Je ne pouvais décemment pas passer sous silence la disparition le mois dernier de ce grand auteur suédois, connu et reconnu dans le monde littéraire et adulé chez les polardeux pour la création de son personnage de Wallander.
L’auteur :
Henning Mankell, né le 3 février 1948 à Stockholm et mort le 5 octobre 2015 à Göteborg, est un romancier et dramaturge suédois, tout particulièrement connu comme auteur d’une série policière ayant pour héros l’inspecteur Kurt Wallander du commissariat d’Ystad, une ville de Scanie, près de Malmö, dans le sud de la Suède.
Henning Mankell grandit à Härjedalen, au centre de la Suède. Ses parents ont divorcé alors qu’il avait un an. Sa mère partie, il est élevé par son père, juge d’instance. À seize ans, il part en stop pour Paris. Il intègre ensuite la marine marchande, vit à Paris puis en Norvège. En 1972, il découvre l’Afrique, d’abord en Guinée-Bissau puis en Zambie.
Il partage ensuite sa vie entre la Suède et le Mozambique où il a monté une troupe de théâtre, le « Teatro Avenida ». Après quelques romans, il développe sa carrière d’écrivain pour « se consacrer au théâtre en signant de nombreuses pièces » pour la scène et pour la radio. Dès 1990, il se lance en parallèle dans l’écriture d’ouvrages de littérature d’enfance et de jeunesse. Selon le spécialiste des littératures nordiques Philippe Bouquet cité par Claude Mesplède dans le Dictionnaire des littératures policières : « Mankell a toujours eu un faible pour les petites gens, […] cela se remarque dès ses premières œuvres romanesques [dans les années 1980 centrés sur des ouvriers] qui se lancent à la poursuite d’un patron indélicat [ou] traitent de la situation de la femme par le biais de la maternité ».
Mankell ne connaît toutefois une renommée internationale que grâce à la série policière des enquêtes de Kurt Wallander, homme en « perpétuelle interrogation sur le pourquoi des souffrances humaines [et dont la devise est] : « Les êtres sont rarement ce qu’on croit qu’ils sont » ». Ce commissaire, qui mène ses enquêtes de façon désabusée, est entouré par une équipe de policiers où chacun possède une personnalité soigneusement décrite. Les meurtres sanglants auxquels il est confronté le plongent au fil des romans dans un état de plus en plus dépressif, car le développement de l’aspect psychologique est tout aussi important pour Mankell que l’intrigue policière elle-même. Toutes les aventures de Wallander se déroulent dans la petite ville d’Ystad, en Scanie, dans le sud de la Suède, même si le détective se déplace une fois en Lettonie (Les Chiens de Riga) et enquête sur un meurtre dont les origines remontent en Afrique du Sud (La Lionne blanche). En outre, le sol du proche Danemark est souvent foulé.
Henning Mankell reçoit le prix Nils Holgersson en 1991. Il devient le premier lauréat du prix Clé de verre en 1992 avec le roman Meurtriers sans visage. En 2000, il reçoit le prix Mystère de la critique pour le roman Le Guerrier solitaire. Mankell est également double lauréat du prix du meilleur roman policier suédois. En 2007, il préside le jury du Prix du Livre européen qui sera remis cette année-là à Guy Verhofstadt pour son livre Les États-Unis d’Europe.
En 2010, il participe à l’expédition organisée par des groupes activistes en faveur de Gaza, qui donne lieu à un abordage israélien qui causa une dizaine de victimes. Il tire de cette expérience un récit publié le 5 juin 2010 dans plusieurs grands journaux dont Libération (France) 6, The Guardian7 (Angleterre), El País (Espagne), Dagbladet (Suède), La Repubblica (Italie) ou The Toronto Star (Canada). En janvier 2010, le classement de plusieurs magazines dédiés à l’édition, dont Livres-Hebdo en France et The Bookseller (en) en Grande-Bretagne, le place à la neuvième place des écrivains de fiction les plus vendus en Europe en 2009.
Le 29 janvier 2014, il révèle publiquement qu’il est touché par un cancer détecté au cou et dans un poumon à un stade avancé. Et il précise « J’ai tout de suite décidé d’écrire à propos de cette maladie, parce que c’est finalement une douleur et une souffrance qui affectent beaucoup de gens. Mais je vais écrire avec la perspective de la vie, pas de la mort.»
(Source Wikipedia)
Quatrième de couverture :
C’est l’automne en Scanie avec son lot de pluie et de vent. Désabusé, Wallander aspire à une retraite paisible et rêve d’avoir une maison à la campagne et un chien. Il visite une ancienne ferme, s’enthousiasme pour les lieux, pense avoir trouvé son bonheur. Pourtant, lors d’une dernière déambulation dans le jardin à l’abandon, il trébuche sur ce qu’il croit être les débris d’un râteau. Ce sont en fait les os d’une main affleurant le sol. Les recherches aboutissent à une découverte encore plus macabre.
Au lieu d’une maison, Wallander récolte une enquête. Jusqu’où devra-t-il remonter le temps, et à quel prix, pour identifier cette main ?
Mon avis :
Le cas de Henning Mankell et de Kurt Wallander est vraiment à part. Et tous ceux qui ont ouvert au moins un des romans de cette série ne peuvent qu’être touchés par la disparition de M.Mankell. Car même si il était annoncé que L’homme Inquiet était la dernière enquête de Wallander, il n’en reste pas moins que les fans espéraient toujours une enquête de plus. C’est assez incroyable que Kurt Wallander ait acquis une telle popularité auprès du public, et si je ne veux pas juger la valeur littéraire de cette série, je vais vous expliquer pourquoi j’ai adoré ce personnage.
Je pense que Henning Mankell a créé un style qui laisse la vie s’écouler, qui prend le temps de regarder les gens, qui prend le temps d’analyser les choses. Il prend le temps de montrer des gens normaux, avec des réactions normales. On n’y trouvera pas de scènes extraordinaires, si ce n’est qu’elles le sont car elles sont ordinaires et tellement vivantes. Et Henning Mankell a su écrire pour parler au plus grand nombre.
Il nous a montré un inspecteur bourru et intelligent, toujours aux manettes de sa vie, essayant toujours de s’adapter aux changements de la vie, aux changements de la société. En cela, le public a tout de suite reconnu un des siens. Dans mon cas, j’avais l’impression de côtoyer un proche, quelqu’un que j’avais toujours connu. Quand j’ai appris la mort de Henning Mankell, je me suis brutalement rendu compte que c’est aussi Kurt Wallander qui venait de mourir.
Henning Mankell aura donc, avec son inspecteur, parlé de sujets graves tels l’assassinat de Olof Palme, la perte de l’innocence de son pays, l’évolution de cette société, mais aussi les dessous cachés d’une démocratie qui veut à tout prix paraitre irréprochable aux yeux du reste du monde. Pour autant, Wallander n’est pas un revendicateur, il ne va pas s’élever contre cette évolution, mais juste servir de témoin et laisser le lecteur à son livre-arbitre. Le principe n’en est que plus marquant pour le lecteur.
A tous ceux qui ne connaissent pas Kurt Wallander, cet ami, je ne peux que vous conseiller de les lire dans l’ordre d’écriture et non de parution en France. Moi-même, je ne les ai pas tous lus, mais je peux vous assurer que les premiers sont fantastiques. Et vous prendrez un livre de temps en temps, comme si vous alliez à la rencontre d’un ami dont vous n’aviez plus de nouvelles depuis longtemps.
Le cycle Wallander se termine avec L’homme inquiet, qui clôt la vie de cet inspecteur, puisque, atteint de la maladie d’Alzheimer, il doit prendre une retraite bien méritée. Une main encombrante se situe juste avant, et c’est un court roman qui prépare le lecteur à la santé fragile de Wallander. Dans Une main encombrante, l’enquête est classique, et on voit un inspecteur confronté à la vieillesse, ou du moins à des personnes âgées. Et il se rend compte que cela va bientôt être son tour … Entre envisager d’acheter une maison pour sa retraite et être confronté à la réalité de la déchéance physique, il y a un pas qui est évoqué avec beaucoup de subtilité ici.
Voilà, Henning Mankell est mort, Kurt Wallander est mort. Le monde littéraire vient de perdre un grand auteur. Et moi, je viens de perdre un ami.