Je suis un guépard de Philippe Hauret

Editeur : Jigal

Après ses deux premiers romans, Je vis je meurs et Que Dieu me pardonne, qui œuvraient dans le pur polar noir, Philippe Hauret nous revient avec un polar social peuplé de gens comme vous et moi. Ce roman s’avère être une histoire dramatique contemporaine, dans laquelle l’auteur a peut-être trouvé son style, son genre.

Lino est un jeune homme d’une trentaine d’année qui regarde sa vie passer comme un cours d’eau tranquille. Occupant un poste de bureaucrate bien peu passionnant et mal payé, il subit le rythme lancinant du Métro – Boulot – Dodo, ne s’accordant que peu de loisir. En effet, quand le compte en banque est à sec dès la moitié du mois, on ne peut guère faire de folies le soir ou le week-end.

Ne se mêlant pas à ses collègues, ne cherchant pas de problèmes, Lino est un jeune homme transparent qui se rêve écrivain. Le soir, il rédige, relit, corrige des histoires sans grand espoir d’être un jour édité. D’ailleurs, il se persuade qu’il écrit avant tout pour lui, pour passer le temps, pour passer sa vie.

Un soir, alors qu’il revient d’une soirée dans un bar, il voit sur le seuil de son appartement une jeune fille endormie. Elle a juste un sac et est sale, ce qui lui montre qu’elle doit être sans domicile fixe. Il a suffisamment de problèmes personnels pour en plus rajouter ceux des autres. D’ailleurs, le lendemain, la jeune fille a disparu. Quelques jours plus tard, il la retrouve sur son palier, le visage en sang. Des jeunes ont voulu abuser d’elle. Alors, n’écoutant que son cœur, il la laisse entrer chez lui. Elle s’appelle Jessica.

Plutôt que d’inventer des paysages imaginaires, Philippe Hauret plante son décor en pleine ville, à Paris, et nous offre un roman social ancré dans le monde d’aujourd’hui. Il nous montre la vie de ceux qui arpentent les couloirs de métro, qui travaillent et qui touchent un salaire qui ne leur permet pas de vivre. La routine du travail est suivie par la routine de la maison puis la routine de la télévision. Voilà une vie bien triste dans laquelle il suffit d’une étincelle pour qu’elle prenne de l’ampleur.

Mais l’étincelle peut s’avérer une mèche et entraîner une explosion. Philippe Hauret aurait pu tomber dans un thriller, un roman d’action ou tout autre genre faisant de l’esbroufe. Il préfère la douceur, et la lucidité d’une histoire simple. Et il accompagne cette histoire à la fois dramatique, noire et belle d’une fluidité dans la narration qui rend hommage à sa créativité. Et le parcours de ces deux êtres, isolés au milieu des autres, va se dérouler sur la base de petits actes, de petits larcins aux grandes conséquences.

Ce roman ne fait que 200 pages mais chaque mot a tant à dire, tant à nous dire. C’est un regard non pas désenchanté mais lucide sur la vie et les rêves d’une autre vie, les rêves d’une vie tout court. Porteur d’un espoir parmi la grisaille de tout instant, ce roman est fondant, attachant dans sa retenue et sa fluidité. Avec ce troisième roman, maîtrisé de bout en bout, Philippe Hauret a écrit là un roman fort, humain, attachant. Il a peut-être trouvé un créneau personnel qui fonctionne à merveille. Il a, selon moi, écrit là son meilleur roman à ce jour. Vivement le suivant.

Ne ratez pas les avis de 404 et de l’ami Jean le Belge

Vermines de Romain R.Martin

Editeur : Flamant noir

Avouez qu’avec un titre pareil, un auteur inconnu et une couverture qui fait froid dans le dos (bon, je vous l’accorde, le chien nous tourne le dos !), vous n’auriez jamais eu l’idée de lire ce roman. Bien que j’adore les textes choisis par Nathalie, l’éditrice à la tête des éditions du Flamant Noir, j’étais comme vous, cher lecteur de passage. Il y a bien eu d’excellents avis sur les blogs mais cela ne fut pas suffisant. Et puis, Richard, le Concierge Masqué a sélectionné ce roman dans le Grand Prix de la Découverte, prix qui récompense un premier roman. Là, je ne pouvais faire autrement que me lancer dans la découverte d’un nouveau talent original. Donc, direction mon marchand de journaux / libraire et Hop ! Aussi dit, aussitôt fait ! Livre acheté, livre lu. Comment vous dire en trois mots ce que j’en pense ? Ah oui, ça y est, j’ai trouvé : NOM DE DIEU !

Dans un petit village de la Creuse, à Bourganeuf, Arnaud a ouvert une boutique de taxidermiste. Entre ceux qui veulent conserver un souvenir de leur animal de compagnie, ceux qui veulent empailler leur trophée de chasse et ceux qui cherchent une décoration de mauvais goût pour leur salon, il a beaucoup de travail, et se fait aider par Pascalin, un jeune homme au cerveau lent (et pas un cerf-volant).

Quelques jours auparavant, Arnaud a recueilli chez lui un chien, un labrador, qu’il a appelé Einmal (Une fois, en Allemand). Quand il se réveille ce matin-là, c’est pour apprendre que son animal s’est retrouvé écrasé par une armoire normande, qui s’est effondrée. Ce n’est pas tant le fait qu’il perde un compagnon, mais plutôt l’étrangeté du fait qui lui laisse à penser que quelque chose commence à dérailler dans sa vie.

Maltraitant Pascalin, par de petites remarques assassines, Arnaud profite de sa présence à tous points de vue. La boutique appartient en fait à Pascalin et il lui fait faire toutes les tâches ménagères sans jamais un mot réconfortant. Alors qu’Arnaud s’essaie aux cigarettes de Pascalin, aux douces odeurs de drogue douce, il se réveille en s’apercevant que l’armoire et Einmal ont disparu. Les faits étranges ne font que commencer à apparaitre. Mais quelle est donc la machination dont il est victime ?

Dans ce premier roman, Romain R.Martin construit son personnage en se laissant guider par ses actes et les événements qui vont lui tomber dessus. Indéniablement, il a choisi de le rendre désagréable, et on le déteste quand il maltraite Pascalin, on le déteste quand il dénigre ses contemporains, on le déteste quand il est odieux. Mais il est indéniable que l’on se prend à éprouver une sorte de compassion devant toutes les mésaventures qui lui arrivent. Car on a beau ne pas aimer quelqu’un, le lecteur que nous sommes reste humain. Et devant un malheur, nous ne pouvons rester insensibles.

Certes ce sont de petits malheurs mais ils vont prendre de plus en plus d’importance, devenir de plus en plus noirs et dangereux (Notez que je fais un effort pour en dire le moins possible sur l’intrigue !). Jusqu’au dénouement final qui va prendre tout le monde à revers et qui fait que ce roman est vraiment à part, original dans son sujet et son traitement.

Romain R.Martin choisit un style cynique jusqu’au bout des ongles, méchant même, en rajoutant toujours un peu plus. Et même malgré cela, malgré son coté hautain envers les autres, on s’inquiète, on s’interroge. C’est remarquablement bien fait et pour un premier roman, c’est un sacré tour de force. Si l’on ajoute qu’en chaque tête de chapitre, l’auteur nous offre des citations des plus grands auteurs littéraires, cela devient du divertissement haut de gamme. A quand le prochain ?

Ne ratez pas les avis de l’Oncle Paul, Jean le Belge et Marie-Nel

Double Noir Saison 1

Claude Mesplède, le pape du polar s’est lancé dans une nouvelle aventure. L’association Nèfle Noire propose des nouvelles noires sous un format original (Format A6, c’est-à-dire tout petit, ça tient dans une poche de pantalon) à un prix tout aussi original (2€ !). Le contenu est aussi original, puisqu’il regroupe dans un volume 2 nouvelles, l’une écrite par une auteur classique, l’autre par un auteur contemporain. Ce qui veut dire que pour 2 euros, vous avez droit à une heure de lecture (car la fonte de l’écriture est riquiqui, et c’est le seul reproche que je ferai, mais essayez de proposer 2 nouvelles en 20 pages !)

Chaque année, nous avons donc droit à une série de nouvelles. La saison 1 se compose de 4 volumes (ou épisodes si on se réfère aux séries télévisées). Ah oui, j’ai oublié de vous dire : les frais d’envoi à partir de 4 livres sont de 4 euros ! C’est donné ! Franchement, parfois, je me demande pourquoi vous hésitez encore ! Du coup, j’ai acheté les 2 premières séries, la troisième devant voir le jour en octobre de cette année.

Ah oui, j’ai une question d’une petite dame au fond de la salle. Comment ? Où peut-on se procurer ces petits volumes au contenu aussi étonnant que formidable ? C’est simple : vous allez sur le site www.doublenoir.fr/, vous téléchargez le bon de commande, un petit chèque et hop ! L’affaire est conclue. Ah ! une autre question de la petite dame du fond : De quoi parlent la première saison ? Eh bien, voici un petit aperçu des 8 nouvelles de la saison 1 :

Saison 1 / Episode 1 :

Erckmann-Chatrian: La voleuse d’enfants

En 1787, à Mayence, une femme erre dans la ville en appelant sa fille, disparue. Tout le monde la prend pour une folle. Il faudra la disparition du fils d’un colonel pour que le prévôt veuille bien lancer une enquête. En une dizaine de pages, l’ambiance brumeuse et sombre est formidablement posée. Et le mystère va nous mener à un dénouement noir et macabre digne des thrillers actuels. Une nouvelle énorme !

Marc Villard : Chorus

Sam est un génie méconnu de la trompette. Il joue dans des petits bars et son ancienne petite amie Diana lui demande un service. Mais il n’aurait jamais dû écouter son cœur sur ce coup là. Marc Villard nous écrit un pur polar réjouissant. Tout y est : l’ambiance, les méchants, les gentils, la femme fatale … et l’amour du jazz. Là ou des auteurs mettent 300 pages à vous intéresser, Marc Villard le fait en 11 !

Saison 1 / Episode 2 :

Abraham Lincoln: L’affaire Trailor

William, Henry et Archibald Trailor ne sont pas connus pour être des frères bandits ou assassins. Fisher, voisin de William, partit avec lui rejoindre ses autres frères. Arrivés à Sptingfield, ils prirent une chambre dans une pension. Le soir, ils partirent faire un tour dans les bois et Fisher ne revint jamais. Avec cette histoire mystérieuse, le Président des Etats-Unis Abraham Lincoln demande et se demande ce que doit être une société juste et la place de la justice dans celle-ci.

Franck Thilliez : Gabrielle

Gabrielle et Pierre sont deux amoureux de la nature. Tous les ans, ils observent et filment les grizzlis à la chasse automnale, qui se préparent pour un hiver rigoureux. Ils habitent au milieu des bois, derrière un grillage électrifié. Mais cette année-là , les saumons ne sont pas au rendez vous, et les grizzlis ont faim, désespérément faim. Le stress monte, monte, jusqu’à un dénouement totalement inattendu. J’ai trouvé cette nouvelle excellentissime, et non dénué de tendresse.

Saison 1 / Episode 3 :

Emile Zola: Les disparitions mystérieuses

Emile Zola est un de mes auteurs favoris que j’ai découvert lorsque j’étais au collège. Avant les Rougon-Macquart, en 1867, il publiait une chronique dans le Figaro, qui se voulait une critique acerbe et humoristique, tournant en dérision les novellistes qui inventent des histoires sur la base de disparitions de gens. Commencé comme un reportage pour rassurer ses lecteurs, il transforme cette chronique en un charmant petit morceau de comédie.

Laurence Biberfeld : Treize, impair et manque

Martin Saroyo avait tout pour lui : riche, PDG, et venant de gagner de fortes sommes au casino. Alors comment expliquer qu’on le retrouve mort, suicidé, ayant croqué une pilule de cyanure. De cet événement dramatique, Laurence Biberfeld nous concocte une nouvelle bien noire au dénouement aussi inattendue qu’inhumain.

Saison 1 / Episode 4 :

Scott Fitzgerald : Pendant le bal

Il est étonnant de lire une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald qui lorgne du coté du roman policier. On a du mal à l’imaginer, pour qui a lu Gatsby le Magnifique. On y retrouve tous les ingrédients d’un roman policier, un personnage féminin, une scène de meurtre, et on se laisse bercer par ce style inimitable et nonchalant de ce grand auteur, à la fois dandy et subtil dans sa façon de fondre les personnages dans des décors éthérés.

Elsa Marpeau : Jeu de main

Elle aime l’informatique et s’est créé son propre monde imaginaire. Avant de préparer le repas de la famille, elle s’évade dans ce monde parfait. Parfait ? Pas sur ! En quatre pages, seulement, Elsa Marpeau arrive à nous plonger dans un monde plus vrai que vrai. L’effet en est saisissant et la chute d’autant plus violente pour le lecteur. Un sacré coup de force pour cette auteure décidément trop méconnue.

Espace jeunesse : A la nuit je mens de Kara Thomas

Editeur : Castelmore

Traducteur : Cécile Chartres

Je vous avais parlé le mois dernier de Little Monsters, le premier roman de Kara Thomas à être publié en France. Je devais vous parler de son deuxième, sorti tout récemment. Mais comme j’ai du retard dans mes lectures, j’ai fait appel à mon amie Suzie qui m’a fait la gentillesse de m’offrir son avis que voici :

Bonjour amis lecteur. Me voici de retour pour vous parler d’un nouveau livre intitulé « A la nuit je mens » de Kara Thomas.

Récemment, mon ami et hôte Pierre vous a parlé de son livre précédent « Little monsters », livre que j’ai également lu et qui m’a suffisamment intriguée pour lire les autres romans de cette auteure. Cette dernière est connue sous les pseudonymes de « Kara Thomas » ou de « Kara Taylor » et elle écrit des romans « Young Adult » c’est-à-dire des histoires dont les héros se trouvent dans la tranche d’âge 15 – 20 ans à peu près. « A la nuit je mens » est son deuxième roman traduit en français après « Little monsters ».

Le titre anglais de  « A la nuit je mens »  est « The darkest corners » qu’on pourrait traduire par les coins les plus sombres. Si on compare les deux couvertures, vous constaterez qu’elles véhiculent deux messages différents. Pour l’original, cette dernière est composée de morceaux d’une photo qui aurait été déchirée et qu’on aurait reconstruite par la suite. Comme si la psyché d’un des personnages féminins aurait été morcelée et reconstruite selon une logique différente. Pour la version française, elle reflète l’aspect de se murmurer des secrets voire des mensonges à l’oreille. C’est la position typique de deux amies ayant une discussion hautement confidentielle.

Si on revient à la quatrième de couverture, le synopsis nous raconte une drôle d’histoire :  Celle d’une jeune femme de dix-sept ans qui revient dans la ville de son enfance, Fayette,  qu’elle a quittée il y a dix ans, après l’éclatement de sa famille. Son enfance a été marquée par son témoignage, avec sa meilleure amie, contre un homme qui serait un serial killer. Mais, les années passant, le doute s’instaure et lors de son retour dans cette petite ville, de nouveaux éléments émergent. Les apparences sont trompeuses et plus que trompeuses. L’auteur va en jouer pendant toute l’histoire.

Le personnage principal, Tessa, apparaît comme un personnage qui apporte un œil neuf sur le microcosme de Fayette. Après une absence de dix années, elle a évolué et elle revient avec ses doutes mais également des secrets qu’elle n’a jamais dévoilés à quiconque. Pour appuyer encore plus le point de vue de Tessa, l’histoire est racontée à la première personne du singulier. Cela renforce cette impression d’étrangeté.

Car c’est un personnage qui se retrouve entre le marteau et l’enclume. Elle connait le passé des protagonistes de cette histoire mais pas leur évolution, qu’elle a du mal à appréhender. De plus, cette transplantation forcée entre Fayette et la Floride a transformé Tessa. Elle est devenue beaucoup plus secrète, plus inquiète, ne supportant pas qu’on la touche, ainsi qu’indépendante. Elle a une conscience très forte des secrets qu’elle garde ainsi qu’une compréhension trop mature des relations avec sa famille.

Enfin, il y a une certaine culpabilité qui va l’accompagner pendant des années. Alors que Tessa est plutôt introvertie, Callie semble être son exact contraire. Elle semble être intégrée mais elle cache également d’autres secrets. En ce qui concerne les parents de Callie, ces derniers sont toujours sous le choc de l’homicide de leur nièce malgré le temps passé, en particulier la mère. Cette affaire d’homicide aura secoué cette petite ville et lorsqu’un autre homicide a lieu, les secrets et les mensonges ont tendance à remonter à la surface. Les autres personnages sont montrés par couches successives qui leur donnent du relief au fur et à mesure que Tessa va les côtoyer.

Si on regarde l’intrigue, cette dernière va comporter deux axes : le témoignage de Tessa et de Callie pour incriminer Wyatt Stokes ainsi que la famille de Tessa dont deux des membres ont brutalement disparu, sans laisser de traces. Dans la première intrigue, c’est celle qui va appâter les lecteurs et qui est décrite dans le synopsis. Elle démontre l’instrumentalisation des enfants c’est-à-dire, dans ce cas, la concordance du témoignage des deux fillettes jusqu’à obtenir une reconstitution unique pour pouvoir inculper un homme sur des preuves indirectes ainsi que leurs conséquences sur la vie des différents habitants.

La deuxième intrigue qui reste sous-jacente pendant une bonne partie de l’histoire est la recherche par Tessa de sa sœur. Cette dernière ayant disparu lors de l’homicide de sa meilleure amie, refait une brève apparition au début de cette histoire. Cela va pousser Tessa à chercher à comprendre comment la personne la plus importante de sa vie a pu disparaître sans laisser de traces. Cette intrigue secondaire met en exergue la recherche de son identité, la compréhension de ses racines à travers la recherche de cette sœur tant aimée. Mais, les secrets qui vont en émerger, vont modifier la vie de Tessa ainsi que celle de la ville. Mais, je ne peux vous en dire plus. A vous de le découvrir

Je ne connaissais pas cette auteure avant de lire son livre précédent « Little monsters » avec lequel elle a réussi à me surprendre. J’avais hâte de pouvoir lire celui-ci et cela m’a fait le même effet que le précédent, surtout la fin. J’ai eu droit à un retournement de crêpe. L’auteure passe son temps à vous balader entre les différents secrets des uns et des autres, leurs mensonges, leurs problèmes et leurs doutes. Elle nous appâte avec une intrigue assez controversée : le témoignage d’enfants dans un procès pour de multiples homicides avec des problèmes bien spécifiques comme la concordance des faits, la préparation des témoins, la divulgation des preuves, … Et de cette intrigue primaire, l’auteure nous fait rebondir sur une intrigue secondaire qui va, au fur et à mesure, passer au premier plan pour nous emmener vers une conclusion très particulière. J’attends avec une grande impatience son prochain roman et je me demande à quelle sauce Kara Thomas compte nous déguster. Sur cela, je retourne dans ma cave avec de nouvelles provisions et j’espère que vous apprécierez les différentes thématiques de ce livre. Bonne lecture à tous et à bientôt. 

Les ombres de Montelupo de Valerio Varesi

Editeur : Agullo

Traducteur : Sarah Amrani

Après le magnifique opus précédent, La pension de la Via Saffi, voici donc la troisième enquête du commissaire Soneri ; une nouvelle fois, cette série s’affirme comme indispensable pour tout amateur de romans policiers introspectifs ayant une base historique. Pour moi, après avoir lu les trois romans traduits à ce jour, c’est un sans-faute et ce roman est une nouvelle fois bouleversant.

Alors qu’il est à bout dans son métier de commissaire, Soneri décide de prendre des vacances et de se ressourcer dans son village natal au pied du Montelupo. Cette pause agrémentée de marches en forêt, à la recherche de champignons devrait lui permettre d’oublier la noirceur de la ville de Parme. Retrouver le décor de son enfance, rencontrer des visages d’antan, voilà un programme sympathique pour lui qui a quitté ce lieu depuis presque trente ans maintenant.

La tranquillité recherchée n’est pas au rendez-vous. Au village, tout le monde ne parle que de la disparition de Palmiro le père et Paride le fils de la famille Rodolfi, les propriétaires de l’usine de charcuterie qui fait vivre le village. Quand Soneri débarque au village, en plein mois de novembre, des affiches ont été placardées sur les murs indiquant que Paride va bien. Soneri, lui, se contente d’arpenter les bois mais la récolte de champignons est faible due à l’été qui a été trop sec. Lors d’une de ses escapades, un coup de feu est tiré mais il a été tiré en l’air.

Le lendemain, les discussions vont bon train. Les affiches ne font qu’ajouter au trouble ambiant. Si les habitants pensent que les coups de feu proviennent de braconniers, nombreux en cette saison, les camions qui vont et viennent à l’usine inquiètent plus qu’autre chose. Quand on retrouve Palmiro pendu à une poutre de sa grange, l’inquitéude grandit et les hypothèses vont bon train. Soneri qui ne veut pas se mêler de cette affaire va s’y retrouver impliqué malgré lui.

En ce qui concerne les descriptions d’ambiance, Valerio Varesi se pose comme un incontournable. Il trouve des sujets qui collent parfaitement à son talent d’écrivain. Et avec ce sujet, on se balade dans les bois, dévorés par le brouillard et éclairés par le soleil qui se lève. Il y a des passages d’une beauté confondante, de ces paragraphes que l’on prend même plaisir à relire, juste pour le bonheur du voyage.

De même, Valerio Varesi nous peint une ambiance de village, avec ses discussions autour du zinc du bar, avec ses informations vraies ou fausses, ses croyances, ses on-dit. En mettant en avant ses personnages secondaires, il leur laisse la vedette pour à la fois décrire le contexte mais aussi pour semer des indices sur la situation et les ressentiments de chacun.

Au milieu de ce brouhaha, on trouve Soneri qui ne veut pas se mêler des problèmes des autres. On est loin d’un Hercule Poirot qui, même en vacances, va vouloir résoudre des affaires de meurtres. Soneri promène son mal-être et ses doutes, et écoute les bruits alentour en étant détaché. Et même si l’auteur sème sur sa route nombre de mystères, sa priorité est de ne penser à rien, de faire le vide dans sa tête. Il va bien entendu s’y retrouvé plongé en plein cœur sans le vouloir.

Sa psychologie se précise aussi : on retrouve un Soneri qui a du mal à se trouver sa place dans la société moderne et sa course au profit facile. Et cela finit par être un des sujets premiers du roman, la mainmise d’une industrie sans scrupules sur les économies des pauvres gens du cru, en leur vendant des rêves de bénéfices, les poussant à donner leur argent sans espoir de le retrouver un jour. On retrouve aussi un Soneri en train de récupérer des informations sur son propre père, et découvrir qu’il lui a tourné le dos à tort. Valerio Varesi creuse un sujet qui apparemment lui tient à cœur : le poids du passé, les conséquences de nos actions ou décisions, et les moments de lucidité où on se rend compte que l’on a eu tort mais qu’on ne peut pas revenir en arrière.

Ce sont dans ces moments là où l’on se rend compte que la plume de Valerio Varesi est d’une précision et d’une acuité rare, qu’elle est d’une telle simplicité et d’une telle justesse qu’il arrive à toucher directement là où ça fait mal : entre les tripes et le cœur. On a l’impression qu’il y a dans ses romans un équilibre parfait entre narration et description, entre dialogues et introspection et cela rend ces romans à la fois intemporels et tout simplement magnifiques.

Ne ratez pas les avis de Velda, Garoupe, et de l’ami Jean le Belge.

En cadeau, voici l’interview de Valerio Varesi par Velda.

 

 

 

Des airs de vendredi 13 …

Rappelez-vous, dans les années 90, une série de films mettant en scène un tueur en série, racontait comment tuer une bande jeunes gens de façon horrible (et comique, moi, je trouvais ça comique !) les uns après les autres. Je ne parle pas d’Halloween de John Carpenter, mais de Vendredi 13 de Sean Cunningham. Je vous propose deux lectures qui peuvent entrer dans cette catégorie, avec des bases de sujet différentes.

Itinéraire d’une mort annoncée de Fabrice Barbeau

Editeur : Hugo & Cie

Auréolé d’un bandeau rouge annonçant un Coup de Cœur RTL, ce roman est passé entre mes mains car il fait partie de la sélection 2018 du Grand Prix des Balais d’Or. C’est un roman à suspense bien stressant.

Anthony est un jeune homme qui a tout perdu : son travail, sa femme, et même son compte en banque. Il quitte son appartement et se retrouve à la rue, cherchant un endroit à l’abri du froid pour dormir. Les premières nuits, il se fait dépouiller et tabasser. Sa chance réside dans Mélanie, une jeune policière qui décide de l’héberger pour lui redonner gout à la vie. Pour son anniversaire, elle lui fait une surprise : Réunir ses anciens amis dans une maison de campagne pour fêter son anniversaire.

Ce roman ne manque pas d’ambition : peindre le portrait d’un jeune homme qui a tout perdu, sur une base d’allers-retours entre passé et présent. Si le principe est connu, il est bien difficile à maîtriser. Le grand talent de l’auteur est bien de trouver tous les événements qui vont rendre cette histoire crédible et intéressante. Si le début du roman commence comme un roman psychologique, le rythme des événements augmente très vite pour créer une tension et un stress qui nous fait oublier de chercher le coupable.

Car les disparitions et les morts vont s’accumuler, et le roman se transformer en huis-clos de la mort. A la façon d’un Dix petits nègres, mais avec plus de violence, ce roman m’a surtout fait penser à la série Vendredi 13, qui était surtout comique par la façon de mettre en scène les meurtres. Même si j’ai deviné le nom du coupable assez tôt dans le roman, je dois dire que je me suis laissé prendre au jeu, surtout au nom de la nostalgie des films d’antan et parce que ce roman arrive à nous tenir en haleine sur plus de 300 pages. Ce qui prouve que ce roman est un bon divertissement.

Les lois du ciel de Grégoire Courtois

Editeur : Gallimard Folio

Conseillé par Coco, voilà un sujet bien glauque puisque le départ du roman est un voyage en classe transplantée ou classe verte d’une douzaine de gamins de CP, accompagnés de trois adultes. Ils ne partaient pas loin, tout juste une dizaine de kilomètres dans les bois. Les accompagnateurs étaient Frédéric Brun l’instituteur ainsi que deux mamans Sandra Rémy et Nathalie Amselle. Le premier chapitre se termine ainsi :

« Et voilà.

Les enfants étaient partis.

Et jamais ils ne reviendraient. »

Parmi les enfants, on trouve tous les caractères inhérents aux enfants de leur âge, qu’ils soient peureux, courageux, attentifs ou turbulents. Je dois dire qu’après le froid du premier chapitre, on en vient à s’intéresser à cette histoire pour comprendre. Et les mises en situation permettent de nous imprégner de ces psychologies, avant le drame, horrible comme il se doit qui va nous mettre en situation.

D’amusement, on passe à l’horreur de la mort de Fred et on continue à faire défiler les pages pour voir comment tous ces enfants vont connaitre leur fin irrémédiable. En tant que parent, je dois dire que cela met bien mal à l’aise, et en tant que lecteur, l’auteur nous interpelle clairement devant notre désir de voyeurisme. Et de divertissement amusant, on se retrouve avec ce genre de roman qui nous met mal à l’aise face à notre volonté d’en voir toujours plus.

Au bout du compte, ce petit roman (200 pages) en dit bien plus que d’autres de 400 pages, et s’avère une belle démonstration d’un voyeurisme malsain. Ce sera un roman difficile à oublier.

Derniers jours à Alep de Guillaume Ramezi

Editeur : French Pulp

Ce roman est un premier roman qui m’a été conseillé par mon ami Richard le concierge masqué et qui fait partie de la sélection pour le Balai de la Découverte 2018. A sa lecture, on ne peut qu’être impressionné par la maîtrise de la narration.

Paris. Mathias a perdu son père à l’âge de 6 ans, emporté par un cancer. Depuis il a voué sa vie à combattre cette maladie. Vingt-cinq ans plus tard, il est devenu médecin cancérologue et fait tout ce qui en son pouvoir pour soulager et soigner les malades. Ce jour-là, il vient de rendre visite à madame Lelong, mais sait qu’elle n’en a plus pour longtemps. Dans la salle de détente, la télévision est branchée sur une chaîne d’information en continu. Le reportage montre le portrait d’un terroriste recherché par toutes les polices, Youssef Al Mansour. Le visage de cet homme ne laisse aucun doute : ses traits lui laissent à penser que cet homme est son père. Il décide de contacter son amie Marie, journaliste, qui revient tout juste d’un reportage dans les pays de l’est.

Alep. Dans une cave, Youssef Al Mansour va rendre visite à un homme attaché sur une chaise. Al Mansour est propriétaire d’une des meilleures savonneries d’Alep. Il doit faire signer de force à son prisonnier la cession de sa savonnerie, devenant ainsi l’homme indispensable du savon d’Alep, réputé dans le monde. Ses hommes vont torturer le pauvre homme qui va céder aux demandes. Puis Youssef va demander à ses hommes d’enfermer Ali dans une cellule et de lui faire prendre une pilule. Youssef Al Mansour pourrait bien être à la tête d’un acte de terrorisme sans précédent.

Je ne suis pas à proprement parler fan de romans d’espionnage et si ce roman ne m’avait pas été conseillé par mon ami Richard, nul doute que je ne l’aurais pas lu. Et j’aurais eu bien tort, car il regorge de qualités. Ce roman est porté par les deux personnages principaux, chacun ayant droit à un chapitre qui se parlent et se répondent comme au ping-pong, ou devrais je dire comme au tennis. Car Guillaume Ramezi prend son temps pour développer son intrigue, nous décrivant la vie de Mathias et son quotidien d’un coté, Youssef et la mise au point de sa machination de l’autre.

Evidemment, on attend la rencontre entre les deux personnages, qui aura bien lieu, mais qui ne sera pas le point culminant du livre. Guillaume Ramezi préfère construire une intrigue hallucinante en faisant intervenir les services d’espionnage et jouer la carte du réalisme, tout cela sans esbroufe, sans événement sensationnel, sans violence inutile. Le ton s’y avère calme, posé, et met en avant cette intrigue remarquablement bien construite, et qui fait froid dans le dos.

Il y a aussi cette plume travaillé, précise, détaillée qui va nous détailler tout, des décors aux émotions, des situations aux décors, se plaçant là aux cotés d’un auteur comme John Le Carré plutôt que du coté d’une écriture efficace. Ceux qui cherchent une écriture à base de phrases courtes passeront leur chemin. Par contre, les adeptes de romans catastrophe mâtiné de roman d’espionnage, ceux qui veulent se faire peur par les conséquences que laisse entrevoir l’auteur sauteront dessus. Je vous le dis, Guillaume Ramezi est un auteur à suivre tant ce roman laisse envisager de belles promesses pour l’avenir.

Ne ratez pas l’interview de l’auteur sur le site du Concierge Masqué

L’information du mardi : Le Thriller de l’été ?

Je vous le dis tout de go : je n’ai pas lu (encore) ce roman. On m’a gentiment passé l’information et il était de mon devoir de vous signaler la sortie de ce roman : Gandhara de Richard Canal. C’est sorti aux éditions Séma dans la collection Séma’cabre.

La couverture est magnifique. Et rien qu’à lire la quatrième de couverture, cela devrait vous mettre l’eau à la bouche, ou les étoiles dans les yeux. Jugez plutôt :

Daniel Kissling, détective privé sans ambition, vit comme il peut de petits contrats jusqu’au jour où un riche collectionneur lui demande de retrouver une statue extrêmement rare qu’il vient d’acheter et qui n’est jamais arrivée à destination.

Daniel, étonné par les moyens que le magnat met à sa disposition, se lance sur les traces du marchand d’art qui devait livrer la statue. De Nice à Londres, de Bangkok à Bali, jusqu’aux plus hauts sommets de l’Hindou-Kouch, les pistes se multiplient, plus étranges les unes que les autres. Pourquoi le marchand d’art laisse-t-il derrière lui des énigmes à son attention ? Pourquoi une Chinoise irrésistible s’attache-t-elle à lui au point de l’accompagner au cœur de l’enfer ?

L’ombre de Joseph Conrad plane sur Gandhara. Ceci est l’histoire d’un homme qui apprend à vaincre la peur dans un monde en proie au terrorisme, à trouver la paix alors que la mort peut frapper à tout moment.

Alors n’hésitez plus, harcelez votre libraire. En attendant, je vous souhaite un bel été, plein de lectures réjouissantes. Le blog reste ouvert tout l’été. Et surtout, n’oubliez pas le principal, lisez !

Les incurables de Jon Bassoff

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons

Après une premier roman plus que prometteur, Corrosion, Jon Bassoff nous revient avec un roman qui nous plonge dans l’Amérique profonde des années 50 avec un roman tout simplement génial.

1953. Le Dr Walter Freeman est une des sommités de l’hôpital psychiatrique dans lequel il travaille. Il est un spécialiste de la lobotomie trans-orbitale, et a sauvé nombre de personnes. Ce matin-là, Edgar, son patient du jour, s’avère être un jeune homme extrêmement violent. Armé de son pic à glace et de son marteau, il lui enlève les zones du cerveau à l’origine de sa violence. Après l’opération, Edgar semble avoir oublié toute idée de meurtre. Pour le Dr Freeman, il vient de sauver une personne supplémentaire. C’est d’ailleurs tout ce qui lui reste, depuis qu’il n’a pas pu sauver son fils lors d’une randonnée dans les Rocheuses.

Sa situation est remise en cause par McCloud, le directeur de l’hôpital et par l’amélioration récente des médicaments. Il lui demande de cesser ces opérations inhumaines et vire le Dr Freeman, qui se retrouve face à sa femme alcoolique. Sa décision est prise : il partira sur les routes sauver de nouvelles âmes. Après avoir récupéré Edgar, les deux hommes partent arpenter les petites villes et leur marché.

Deux ans plus tard, Dans une petite ville de l’Oklahoma. Sur un podium, Stanton, un vieil homme exhorte les passants, leur annonçant la venue du messie. En effet, à coté de lui, Durango, son fils est assis sur un trône de fortune, une couronne d’épines sur la tête. La foule se moque d’eux jusqu’à ce qu’une femme apparemment aveugle affirme avoir retrouvé la vue après que Durango ait apposé ses mains sur sa tête.

Puis Durango rencontre Scent dans un bar, une jeune fille qui vit avec sa mère folle qui croit que son mari va revenir en jour. Scent ne rêve que d’une chose : récupérer l’argent de sa mère et partir de cet enfer. Le lendemain, le Dr Freeman et Edgar débarquent, proposant de faire une démonstration de leur solution ultime à tous les problèmes.

C’est dans les campagnes américaines que les auteurs américains ont trouvé l’inspiration et le don de décrire la nature humaine, celle qui nous rappelle que nous ne sommes rien d’autre que des animaux doués de réflexion. Bien qu’il situe son roman dans les années 50, probablement pour des raisons scénaristiques, Jon Bassoff nous livre là un roman intemporel, prenant, impressionnant, encore meilleur que Corrosion à mon avis.

Dès les premières lignes, dès les premières pages, on est plongé dans un décor surnaturel, dans une sorte de mélange de Vol au dessus d’un nid de coucou et Shutter Island. Et dans cette ambiance de folie, où les docteurs sont aussi fous que leurs patients, Jon Bassof nous place ses personnages dans une première partie qui va durer quatre chapitres. Puis on arrive deux ans plus tard dans un autre décor impressionnant, une place dans un village avec des marchands ambulants, qui collent parfaitement à l’idée que l’on peut se faire des badauds et des petits podiums, des hurleurs cherchant à vendre leurs solutions miracles.

Dans cette période et ce lieu qui ressemblent à la fin du monde, les personnages sont tous à la recherche de quelque chose, et plus particulièrement d’une possibilité de fuite, car, dit-on, l’herbe est plus verte ailleurs. Je ne sais pas si Jon Bassoff a voulu y insérer un message, mais tous ses personnages veulent être sauvés, et la solution n’est ni dans la médecine, ni la religion, ni le Diable qui fera son apparition vers la fin du livre. Toujours est-il que son livre, inoubliable et brillant à tous points de vue, évoque beaucoup de choses et nous amène vers une fin en forme d’apocalypse.

Avec son style minimaliste et bigrement évocateur, Jon Bassoff nous guide dans son cauchemar qu’il a patiemment dessinés avec juste quelques traits de fuseau, un fuseau comportant deux couleurs : le noir et le rouge. Et en seulement 200 pages, il nous aura parlé de plein de choses, sans jamais les imposer, juste pour nous faire grandir. Après avoir tourné la dernière page, je me suis dit que je n’avais jamais lu un roman aussi proche et aussi empreint d’humilité pour l’univers du grand Harry Crews. Les incurables est pour moi un des incontournables de cette année 2018

Ne ratez l’avis de Quatre Cent Quatre

Juste après la vague de Sandrine Collette

Editeur : Denoel – Sueurs Froides

Il y a des auteurs que je suis prêt à suivre, quelque soit la direction qu’ils prennent. Sandrine Collette fait partie de ceux-là, et ce depuis son premier roman, le génial Des nœuds d’acier. Alors, depuis 2013, j’attends avec impatience le petit dernier, je l’achète le jour de sa sortie … et je le garde au chaud pour l’été. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être est-ce une façon de ne pas être influencé par les avis des collègues blogueurs qui sortent à ce moment là. Avec Juste après la vague, Sandrine Collette frappe fort, une nouvelle fois.

Un Volcan s’est effondré, créant un gigantesque tsunami. La mer est montée, balayant les habitations alentour. Pata, Madie et leurs neuf enfants se retrouvent isolés dans leur maison, située sur une colline, au milieu d’une mer à perte de vue. Ils apprennent à vivre de peu, limitant leurs repas et vivant avec l’élevage de leurs poules et coqs. Mais les soubresauts de la terre font que l’eau continue de monter.

Les jours passant, l’avenir s’assombrit, les réserves diminuent. Les parents sachant qu’ils ne tiendront pas longtemps décident de prendre la barque pour rejoindre les Hautes Terres. Mais en considérant qu’il faut prendre des réserves pour la traversée d’une dizaine de jours, ils ne peuvent pas prendre tout le monde à bord de la barque. Ils ont donc un choix douloureux à faire : Qui des trois enfants vont-ils laisser derrière eux ?

Louie le boiteux, Noé le nain et Perrine la borgne se réveille sans les parents. Madie leur explique dans une lettre qu’ils ont du partir mais qu’ils vont revenir les chercher dans 12 jours. Ils ont de quoi tenir à condition de respecter les règles et les rations de nourriture. Louie le plus grand aura la responsabilité de son frère et de sa sœur.

Sandrine Collette a le don de surprendre. C’est tant mieux pour nous. Le titre peut faire penser au gigantesque tsunami qui a ravagé l’Indonésie en 2004, et on a du mal à s’imaginer l’intrigue que peut tirer Sandrine Collette de cet événement. Et comme d’habitude, cet événement ne sert qu’à fournir un décor, totalement imaginaire pour mieux creuser les psychologies d’une famille.

Sans entrer dans des détails macabres (elle aurait pu insister sur les corps rejetés par la mer, leur état de décomposition), Sandrine Collette préfère parler de survie et de réaction face à une catastrophe. Mais elle parle surtout de la famille et de l’amour des parents pour leurs enfants, de confiance, d’espoir et de déceptions. Et comme je l’ai déjà dit dans mes précédents billets, le décor a beau être fantastiquement beau, grand et sans fin, Sandrine Collette arrive à créer un huis-clos. Et ce n’est pas un huis-clos oppressant, c’est un huis-clos stressant. Sandrine Collette est l’inventeur de l’huis-clos en plein air.

Il faut être fou pour se lancer dans une histoire comme celle-là. D’un coté, trois enfants qui survivent en attendant leurs parents car ils vont revenir, c’est sur ! De l’autre, les parents qui voguent sur une barque en espérant que tout au fond de l’étendue bleue apparaitra un morceau de terre. Je vais vous dire : ce roman m’a fait penser à Lifeboat d’Alfred Hitchcock, où sans une once de musique, le maître arrive à nous passionner dans un espace aussi confiné qu’une barque. Ce roman est du même niveau, aussi passionnant.

Outre la survie des enfants, je ne me rappelle pas avoir lu un roman fouillant aussi profondément la relation du père et de la mère envers leurs enfants. Ce que j’y ai lu, c’est la différence entre un père se battant pour la survie de sa famille de son clan, et une mère dont chaque enfant est un morceau de sa chair. Si c’est une lecture personnelle, je vous l’accorde, c’est un des aspects qui rendent ce roman incroyablement juste pour moi et inoubliable. Sandrine Collette nous a concoctés encore une fois une formidable réussite, qui interpelle nos sentiments les plus profonds.