Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ? de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Ce roman fait partie des incontournables parmi les œuvres de Frédéric Dard.

Les anecdotes :

Frédéric Dard a commencé à écrire ce roman avant l’enlèvement de sa propre fille Joséphine, qui est intervenu alors qu’il en écrivait la page 132. Il le reprendra une année après et terminera ce qu’il considère comme son roman maudit.

Alors que Fleuve Noir a décidé d’annoncer San-Antonio comme son auteur, alors qu’il n’apparait jamais dans l’intrigue, il s’agit d’un roman de Frédéric Dard et de la plus personnelle de ses œuvres.

L’accroche du roman lors de sa sortie en grand format est : « Les larmes de San-Antonio ».

Mon résumé :

Charles Dejallieu vit en Suisse à Gstaad et bénéficie d’une célébrité grâce au succès de ses romans populaires. Il vit avec sa femme Melancolia qui a un penchant pour les alcools forts et sa belle-fille Dora que Melancolia a eu d’un précédent mariage. Lorsqu’il tombe sur une photo d’un jeune garçon qui les mains sur les hanches, Dejallieu extrapole sur l’image et envisage d’en faire un roman.

Deux psuedo-journalistes Franky Muzard et Aldo Moretti se demandent comment gagner de l’argent facilement. Ils proposent à Dejallieu de réaliser une interview que ce dernier accepte. En parallèle, ils mettent au point un kidnapping de la petite Dora pour en obtenir deux millions de francs suisses. Ils profitent qu’elle soit sous la garde de la mère de Dejallieu pour réaliser leur forfait. Mais Dejallieu n’a pas l’intention de payer.

Mon avis :

Sans aucun doute, nous tenons là le roman le plus personnel de Frédéric Dard. On le voit dans le nom du personnage : Charles est le deuxième prénom de Frédéric Dard et Dejallieu rappelle qu’il est originaire de Bourgoin Jallieu. Le polaroid qui inspire Charles est même une photo de l’auteur qui cherchait à cacher son infirmité du bras gauche, à propos de laquelle il écrira : « Si jeune et déjà tricheur »

Le ton est donné dans ce roman que l’on a l’habitude de découper en deux parties alors que j’en discerne trois. Dans la première, l’auteur montre sa mélancolie tout en doutant, dans sa déprime désenchantée cynique, de son devenir en tant qu’auteur. Il ne se gène pas de laisser libre cours à sa verve voire à son humour vachard et ravageur, surtout quand il s’attaque à sa belle mère nymphomane.

Deuxième partie après l’enlèvement de Dora, et mise en place de l’intrigue policière … Frédéric Dard joue avec nos nerfs avant de trouver cette idée immensément dramatique qui va tout bouleverser, à la fois notre perception de Charles et l’intrigue va dans une direction totalement inattendue. Et je ne vous dirai rien sur la conclusion qui est juste extraordinaire comme seul pouvait l’imaginer M.Dard.

Ce serait une honte de dire que Frédéric Dard a écrit là son meilleur roman. Les San-Antonio sont des monuments d’humour, ses romans noirs sont de grands moments. Mais ce roman est indéniablement son plus personnel, où il évoque sa vie sans concession, presque sans pitié, par moments. Il ne se donne aucune excuse comme il ne pardonne pas à Charles. Et il en rédige leur tribunal.

Quelques citations impayables :

« Ce sera une chose difficile a faire, qui empoisonnera ma vie pendant six mois, qu’on tirera à quelques milliers d’exemplaires, à laquelle on consacrera quelques papiers ou émissions diverses et que l’on oubliera. Le fumier littéraire, tu sais ce que c’est, Heidi ? Ce sont les livres d’hier ! Des feuilles d’arbre, ma bonne : il en pousse et elles tombent et il en repousse encore. Il faut être fou pour faire le métier d’arbre. »

« Tout est vrai, assure Charles, surtout ce qui est inventé.

Ce n’est presque pas une boutade. Au long de sa carrière de romancier, il a eu maintes occasions de s’apercevoir qu’il inventait des choses qui se produisait par la suite. »

« Un livre mobilise presque totalement celui qui le cogite et l’écrit (…) Ses personnages sont enroulés autour de lui, tel le lierre parasite autour de l’arbre qu’il paralyse lentement. »

« Il ne suffit pas de vivre les affres de l’écriture, il convient ensuite d’en assurer la « promotion ». Le terme l’écoeure. (…) Vendre son livre après se l’être arraché de l’âme, de ses tripes, n’est-ce pas une dure condition ? »

« Il désespère des hommes, Charles Dejallieu. Ne les jugeait pas si bas, si veules, si purulents. Du coup, son œuvre est à reconsidérer. Il l’a bâtie sur une certaine conception du monde et il s’aperçoit qu’il nourrissait des idées fausses, que l’univers ne correspond pas à l’idée qu’il s’en faisait. Il a construit sur le sable des illusions. Les mauvais sentiments qu’il dénonçait sont véniels par rapport à ce qui est. On patauge dans l’ignominie, car estimer les autres capables de bassesse, c’est être bas soi-même, c’est se déshonorer par suppositions malsaines ; c’est opter pour le mal qu’on prétend dénoncer. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

http://francois.kersulec.free.fr/FK/SA/HTML/livre.php?CodeLivre=FITLPGQOLM&DepuisListe=TousLivresOC-%-Non&PosDansListe=352

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/39300

https://touchezmonblog.blogspot.com/2024/01/san-antonio-faut-il-tuer-les-petits.html

Des promesses sous les balles d’Adrian McKinty

Editeur : Fayard Noir

Traducteur : Pierre Reignier

Attention, coup de cœur !

La série (en cours) des enquêtes de Sean Duffy est incontestablement la meilleure d’Adrian McKinty, même s’il ne faut pas oublier la trilogie Michael Forsythe. On a longtemps cru que les investigations de Sean Duffy ne seraient qu’une trilogie après Une terre si froide, Dans la rue, j’entends les sirènes (Coup de coeur !) et Ne me cherche pas demain. Mais, ô joie, Fayard reprend le flambeau de cette géniale série avec l’un des meilleurs opus (avec le deuxième).

1985, sur une plage proche de Derry. Sean Duffy, le seul inspecteur de la RUC (Royal Ulster Constabulary) planque à l’abri d’une dune. Une gigantesque opération incluant la Special Branch, la RUC, le MI5 et Interpol vise une livraison d’armes venant de la mer. Bientôt le chalutier Our Lady of Knock s’approche de la rive. Duffy voit bien le carnage devant la fébrilité des hommes. Un coup de feu part, et il préfère s’abstenir d’assister au fiasco.

Duffy aimerait bien passer une nuit complète quand son téléphone sonne. Son nouveau chef McArthur lui demande de venir immédiatement dans une maison close bien connue. Sur place, on lui explique qu’un célèbre acteur de cinéma américain a frappé une prostituée. Après tout, elle avait refusé de sniffer la cocaïne de la vedette. Après une explication musclée, chacun repart avec de l’argent et Duffy va enregistrer la moitié de la drogue confisquée au commissariat et s’en garde l’autre moitié pour son usage personnel.

Duffy pense enfin pouvoir commencer sa nuit quand son téléphone sonne encore. Son collègue McCrabban lui demande de le rejoindre dans la riche propriété des Kelly, propriétaires d’une société de paris sportifs. Ils ont été abattus devant leur télévision, le père d’abord et la mère ensuite. Duffy trouve étrange qu’elle n’ait pas esquissé un geste quand son mari a été tué d’une balle dans la tête … sauf si elle connaissait l’assassin. Etrangement, leur fils Michael Kelly a disparu, ce qui en fait le principal suspect. Mais, quelques jours plus tard, on découvre sa voiture abandonnée au bord d’une falaise, et son corps en bas. Se serait-il suicidé après le meurtre de ses parents ?

Pour ceux qui ne connaissent pas Sean Duffy, il s’agit d’un inspecteur irlandais catholique doué de la police irlandaise exclusivement protestante. Le contexte se situe dans les années 80, sous le gouvernement politique de Margaret Thatcher. Ce roman se place en 1985 lors des accords Angleterre / Irlande du nord : Il institue un rôle consultatif de l’Irlande sur la politique en Irlande du Nord ainsi qu’une coopération entre l’Irlande et le Royaume-Uni contre l’IRA provisoire. Selon les termes de l’accord, l’avenir politique de l’Irlande dans son ensemble, en particulier de l’Irlande du Nord, ne changera que dans le cas d’une décision d’une majorité de la population.

La situation était déjà violente et ces accords ne font qu’attiser les flammes. Adrian McKinty, à travers son personnage nous montre un inspecteur de plus en plus paranoïaque, regardant sous sa BMW s’il on y a déposé une bombe avec un déclencheur à mercure. Duffy nous apparait toujours aussi révolté, sans limites ni envers sa hiérarchie ni envers les services de police ou secrets anglais, ni envers les Américains. Son attitude rebelle envers ses supérieurs l’isole de plus en plus, dans sa sphère professionnelle et dans sa vie personnelle.

Adrian McKinty fait parler son personnage qui n’a peur de rien ni de personne, comme un suicidaire jusqu’au-boutiste et le talent de l’auteur nous emmène dans une enquête complexe et passionnante où à force de fouiller, de gratter la surface, Duffy va mettre à jour un scandale qui a éclaboussé de nombreux pays sur les ventes d’armes tactiques. Par sa psychologie parfaite, sa façon implacable de mener son intrigue, et ses dialogues formidables, sans oublier cet humour noir, froid et cynique typique de l’Irlande, Adrian McKinty éclabousse le monde du polar de sa capacité à construire un roman sans aucun défaut, dans lequel on se jette affamé et en en sortant pleinement rassasié. Indéniablement, cet opus fait partie des meilleurs de la série avec Dans la rue, j’entends les sirènes (mais ce n’est que mon humble avis, bien entendu).

Un dernier mot, toutefois : il n’est pas nécessaire d’avoir lu les autres pour apprécier Des promesses sous les balles. Même si certains personnages récurrents font leur apparition, on ne se sent nullement gêné dans cette lecture. Il serait toutefois dommage de passer au travers des trois premières enquêtes, toutes disponibles au format poche. Et bonne nouvelle : il reste encore 4 enquêtes de Sean Duffy à traduire … à ce jour.

Coup de cœur !

Mirror Bay de Catriona Ward

Editeur : Sonatine

Traducteur : Pierre Szczeciner

L’année dernière, nous découvrions une nouvelle auteure et un roman pour le moins surprenant qui remettait sans cesse en cause les certitudes du lecteur ; il s’appelait La dernière maison avant les bois. Même si le thème est très différent, ce roman nous surprendre mais cette fois-ci, à mon avis, avec plus de maîtrise et un sujet plus sérieux. Place donc à Mirror Bay.

1989. La famille Harlow vient d’hériter de la maison de l’oncle paternel décédé et décide d’aller y passer leurs vacances estivales. Située au bord du Whistler Bay, cette région regorge de forêts, de gorges et de multiples endroits pour s’y amuser. Wilder Harlow, 17 ans, pense qu’il va s’y ennuyer et subir les disputes de ses parents. Heureusement, il rencontre deux adolescents de son âge : Nathaniel et la jeune Harper.

Pour ces jeunes, l’endroit se révèle mystérieux avec le vent qui siffle dans les entrailles des falaises. Wilder apprend par ses amis que des âmes errent dans les grottes et qu’un effrayant rôdeur s’introduit chez les gens la nuit pour prendre un polaroïd des enfants qui dorment dans leur lit. Petit à petit, les jeunes se confient leurs secrets et la réputation de ce coin perdu. L’année suivante, Wilder renvient avec ses parents pour des aventures bien plus dramatiques (ne comptez pas sur moi pour vous raconter !).

1991. Se rêvant écrivain, Wilder a quitté ses parents pour intégrer l’université. Il rêve de devenir écrivain et de raconter les événements qui se sont passés à Whistler Bay. Son premier colocataire Doug est un sportif. Il changera de chambre pour laisser sa place à Sky, jeune homme qui a déjà décidé d’écrire un roman. Les deux jeunes hommes vont se nourrir mutuellement pour écrire une histoire.

Il est bien difficile de faire un résumé du livre sans en dévoiler trop. Si vous trouvez les paragraphes précédents trop flous, c’est normal ! Au début du roman, on pense lire du Stephen King tant c’est bien fait. Et puis, dès que l’on parle d’une histoire avec des adolescents, on pense au King. Et les deux premières parties qui couvrent les deux premières années vont nous malmener avec de nombreuses révélations et des affaires criminelles terribles.

Entretemps, nous avons un paragraphe sur Pearl … mais qui est Pearl ?

Puis Wilder va entrer à l’université et le ton va changer, devenir plus sérieux et aborder tout d’abord le lien entre les deux jeunes hommes et ensuite leur rapport à la littérature. Très intéressante, cette partie offre aussi les premières dérives du roman, les premières scènes où on ne comprend pas trop comment tout cela finit par partir en vrille. En fait de vrille, il s’agit plutôt d’un voile que l’on soulève, d’une poupée russe que l’on ouvre.

Et Catriona Ward s’amuse dans la deuxième moitié du roman à nous balancer de droite et de gauche, alternant réel et virtuel, roman et vraie vie, mélangeant les personnages fictifs et vrais. Mais elle nous offre aussi et surtout une vraie réflexion sur la création, sur les auteurs, leur vie, leur douleur, sur le pouvoir des œuvres et sur le rôle des auteurs. Les écrivains ne sont-ils pas des voleurs ? ou bien est-ce la littérature qui nous dérobe notre vie ?

Je n’aime pas le terme de méta littérature que j’ai lu par-ci par-là, et qui me semble être un terme à la mode pour faire mieux vendre. Mais je dois dire que ce roman de Catriona Ward m’a amusé et aussi stimulé dans ma réflexion. Et oui, je l’ai préféré au précédent car je l’ai trouvé plus maitrisé, plus sûr de son propos. Ceux qui ont adoré le précédent vont adorer, ceux qui ne l’ont pas aimé devront passer leur chemin.

Les aiguilles d’or de Michael McDowell

Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Traducteur :

Après le succès de la série Blackwater, Monsieur Toussaint Louverture continue la sortie des œuvres inédites de Michael McDowell. Alors que sort aujourd’hui Katie, je vous propose de revenir sur ce roman évoquant le New-York de 1882. Rendez-vous manqué en ce qui me concerne.

Quatrième de couverture :

Dans le New York de la fin du XIXe siècle coexistent deux mondes que tout oppose. D’un côté, l’opulence et le faste. De l’autre, le vice monnayé et l’alcool frelaté. C’est à leur frontière, au cœur de l’infâme Triangle Noir, qu’une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption. Les Stallworth, dirigés d’une main de fer par leur patriarche, l’influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.

Mon avis :

Blackwater fut un cyclone dans nos librairies et permettait de remettre en valeur la littérature populaire à travers une saga familiale, mâtinée de fantastique, ce qui en faisait tout l’attrait. Dans ce roman, on abandonne l’aspect fantastique pour plonger dans les bas-fonds de New-York. On se retrouve donc impliqués dans une bataille entre deux clans, les Stallworth et les Shanks.

En cette fin d’année 1881, les réjouissances ne concernent que les riches. Le juge républicain James Stallworth rêve de discréditer la municipalité démocrate en braquant les projecteurs sur le « Triangle Noir », un infâme quartier où les pauvres côtoient les assassins, les prostituées et les drogués, détenu par la famille Shanks.

Le juge Stallworth a fait pendre Cornelius Shanks quinze ans plus tôt et vient de condamner à sept années de prison Léna « La Noire » Shanks. Il s’appuie aussi sur son fils Edward, pasteur presbytérien influent dans le quartier et sur son gendre, qui est un avocat sans pitié. En face, le clan Shanks est composée presque exclusivement de femmes et fomente une vengeance terrible envers les Stallworth.

Une nouvelle fois, il s’agit d’une histoire familiale plus orientée comme une lutte entre deux clans, comme une illustration du combat entre le Bien et le Mal. Sauf que des deux côtés, on y trouve des méchants. Il s’agit plutôt d’un combat de boxe en deux rounds, le premier concernant l’attaque du juge, le deuxième étant la réplique ou vengeance du clan Shanks. Expliqué comme cela, cela parait simple.

En fait, la mise en place du décor, glauque à souhait nous est asséné dans les premières 50 pages. Il faudra ensuite plus d’une centaine de pages pour la présentation des deux clans avant d’entrer réellement dans le vif du sujet. Sur un roman de 500 pages, forcément, j’ai trouvé le début long, très long, trop long. J’ai donc rapidement été découragé, j’ai parcouru la suite pour m’intéresser réellement à la fin qui elle, est bien faite. Donc je ne peux que vous conseiller de vous accrocher car ce roman nécessite une sacrée dose de motivation pour entrer dans l’intrigue.

Eden, l’affaire Rockwell de Christophe Penalan

Editeur : Viviane Hamy

Cela faisait un petit moment que je n’avais pas lu un premier roman, qui plus est maitrisé et passionnant. Passionné par les polars américains, l’auteur jour son va-tout et nous propose un très bon polar bien construit, en un mot passionnant.

En ce mois d’octobre 2004, l’inspecteur Dwight Myers fête sa première à son poste dans la police municipale de Bakersfield en Californie. Il a travaillé une dizaine d’années au LAPD puis a choisi de s’éloigner des horreurs de la Cité des Anges. Son précédent poste lui a déjà coûté un divorce avec Olivia et l’éloignement de sa fille Nancy qu’il ne voit que lors de quelques week-ends. Le travail de policier est bien peu compatible avec la vie de famille.

Myers reçoit un appel en soirée : la jeune Eden Rockwell âgée de 11ans n’est pas rentrée à la maison depuis sa sortie de l’école vers 15h30. Elle s’apprêtait à prendre le bus scolaire avec sa copine Sandra Johnson puis décida de rentrer à pied, ce qui lui arrivait parfois. Eden a été adoptée par la famille Rockwell et se révélait une très bonne élève, étant considérée comme une surdouée qui participait à beaucoup d’activités extrascolaires.

Myers et son adjoint Buddy Holcomb ne voient aucune raison tangible de penser à une fugue. Quelques jours plus tard, ils apprennent que le technicien de maintenance de la piscine municipale est absent depuis trois jours. Or la natation faisait partie des activités d’Eden. Quand ils arrivent à la maison de Todd Adams, ils découvrent qu’il vient de se suicider. Mais Myers trouve des traces de pneu dans la boue devant la maison, qui ne correspondent à aucune voiture garée.

Positionner une intrigue dans une petite ville des Etats-Unis, venant d’un auteur français, nous pousse à comparer ce roman avec les Grands du polar américain. Et je dois dire que la plume de cet auteur dont c’est le premier roman se révèle très agréable, fluide à souhait et que la construction de son intrigue est tout simplement bluffante, voire impressionnante. A tel point que l’on souhaite lire une autre enquête de Myers …

Les qualités de ce roman sont nombreuses : Christophe Penalan ne va pas insister outre mesure sur la vie privée de Myers mais positionner quelques scènes judicieusement dans l’enquête. De même, il ne s’appesantit pas sur la vie de la ville mais le cadre est bien décrit. Aussi, Myers ne prend pas toute la place en tant que personnage principal, les autres acteurs sont bien présents et surtout facilement reconnaissables car ils possèdent une vraie présence dans l’enquête.

Ce que l’on voit dans ce roman, c’est surtout une enquête qui balbutie, qui avance au fur et à mesure des indices ce qui montre un Myers qui ne sait pas par quel bout prendre cette énigme. Il faut dire que nous nous retrouvons à raisonner en même temps que Myers, et qu’on subit avec délice les nombreuses fausses pistes semées devant nos yeux. Quant aux dialogues, ils ne se montrent ni trop longs ni trop courts, juste le bon équilibre. Pour les amateurs de polar, c’est du pur plaisir.

Il faut se le dire, ce premier roman est une vraie réussite, ce que j’appellerai un coup de maître tant il tient la comparaison avec les plus grands, tant tout semble couler de source. Myers nous apparait comme humain, ni trop fort, ni trop faible ni trop torturé, un flic normal, quoi ! et cette enquête s’avère terrible par tous les aspects sombres qu’elle montre. Retenez bien ce nom : Frédéric Penalan : il a toutes les qualités d’un grand auteur du polar. Vivement le deuxième roman pour confirmer tout cela !

La conjuration de Dante de Fabrice Papillon

Editeur : Seuil – Cadre Noir

Etonnamment je n’avais jamais lu de roman de Fabrice Papillon, même si je dois avoir quelques-uns de ses romans. L’avis de Yvan et de Laulo m’ont décidé à lire ce thriller dans le bon sens du terme. Ici, on n’est pas dans de la violence à outrance mais dans un vrai roman instructif au rythme trépidant.

Une dizaine d’hommes débarquent dans le sous-sol du panthéon, dûment armés et cagoulés, après avoir arpenté des tunnels donnant sur la rue d’Ulm. Après avoir neutralisé les vigiles chargés de la sécurité, ils parcourent les souterrains où reposent les Grands Hommes et Femmes de la Patrie et arrivent devant le tombeau en plomb de Marie Curie-Sklodowska. S’étant équipés de détecteurs de radioactivité, ils l’ouvrent et prélèvent le crane de la chercheuse détentrice du Prix Nobel et s’enfuient après avoir tué deux des gardiens, en laissant une mystérieuse plaque métallique avec une inscription.

Alors qu’elle se rend au 36 rue du Bastion, Louise Vernay est surprise par une moto qui s’approche d’elle. Le conducteur balance quasiment à ses pieds un homme inanimé et s’enfuit. Il lui dit un message obscur : « Tous les couvercles seront levés, et d’au-dedans sortiront les cris des hérésiarques et des disciples de toute secte. Celui-ci souffrira comme les autres, depuis son tombeau brûlant. Pourrez-vous le sauver ? » Elle appelle les secours et suit le blessé à l’hôpital le plus proche où on lui fait subir un IRM. Dès le début de l’examen, un bruit sourd se déclenche et le dicteur est obligé d’arrêter l’appareil.

A l’autopsie de Loïc Eyrolles, directeur adjoint au CEA, on trouve dans sa tête une minuscule plaque métallique avec une inscription qui a ruiné le cerveau du pauvre homme lors de l’examen. Dessus, est gravé le chiffre 6 et l’inscription : « Le pêcheur, conduit par Charon à travers l’Achéron ira de la ville rouge au neuvième cercle de glace et périra ensuite par la colère du plus petit cercle. », une citation de l’Enfer de Dante. Alors que l’on trouve la même plaque dans les sous-sols du Panthéon, les enquêteurs font le lien entre les deux actes criminels et pensent à la radioactivité.

Moi qui ne suis pas fan de polars ésotériques, j’ai suivi les conseils que l’on m’a donnés et je me suis laissé prendre au jeu. Et au bout de deux chapitres, on se retrouve à courir à coté de Louise Vernay, dépeinte comme une femme énergique, speedée et bigrement agaçante (et ça marche !). Les scènes s’enchainent sans que l’on ait l’impression qu’un indice tombe du ciel sans prévenir. Tout est réalisé avec une logique imparable, rythmé par un calendrier quotidien angoissant.

Plus que l’identité des enquêteurs, même si leur psychologie n’est, miracle !, pas laissée de coté, c’est surtout la quantité effarante de connaissances que l’auteur a dû ingurgiter et nous partager. Et c’est l’une pour ne pas dire LA raison pour laquelle j’ai adoré ce roman. Fabrice Papillon intercale des scènes du passé pour faire avancer son intrigue et mieux nous expliquer le cerveau, thème central et mystérieux de ce fantastique thriller. Mais surtout, l’auteur a un réel talent pour nous vulgariser des notions que nous ignorons, il nous apprend plein de détails sur le cerveau sans que cela ne soit rébarbatif. Impressionnant !

Enfin, contrairement à beaucoup d’auteurs de thrillers, au lieu de faire une fin à coups de petits chapitres, il en créé un long, très long, mais c’est complètement justifié et surtout, l’angoisse ne cesse d’être à son paroxysme. Dire qu’on le lit en retenant sa respiration serait faux, car on dénombrerait beaucoup de morts ! Mais le format de ce dernier chapitre interpelle jusqu’à cette dernière scène que je qualifierai de monstrueuse, extrêmement réussie.

Bizarrement, en lisant ce roman, cela m’a rappelé le plaisir que j’avais eu il y a plus de vingt ans en lisant L’Empire du Mal d’Allan Folsom. Les sujets n’ont strictement rien à voir, mais on se trouve en présence d’un roman prenant, que l’on n’a pas envie de refermer et on se retrouve embarqué dans une aventure plus grande que la vie, impressionnante et instructive. Bref, vous pouvez y aller, c’est du tout bon, de l’excellent divertissement !

Dis bonjour à la dame de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Elle ajoute en introduction qu’elle emporte toujours un San-Antonio dans ses valises de voyage, excellente résolution.

Les anecdotes :

Salut, mon pope ! est un roman publié 18 juin 1975 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 88ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte le numéro 42 de la collection « San-Antonio ».

Il s’agit de la première affaire de la « Paris Détective Agency », après que San-Antonio ait démissionné de la police.A la suite d’une aventure où il a le sentiment que sa hiérarchie a abusé de sa dignité, il est sur le point de démissionner une deuxième fois; mais il obtient pour prix de son maintien au sein de la police, un statut très particulier : Il fonde la Paris Detective Agency, fausse agence de police privée qui continue de dépendre secrètement du ministère de l’Intérieur. La Paris Detective Agency durera jusqu’au numéro 108 de la série.

L’histoire se déroule à Paris le 01/04/1975 sur une durée de 2 jours.

Mon résumé :

Dans les bureaux luxueux de la Paris Detective Agency, on s’ennuie ferme. Heureusement, un homme qui refuse de donner son nom leur demande de l’aide. En voyage en France, il était hébergé chez son ami Stéphane Lhurma, spécialiste des toilettes. Lhurma dut s’absenter et offrit à l’homme les services d’une prostituée Julie. Le lendemain matin, ce client se réveilla aux côtés de la prostituée, égorgée pendant son sommeil. Et au téléphone, l’hôtal batave lui apprend que Lhurma est mort, crise cardiaque.

Grâce aux empreintes laissées sur la poignée de la porte d’entrée, Pinaud détermine que le client se nomme Hans Kimkonssern, un ancien espion nazi exilé en Uruguay. San-Antonio décide d’accepter l’affaire et se rend dans la résidence de Lhurma. Kimkonssern sera logé dans les bureaux de San-Antonio en attendant la fin de l’enquête.

Son analyse de la chambre à coucher confirme que Kimkonssern a été drogué et qu’on a donc pu égorger la prostituée sans qu’il s’en rende compte. Le téléphone sonne et il s’agit d’Angèle la souteneuse de la prostituée. Enfin, il découvre dans la pelouse devant la fenêtre de la chambre à coucher une pochette publicitaire d’allumettes avec l’adresse d’un bar, le Bar Aka. L’équipe a donc trois pistes à creuser : la société Lhurma, Chez Angèle et le BarAka.

Mon avis :

Malgré l’ennui ressenti par l’équipe de San-Antonio au début du roman, l’humour fait rage dès le début avec beaucoup de remarques drôlatiques et d’interpellations du lecteur. Ce roman se situe dans la veine des années 70, donc plus orienté sexe et avec de l’humour graveleux. Il n’atteint pas encore les sommets crades des années 80-90 mais Bérurier a clairement pris de l’ampleur par rapport aux décennies précédentes.

Une fois que l’enquête a commencé, comme son héros, on sent que Frédéric Dard se laisse mener par les événements, ne sachant pas réellement où il va. On passe des interrogatoires de l’un des personnages à l’autre, on passe du bureau au bar, de Chez Angèle à la société Lhurma sans réel fil conducteur. Comme le dit souvent San-Antonio, il fonctionne à l’instinct ; on a plutôt l’impression qu’il attend qu’un indice tombe du chapeau.

Heureusement, le rebondissement final rehausse cette impression de laisser aller. On trouve tout de même quelques belles digressions et un passage étonnant : vers le milieu du livre, on a un passage où San-Antonio est dans une chambre au Bar Aka. Il se sent moins bien, ne sait dans quelle direction aller ; on le trouve légèrement dépressif, obligé de soigner son mal-être avec une bouteille de vodka. Voilà un passage touchant, et probablement personnel.

Quelques citations impayables :

« Tu vas voir ce que la vie est attrayante, pour peu que tu y mettes du tien. Evidemment, le clapoteux qui ne tente rien, qui ne provoque rien peut faire tapisserie pendant des millénaires, le cul sur un pliant, à regarder flotter son destin sur l’eau opaque de ses jours. »

« Il ne faut pas avoir peur d’avoir peur, dans la vie. C’est un peu comme de pleurer : ça soulage. Les héros ne sont pas des gens qui n’ont pas peur, mais des gens qui réagissent contre leur peur. »

« Me suivrait au bout du monde, cette poule, c’est-à-dire jusqu’ici, puisque la terre est ronde!

Clic, clac. La v’là entravée. Psychologiquement, c’est tout de suite la grosse détresse, le cabriolet. même un truand chevronné, quand il se retrouve avec les cadennes, il dérape dans les mélancolies. L’homme, faut qu’il puisse se gratter la raie du derche à tout bout de champ, sinon il devient inapte et consterné de partout. »

« Car la liberté, c’est comme le pognon pour un prodigue : faut la claquer fissa, pas qu’elle rancisse. Regarde les peuples qui se délivrent de leurs tyrannies, la manière, que vite ils s’en enclenchent une autre, d’urgence, pour pas tituber de leur ivresse d’être affranchis. Pas se fatiguer d’êtres libres. Leur acharnement à dare-dare créer une nouvelle férule, leur génie à la faire jaillir de là qu’on la soupçonnait pas. Comme ils provoquent habilement les volontés oppressives en léthargie, en ignorance d’elles-mêmes. »

« Ah, fait pas bon s’éloigner de la meute ! Un loup isolé n’est plus qu’un mouton. »

« Le monde est plein de minus qui comptent sur leurs poils pour avoir moins l’air de ce qu’ils sont ; en réalité, ça ne fait qu’accentuer la gravité du cas, une barbouze ou des tifs Louis XIII. C’est pas parce qu’un griffon a les poils longs qu’il a moins l’air d’un chien. Un con poilu fait même plus con qu’un con imberbe. Il se rend suspect. Tu penses à le regarder, alors qu’autrement tu te contenterais de l’ignorer. »

« Une bonne fille. Pétroleuse de caractère, mais sûrement très gentille, voire affectueuse. Elle aime bien son papa, son patron, Michel Sardou, les pommes frites et trouve son Président de République séduisant. »

« L’imminence de la mort a raison de la discrétion la mieux ancrée, car la mort est indiscrète, cher monsieur, philosophè-je, que tu dois en prendre plein les badigues et comprendre quel écrivain follement émérite je suis. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

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https://legimini.com/Livres/Dis-bonjour-a-la-dame-de-San-antonio/426976

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21215

Hôtel Carthagène de Simone Buchholz

Editeur : L’Atalante – Fusion

Traductrice : Claudine Layre

Chastity Riley, procureure à Hambourg, est un personnage formidable dont je lis toutes les enquêtes depuis sa première parution en France. A chaque fois, on a droit à une enquête coup de poing proposant des sujets sociaux cruciaux et surtout aux descriptions de la vie de cette femme libre de ses actes et en proie à des cicatrices intérieures. La liste des enquêtes de Chastity Riley figure en fin de billet.

Faller, jeune retraité, a décidé d’inviter tous ses collègues amis à son soixante cinquième anniversaire. Plutôt que d’organiser cette fête dans un petit bar, il a choisi le lounge luxueux situé au dernier étage de l’hôtel River Palace. Faller et Chastity se retrouvent donc avec ceux qu’ils considèrent comme leur famille, dont Klatsche et Inceman, les anciens ou actuels amants de la procureure. La soirée doit devenir l’occasion de boire, un peu, beaucoup, passionnément pour laisser de côté l’éventuelle gêne de se retrouver tous face à face dans un même lieu. Seul Ivo Stepanovic manque à l’appel, volontairement en retard. Alors que Chastity se coupe le doigt sur un piquant d’une feuille d’ananas de son piña-colada, douze hommes armés débarquent brusquement et prennent tout le monde en otage.

En parallèle, nous suivons l’histoire de Henning Garbarek. En 1984, Henning arpente les sombres rues du port de Hambourg, n’ayant même pas quelques deutsche marks pour se payer à boire. Il embarque à bord d’un cargo et arrive à Carthagène en Colombie. Il trouve du travail dans un bar et rencontre Esteban, un trafiquant de drogue qui vendre étendre son marché à l’Allemagne. Il charge Henning de trouver des gens fiables pouvant vendre sa cocaïne en Allemagne. En échange, Esteban lui confiera la gestion du bar. Alors que Henning met en contact Esteban avec trois de ses anciennes connaissances, il rencontre l’amour de sa vie en la personne de Mariacarmen, à qui il ne dira rien de ses troublantes relations avec le monde du trafic de drogue.

Simone Buchholz a dû se lancer un défi avant de commencer ce roman : écrire un huis-clos. Forcément, pour y voir participer toute la bande de policiers autour de Chastity Riley, cela devait se passer autour d’une célébration exceptionnelle. Et elle a dû choisir l’anniversaire de Faller, l’ancien chef et mentor de notre procureure. En fait, cela m’amuse d’imaginer la naissance d’un roman, ce qui a poussé l’auteure à écrire cette histoire.

Sauf que Simone Buchholz n’est pas une auteure comme les autres. Imaginer deux intrigues en parallèle qui se rejoignent à la fin, on connait. Mais quand on insère dans cette histoire une femme pas comme les autres, obligée de faire face à ses amants … cela devient une histoire introspective avec le côté cash de Chastity que l’on connait et que l’on adore. Rassurez-vous, ce roman, bien que dédié à Alan Rickman, ne ressemble en rien à Piège de Cristal.

Car cette prise d’otage va obliger Chastity à se voir telle qu’elle est, une femme forte certes, mais qui manipule les hommes pour son plaisir. Ce mal-être va s’accentuer avec sa blessure, sa fièvre qui va s’ensuivre, les effets de ses médicaments antidouleurs qu’elle va prendre et les quantités astronomiques d’alcool qu’elle va ingurgiter. Cela va nous permettre d’assister à des scènes délirantes poignantes.

En parallèle, Simone Buchholz narre l’histoire de Henning et on se retrouve avec un style plus classique, mais redoutablement descriptif et émouvant. Henning n’a rien demandé à personne et se retrouve dans un engrenage violent qui va détruire sa vie. Et l’auteure nous assène sa conclusion en une phrase, un véritable coup de feu en plein cœur. On retrouve là tout le talent de l’écriture de Simone Buchholz.

Avec un genre éculé de prise d’otage, avec un décor unique pour son huis-clos bien connu aussi dans le polar, Simone Buchholz arrive encore à innover, et à nous offrir un opus qui est très différent des précédents mais tout aussi fascinant et dramatique. Certes, je suis fan de Chastity Riley mais je deviens de plus en plus fan de Simone Buchholz. Vivement le prochain … l’année prochaine ?

Les enquêtes de Chastity Riley :

Les fils de Shifty de Chris Offutt

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons-Reumaux

Après le formidable premier tome de cette trilogie, Les gens des collines, voici donc la suite qui est tout aussi passionnante.

Mick Hardin, membre du Criminal Investigation Division de l’armée, est toujours en permission dans sa ville natale de Rocksalt dans le Kentucky. Il se remet d’un attentat à l’explosif qui l’a blessé à la jambe. Sa sœur Linda le loge alors qu’elle doit préparer sa réélection au poste de shérif. Il reste une semaine à Hardin avant son retour et il continue à consommer des médicaments antidouleurs. Il doit aussi faire face à la demande de divorce de sa femme qui vient d’avoir un bébé avec un autre homme.

Un chauffeur de taxi découvre sur un parking de supermarché abandonné le cadavre d’un homme criblé de balles. Mick et Linda se rendent sur place et s’aperçoivent que le corps a été déplacé, vue la faible quantité de sang sur place. Linda identifie rapidement le mort, Barney « Fucking » Shifty, un dealer d’héroïne du coin. Pour la police, il s’agit sans aucun doute d’un règlement de comptes entre trafiquants, donc il est inutile d’enquêter.

Alors que Linda doit assurer sa campagne pour sa réélection au poste de shérif, visiter les gens, distribuer des tracts, planter des pancartes, elle demande à Mick d’aller annoncer la nouvelle de la mort de son fils à la veuve Shifty. Celle-ci propose à Mick de l’argent pour qu’il identifie les assassins, ce que Mick refuse. Par contre, il voit dans cette enquête la possibilité d’aider sa sœur et de s’occuper l’esprit pour éviter de prendre ses médicaments addictifs, tels que l’oxycodone. Bientôt, c’est Mason, le deuxième fils Shifty qui est abattu.

Autant vous rassurer tout de suite, il n’est pas nécessaire d’avoir lu le précédent roman de cette trilogie (Les gens des collines) avant d’attaquer celui-ci. Cela vous permettra juste de vous retrouver en terrain connu et de retrouver certains personnages, surtout ceux du bureau du shérif.

Car dans cette enquête, Chris Offutt nous présente d’autres personnages (dits secondaires) comme si on les connaissait depuis toujours. Il possède ce talent de nous immerger dans la vie d’une petite ville où tout le monde se connait, au milieu d’un paysage magnifique et va nous décrire tous les trafics qui s’y déroulent. On a toujours, au détour d’une scène, une phrase magique pour faire le parallèle entre la beauté de la nature (faune ou flore) et la laideur des hommes occupés à gagner leur argent salement.

Par contre, on ressent beaucoup de tendresse envers les habitants honnêtes de cette contrée. Je prendrai comme exemple Jacky Merle, l’inventeur fou qui s’enferme dans son garage pour sortir des innovations qui faciliteront la vie de tout un chacun. Chris Offutt nous parle aussi du rôle de proximité du shérif, sa présence nécessaire pour rassurer les habitants ou même les petits problèmes auxquels Linda doit faire face comme cette fois où elle doit récupérer un chien qui a sauté d’un balcon.

Outre l’intrigue menée de façon remarquablement maitrisée, Chris Offutt met en valeur les zones rurales des Etats-Unis où l’ambiance est plutôt calme, où l’économie est en berne, où les gens survivent dans la précarité et où, sous la surface, apparaissent toutes sortes de trafics (drogues ou autres) en parallèle de ceux légaux (les médicaments addictifs). On y voit aussi des gens du cru, habitués à une vie dure, taiseux, parlant d’un hochement de tête qui remplacent des phrases inutiles.

Jamais misérabiliste ni défaitiste, Chris Offutt reste toujours factuel et nous dépeint une Amérique à deux vitesses, loin de celle des riches des villes. On y sent une fracture évidente en se concentrant sur ceux qui n’ont rien et qui se débrouillent pour survivre, tout en montrant combien la nature peut être si belle devant les saloperies dont sont capables les hommes. On gardera longtemps en mémoire ce voyage dans les paysages magnifiques du Kentucky, avec l’impression d’avoir côtoyé ses habitants, un sacré coup de force.

Salut mon pope ! de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Ce roman fait partie, dixit les experts sanantoniens, des meilleurs de la série. Il est donc logique que je l’aie choisi.

Les anecdotes :

Salut, mon pope ! est un roman publié en avril 1966 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 61e de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte d’abord le numéro 523 de la collection « Spécial Police », puis en 1974 le numéro 25 de la collection « San-Antonio ».

Le livre est dédié « en toute amitié » à Georges Guétary, qui se présentait comme chanteur basque mais était d’origine grecque. En préambule se trouve reproduit le discours prononcé par Pierre Dac lorsque « San-Antonio » a reçu le prix Gaulois 1965 pour Le Standinge selon Bérurier.

On apprend que l’inspecteur César Pinaud habite boulevard Lévitan

L’intrigue se déroule en Grèce, à Athènes.

Mon résumé :

Le ministre de la culture a décidé de prêter la sculpture La victoire de Samothrace pour un festival sur l’île du même nom. La célèbre statue prend donc la route de Paris à Marseille, puis embarque sur un bateau à destination de l’île, via Athènes. Arrivé à destination, on retrouve dans la caisse un gros morceau de plomb pesant la même masse que la statue. La Victoire de Samothrace a été dérobée.

San-Antonio prend en charge cette affaire dans le plus grand secret avant que les journalistes ne s’en emparent et ne jettent la honte sur la France. Bérurier étant en vacances, notre héros s’entoure de Pinaud qui se prend de passion pour Sherlock Holmes, déguisement inclus. Leur recherche se porte sur Athènes où des voitures ont été débarquées et à Samothrace. L’affaire promet de nombreux rebondissements.

Mon avis :

Quand on connait la réputation des romans de San-Antonio, on peut être assuré d’avoir des blagues en dessous de la ceinture. L’avantage de ce roman réside sur le fait que l’humour ne devient pas graveleux comme on pourra le lire dans les années suivantes mais bien dans des situations hilarantes, des remarques irrésistibles, des digressions, des inventions de la langues française en la détournant et des noms de personnages d’une drôlerie sans pareil, comme Kessaclou ou Olympiakokatris ou Serleskuis.

Imaginer Pinaud, le débris, grimé en Sherloxk Holmes et faisant montre d’une déduction incroyable constitue le délire de la première partie du roman, jusqu’à qu’il se blesse dans une mauvaise chute. A point nommé, Bérurier, en vacances en Grèce justement, viendra prendre la suite avec son langage si imagé. Cela donnera une scène extraordinaire dans le monastère où le mastodonte doit se taire, ce qu’il ne sait pas faire !

Parmi les digressions, on notera une belle page sur la défense de la nouvelle vague du cinéma français, où San-Antonio défend le talent des jeunes réalisateurs, décriés par leurs pairs. On aura droit bien entendu à des notes de bas de page, toujours aussi drôles et des interpellations du lecteur de bon aloi que j’adore. Ça bouge, ça enquête, ça dérive, ça déconne, ça pulse, ça court, ça fait passer un excellent moment. Enfin, l’intrigue est remarquablement bien construite et amenée ce qui fait de ce roman un excellent opus des aventures de notre commissaire préféré, tout en signalant que la toute fin est juste fantastique.

Quelques citations impayables :

« S’il y a de l’honneur à savoir, il n’y a pas de déshonneur à ne pas savoir. L’ignorance est une page blanche sur laquelle il faut écrire la vérité. »

« Le seul intérêt réel de l’existence réside dans ses bouleversements. »

« Dans le domaine du discours, l’improvisation ne prend force et valeur que dans la mesure de sa minutieuse préparation. »

« Evidemment, ne parlant pas grec, je suis incapable de vous donner la traduction de cette phrase, toujours est-il que le marin actionne un treuil. (La mère rit de mon treuil, comme disait le patron d’une péniche). Nous nous penchons au-dessus d’un puits que le soleil n’éclaire pas jusqu’en ses profondeurs. »

« Renseignements pris, il s’agit bien de monsieur l’Inspecteur Principal Pinaud. Sa moustache roussie par les mégots ressemble à une vieille brosse à dents surmenée. Il a l’œil cloaqueux, le nez pendant, la bouche en accent circonflexe et la bouille légèrement de traviole comme si elle avait été modelée par un gaucher provisoire. »

« Dans la vie il faut toujours s’attendre à tout, et principalement au reste. Bien se dire que rien n’est immuable, ni les hommes ni la nature ! »

« Le Zitrone traduit du grec, le discours de Son Excellence M. l’Ambassadeur Athirlarigos. Ca marseillaise, ça garderépublicainesabrauclaire, ça frémit. Tout le monde c’estbeaulafrance en chœur ! »

« Ce dernier est un homme d’une cinquante-deuxaine d’années, gras comme le bac à plonge d’un restaurant, avec un nez couvert de points noirs et deux sacs tyroliens en guise de paupières. »

« C’est dans le bureau que l’officier m’introduit. J’évite de le précéder car être introduit par un Grec est toujours un instant délicat. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

https://touchezmonblog.blogspot.com/2022/11/san-antonio-salut-mon-pope.html

http://francois.kersulec.free.fr/FK/SA/HTML/livre.php?CodeLivre=SMP&DepuisListe=LivresSAOC-%-Non&PosDansListe=61

https://legimini.com/Livres/Salut-mon-pope-de-San-Antonio/156748

http://lotoedition.canalblog.com/archives/2013/04/21/26935731.html

Ce blog a pour unique but de faire partager mes critiques de livres qui sont essentiellement des polars et romans noirs. Pour me contacter : pierre.faverolle@gmail.com