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Le Diable sur mon épaule de Gabino Iglesias

Editeur : Sonatine

Traducteur : Pierre Szczeciner

J’avais beaucoup aimé son premier roman traduit chez nous, Santa Muerte ; je suis passé au travers du deuxième Les lamentations du coyote. C’est donc une session de rattrapage, poussé par mon dealer de livres Coco (Merci Vieux). Ultra-violent !

Mario vient d’apprendre que Anita, sa fille âgée de quatre ans, est atteinte d’une leucémie dans sa version rare et fulgurante. Ses allers-retours à Austin, les soins médicaux, le coût de la chambre d’hôpital et les médicaments mettent petit à petit le couple de Melisa et Mario sur la paille. Ses nombreuses absences entrainent ensuite son licenciement. Puis le spécialiste les convoque et leur annonce que la seule solution réside dans un traitement expérimental, non reconnu et extrêmement coûteux.

Brian est le seul ami de Mario à s’inquiéter de l’état de santé de sa fille. Mario est à l’agonie financièrement parlant et Brian lui propose une mission bien payée : récupérer un pistolet et tuer un homme aimant les très jeunes filles. Sans aucune solution, Mario accepte, et réalise le meurtre comme prévu. Mario n’en a ressenti aucun remords, plutôt du plaisir. Alors il récidive puis réalise une autre mission, puis une autre puis … pour quelques milliers de dollars à chaque fois.

Anita meurt et le couple se délite. Malencontreusement, dans un mouvement d’humeur, alors que Melisa l’engueule, Mario se retourne et lui donne un coup de coude dans le nez. Melisa décide de quitter le foyer et Mario se demande comment s’excuser. Alors que Brian lui propose un coup juteux de plusieurs centaines de dollars, Mario y voit une possibilité de s’en sortir mais il va mettre la main dans un engrenage de cinglés.

Le début du roman (et donc mon résumé) peut laisser penser à un roman familial dramatique. A partir du moment où Mario accepte cette affaire qui doit lui permettre d’obtenir les moyens de reconquérir sa femme, l’intrigue verse dans une folie sans fin, un cauchemar ultra-violent, sanguinolent. Pour ceux qui ont lu Don Winslow et son Cartel, on sait la folie meurtrière des cartels de drogue mexicains.

Donc, après nous avoir plongé dans la psychologie de cet homme qui a tout perdu, on va suivre Mario le narrateur dans un périple où les scènes sont plus horribles les unes que les autres. Malgré l’aspect sanglant (limite gore) de ces passages, je me suis surpris à continuer à le suivre dans son itinéraire mortel, comme une descente aux enfers mais il vous faudra imaginer ce que peut être l’enfer et je vous assure que vous serez encore loin du compte. Sauf que l’on croit à ce personnage de Mario et qu’on continue.

Avec son personnage mexicain, Gabino Iglesias va nous parler de racisme aux Etats-Unis, où un homme basané riche en costume sera toujours mieux considéré qu’un homme blanc et pauvre habillé d’un jean troué. Il conserve aussi sa culture spirituelle hispanique et insère des aspects fantastiques, des fantômes flottant au-dessus du sol et autres présences de la mort elle-même.

Gabino Iglesias confirme avec ce roman et appuie fort dans un style qui lui est personnel, tant au niveau des scènes que de la violence rencontrée. Il appuie même très fort tant certaines scènes sont insoutenables et qu’il vaut mieux avoir le cœur bien accroché. Mais on ne peut lui reprocher d’avoir un talent pour peindre des personnages vrais plongés au milieu d’une société devenue animale … pour le pire.