Le chouchou du mois de juin 2023

Il est grand temps de se demander quels livres glisser dans nos valises pour les prochaines vacances estivales. Je vous propose donc quelques idées pour le cas où vous en manqueriez. Faites votre marché, chez votre libraire, bien sûr !

Ma rubrique Oldies joue pleinement son rôle. Je connaissais comme tout le monde Agatha Christie et je n’avais jamais entendu parler de Dorothy Leigh Sayers. Et pourtant elle a occupé une place importante dans le monde des écrivains de romans policiers, et présidera le fameux Detection Club. Lord Peter et l’inconnu de Dorothy Sayers (LdP) sa première enquête est de facture classique et elle introduit une bonne dose de dérision par rapport à ses contemporains, ce qui représente une raison supplémentaire de redécouvrir ses romans.

Une fois n’est pas coutume, je suis sorti de ma zone de confort avec Le livre de Daniel de Chris de Stoop (Globe), un livre Enquête / Biographie / Document sur un fait divers qui touche particulièrement l’auteur, journaliste de son état, puisqu’il parle de la mort de son oncle, assassiné par une bande de jeunes. Il en profite pour chercher les causes, en particulier dans la société.

Les péchés des pères de Henning Ahrens (Gallmeister) nous parle d’une famille de fermiers en Allemagne sur plusieurs générations, et le poids de l’héritage et des traditions jusqu’à déboucher sur un drame. Gallmeister est capable de dénicher de beaux romans hors des Etats-Unis et il le démontre encore une fois.

Ce mois de juin a vu l’inauguration d’une nouvelle rubrique appelée Marque Page Noir #1, consacrée au roman d’un format plus court, presque des novellas. L’affaire des flambeaux noirs de Maurice Daccord (L’Harmattan – Noir) est un polar humoristique qui ne s’encombre pas de détails superflus et qui appelle de nombreuses références de la culture populaire. Quant à Nore de Philippe Paternolli (Editions du Caïman), il s’agit de la réédition de la première enquête de Vincent Erno et confirme qu’il faut que je poursuive cette série.

Le commissaire De Luca, l’un des personnages récurrents de Lucarelli nous revient dans Péché mortel de Carlo Lucarelli (Métaillié). On avait suivi ses enquêtes après la guerre, on le retrouve ici en 1943 lors de la destitution de Mussolini. Si l’enquête est menée de main de maitre, le contexte est extraordinairement bien rendu et la plume de Lucarelli toujours aussi direct et franc.

On retrouve la magnifique plume du lauréat du Grand Prix de la littérature policière 2021 dans Les aigles de Panther Gap de James McLaughlin (Rue de l’échiquier) et on se laisse porter par cette histoire brutale et violente. On regrette juste que la scène d’assaut soit si longue et moins convaincante que le reste du roman.

Heroina de Marc Fernandez (Harper & Collins) nous envoie à Acapulco, la station balnéaire mexicaine en proie aux règlements de compte entre cartels trafiquants de drogue. La femme d’un chef de cartels Olivia veut sauver et sortir son fils adolescent de ce trafic. Ecrit selon le point de vue d’Olivia, ce court roman va à l’essentiel ; c’est rapide, c’est efficace, c’est un scénario d’enfer.

Depuis que j’ai découvert la plume de Brice Tarvel, j’en suis devenu un fan. Portrait de la mort donnant le sein de Brice Tarvel (Zinedi) nous conte la fuite de deux adolescents d’une clinique qui pratique des actes étranges. Une nouvelle fois, dans ce court roman, on apprécie la qualité, la simplicité et l’efficacité de l’écriture ainsi que la fin brutale.

Je continue à lire le combat entre Bob Morane et l’Ombre Jaune avec leur septième confrontation, Les yeux de l’Ombre Jaune de Henri Vernes (Marabout), une aventure qui démarre doucement et qui devient de plus en plus passionnante.

Le titre du chouchou du mois revient donc à La Mort Muette de Volker Kutscher (Nouveau Monde – Sang Froid), la deuxième enquête de GereonRath tout simplement parce que j’ai trouvé que les défauts du premier tome étaient gommés et que ce roman est passionnant, que cela soit l’intrigue comme le contexte politique et social.

J’espère que ces avis auront été utiles dans vos choix de lectures. Je vous donne rendez-vous à la fin de l’été pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, protégez-vous, protégez les autres et lisez !

Heroïna de Marc Fernandez

Editeur : Harper & Collins

Depuis l’abandon des enquêtes de Diego Martin, on attendait la direction qu’allait prendre Marc Fernandez par la suite. Nous prenons donc la direction d’Acapulco, la célèbre station balnéaire mexicaine, minée par les guerres entre cartels de drogue.

Luis Mariano nous enchantait avec Acapulco :

« Sous le soleil couchant

C’est un ravissement

C’est l’heure des amants

Les fleurs ont des couleurs

Les femmes une fraîcheur

Qu’elles n’ont pas ailleurs »

Le paysage d’Acapulco dépeint par Marc Fernandez n’a plus rien à voir avec celui de Luis Mariano. Aujourd’hui, la station de rêve connait des règlements de compte entre les différents gangs de trafic de drogue. Dans sa monumentale trilogie, Don Winslow nous expliquait comment les cartels s’étaient développés et avaient mis à feu et à sang le Mexique. Et Acapulco n’est plus une exception de nos jours. Des bandes armées peuvent débarquer et tirer dans la foule, faisant des dizaines de victimes. Les plages paradisiaques se retrouvent de plus en plus envahies de drogués à la recherche d’argent pour se payer leur dose.

Olivia a remporté le titre de Miss Acapulco quand ses amis l’avaient inscrite à son insu, quinze ans auparavant. Cela lui a permis d’entrer dans le domaine fermé du mannequinat. Elle rencontre alors Roberto Aguilàr, propriétaire d’une entreprise de BTP et l’épouse. Un enfant va naitre de cette union, Pablo, qui s’apprête à entrer au lycée dans quelques mois.

Olivia est consciente que son mari a élargi petit à petit son entreprise au trafic de drogue, et elle en a bien profité. Roberto est devenu El Bobby, à la tête d’un des cartels les plus impitoyables d’Acapulco. Sa connaissance des mécanismes financiers lui a permis de blanchir son argent sale dans des investissements, en particulier des commerces et des prises de participation dans des entreprises légales.

Pour Olivia, son fils représente tout ce qui compte pour elle dans ce monde. Quand elle surprend son mari en train d’apprendre à couper les doses de cocaïne à son fils, les peser et préparer les petits sachets en plastique, elle sait que cela doit changer mais elle ne sait pas comment. Sa rencontre avec le juge Martin Calderon, ami d’enfance et procureur en charge de la lutte anti-drogue.

Changement d’éditeur, changement de personnage et changement de style pour Marc Fernandez qui continue à nous parler du continent sud-américain. Le défi est de taille, surtout quand on parle du Mexique et que l’on vient après Don Winslow, le maître du genre (Lisez La Griffe du Chien, bon sang !). Dans ce roman d’environ 200 pages, l’auteur place au premier plan la femme d’un chef de cartel de nos jours.

Ceci permet de s’écarter de ses prédécesseurs et de nous proposer une intrigue simple, rapide et efficace. Le roman raconte l’angoisse d’une mère, de sa prise de conscience et de sa recherche d’une solution pour sauver son fils à tout prix. On trouve peu de dialogue, et une psychologie d’Olivia intéressante, ainsi qu’une peinture de la situation actuelle de la région d’Acapulco en évitant les scènes sanguinolentes. Un bon polar, un bon cru et un excellent divertissement.

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 7

Les yeux de l’Ombre Jaune d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1962

J’ai lu beaucoup d’aventures de Bob Morane quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

Perdue dans le smog londonien, une jeune fille court dans les rues désertées, cherchant à échapper au monstre aux yeux rouges. Elle demande de l’aide à un policier mais le monstre surgit et ses rayons mortels réduisent l’homme en uniforme à l’état de cendres. Désespérée, elle aperçoit une cabine téléphonique et tente de joindre l’ami de son père.

Bob Morane, Bill Ballantine et le professeur Clairembart jouent aux échecs quand le téléphone sonne. La jeune fille demande de l’aide en se présentant comme la petite-fille du professeur Hems, Martine. Elle les met en garde contre l’Homme-Aux-Regards-qui-Tuent. Ils décident d’aller la secourir.

Ils tombent sur elle par hasard et se retrouvent face au géant aux yeux rouges qui tuent. Bob tire des balles dans la tête du monstre mais ce dernier ne chancelle pas et s’enfuit. Martine, accueillie dans le salon de Clairembart, leur explique que son grand-père est détenu prisonnier dans son château en Auvergne, vraisemblablement par l’Ombre Jaune.

Après un début présentant le contexte, porté par le coté effrayant d’un brouillard où on ne voit pas à deux mètres, Bob et Bill vont partir au secours du professeur et se retrouver dans un château loin de tout village, au sommet d’une montagne.

Henri Vernes conserve ses codes, sa construction et ses chapitres d’une dizaine de pages pour passionner n’importe quel adolescent … et moi. Il utilise les passages secrets, et les attaques incessantes des Dacoïts pour créer cette septième confrontation.

Evidemment, on le sait depuis le tome précédent, l’Ombre Jaune ne peut mourir, mais elle va passer un sale quart d’heure … pour une fois. Et Bob, Bill et Martine vont s’en sortir de justesse, comme d’habitude.

Les yeux de l’Ombre Jaune est donc un bon roman d’aventure que j’ai pris un grand plaisir à relire, tant Henri Vernes utilise à merveille ce château et tous les passages souterrains que l’on peut imaginer.

Dans le livre que j’ai lu, édité par Marabout Junior, on revient sur le laser et les formidables promesses de ce rayon lumineux, qui se sont révélées vraies aujourd’hui.

De quoi enrichir sa culture en s’amusant !

Les romans chroniqués ici sur le duel entre Bob Morane et L’Ombre Jaune sont :

  1. La couronne de Golconde
  2. L’Ombre Jaune
  3. La revanche de l’Ombre Jaune
  4. Le châtiment de L’Ombre Jaune
  5. Le retour de l’Ombre Jaune
  6. Les sosies de l’Ombre Jaune

Les péchés des pères de Henning Ahrens

Editeur : Gallmeister

Traductrice : Carole Fily

On m’a chaudement recommandé ce roman à sa sortie et je l’ai acheté aussitôt. Avant l’été, je tenais à vous parler de ce roman qui se penche sur l’histoire de l’Allemagne à travers l’itinéraire d’une famille de fermiers.

Quatrième de couverture :

À soixante-deux ans, Gerda aimerait enfin adoucir son quotidien. Depuis des années, c’est elle qui s’occupe des défunts du village, et cette tâche lui pèse de plus en plus. Mais, en ce mois d’août 1962, elle ne peut refuser son aide. Car devant elle se tient Wilhelm Leeb senior – celui qui l’a abandonnée pour épouser la fille du fermier Kruse et sa dot. Wilhelm, qui est parti à la guerre en nazi convaincu et qui n’est revenu de Pologne qu’après des années de captivité. Qui tyrannise femme et enfants, alors qu’ils font tout pour gérer la ferme que les Leeb exploitent depuis sept générations. Mais aujourd’hui, sur son visage, se dessine une douleur allant au-delà du supportable. Et Gerda le pressent : sans elle, les Leeb ne seront pas de taille à affronter la tragédie.

Henning Ahrens s’attaque aux blessures du siècle dernier et livre un drame familial poignant, où les racines du mal se propagent de père en fils.

Mon avis :

L’auteur a copieusement pioché dans l’histoire de sa propre famille pour évoquer le poids de l’hérédité et des traditions. Il va arpenter les arcanes du temps, de génération en génération, remontant jusqu’en 1755, quand la religion occupait tant de place jusqu’en 1962, où il positionne son personnage principal, Gerda, chargée de s’occuper et d’apporter les premiers soins aux morts.

Ce jour-là, elle est appelée chez les Leeb, ses voisins et elle ne peut empêcher de ressentir une certaine appréhension quand elle se rappelle que Wilhelm a préféré épouser la riche voisine plutôt qu’elle. L’auteur va alors passer en revue l’histoire des Leeb dont chaque aîné doit s’appeler Wilhelm, et gérer le domaine au nom de la tradition, au grand dam des autres enfants.

L’histoire rurale des Leeb va rencontrer la grande Histoire internationale, au travers des luttes religieuses et des différents conflits qui vont chacun apporter des drames et des larmes, voire des conflits et des inimitiés.

Le fait que l’auteur ait choisi de ne pas écrire une histoire linéaire temporellement est un grand atout de ce roman et permet de creuser les différents aspects des conséquences de l’hérédité et de la tradition, dans une vaste fresque familiale et rurale en seulement 380 pages.

Ce roman parlera sûrement plus à des germaniques de naissance qu’à des lecteurs d’autres pays. Ceci dit, la langue riche s’avère remarquable et apporte un atout supplémentaire à cette œuvre qui a été sélectionné dans la première liste de la Deutscher Buchpreis. Et on le comprend aisément tant on se laisse embarquer dans cette fresque. Avis aux amateurs !

Péché mortel de Carlo Lucarelli

Editeur : Métaillié

Traducteur : Serge Quadrupani

Dans la postface de son roman, Carlo Lucarelli nous indique qu’il a encore des comptes à régler avec De Luca après ses quatre précédentes enquêtes qui sont : Carte blanche suivi de L’Été trouble (1999), Via Delle Oche (1999), et Une affaire italienne (2021).

24 juillet 1943, Bologne. Alors qu’il se rend dans une maison pour une interpellation contre des gens pratiquant le marché noir, dont le chef est Egisto Saccani, le commissaire De Luca se trompe de maison et découvre un cadavre sans tête. Ils arrêtent donc un adolescent Negroni Gianfranco qui semble avoir perdu la tête en indiquant avoir vu le Christ des Chiens. Alors qu’il passe la journée avec sa fiancée Lorenza et ses amis, l’un d’eux le met sur la piste d’une fresque présente dans un mausolée du cimetière qui s’appelle le Christ des Chiens. Pendant ce temps-là, la charcuterie est partagée entre la questure et la milice.

Le lendemain, l’information circule que Mussolini vient d’être arrêté. Le consul a ordonné de libérer les hommes arrêtés la veille et De Luca se rend au cimetière. Il découvre la fresque et en déduit que la tête doit reposer dans les environs. En effet, il finit par la découvrir sur la rive de la rivière. Mais en la rapportant, il est pris à partie par des manifestants qui veulent se débarrasser des fascistes et les policiers sont considérés comme les premiers fascistes.

Quand il apporte la tête au service de médecine légiste, les conclusions le guident vers un homme corpulent. Mais surtout, De Luca est surpris d’apprendre que la tête n’appartient pas au corps, les traces de découpe ne correspondent pas. Quand il veut interrogés le Trafiquant et son jeune ami, ils ont tous deux disparus, libérés par le consul Martina, qui est la directeur de la milice.

Carlo Lucarelli nous avait présenté De Luca comme un personnage jugé comme fascisant puisqu’il occupait le poste de commissaire de police pendant la guerre. Un doute subsistait sur sa situation réelle. L’auteur met les choses au clair et nous peint un enquêteur doué et obsédé par les mystères qu’il doit résoudre. Cela en devient une telle obsession qu’il semble être imperméable face aux soubresauts de son environnement et n’avoir comme seule réponse que : « Je ne fais pas de politique, je suis de la police ».

Je ne vais pas vous faire l’affront de juger l’enquête proposée dans ce Péché mortel, tant tout y est mené de main de maître et que l’on suit son avancement du point de vue de De Luca, et pouvoir apprécier sa logique de réflexion. Il faut aussi préciser que Carlo Lucarelli n’est pas du genre à vous mâcher la lecture, chaque mot, chaque phrase sont importants et il arrive à nous faire ressentir l’ambiance qui régnait à cette époque dans des scènes mémorables comme celle du bombardement, où l’on ressent les soubresauts à chaque explosion.

Et puis, le contexte historique est parfaitement rendu, non pas par les événements qui vont se succéder mais par la réaction des différents protagonistes. Il faut bien avouer que la situation a dû être invivable pour le peuple italien. Imaginez : Alors que les Américains entrent en Sicile, Mussolini se fait virer et emprisonner. Le peuple se retourne contre les fascistes qui eux, retournent leur veste. A peine trois mois plus tard, les Allemands envahissent le nord de l’Italie et restaurent la dictature.

Carlo Lucarelli ne s’appesantit pas sur les événements mais se concentre sur leur impact en regardant la réaction des gens (et on n’est pas loin du Corps Noir de Dominique Manotti). Il y rajoute une bonne dose d’humour et de dérision. Outre son personnage de flic remarquablement complexe, son intrigue policière tordue, ce roman est une belle leçon d’histoire grâce à laquelle on apprend beaucoup de choses sur une période dont on a bien peu parlé.

Marque-Page Noir #1

J’inaugure ici une rubrique qui va être consacrée à des polars édités en grand format mais en format court (moins de 200 pages). Place donc à deux auteurs que je connais déjà, Maurice Daccord et Philippe Paternolli pour deux romans aux styles très différents mais qui ont en commun le rythme de leur écriture. En route pour le MPN1 !

L’Affaire des flambeaux noirs de Maurice Daccord

Editeur : L’Harmattan – Noir

Le commandant de gendarmerie Léon Crevette et son ami retraité Eddy Baccardi passent des vacances méritées au bord de la Méditerranée. On retrouve bientôt un pêcheur noyé, que Valentina, la campagne de Crevette autopsie. Elle conclue rapidement à un meurtre. Puis un jeune garçon est enlevé. Les deux amis vont donc venir en support au gendarme Flocon pour résoudre ces affaires.

Il ne faut pas chercher de nombreuses descriptions ni d’atermoiements psychologiques. Le style de Maurice Daccord est rapide et laisse plutôt la place aux actions des protagonistes et aux dialogues. L’auteur nous propose donc un polar qui va vite, et qui va lorgner du côté du trafic de drogue international, avec un style gentiment humoristique et truffé de références tant littéraires que cinématographiques. Divertissant.

Nore de Philippe Paternolli

Editeur : Editions du Caïman

Omar Bouarfa meurt à l’hôpital de Nimes, entouré de sa famille venue l’accompagné dans ses dernières minutes. Hélène Parker, la célèbre chanteuse, est étendue dans son sang, la carotide tranchée. Julien Péchavar lui aussi meurt chez lui mais avec le sexe tranché dans sa longueur.

Frédéric Erno guitariste de blues possède une maison à Saint Amans, au pied du Nore. Il cherche l’inspiration avant d’enregistrer son disque dans son studio personnel, d’autant plus que sa compagne Claire Lucenec fait le tour de monde en cargo. Fouad Tazenahte journaliste enquête sur un groupuscule d’extrême droite qui chercherait à inoculer le VIH aux populations immigrées. Le frère de Frédéric, Vincent Erno, lieutenant de police, doit prendre en charge une série de meurtres en étant persuadé d’avoir affaire avec un serial killer.

Ce roman, premier de la série Erno dont j’ai lu le dernier épisode propose un florilège d’intrigues entremêlées qui vont se rejoindre à la toute fin. Avec Philippe Paternolli, on ne sait jamais à quoi s’attendre et on passe d’un personnage à l’autre à un rythme élevé sans jamais laisser l’émotion transparaitre derrière quelques beaux passages. A suivre …

Les Aigles de Panther Gap de James A. McLaughlin

Editeur : Rue de l’Echiquier

Traducteur : Christian Garcin

Son premier roman, Dans la gueule de l’ours avait reçu le Grand Prix de la Littérature Policière, et on attendait avec impatience le deuxième roman de cet auteur prometteur. On retrouve les mêmes qualités de l’auteur pour implanter ses personnages en pleine nature, avec un scénario plus complexe.

1886. Léo Girard a élevé ses enfants dans sa ferme du Colorado dans des conditions dures. Summer et Bowman, frère et sœur, ont appris les difficultés de la vie rurale, l’art de l’autodéfense et l’élevage des aigles. Puis Bowman a décidé de partir et s’est exilé en Amérique du Sud, au Costa Ricasans volonté de retour.

2009, Summer reçoit une information concernant l’héritage de son grand-père Martin, un homme sulfureux en relation avec la mafia. Pour ce faire, elle demande à Bowman de revenir, ce qu’il fait à contrecœur. Les deux oncles Darwin et Jeremy reviennent aussi à la ferme familiale afin d’en assurer la surveillance devant la menace d’éventuels gangs attirés par ce potentiel héritage.

Autour de Panther Gap, deux hommes et une femme trouvent dans une voiture un sac empli de cocaïne. Mac et Mélissa vont se faire kidnapper et Sam va s’échapper et se retrouver dans le ranch de Summer. Elle et ses oncles vont l’aider à payer la rançon et récupérer ses amis. Mais Mélissa ne s’en sortira pas.

Le premier chapitre nous met tout de suite dans l’ambiance. Leo fixe sur le dos de Bowman une peau animale et lui demande de courir. Leo lance alors son aigle Alecto qui fondre sur Bowman. Quand Alecto rattrape Bowman, il lui enfonce ses serres dans le ventre. Rien que pour cette scène excellemment décrite et la violence de ce moment, ce livre vaut la peine d’être lu.

On retrouve le talent de cet auteur quand il place les humains dans la nature entre faune dangereuse et flore magnifique. On obtient dans ces moments-là des passages de pure littérature flamboyante qui m’avaient fait adorer son précédent roman. Et même si l’intrigue prend toujours ses racines dans le polar avec des gangs mafieux, on aurait plutôt tendance à classer ce roman dans le Nature writing.

Le thème du roman se rapproche beaucoup du précédent, une famille traquée par des mafieux, une ferme isolée au milieu d’une nature flamboyante. L’intrigue est plus complexe avec beaucoup plus de personnages, et l’auteur délaisse ses descriptions de la nature au profit de scènes d’assaut qui, il faut bien le dire, sont plus classiques et moins convaincantes surtout quand ladite scène dure plus de cent pages.

Et donc, on se retrouve avec un roman à la qualité littéraire indéniable qui s’enferme dans un genre de western moderne dans lequel il m’aura manqué un supplément d’émotions. Malgré des scènes d’une pure beauté qui m’ont enchanté, j’en ressors avec un sentiment mitigé et l’impression qu’avec plus de simplicité dans son intrigue, il aurait pu éviter certaines longueurs dans la deuxième partie.

Le livre de Daniel de Chris de Stoop

Editeur : Globe

Traductrice : Anne-Laure Vignaux

Quand j’ai lu la quatrième de couverture, j’ai immédiatement choisi de lire ce roman, bien que cela ne soit pas un roman. Je n’ai pas l’habitude de lire des essais ou des documents mais je comptais sur la forme et la façon de parler de sujets sociétaux importants.

Les faits : Daniel Maroy est retrouvé assassiné dans sa ferme en flammes. Agé de quatre-vingt quatre ans, il a été tué à coups de fourche par une bande de jeunes, dont certains habitent le village d’à coté. Chris de Stoop est le neveu de Daniel Maroy et s’est porté partie civile dans le procès des accusés. Il en a profité pour interroger les voisins, les proches, pour comprendre comment un tel drame peut arriver.

La reconstitution : Daniel Maroy s’est occupé de sa mère, de son frère épileptique sans jamais quitter sa ferme dans laquelle il élève des vaches de race noble. Après la perte de sa famille, il s’est renfermé jusqu’à ne descendre au village qu’une fois par semaine, toujours dans les mêmes habits. Il se moquait de son surnom, « Le vieux crasseux » mais portait en lui une cicatrice jamais refermée : il était amoureux de la bouchère qui a refusé de l’épouser ; depuis, il a vécu une vie d’ermite.

Les accusés : Daniel Maroy lui-même disait qu’il avait de l’argent plein les poches. En fait, il n’a jamais eu confiance dans les banques et conservait tout son liquide dans sa ferme. Rafael, stagiaire à la boucherie, est le premier à suggérer au groupe qu’il y a de l’argent à se faire dans la ferme du Vieux Crasseux. Ces jeunes désœuvrés, délaissés, sans avenir, rêvent de beaux habits, de chaussures, d’iPhone, de motos, d’alcool et de drogues. Ils seront cinq sur le banc des accusés Rachid, Ahmed, Rafael, Pascal et Arno qui auront participé à cette mise à mort.

Dans ce document / Enquête / Biographie, Chris de Stoop s’attache à faire revivre son oncle, à parler de sa vie, non pas longuement mais en grande partie par le regard que les autres portaient sur lui. On s’aperçoit vite que s’il pouvait passer pour un bourru vis-à-vis des inconnus, il pouvait se montrer charmant et disert envers ceux à qui il avait décidé de donner sa confiance.

Puis, entremêlant les témoignages ou les faits avérés, l’auteur va petit à petit décrire ce que Daniel a subi (pendant une semaine !) par le biais de l’itinéraire de ces jeunes, dont certains sont belges et deux français, comme pour montrer que ce drame n’a pas de frontière. Et dans ce cas-là, Chris de Stoop évite l’écueil de dire que les méchants sont forcément les jeunes et préfère pointer l’une des causes racines du doigt : La société, le chômage, les jeunes laissés pour compte, livrés à eux-mêmes, le manque d’espoir, les publicités qui vendent des produits de luxe que personne ne peut s’acheter, le besoin de marquer son identité dans une société anonyme, le besoin de reconnaissance donc la création d’un groupe quitte à ce que ce soit sur Internet, le désir de faire quelque chose de marquant, le manque de morale, l’explosion des limites de décence, la déshumanisation …

Mais ce serait trop réducteur, car il pointe aussi les voisins qui ne s’inquiètent pas, les commerçants qui ne le voient plus venir, la police qui ne se déplace pas quand il les appelle, les banques qui étouffent les fermiers en leur prêtant de l’argent à des taux exorbitants, et il n’hésite pas à se pointer du doigt lui-même qui ne s’est jamais inquiété d’un membre de sa famille.

Chris de Stoop, en grand reporter qu’il est, fait le constat en évitant tout pathos, en restant froid, descriptif, clinique même si on ressent dans certains passages son besoin de crier de rage. Le livre de Daniel est un document éloquent sur la déshumanisation de la société et l’égocentrisme individualiste qui mérite sa place dans votre liste de lectures parce qu’il va vous faire réagir ; enfin, j’espère.

Portrait de la mort donnant le sein de Brice Tarvel

Editeur : Zinedi

Découvert à l’occasion d’un recueil de nouvelles La Maison à Claire-Voie, je retrouve avec enchantement le style si imagé dans ce court roman sous forme de course poursuite et qui se termine en thriller.

L’ïle de Ré peut sembler paradisiaque. En réalité, elle abrite au milieu des marais une sombre demeure convertie en clinique. Le Docteur Malaquin se permet de pratiquer des expériences sur des gens dont personne ne veut, voire de payer des parents pour disposer de leurs enfants et leur inoculer des médicaments non encore (?) validés. Le Docteur Malaquin a construit une véritable usine à cobayes humains.

Corentin et Kléber sont deux jeunes garçons d’une dizaine d’années et ont décidé de s’enfuir de cette clinique. Corentin est un malin alors que Kléber, avec plus d’embonpoint le suit. Kléber aimerait avoir l’assurance de son copain alors Corentin le décide à le suivre pour rejoindre la maison de sa grand-mère. Elle fait, parait-il, un miel qui permet de perdre instantanément du poids.

Alice, la mère de Corentin, se rend à la clinique à la demande du docteur Malaquin. Son nouveau compagnon n’a que faire de son beau-fils mais elle se trouve des instincts maternels devant le danger qui menace son fils. De peur que le Docteur ne le fasse, ils vont partir à sa recherche.

Passant alternativement du couple des jeunes enfants aux parents de Corentin, Brice Tarvel construit son roman comme un itinéraire initiatique, qui se transforme bien vite en course poursuite. Il comporte bien entendu des moments cocasses tout en drôlerie, mais aussi des scènes stressantes avant de se terminer dans une scène mémorable digne d’un western, ce que l’on a plutôt tendance à lire dans des romans américains.

Ce road trip bénéficie en outre d’une écriture imagée et remarquablement littéraire, ce qui démontre que l’on peut lire un polar bien écrit ! On suit les deux jeunes gens en les pressant de se dépêcher, on intime à Alice de laisser sa bouteille pour sauver son enfant et on est tellement pris dans l’histoire que la fin, brutale, parvient à nous surprendre. Voilà une excellente surprise.

La mort muette de Volker Kutscher

Editeur : Nouveau Monde – Sang Froid

Traductrice : Magali Girault

J’avais bien aimé Le poisson mouillé, la première enquête de Gereon Rath, j’ai été emporté par sa deuxième. La progression entre les deux romans est gigantesque et je n’ai pu lâcher cette enquête (740 pages en quatre jours !). Génial !

Berlin, 1930. L’industrie cinématographique connait une grande révolution avec le cinéma parlant. Cela occasionne une refonte des méthodes de travail tant au niveau de la lumière que du son. Le marché est en grande partie monopolisé par l’UFA mais de petites maisons de production tentent de survivre en enchainant les films, pour sortir beaucoup de titres et occuper les affiches des cinémas.

Josef Dressler est en train de tourner les dernières scènes de Orage Amoureux avec la grande Betty Winter. Dans cette scène elle doit gifler Victor Meisner avant qu’un coup de tonnerre fictif ne se déclenche. Mais le tonnerre ne se déclenche pas et à la place, un projecteur se détache et s’écrase sur Betty. Victor se jette sur un seau d’eau pour la sauver. Betty meurt brûlée et électrocutée. C’est la catastrophe pour La Belle Production et son propriétaire Heinrich Bellmann.

Gereon Rath interroge rapidement les personnes présentes sur le plateau ainsi que le chef éclairagiste. Ils montent sur l’échafaudage et se rendent vite compte qu’il s’agit d’un sabotage et donc d’un meurtre. Gereon obtient le nom de l’assistant qui a mis en place l’installation : Peter Glaser. Devant la guerre que se livrent les studios, Gereon rend visite à Manfred Oppenberg, propriétaire juif des studios Montana. En fait, Glaser se nommerait en réalité Félix Krempin. Ippenberg lui annonce que son actrice fétiche Vivian Franck vient de disparaitre.

En parallèle, son père lui rend visite et le convie à un repas avec le maire. Celui-ci subit un chantage et aimerait que Rath identifie les fauteurs de trouble. Le maire possède des actions de Glanzstoff, entreprise américaine dont le cours ne cesse de dévisser. Pour éviter la faillite, le maire a dû emprunter de l’argent aux banques ; la contrepartie est qu’il doit faciliter le déménagement de l’usine de Ford de Berlin à Cologne.

Si la première enquête nous présentait le personnage de Gereon Rath, ce deuxième tome utilise pleinement la complexité de ce personnage dans une affaire passionnante et foisonnante. On comprend mieux pourquoi Gereon Rath est mal vu par sa hiérarchie, dont son chef Wilhelm Böhm : il est solitaire, travaille dans son coin et ne rend aucun compte à ses chefs, poussé par sa volonté de faire progresser sa carrière.

Heureusement, son père est toujours présent pour lui donner des coups de main, bien qu’il lui reproche sa lenteur. Seul le directeur de la police Ernst Gennat le soutient, et joue le rôle de guide et un rôle paternel. On se rend compte dans ces moments que des évolutions sont en cours, que les arrangements entre amis font beaucoup pour les promotions, et que l’on ne demande aux policiers que d’obéir aveuglément aux ordres. Et on sait ce que cela va donner par la suite.  

Le contexte historique est juste utilisé ici comme décor mais on peut noter tout de même quelques aspects intéressants. On retrouve le conflit entre les communistes et l’extrême droite. Goebbels n’est pas encore nommé chef de la propagande mais à la tête du journal et utilise tous les faits divers pour désigner les nazis comme des victimes des brigands communistes. Et on sent bien l’influence grandissante de cette propagande. L’antisémitisme commence à monter auprès de la population.

Economiquement, la crise de 1929 n’a pas encore touché l’Allemagne. Les usines embauchent encore et Ford envisage de construire de nouvelles usines. On perçoit l’importance de la Bourse, de la force financière des banques dans un pays qui est plus inquiet de la présence des communistes que du chômage.

Dans son roman, Volker Kutscher nous plonge dans le monde du cinéma et la révolution du cinéma parlant. L’UFA étant largement majoritaire, nous assistons à la lutte des petits studios de production qui veulent sortir un maximum de films. Il insiste beaucoup sur les changements nécessaires dans la réalisation des films et sur la lutte à mort que les studios se livrent. Cet aspect est très instructif, et on sent bien l’influence que le cinéma va avoir dans les années suivantes pour la propagande nazie.

Malgré sa taille, je me suis laissé emporter par cette intrigue, son rythme, ce personnage et le déroulement des différents aspects. L’auteur a gommé les défauts en insistant par exemple sur les différentes rues ou quartiers de Berlin, pour se concentrer sur les enquêtes et son personnage. Et une fois que l’on a plongé dedans, ce roman est impossible à lâcher. Vivement le prochain !