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Château de cartes de Miguel Szymanski

Editeur : Agullo

Traducteur : Daniel Matias

Je crois bien (en fait, j’en suis sûr, mais je cherchais depuis plusieurs jours comment commencer ce billet) que ce roman constitue ma première incursion dans le domaine du polar portugais. Faut-il en déduire qu’ils sont en petit nombre, ou bien que leur qualité ne leur permet pas de traverser les Pyrénées ? Quoiqu’il en soit, les éditions Agullo, dans leur rôle d’aller dénicher de nouveaux auteurs prometteurs, nous proposent le premier roman d’une série à venir.

En ce vendredi 3 juin, Marcelo Silva atterrit à Lisbonne en provenance de Berlin. Après avoir laissé derrière lui une carrière de journaliste, et le scandale de la Fondation, il a accepté le poste d’enquêteur dans un service de la répression des fraudes en lien avec les marchés financiers. Dès son arrivée, il décide d’aller voir le tout nouvel immeuble où il travaillera et d’apporter les innombrables paperasses nécessaires à l’Etat. Cela lui permettra de passer un week-end tranquille avant d’attaquer de bon pied dès le lundi suivant.

Peu avant qu’il arrive, José Manuel Paiva Melo, le Président de l’Autorité des Marchés Financiers éructe face à un jeune auditeur mettant en cause de nombreuses irrégularités dans la gestion de la Banco de Valor Global. Le dossier, dit-il, ne possède aucune preuve, n’est qu’un ramassis de rumeurs. Il ajoute qu’Antonio Carmona, son propriétaire, est un grand nom de la Finance Européenne et qu’il est un de ses amis proches.

Alors que Marcelo se balade tout le week-end dans Lisbonne, dont la façade parait immaculée pour les touristes, il se rend compte que son pays, le Portugal, en faillite, a sacrifié sa population pour dépendre de l’argent des vacanciers. Quand il déjeune avec son amie Margarida dans un restaurant de luxe, il assiste à une altercation entre Antonio Carmona et Avelino Simoes, ancien ministre de la justice et de l’intérieur, et numéro 2 de la BVG. Le lendemain, Antonio Carmona disparait.

Ne vous inquiétez pas si vous hésitez à propos de ce roman. L’auteur, qui sait parfaitement de quoi il parle, ne va pas nous noyer sous des notions financières incompréhensibles. D’ailleurs, ce roman se rapproche plus d’un roman policier, où Marcello Silva va mener son enquête sur la disparition du Président de la BVG, en même temps qu’il va découvrir ce monde de pourris.

Antonio Carmona a appliqué les préceptes de Madoff selon le principe de la pyramide de Ponzi. Je vous explique : Il créé une banque, et attire ses clients grâce à des rendements exceptionnels. En réalité, il se sert de l’argent des nouveaux clients pour payer les intérêts des anciens. Le problème survient quand le nombre de nouveaux clients diminue et que les dépenses dépassent les rentrées d’argent frais.

Mais le fond du roman n’est pas là. Miguel Szymanski préfère démonter tout le système mis en place autour de ces banques fictives, et nous montre comment les grandes banques nationales et internationales, les grandes entreprises et les états européens, sous couvert d’amitié de longue date, utilisent ces systèmes et couvrent les défaillances de paiement en cas de souci (le terme souci est soigneusement choisi pour ne pas être grossier).

Ce roman étant annoncé comme le premier d’une série, l’auteur met du temps à nous présenter la ville de Lisbonne, Marcello Silva son personnage principal, ainsi que ses amis. Marcello est un sacré personnage à l’humour vache, du genre cynisme méchant. Le grand plaisir passé à visiter Lisbonne, que j’ai tant aimé, compense une intrigue complexe et une narration parfois peu claire. Et après la dernière page, je me demande bien comment l’auteur peut rebondir, ce qui suscite une curiosité qui me fera lire le prochain opus.