué, énervé, et désabusé par tous les désagréments qu’il a connus en même temps. Sûr de son bon droit, il voit d’un mauvais œil l’obligation de réaliser des séances chez sa psychologue. Le début va donc nous montrer un personnage qui tourne en rond, et l’apparition d’un coyote lui confirme qu’il devrait peut-être jeter l’éponge, jusqu’à ce qu’il se trouve une nouvelle motivation.

A partir de ce moment-là, on retrouve l’enquêteur pugnace, intuitif et entêté qui va petit à petit accumuler les indices jusqu’à la conclusion de cette affaire. Outre toutes les qualités de l’écriture de Michael Connelly, et en particulier cette faculté de nous faire vivre cette affaire comme si on faisait le chemin avec Harry Bosch à ses côtés, cette enquête se révèle plus personnelle que les autres. On sent la rage et l’obsession du résultat à chaque page.

On voit aussi un Harry Bosch à bout, quasiment suicidaire au moins pour sa carrière professionnelle, prêt à provoquer les politiques sur leur terrain alors qu’il ne possède que des intuitions ou de maigres pistes. On a surtout l’impression de lire une histoire qui est improvisée, qui se suit au fil de l’eau comme dans la vraie vie, sans jamais avoir l’impression que Michael Connelly sache où il veut nous emmener … alors que c’est tout le contraire.

Et c’est tout le contraire bien entendu, grâce à cette conclusion des dernières pages, qui nous confirme que Michael Connelly est un auteur incontournable, capable de nous faire suivre une piste avant de nous dévoiler la solution formidablement trouvée. Il nous dévoile les luttes de pouvoir, les compromissions, les chantages et les exactions que les hauts dignitaires sont prêts à faire pour atteindre le Graal du pouvoir. Le dernier coyote est le meilleur roman de la série (que je viens de commencer) pour moi pour le moment, un grand moment du polar.

Oldies : Little bird de Craig Johnson

Editeur : Gallmeister (Grand format) ; Gallmeister / Points (Format Poche)

Traducteur :

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose un roman particulier pour moi, je vous en dis plus un peu plus loin …

L’auteur :

Craig Johnson, né le 12 janvier 1961 à Huntington dans l’État de la Virginie-Occidentale, est un écrivain américain, auteur d’une série de romans policiers consacrés aux enquêtes du shérif Walt Longmire.

Craig Johnson fait des études de littérature classique et obtient un doctorat en art dramatique.

Avant d’être écrivain, il exerce différents métiers : policier à New York, professeur d’université, cow-boy, charpentier, pêcheur professionnel, ainsi que conducteur de camion. Il a aussi ramassé des fraises. Tous ces métiers lui ont permis de financer ses déplacements à travers les États-Unis, notamment dans les États de l’Ouest. Il finit par s’installer dans le Wyoming où il vit actuellement. Toutes ces expériences professionnelles lui ont servi d’inspiration pour écrire ses livres et donner ainsi une certaine crédibilité à ses personnages.

Il est l’auteur d’une série policière ayant pour héros de shérif Walt Longmire. Les aventures du shérif se déroulent dans le comté fictif d’Absaroka, dans le Wyoming, aux Etats-Unis, le long d’une branche des montagnes rocheuses, la Chaîne Absaroka. Par son cadre géographique, la série lorgne vers le genre du western. Elle a été adaptée à la télévision américaine sous le titre Longmire, avec l’acteur australien Robert Taylor dans le rôle-titre.

Craig Johnson vit avec sa femme Judy dans son ranch près de Ucross (25 habitants) sur les contreforts des Monts Big Horn, dans le Wyoming, où il s’occupe de ses chevaux et de ses deux chiens. Son ranch est adjacent aux réserves indiennes Crow et Cheyenne où l’écrivain a de nombreux amis dont il s’inspire directement pour créer ses personnages amérindiens. Il trouve également son inspiration dans les paysages et différents lieux environnants son ranch et les décrit avec précision dans son œuvre. Bien que le comté d’Absaroka n’existe pas réellement, sa position géographique est bien réelle et ses caractéristiques reprennent celles de lieux existants.

Craig Johnson est lauréat de nombreux prix littéraires, dont le Tony HillermanMystery Short Story Contest. Il est membre de l’association des MysteryWriters of America.

En France, les écrits de Johnson sont publiés par l’éditeur Gallmeister. Plusieurs nouvelles ont été offertes gratuitement en librairie et diffusés sur internet afin de promouvoir l’œuvre de l’auteur.

(Source : Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Après vingt-quatre années passées au bureau du shérif du comté d’Absaroka, dans le Wyoming, Walt Longmire aspire à finir sa carrière en paix. Ses espoirs s’envolent quand on découvre le corps de Cody Pritchard près de la réserve cheyenne. Deux années auparavant, Cody avait été un des quatre adolescents condamnés avec sursis pour le viol d’une jeune indienne, Melissa LittleBird, un jugement qui avait avivé les tensions entre les deux communautés. Aujourd’hui, il semble que quelqu’un cherche à se venger. Alors que se prépare un blizzard d’une rare violence, Walt devra parcourir les vastes espaces du Wyoming sur la piste d’un assassin déterminé à parvenir à ses fins.

Avec LittleBird, premier volet des aventures de Walt Longmire, Craig Johnson nous offre un éventail de personnages dotés d’assez de sens du tragique et d’humour pour remplir les grandes étendues glacées des Hautes Plaines.

Mon avis :

Cette série représente pour une série de romans particulière pour une raison bien simple. Quand LittleBird est sorti, on m’en a parlé en des termes si élogieux que je l’ai acheté peu après sa sortie. Puis, les tomes sortant à la fréquence d’un par an, je les ai tous acquis année après année, et je ne les ai jamais ouverts. J’attendais la bonne occasion pour entamer cette série dont la première enquête a totalement rempli les attentes.

Dès les premières lignes, Craig Johnson nous plonge dans un décor de western, dans une époque bien ancrée dans notre quotidien. Son style, très littéraire, fait des miracles en termes de descriptions à un point tel que l’on se retrouve face à des peintures représentant un paysage montagneux à perte de vue.

Craig Johnson évite les pièges de vouloir nous présenter le contexte et les personnages au début du roman. Il entre dans son intrigue comme si nous faisions déjà partie des habitants de cette région d’Absaroka. Petit à petit, il va nous présenter les protagonistes au travers de scènes simplissimes qui permettent de situer à la fois leur relation avec Walt Longmire et leur psychologie.

D’ailleurs, Walt Longmire, qui est le narrateur de cette histoire, prend toute la place ; et la narration est si naturelle (je vais éviter de dire fluide) qu’on a l’impression non seulement de le connaitre depuis longtemps mais de carrément vivre à ses côtés. On ne peut qu’adorer ses répliques toutes en dérision de la part d’un homme dont la femme vient de mourir et qui se retrouve en période électorale pour son poste de shérif.

L’histoire en elle-même est terrible : une jeune fille indienne attardée a été violée par quatre jeunes hommes dont on attend la peine de prison après la condamnation. Alors qu’ils sont en liberté surveillée, Walt est appelé pour constater le corps de l’un d’eux. Le rythme de ce roman va être lent, au rythme de la vie dans l’Ouest américain, et va nous présenter la vie de cette petite ville, bordée par une réserve indienne. On y appréciera aussi la diplomatie et le respect des gens dont fait montre Walt, qu’ils soient blancs ou amérindiens. Un premier tome qui donne envie de se plonger dans la suite de suite.

Des poches pleines de poches

Pour bien finir l’année, la dernière rubrique consacrée aux romans en format poche est exclusivement consacrée aux éditions Points, qui fêtaient cette année leur 50ème anniversaire.

A sang perdu de Rae DelBianco

Editeur : Seuil (Grand Format) ; Points (Format Poche)

Traducteur : Théophile Sersiron

Wyatt Smith et Lucy sa sœur jumelle essaient du survivre en élevant leur troupeau de bœufs et de vaches. Ces quelques dizaines de bêtes leur permettent à peine de payer leur ferme, dont ils ont hérité à la mort de leur père. Sous le soleil implacable du désert de l’Utah, Wyatt subit des coups de feu par une jeune fille de 14 ans, qui a abattu quatre bœufs. Wyatt et Lucy l’enferment mais la jeune fille sauvage arrive à s’échapper. Wyatt se lance alors dans une course poursuite effrénée pour récupérer ses 4600 dollars.

J’aurais lu pas mal de premiers romans en cette année 2020, et bien peu auront capté mon intérêt. Ce roman-là n’est pas exempt de défauts mais il vaut le détour par la description d’une partie de l’Amérique dont on parle peu, l’Utah, son désert et ses champs immenses et interminables, peuplés de fermes isolées tous les 50 kilomètres. Dans ce cadre, dans ce décor, il n’est pas étonnant de rencontrer des hommes et des femmes dont le principal objectif se résume à la survie. Et tout justifie la légitime défense de ses biens.

Le roman, malgré son scénario qui tiendrait sur un post-it, nous présente des personnages violents, justifiant leur mode de vie par la défense de leurs terres. On se retrouve plongés dans un monde qui ressemble à celui de Mad Max, sauf que nous sommes dans la vraie vie. Que ce soient les hommes ou les femmes, c’est la loi du plus fort qui prime, et de celui ou de celle qui tire vite et bien.

C’est bien le style qui me permet de dire que ce roman vaut le détour. Rae DelBianco a le talent de nous faire ressentir une terre aride, désertique, sous un soleil de plomb écrasant. On suerait presque de grosses gouttes à la lecture de ce roman. Et malgré le fait que l’auteure ait opté pour un style très descriptif mais irrémédiablement froid, clinique, ce qui empêche une quelconque empathie ou identification envers les personnages, on assiste à des scènes violentes dont l’aspect visuel et cinématographique force le respect. Il sera intéressant de suivre cette auteure prometteuse.

Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann

Editeur : Seuil (Grand Format) ; Points (Format Poche)

A 47 ans, célibataire sans enfants, Gaby Aspinall cache derrière sa démarche débonnaire une âme de tueur d’entreprise. Acheteur chez Arema, une entreprise d’électricité spécialisée dans le nucléaire, il exerce son métier sans pitié pour ses fournisseurs, leur grattant quelques pourcents qui vont amputer leur marge. Ce matin-là, il se rend chez Nitram pour négocier avec Gressot, le patron, trois pourcents supplémentaires. Il ne sait pas encore que cette visite va engendrer de gros changements dans sa vie.

Gaby assurant la narration, il nous présente le monde de l’entreprise moderne. Ayant roulé sa bosse, il fait preuve d’une lucidité qui fait qu’on se retrouve forcément par son style cynique et méchant. Car Gaby ne croit en rien, ne fait confiance en personne et remplit sa vie vide par l’humiliation de ses fournisseurs. Et dans ce genre-là, quand il s’agit de pointer les travers de notre société, Jacky Schwartzmann est le roi.

Ça flingue à tout va, dans tous les domaines. C’est méchant, autant pour le fonctionnement de l’entreprise, que pour les pompes funèbres ou les hôtels, les restaurants, les parents, les syndicats, les docteurs, la télévision ; bref, tous les domaines que nous rencontrons dans notre misérable vie vont en prendre pour leur grade, le but n’étant pas de dire que c’était mieux avant, mais de pointer l’infantilisation que nous subissons.

Alors oui, Jacky Schwartzmann y va fort, on éclate de rire parfois, on rit jaune tout le temps. Mais surtout on apprécie l’opinion de ce personnage gratuitement ignoble et détestable parce qu’il y a un fond de vérité et des exemples criants de justesse et de lucidité. Ce qui est sûr, c’est que ça ne plaira pas à tout le monde. Mais par moments, ça fait bigrement du bien d’être bousculer dans nos petites certitudes inutiles. J’aime.