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Faction Rebellion de Franck Membribe

Après nous avoir emmenés à Cuba, Franck Membribe nous plonge dans une situation sociétale difficile, avec un sujet bien contemporain, le réchauffement climatique et une idée de départ qui permet d’extrapoler.

Protoman, de son vrai nom Erkan Taioglou, profite du trafic de dope en tant que petite main dans les environs de Cassis. Avec Kevin, ils viennent de voler une 308 rouge ; quel pied pour des fainéants comme eux. Ils se défoncent au gaz hilarant, récupèrent un burger et finissent leur mission : se débarrasser du véhicule par le feu.

Sur le capot de la Tesla de Richard Wyatt Jr, un « I » trône et le monde tremble. Depuis quelque temps, la faction I assassine les plus riches du monde, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Leur mode opératoire est tout le temps le même : une injection de Pentobarbital. Les réseaux sociaux en profitent et partagent à tout va les photos du cadavre, les yeux exorbités.

Laurent Rebsamen, géo-économiste de l’énergie, s’envole pour la fédération de Russie. Le désastre de l’exploitation du gaz naturel fait pencher son esprit du coté des écologistes. Il arrive à Samara, près du Kazakhstan pour rencontrer Oleg Bodnikoff, qui aurait inventé un moyeu de diviser les fuites de gaz par trois.

Hayette est infirmière au service du groupe Coriandre, un groupe spécialisé dans la gestion des EHPAD. Sa passion est d’aider les anciens ; elle a toujours un petit mot, un petit geste, pour qu’ils se sentent mieux. Elle habite seule dans une chambre d’une maison bourgeoise, n’ayant pour seule compagnie que son chat noir Vlad. Un nouveau patient vient d’être admis, Erkan Taioglou, qui semble pris de démence. Hayette reconnait son violeur.

Rajaa est une jeune étudiante palestinienne. Pour finir ses études, elle doit se rendre en Irlande. En attendant les quelques semaines qui la sépare de sa rentrée, elle accepte un poste d’aide à domicile.

Et dans l’ombre, quelque soit l’endroit dans le monde, à tout moment, la Faction I continue à s’attaquer aux plus gros pollueurs.

Ce roman est bien particulier, et on se doute bien qu’ils vont tous se retrouver en Irlande par la magie de l’imagination de l’auteur. Les chapitres se suivent, chacun centré sur un personnage que l’auteur arrive à nous rendre vivant. Aidé par une plume fine, ce roman ne se lâche pas, ne nous lâche pas.

En fonction du personnage, le rythme peut être soutenu avec les turpitudes de Laurent qui cherche à fuit la police russe ou calme en ce qui concerne Hayette ou Rajaa. Mais on ressent sourdement la menace de ce groupuscule qui, devant l’inertie des pays du Monde entier a décidé de prendre les armes sans que personne ne puisse déterminer s’il s’agit d’une manœuvre orchestrée ou de personnes isolées perpétrant ces meurtres.

Cette menace va avoir un impact sur les gens et sur les personnages de ce roman qui vont se questionner sur leur position vis-à-vis de ces meurtres. Le roman nous pose donc la question ouvertement, nous place devant notre responsabilité de citoyen du monde et c’est le grand mérite de ce roman pas comme les autres. L’auteur quant à lui nous fournit son opinion en clôture de son roman : « Après nous, le déluge ».

Au commencement d’Ivan Zinberg

Editeur : Harper & Collins

J’ai tellement aimé Etoile morte, que je m’étais promis de lire ses autres romans. Et puis, le temps passant, j’ai laissé cette idée dans un coin de ma tête … mais pas cette année ! Voici donc son dernier roman en date.

Mardi 8 mars 2022. Le « travail » d’Osman consiste à trier les clients au bas du 29 rue Edgar-Degas, dans la cité des 3000 à Aulnay-sous-Bois. Au moindre indice suspect, le quidam qui se présente n’a pas le droit de monter au troisième étage chercher sa dose de drogue. Pris d’une envie de pisser, il demande à Enzo de garder la porte, de ne laisser personne entrer. En pleine action de vidange, un bruit l’intrigue. Il se retrouve face à un canon. Sans s’en rendre compte, il se prend une balle dans la tête.

Mercredi 30 mars 2022. Freddy a accepté de se sédentarisé à la demande de sa femme à Rosny-sous-Bois. Mais son esprit de manouche l’empêche de dormir et il n’est pas rare de le voir dormir dans sa caravane au fond du jardin. Officiellement plâtrier, il arrondit ses fins de mois en volant de grosses berlines, qu’il revend sur commande. Une moto s’arrête devant lui, pour un colis à livrer. A peine a-t-il répondu que le motard toujours casqué sort un pistolet et lui tire deux balles dans la poitrine puis une dans la tête, avant de repartir aussitôt.

Le commandant Luc Delmas est convoqué par son chef Julien Martial pour évoquer les affaires en cours. Avec son adjoint Nicolas Pradier en arrêt de travail pour dépression, Ne restent plus que Guigui, la procédurière, le brigadier-chef Mario Giordano passionné de voyages, surnommé FOTO, et les brigadiers Stéphane Lain et Sarah Barnowski, les deux petits jeunes. Le groupe de Delmas va être chargé du meurtre d’une prostituée Magali Obadia sur son lieu de travail, abattue de deux balles dans la poitrine et une dans la tête. Rapidement, ils vont se rendre compte que cette affaire compte déjà quatre cadavres.

On ne peut pas dire qu’Ivan Zinberg n’a pas voulu coller au terrain. Son intrigue suit les règles officielles, nous présentant en détail les procédures. Il ponctue d’ailleurs son histoire de nombreux acronymes que, bizarrement, nous retrouvons dans un lexique en fin de roman. Au début, cela énerve d’être obligé de quitter la lecture, puis on passe outre et on avale consciencieusement les pages.

On pourrait trouver cette histoire classique, et elle se veut classique dans son déroulement mais le scénario cache de nombreuses surprises. On peut diviser le roman en trois parties, l’enquête tout d’abord, puis le gros revirement de situation, puis le final très réussi (en deux actes, comme on dit au théâtre). Et avec ses chapitres ultra-courts, le roman se lit très vite et avec passion.

Vers le milieu du livre, on arrive à l’entre-deux tour des élections présidentielles, et les informations radiophoniques font leur apparition, mais aussi la pression des hommes politiques pour résoudre au plus vite cette affaire qui oscille entre règlements de compte et terrorisme. Et les 100 dernières pages s’avalent en apnée tant on y trouve du rythme, du suspense et un final (le premier) inattendu. Puis viendra un épilogue avec un deuxième final encore plus inattendu.

Seulement, pour moi, ce roman aurait dû être étoffé. Beaucoup d’aspects sont juste effleurés, comme le rôle et l’omniprésence des médias, la pression politique, le stress constant de cette profession. Certes, le rythme est soutenu, le style rapide et évocateur et le compte-à-rebours final très réussi mais j’ai l’impression que le format a été imposé par l’éditeur et qu’il a fallu élaguer, malheureusement là où cela aurait donné de l’épaisseur à l’ensemble. On ressent bien la pression exercée sur les effectifs policiers mais cela reste trop superficiel et ce roman n’est QUE un bon polar alors qu’il aurait pu être génial.  

Mako de Laurent Guillaume

Editeur : Nouveaux Auteurs (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)

Pour être totalement franc, je n’ai pas lu assez de romans de Laurent Guillaume. J’avais beaucoup aimé son dernier roman et je l’avais rencontré il y a une dizaine d’années lors d’une rencontre à la FNAC. Il m’avait dit vouloir devenir un vrai auteur avec un ton personnel. Laurent avait tiqué quand je lui avais acheté Mako, argumentant qu’il y trouvait plein de défauts. Mais comme j’aime lire les premiers romans, je me suis lancé dans le premier tome de la trilogie consacrée à ce flic borderline Mako.

Plutôt que de réviser ses partiels ou de passer une bonne nuit, Lily a choisi de se divertir dans une boite de nuit. Alors qu’elle rentre chez elle à pied, elle entend un gros 4×4 qui roule lentement. Prise de panique quand une porte s’ouvre elle tente de fuir ais un homme la traine dans une école, la frappe puis la viole.

A bord d’une voiture banalisée, l’équipe de la BAC47 arpente les rues de Paris. En tant que chef de groupe, Mako prend l’appel signalant une incursion dans une école maternelle et demande à Bill le chauffeur de se rendre rapidement sur place. Le troisième du groupe, Papa, futur retraité va aider Mako dans l’intervention. Ils arrivent trop tard mais arrêtent tout de même le violeur, un dénommé Vloran Vidic en flagrant délit.

Dans un premier temps, Lily refuse de porter plainte avant de changer d’avis. Vidic quant à lui, est remis en liberté par la juge. Mako sait dès lors que Lily se retrouve en danger de mort. Il va enquêter de son côté auprès de la société de protection qui l’emploie, alors qu’il se murmure une prochaine grosse livraison de drogue sur Paris.

Comme je le dis souvent, il faut prendre ce roman comme une curiosité tant Laurent Guillaume écrit aujourd’hui des romans plus maitrisés et mieux écrits. On peut effectivement pointer les défauts d’un premier roman comme cette volonté d’être trop explicite ou certaines expressions ampoulées qui prêtent à sourire ou encore les rebondissements finaux qui m’ont semblé inutiles tant le personnage de Mako se suffit à lui-même, sans en rajouter sur la situation de sa femme.

Mais ce roman regorge aussi de qualités et elles sont nombreuses. On commencera par les personnages, piliers centraux de l’intrigue. Ils vont tous être parfaitement reconnaissables, du côté des méchants ou des gentils et Laurent Guillaume évite la caricature en restant parfaitement juste dans ses descriptions. Ce sont eux aussi qui aident à tenir l’intrigue qui par conséquence apparait très bien construite.

Malgré quelques maladresses de style dont j’ai parlé ci-dessus, j’ai été surpris de l’aisance à créer des décors et des scènes imagées et très cinématographiques. J’ai trouvé remarquables la gestion des scènes d’action et surtout la façon qu’a Laurent Guillaume de nous faire ressentir toute la rage et la hargne qui anime le personnage de Mako tout au long de son enquête. Mako se lit donc comme un roman prometteur.

La loi des vents tournants de Muriel Mourgue

Editeur : Editions Encre Rouge

Parmi les romans de Muriel Mourgue, on y trouve deux cycles différents. Angie Werther qui est une agent secret française dans un monde futuriste proche et Thelma Vermont qui est une détective privée new-yorkaise dans les années 60.

Nous sommes en 2028. Angie Werther, qui a connu une enquête traumatisante pendant laquelle elle a failli se faire violer, voudrait voir son père plus souvent, lui qui habite Buenos Aires. Alors qu’elle est retranchée dans sa propriété en Normandie, Luc Malherbe, son ancien chef et actuel conseiller personnel de la première dame du pays, dont elle se méfie, fait appel à elle pour une affaire délicate.

La présidente française Rose Leprince déplore la mort de la femme du premier ministre, Rodrigue Sirkho. Eva Sirkho paraissait tout le temps gaie, sur les photographies qui démontraient son aura naturelle. Elle était d’ailleurs chroniqueuse pour une émission de télévision. Du coté personnel, les deux époux connaissaient des aventures extraconjugales, pourvu qu’elles soient discrètes.

En théorie, la mort d’Eva apparait comme une sortie de route, un bête accident de la route de quelqu’un qui roule trop vite. Mais le simulateur de trajectoire démontre sans conteste qu’on aurait poussé la voiture de course hors du chemin, engendrant un accident mortel. Angie, aidée d’Alex Darkness, spécialiste hacker du Net, vont faire la liste des potentiels suspects. Jalousie professionnelle, politique, attentat ?

Ceux qui connaissent l’univers d’Angie Werther et son histoire vont trouver le début du roman un peu long. Muriel Mourgue revient en effet sur sa vie et les personnages qui l’entourent. Certes, il s’agit d’un prologue, mais on peut aisément le passer pour arriver dans le cœur du sujet, l’enquête.

A nouveau, je retrouve le style limpide et calme de Muriel Mourgue. Il ne faut pas chercher ici de scènes sanguinolentes, ou même d’action à outrance. Cette nouvelle enquête respecte à la lettre les codes du genre, et l’on voit Angie et Alex rencontrer les suspects les uns après les autres pour les éliminer (ou pas ?) de leur liste.

Passant de l’enquête aux hautes fonctions de l’ »’Etat, il règne dans ce roman une ambiance de menace, car depuis le grand cataclysme, l’organisation terroriste L’Etoile Noire menace de perpétrer de nouveaux crimes. Cela constituera la deuxième intrigue de ce roman fort sympathique, qui sans apporter de nouveautés au cycle Angie Werther, se lit avec une certaine délectation.

Le Botaniste de Jean-Luc Bizien

Editeur : Fayard

Pour ceux qui ne le savent pas, je ne suis pas un grand fan de Thriller, ou du moins des polars estampillés de la sorte. Pour autant, j’en lis environ un par mois, à la recherche non de la perle rare mais de pur divertissement. Depuis le début de l’année, les quatre que j’ai choisis m’ont profondément déçu. Heureusement, le dernier roman de Jean-Luc Bizien vient relever un niveau franchement très moyen.

Dans la forêt amazonienne, William Icard, un scientifique botaniste, doit récupérer quelques échantillons, avant d’évacuer la zone où il habite. Sa famille, composée de sa femme et de ses trois enfants sont menacés par des groupuscules armés chargés de mener à bien la déforestation de cette zone. Alerté par de fortes explosions, il arrive trop tard et assiste à l’incendie de leur maison. Il peut tout juste récupérer les corps brûlés de ses deux jumeaux avant de se coucher de désespoir auprès d’eux.

Dix années ont passé. Dans un hôtel new-yorkais, sont logés les jurés d’un procès retentissant opposant une Greenpeace à l’entreprise d’exploitation forestière McKenzie-Huang. Toutes les chaînes de télévision ont accrédité leurs journalistes, et le FBI est sur les dents par peur d’un débordement lié aux manifestations qui ont lieu à l’extérieur. Au même moment, Joan Peabody assiste à une conférence sur la climat en tant qu’entomologiste de renom. Elle est accompagnée par sa fille Florence, qui espère faire du shopping avec sa mère après les conférences.

Quand les avocats annoncent officiellement que le procès va être reporté pour cause de corruption des jurés, on apprend que quatre d’entre ont disparu. Ils auraient été enlevés et Florence semble aussi manquer à l’appel. Aurait-elle été enlevée par erreur ? Le lendemain, les principaux canaux de télévision sont piratés. Le monde entier assiste à une retransmission en direct des jurés, retenus dans une cabane en pleine forêt amazonienne. La voix off indique qu’elle veut alerter sur la nécessité de la sauvegarde des forêts primaires. Le PDG M. McKenzie-Huang, le FBI, et la CIA vont partir à la chasse de ce personnage qui se fait nommer Le Botaniste.

Prenant comme base un documentaire « Poumon vert et tapis rouge », sorti en 2021, scénarisé par Luc Marescot et réalisé par Guillaume Maidatchevsky, Jean-Luc Bizien, dont la savoir-faire n’est pas à démontrer se saisit d’un sujet « brûlant » pour bâtir une intrigue dont la forme respecte à la lettre les codes du thriller et nous alerter sur le problème majeur auquel est confronté notre monde.

Nous avons donc droit à plusieurs points de vue, passant d’un personnage à l’autre, tous facilement croqués car suffisamment décrits. Les chapitres courts donnent un bon rythme à la lecture, et les événements, nombreux, font que ce livre est difficile à lâcher. Dans la forme, nous avons droit à un thriller prenant, nous offrant une tension croissante jusqu’à un final explosif, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ce roman s’avère aussi particulièrement instructif sur le rôle des forêts primaires, soit par l’intermédiaire des dialogues soit par des extraits d’analyse réalisées (en théorie) par William Icard ; mais je soupçonne que cela soit extrait des études de l’entomologiste français Francis Hallé. Quoiqu’il en soit, on se rend compte que la nature a beaucoup à nous apprendre, a beaucoup à nous offrir pourvu que nous la respections.

Entendons-nous bien, je ne suis pas un extrémiste écologiste, mais juste dégoûté devant le gâchis auquel je suis confronté tous les jours. La réflexion qui me taraude est plus générale. Devant de tels sujets primordiaux mais lointains, devant la difficulté de se faire entendre, faut-il forcément en passer par la violence pour faire bouger les dirigeants de tous pays ? Je vous laisse quatre heures pour y répondre.

City of windows de Robert Pobi

Editeur : Les Arènes / Equinox (Grand Format) ; Points (Format poche)

Traductrice : Mathilde Helleu

J’étais passé à coté lors de sa sortie en grand format, ne trouvant pas le temps de l’ouvrir. Sa sortie en format poche est l’occasion pour moi d’effectuer une séance de rattrapage pour cet excellent thriller.

19 décembre, New York. Nimi Olsen tente de traverser la 42ème rue en dehors des passages réservés pour les piétons. Par chance, une bonne âme lui fait signe de passer et elle le remercie d’un simple sourire. A ce moment-là, le pare-brise éclate et la tête de l’homme au volant disparait. Puis, le coup de feu retentit. Par un pur reflexe, le corps appuie sur l’accélérateur et la voiture bondit en avant. Le bilan se monte à deux morts.

Alors qu’il termine son cours de licence à l’université de Columbia, le docteur Lucas Page souhaite de joyeuses fêtes de Noël aux étudiants puis rejoint son secrétariat, balayant rapidement les nombreux messages reçus dans la journée. Sur la télévision branchée sur CNN, il assiste à un compte-rendu de l’assassinat qui vient de survenir, mais préfère l’ignorer volontairement.

Lucas Page a perdu une jambe, un bras et un œil dans une précédente enquête pour le FBI. Il a refait sa vie avec Erin, qui l’a soigné. Ils forment une famille unie avec les enfants estropiés qu’ils adoptent. Quand l’agent spécial Brett Kehoe sonne à la porte, Lucas Page sait qu’il est le seul à pouvoir les aider à trouver d’où a été tiré le coup de feu, grâce à son génie mathématique. Il accepte contre l’opinion d’Erin, et fera équipe avec l’agent spécial Whitaker. Et la série de meurtres ne fait que commencer.

Pour l’introduction d’un nouveau personnage, Robert Pobi en a choisi un avec de nombreux handicaps, mais il lui a surtout concocté un caractère bien particulier basé essentiellement sur un humour ravageur, fortement cynique. L’auteur y ajoute de bons sentiments avec sa vie de famille et le fait qu’ils aient décidé d’adopter des enfants estropiés. N’en jetez plus : ce personnage là, on l’adopte et pour longtemps.

Robert Pobi fait montre d’un beau savoir faire, à la fois dans la conduction de son intrigue mais aussi dans la construction de son intrigue, écrite sur la base de chapitres courts. Il nous montre un sacré talent dans la description de scènes d’action ; j’en veux la scène où un groupuscule investit sa maison, où on se retrouve à dévorer une trentaine de pages sans prendre le temps de respirer.

Et puis, Robert Pobi nous présente son avis, au travers de ce personnage qui a acquis une grande lucidité sur le monde qui nous entoure. Il nous donne son avis sur les lobbyistes de tout poil, les défenseurs des possesseurs d’armes à feu, le racisme de tout poil mais aussi les préjugés de la police, les journalistes et les politiciens si prompts à désigner des boucs émissaires pour le peuple. Voilà un excellent thriller qui donne envie de poursuivre l’aventure avec Lucas Page.

Tarmac blues de Gérard Carré

Editeur : Jigal

Auréolé d’articles élogieux des collègues blogueurs, je me suis lancé dans la lecture de ce polar avec envie, ayant besoin d’un polar costaud. J’ai été surpris par le rythme, la maitrise et la construction implacable. Bonne pioche !

Premier chapitre – Salomé : Chez son gynécologue, elle observe les deux formes qui se portent à merveille sur l’écran de l’échographie. Quand le docteur lui demande si elle a choisi les prénoms, elle lui répond naturellement Igor et Grichka. En sortant elle prend un taxi et appelle son mari, Léonard Delevigne, à la tête de la brigade des stupéfiants de Paris. Mais le chauffeur se trompe de route et Léonard assiste en direct à l’enlèvement de sa femme. Il a trente minutes pour leur donner le nom de la balance au sein du réseau Viking de Villiers sur Marne.

Deuxième chapitre – Léonard : Il se branche sur l’application lui permettant de tracer le portable de Salomé. Le signal le dirige vers un entrepôt dans lequel il pénètre rapidement. Il y découvre un taxi en train de brûler. Le corps à l’intérieur a été abattu d’une balle dans la tête et finit de se consumer. Léonard cherche alors sur son ordinateur de bord le réseau Viking, et tombe sur le nom de l’indic : Omar Faraoui. Le flic en contact avec Omar n’est autre que Milovan Milosevic, son presque frère.

Troisième chapitre – les deux orphelins : Léonard vit débarquer Milo dans sa classe de quatrième. Issu de la DDASS car abandonné à la naissance, Milo avait un caractère violent mais était beau comme un apollon. Ils firent connaissance lors d’un vol de la recette de la cantine où Léonard et ses parents innocentèrent Milo. Milo fut accepté dans la famille Delevigne, jusqu’à cet accident de voiture qui tua les deux parents. Léonard et Milo se retrouvèrent orphelins, frères pour la vie dans leur malheur.

Quatrième chapitre – Léonard : Quand Milo appelle Léonard, il lui propose de débarquer pour fêter les deux bébés à venir. Mais Léonard ne veut pas dire la vérité à son ami et frère, il invente une histoire où Salomé est partie se reposer chez ses parents. Car Léonard a pris sa décision : pour sauver sa femme et ses deux enfants à venir, il va trahir Milo et donner Omar aux ravisseurs.

Les chapitres ne dépassant que rarement les quatre pages, le résumé que je vous ai concocté donne une image de la construction du roman et de sa célérité. Nous allons rencontrer plus d’une dizaine de personnages, chacun ayant droit à un chapitre dédié et les scènes vont s’amonceler à une vitesse folle pour construire une intrigue passionnante. Il ne serait pas étonnant d’ailleurs d’imaginer cette histoire adaptée en film ou en série tant le découpage fait penser à un scénario … et quel scénario !

Car, outre les chapitres qui donnent un rythme élevé à la lecture, le style se veut direct et efficace, ne laissant que peu de temps au lecteur pour reprendre sa respiration. Soutenu par des dialogues qui sonnent tous justes (c’est assez rare pour être signalé), il est bien difficile de s’arrêter de tourner les pages tant on veut à tout prix savoir la suite pour connaitre enfin le fin mot de l’histoire.

L’air de rien, ce roman est un sacré pavé, car s’il affiche 365 pages au compteur, la fonte utilisée est petite et d’autres éditeurs auraient sortis ce livre en 500 pages. Mais que cela ne vous arrête pas, le scénario est en béton, et on n’y voit aucune fissure, les personnages sont passionnants et on se prend rapidement de d’affection pour eux, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les morts vont s’amonceler au fil de l’histoire.

Avec son style efficace, ses personnages attachants, son scenario de trafic de drogue alimentant les réseaux terroristes et sa forme qui apporte une célérité à l’ensemble et une célérité à sa lecture, ce roman se classe d’emblée parmi les excellentes lectures et s’avère un divertissement très haut de gamme. Avant de l’entamer, je vous conseille tout de même de vous munir de provisions et de reprendre votre souffle. Car une fois commencé, vous ne pourrez plus vous arrêter.

Face Mort de Stéphane Marchand

Editeur : Fleuve Noir

Au rayon divertissement, à mi chemin entre thriller apocalyptique et roman d’espionnage anti-terroriste, le dernier roman en date de Stéphane Marchand respecte à la lettre les codes du genre en faisant monter la tension.

Alors que Daech a été repoussée hors de l’Irak et la Syrie, l’organisation terroriste a du se replier en Lybie, où, après la mort de Kadhafi, le chaos y règne en maître. Dans une grotte perdue au milieu du désert, Ibtissam, une jeune femme en guerre contre l’occident assiste à la réussite de son programme : des jeunes chiots meurent sous ses yeux en présence d’une nouvelle substance alors que d’autres survivent.

Le jeune diplômé de Polytechnique effectue un stage à la DGSE. On lui donne la mission d’améliorer la toute nouvelle invention, Face Mort, un logiciel qui allie reconnaissance faciale et intelligence artificielle. Il passe des jours et des nuits à le nourrir de photos, de documents, d’informations glanées sur le Net car une connexion semble se faire entre le jeune homme et la machine.

Une vidéo postée sur un réseau social va réveiller la machine, celle d’une décapitation d’un homme au milieu d’hommes masqués. Pourtant, Face Mort va pointer un homme en marge de ce meurtre, ou plutôt un tatouage qu’il identifie et relie au nom de code Sauterelle. Lançant l’alerte aussitôt, il reçoit l’appel du colonel Flache en personne, le conseiller particulier du directeur. Tout le département prend au sérieux cette piste et charge Maxime Barelli, la capitaine à la tête des Forces Spéciales, de trouver et d’éliminer les terroristes. Car elle connait très bien le dossier Sauterelle.

Les raisons de lire ce roman sont innombrables, tant le plaisir de lire un bon roman d’action est là. Stéphane Marchand démontre aussi que pour qu’un plat soit bon, il ne suffit pas d’avoir les bons ingrédients ; encore faut-il avoir le talent pour faire monter la mayonnaise. Prenez une pincée de nanotechnologie, une bonne part de terrorisme, une couche de reconnaissance faciale et une autre d’intelligence artificielle, parsemez d’agents secrets agrémentés de troupes d’assassins sans scrupules au service de la République. Mélangez délicatement, tout en ayant un mouvement énergique dès que les balles sifflent. Saupoudrez avant de servir d’un suspense difficilement soutenable.

Avec tout cela, le plat devrait être excellent. Stéphane Marchant ajoute à ce roman d’action paranoïaque un format de thriller où les chapitres n’excellent pas quatre pages, un style qui va vite, d’innombrables personnages à la psychologie juste brossée, le lecteur devant faire le reste, et vous aurez entre les mains Face Mort. Et même si certaines assertions sur où nous emmène la technologie sont osées, ce thriller va vous faire frissonner.

Ça va vite, on voyage entre l’Europe et le Moyen Orient et on se laisse emmener dans cette intrigue qui flirte avec un futur proche, appuyant sur nos peurs comme quand on enfonce un couteau dans une plaie et qu’on tourne doucement et lentement pour faire plus mal. Avec tout ce qu’on nous montre dans les médias, on en devient fous. Stéphane Marchand ne nous décrit pas un futur forcément réaliste, il grossit le trait comme une projection possible, probable mais dans tous les cas, bien flippante.

Si vous avez déjà peur de tout, si vous croyez aux complots ou aux délires de la science, ce roman va vous conforter dans vos idées. Si vous aimez les histoires bien écrites, les romans d’action, et une réflexion sur ce que nous réserve (peut-être) l’avenir de la science quand elle est mal utilisée ou utilisée à des fins funestes, alors, ce roman est aussi pour vous. Car en parcourant ces pages, on ne voit pas le temps passer, ce qui démontre que c’est un très bon divertissement.

Eureka Street de Robert McLiam Wilson

Editeur : Christian Bourgois (Grand format) ; 10/18 (Format poche)

Traducteur : Brice Matthieussent

Attention : coup de cœur !

Ils sont deux : Jake Jackson et Chuckie Lurgan ; Amis à la vie, à l’amour, à la mort. Pourtant, tout les oppose. Jake est catholique, Chuckie est protestant. Jake est un violent nerveux, donnant du poing à la moindre contrariété, Chuckie est un calme et gentil fainéant. Jake est récupérateur (et parfois, il faut être persuasif) de biens mobiliers quand les pauvres habitants de Belfast ne peuvent plus honorer leur emprunt, Chuckie cherche un moyen de se faire du fric facilement.

Avec son esprit bagarreur, qu’il traine devant lui pour son travail mais aussi dans sa sphère personnelle, Jake pleure le départ de Sarah, sa copine. Comme il plait à la gent féminine, il se retrouve à guetter les signes des jeunes femmes qui s’intéresseraient à lui, comme Mary, la jeune serveuse du pub. Chuckie a un physique ingrat, bedonnant mais  sa vie change le jour où il tombe amoureux de Max, une jeune américaine d’une beauté évanescente, fille d’un diplomate assassiné.

Leur vie coule entre recherche de l’âme sœur et survie dans une ville en pleine crise économique, rythmée aux battements des attentats à la bombe, qui ne les étonnent plus. A la limite, leur jeu consiste à déterminer où la bombe a bien pu exploser, à la force du son qui leur parvient. La vie de Chuckie change le jour où il a l’idée de passer une petite annonce pour vendre des articles sexuels, qui lui permet de ramasser plusieurs dizaines de milliers de livres.

Cette chronique de vies de trentenaires dans une ville en souffrance est juste une étoile dans un ciel noir. La volonté de l’auteur de prendre comme personnages des habitants simples, et ce centrer l’intrigue sur les amours de ces deux jeunes gens s’avère d’autant plus efficace quand il s’agit d’aborder des scènes extrêmement fortes, autant par les émotions qu’elles transportent que la violence qui en est induite.

Le ton n’est jamais larmoyant, ou triste à pleurer ; c’est même tout le contraire. Tout en auto-dérision, l’auteur excelle dans l’humour noir et cynique, tout en ayant des répliques décalées et cinglantes, typiques de l’humour irlandais. Si on peut penser que le mode de vie et de pensée de ces jeunes est irresponsable, détaché de toute réalité, il faut plutôt y voir une nouvelle génération des années 90 qui refuse d’adopter les combats de leurs aînés, et qui veut enfin vivre.

 Pour autant, chacun des personnages va exprimer ses opinions et donner lieu à des passages d’une lucidité fantastique par la simplicité avec lesquelles elles sont exprimées. On y trouve par exemple ce paragraphe à propos des attentats qui tuent des innocents : « C’était la politique de cour de récréation. Si Julie frappe Suzie, Suzie ne frappe pas Julie en retour. Suzie frappe Sally à la place. »

L’histoire se déroule comme tous les grands romans populaires et possède un souffle et une force inoubliable, quasiment universelle, et tous les personnages résonneront longtemps en nous ; en particulier ce terrible chapitre 11 qui, au milieu d’une période calme, entre soirées au pub et repas familiaux, va décrire un attentat qui va impacter nos petits groupes. Et il est bien difficile de ne pas pleurer en le lisant.

C’est aussi un roman sur l’amitié, plus forte que tout, la loyauté au-delà des clivages de territorialité, de nationalité ou de religion, de règles de vie, de fierté, de parents pris dans la tourmente mais toujours là en soutien, d’amour bien sur, toujours plus fort que tout. Et le nombre de passages que j’ai envie de partager est énorme. Je vais mettre ce roman à coté de mon lit pour relire quelques passages comme ceux que je vais partager :

« C’était Poetry Street. C’était le Belfast bourgeois, plus feuillu et plus prospère qu’on ne l’imagine. Sarah avait trouvé cet endroit et nous y avait installés pour mener notre vie arborée dans notre quartier arboré. Chaque fois que ses amis anglais ou sa famille nous avaient rendu visite, ils avaient toujours été déçus par l’absence de voitures calcinées ou de patrouilles militaires dans notre large avenue bordée d’arbres. De la fenêtre du bas, Belfast ressemblait à Oxford ou Cheltenham. Maisons, rues et gens avaient l’apparence cossue de revenus confortables. »

Ou encore :

« Et comme d’habitude, le ton est monté – le ton montait toujours dans les bars de Belfast. L vieille recette usée : La démocratie constitutionnelle, la liberté par la violence et les éternels droits de l’homme. Autrefois, nous discutions de femmes nues, mais au bout de quelques années, chacun de nous a cessé de croire aux mensonges des autres (…) Je veux dire que, pour lui (Chuckie), l’histoire et la politique étaient des livres posés sur une étagère, et Chuckie ne lisait jamais. »

Allez, une dernière sur l’efficacité des paramilitaires protestants :

« Malgré tous les mythes grand-guignolesques de protestants assoiffés de sang, ils n’arrivaient pas à la cheville des catholiques. Pourtant, Chuckie pensait que  leurs opérations étaient plus simples que celles des autres. La complexité politique ne leur convenait pas. Ils voulaient terroriser les catholiques. Et ils les terrorisaient en tuant des catholiques. Chuckie avait toujours eu le sentiment qu’ils excellaient en ce domaine. »

Coup de cœur !

7 milliards de jurés ? de Frédéric Bertin-Denis

Editeur : Lajouanie

Il est des romans dont on se rappelle même longtemps après les avoir lus et des auteurs dont on se dit qu’on suivra leurs prochaines productions. Force est de constater que Viva la muerte a laissé des traces dans ma mémoire (qui commence à être défaillante) et que c’est avec beaucoup de joie que j’ai retrouvé Frédéric Bertin-Denis et son personnage de Manolo El Gordete (El Gordo pour les intimes) pour une affaire qui sort de l’ordinaire.

Paris, France, 9 juin 2022, 15H20. Pierre-Henri de la Marjolie, PDG de la première entreprise énergétique européenne, a été enlevé par un commando de 6 hommes armés. Aucune revendication ou demande de rançon n’a été publiée.

Sapporo, Japon, 9 juin 2022, 22H25. Hiro Katajima, directeur général de la compagnie d’électricité Hokuden, a été enlevé par 3 ninjas. Aucune revendication ou demande de rançon n’a été publiée.

Lagos, Nigeria, 9 juin 2022, 14H30. Ayedeke Obayama, l’homme noir le plus riche du monde, a été enlevé par un groupe armé portant l’uniforme de la DOCIA (Death Of Capitalism In Africa). Aucune revendication ou demande de rançon n’a été publiée.

New-York, Etats-Unis, 9 juin 2022, 10H22. Debra Spellman, directrice pour les affaires africaines à la banque Goldsad Bros a disparue alors qu’elle avait un rendez-vous à 9H00. Aucune revendication ou demande de rançon n’a été publiée.

Belém, Brésil, 9 juin 2022, 10H45. Gustavo Almeida de Abreu, gouverneur de l’état de Para a été grièvement blessé lors d’une tentative d’enlèvement.

Sydney, Australie, 9 juin 2022, 23H30. Graham Matlock, le magnat des médias anglo-saxons, a été enlevé à sa sortie de l’opéra. Aucune revendication ou demande de rançon n’a été publiée.

Cordoue, Espagne, 9 juin 2022, 15H00. Pedro Belmonte de la Isla, grand patron de Desmantex, reçoit Maria Del Pilar, une jeune femme intelligente qu’il prend sous son aile. Elle se fait accompagner de deux amis. Leur discussion tourne autour des délocalisations dont Pedro est fier. Les deux hommes enlèvent Pedro pour l’emmener, disent-ils, à son procès pour crime économique et écologique contre l’humanité.

Manolo El Gordete va être chargé de la disparition de Pedro Belmonte de la Isla.

Voilà un polar qui, malgré un sujet hautement polémique et grandement casse-gueule, s’en tire avec les honneurs, voire même avec la palme du jury … d’où le titre du roman. Enfin, le jury, en l’occurrence, c’est moi. Ce fut avec un réel plaisir de retrouver Manolo, ce flic affublé d’une panse rondelette, défenseur de la justice mais aussi ardent héraut des pauvres. Alors, forcément, cette enquête va le confronter à ses propres valeurs. C’est aussi la force de ce roman, de ne pas s’être dispersé dans les différents endroits du monde où ont eu lieu les enlèvements et de s’être concentré sur la partie espagnole de l’enquête, avec Manolo en guest star.

D’une lecture facile et parfaitement maîtrisée, ce roman se lit rapidement et il s’avère être un véritable plaisir, de l’enquête remarquablement menée aux interviews des grands de ce monde. Même si ce roman est une fiction, il montre quelques faits par l’intermédiaire de scènes filmées par ce groupuscule rebelle, qui sont parfaitement lucides et donc totalement intéressants. Lors d’une de ces scènes, l’auteur pointe même le désir du peuple de vouloir toujours tout payer moins cher et dénonce donc la propre responsabilité de ceux qui se révoltent contre le capitalisme.

Aussi bien dans la forme que dans le fond, ce polar qui flirte avec le roman social est une grande et belle surprise et est bigrement intéressant dans sa démonstration, sans pour autant prendre ouvertement position. Il eut été maladroit de se placer d’un coté ou de l’autre trop ouvertement. Sa forme de discours lucide et simple en fait un polar à message populaire qui mérite très largement que l’on s’y intéresse. Alors, n’hésitez pas, que vous compreniez les enjeux de l’économie ou pas, vous allez vibrer et rager en lisant ce roman, qui est de plus un excellent divertissement. 

Ne ratez pas l’avis de mon ami Jean le Belge