Le chouchou du mois de juin 2017

On peut dire qu’on aura eu chaud pendant ce mois de juin, et que, en ce qui me concerne, ce n’est pas forcément les meilleures conditions pour lire. J’ai donc arrêté quelques livres en cours de lecture, ce qui est très rare dans mon cas, mais j’aurais tout de même dégoté de très bons polars dont voici un petit récapitulatif. Et comme nous nous apprêtons à préparer nos valises pour les vacances, j’espère que ces quelques avis vous aideront dans votre choix :

Je commence par une découverte d’un roman de 1957, Un homme dans la foule de Budd Schulberg (Equateurs Parallèles), ou plutôt devrais-je dire une nouvelle. Je suis tombé dessus par hasard et l’ai acheté car, en période d’élection, le sujet me tentait bien. Cela raconte l’histoire d’un pauvre gars qui débarque dans une radio avec une guitare et qui devient la coqueluche du peuple par son discours simple et populiste. Il faut que vous lisiez ce texte qui est plus que jamais d’actualité.

Au niveau des découvertes, je vous encourage à jeter un œil à Lowlifes de Brian Buccellato & Alexis Sentenac (Glénat), une Bande Dessinée pur Hard Boiled. Même si l’histoire est simple, les dessins font beaucoup pour nous plonger dans l’ambiance glauque des bas-fonds de Los Angeles.

Vade Retro Satanas de Luc Fori (Pavillon Noir) est aussi une belle dé »couverte sur un sujet bien casse-gueule. 4ème roman de l’auteur, avec un personnage principal con et misogyne, aux prises avec ses préjugés sur la vie et des djihadistes en particulier. Et le fait d’avoir mis beaucoup d’humour et d’autodérision en font un roman très intéressant et surtout très divertissant.

Quand on parle de découvertes, ce mois de juin rime avec premiers romans. Bon, je sais, c’est une rime pauvre, très pauvre. Par contre, les premiers romans chroniqués sont riches, eux, très riches. Karst de David Humbert (Liana Levi) nous emmène en Normandie et nous parle de nappes phréatiques avec un personnage de gendarme original, puisque c’est un homme qui s’ennuie et qui du coup, fourre son nez là où il ne faut pas. Je suis innocent de Thomas Fecchio (Ravet Anceau) nous pose ouvertement la question des a priori que nous avons tous, surtout quand il s’agit d’un criminel récidiviste. Quand des corps de jeunes femmes violées sont retrouvés, il fait un suspect presque coupable. Un moindre mal de Joe Flanagan (Gallmeister) souffre de son bandeau publicitaire, puisqu’il le compare à James Ellroy. Passé cette déconvenue, le roman s’avère un polar costaud au scénario implacable. Enfin, vous trouverez plein de nouveaux auteurs dans les nouvelles publiées chez Ska en cette année 2017. Des auteurs fort intéressants qu’il va falloir suivre de près.

On ne parle pas assez de Naïri Nahapetian dont les trois romans mettant en scène Parviz, un espion en free lance, sont édités aux éditions de l’Aube. J’adore son style direct et efficace et sa façon de nous mener en bateau avec ses intrigues complexes entre politique et espionnage. Comme je l’ai écrit, il y a du Dominique Manotti dans ces romans là.

Après les découvertes, La vodka du diable de George Arion (Genèse éditions) est aussi une confirmation que les polars mettant en scène Andreï Mladin sont des incontournables, et à apprécier en se rappelant qu’ils ont été écrits pendant la dictature de Ceaucescu et qu’ils sont passés à l’époque au travers de la censure. Énorme !

Enfin, si vous cherchez un bon pavé, une valeur sure, Profanation de Jussi Adler Olsen (Livre de poche) est une lecture pour vous. Ecrit avec plein de rage, ce deuxième épisode du Département V est pour moi le meilleur de la série, parmi ceux que j’ai lus. Voilà une enquête policière qui mérite très largement votre attention.

Le titre du chouchou du mois revient haut la main au dernier roman en date de Nicolas Lebel, De cauchemar et de feu (Marabout). En abordant la guerre civile en Irlande, et sans prendre parti, il écrit un polar exemplaire et passionnant. Un grand roman, tout simplement, une lecture obligatoire pour cet été !

J’espère que ces quelques chroniques vous auront donné des idées de lecture. Je vous donne rendez à la fin de l’été pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Un moindre mal de Joe Flanagan

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Janique Jouin-de Laurens

Comme beaucoup de mes collègues blogueurs, je vais vous donner le même conseil : ne lisez pas le bandeau qui est sensé vendre le roman. Dire de ce roman qu’il est l’équivalent du L.A. Confidential de James Ellroy transposé à Cape Cod est exagéré. Certes, c’est vendeur mais c’est faux. Et je vous détaillerai tout cela juste après mon petit résumé.

Cape Cod, 1957. Un corps de jeune enfant vient d’être découvert, tué et violé. Alors que les élections approchent, la pression se fait forte sur les épaules de la police pour résoudre ce crime, que l’on espère isolé. Hélas, d’autres corps vont suivre …

Au premier rang de ceux qui vont subir la pression, il y a Warren, qui fait partie de la police locale. Il a un fils légèrement attardé, et la disparition de sa femme, vraisemblablement partie sous d’autres cieux l’oblige à gérer difficilement sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Comme son fils fait figure de bouc émissaire, Warren est bien obligé de le placer dans une institution spécialisée.

Dans cette école, des ecclésiastiques viennent aider les institutrices. C’est le cas du Père Boyle, trituré entre sa foi et ses envies. D’un naturel solitaire, il passe beaucoup de temps à se balader seul dans les bois, et considère de son devoir de visiter les malades et d’aider les enfants.

Quand d’autres corps apparaissent, le procureur Elliott Yost fait appel à la police d’Etat. On leur dépêche Dale Stasiak, un policier à la réputation sulfureuse. Celui-ci a le vent en poupe, puisqu’il vient de faire tomber un caïd de la pègre de Boston, dans l’affaire Attanasio. Par contre ses méthodes violentes et son non respect des règles font de lui quelqu’un d’honni dans la police.

Ce n’est pas parce que l’on a affaire à trois personnages que l’on est en droit de comparer ce roman avec ceux de James Ellroy. Et c’est la même remarque pour le fonctionnement de la police, la corruption, les religieux ou les politiciens. Et ce n’est pas non plus le style de l’auteur, plutôt littéraire et imagé qui va rappeler James Ellroy. Bref, déchirez le bandeau, afin de mieux apprécier ce roman.

Car on ne va tout de même pas juger un roman sur son bandeau de publicité !  Et pour un premier roman, c’est une vraie réussite. On a droit à un scenario très bien mené, des personnages tous très typés, représentant chacun leur confrérie, et une illustration de ce que les Etats Unis sont capables de nous sortir quand ils parlent de leur système et de son dysfonctionnement.

Sans forcément vouloir dénoncer quoi que ce soit, ce roman nous montre beaucoup de choses, de la corruption généralisée à l’impunité des religieux, de la lutte entre le bien et le mal et des liens familiaux. De ces thèmes abordés, on retiendra évidemment le combat entre deux façons de rendre la justice : l’honnête (Warren) et la violente (Stasiak). Même si les confrontations sont rares, la tension entre les deux monstres (entendez personnages) est constante et grimpe au fur et à mesure des pages.

J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur, tout en retenue, ne s’encombrant pas de sentiments, laissant la part belle à l’intrigue, qui elle est fantastique. Se contentant de décrire les paysages, les personnages par leurs actions, on est plongé dans un film de façon très classique, très académique mais bigrement efficace. Et sans en rajouter plus que cela, on est transporté dans une autre époque, les années 50 et les positions de la pègre pour s’octroyer plus de pouvoir dans la reconstruction.

C’est donc un premier roman impressionnant, de ceux qui font plaisir à lire, de ce genre de polar costaud que l’on est heureux d’avoir ouvert, de ceux qui nous remplissent de satisfaction. Et pour finir de vous convaincre, je vous joins un certain nombre d’avis de collègues, plus ou moins d’accord avec le mien, dont Nyctalopes, Lecturissime, K-Libre, Unwalkers, La Belette et Jean-Marc.

 

 

 

Les finalistes des Balais d’Or 2017

Ça y est ! les 13 jurés ont rendu leur verdict pour sélectionner les finalistes du Prix du Balais d’Or 2017. Et quelle finale, les amis ! Jugez- en plutôt !

Evidemment, vous trouverez tous les détails sur le site du Concierge Masqué : http://www.concierge-masque.com/2017/06/20/prix-du-balai-dor-2017/

Pour les Balais d’Or :

Lagos Lady de Leye Adenle (Métailié)

Mauvaise idée de sortir seul quand on est blanc et qu’on ne connaît rien ni personne à Lagos ; Guy Collins l’apprend à ses dépens, juste devant le Ronnie’s, où il découvre avec la foule effarée le corps d’une prostituée aux seins coupés. En bon journaliste, il aime les scoops, mais celui-là risque bien de lui coûter cher : la police l’embarque et le boucle dans une cellule surpeuplée, en attendant de statuer sur son sort.

Le sort, c’est Amaka, une splendide Nigériane, ange gardien des filles de la rue, qui, le prenant pour un reporter de la bbc, lui sauve la mise, à condition qu’il enquête sur cette vague d’assassinats. Entraîné dans une sombre histoire de juju, la sorcellerie du cru, notre journaliste à la manque se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, tandis qu’Amaka mène la danse en épatante femme d’action au milieu des notables pervers.

Hôtels chics, bars de seconde zone, jungle, bordels, embouteillages et planques en tout genre, Lagos bouillonne nuit et jour dans la frénésie highlife ; les riches font tinter des coupes de champagne sur Victoria Island pendant que les pauvres s’entretuent à l’arme lourde dans les bas quartiers.

Un polar survolté et drôle qui plonge au cœur de la ville africaine à la vitesse d’un tir de kalachnikov. Le Nigéria n’a jamais été aussi près de Tarantino.

L’interview du Concierge est à lire ici 

Dans Le Silence enterré de Mme Tove Alsterdal (Rouergue)

Katrine Hedstrand, journaliste, vit à Londres. Lorsqu’elle est rappelée à Stockholm au chevet de sa mère qui n’a plus toute sa raison, elle découvre dans les papiers personnels de celle-ci les courriers insistants d’une agence immobilière qui propose des sommes considérables pour une maison située au nord de la Suède, à la frontière avec la Finlande. Katrine, qui n’a jamais entendu parler de cette maison et ne connaît pas même la région natale de sa mère, décide de partir pour Kivikangas. Elle arrive dans une communauté bouleversée par la découverte d’un crime terrible : Lars-Erik Svanberg, un homme âgé qui vit seul depuis des années, a été retrouvé mort, la tête fendue en deux à la hache. Or, Katrine ne va pas tarder à soupçonner que Svanberg en savait long sur l’histoire de Kivikangas et qu’il aurait pu lui apprendre beaucoup sur les jeunes années de sa propre grand-mère, dans une époque bouleversée par la révolution soviétique à laquelle certains, en Suède comme ailleurs, ont cru si passionnément qu’ils ont tout abandonné pour elle.

Au point où les vies intimes rencontrent les événements les plus tragiques de l’Histoire, Tove Alsterdal tisse un roman qui est tout ensemble un récit des années 1930 et le portrait de cette contrée de neige et de glace où les destins d’une poignée de jeunes gens idéalistes se sont séparés à jamais. Dans la maison délabrée de sa grand-mère, Katrine va trouver non seulement des souvenirs mais des désirs encore assez palpables pour lui faire traverser, à son tour, les frontières et le temps.

La Dame de Pierre de Xavier Marie Bonnot (Belfond)

Tous les secrets finissent par ressortir… même ceux qu’on croyait enfouis à jamais au coeur des montagnes…

De la famille Verdier, il ne reste plus qu’eux, Pierre et Claire, le frère et la soeur. Lui, a repris la ferme familiale, dans la vallée de Saint-Vincent, auprès de leur montagne. Elle, vit à Paris. De l’existence de sa soeur, il ne sait rien, ou si peu de choses. Simplement qu’elle lui rendra toujours visite, immanquablement, deux fois l’an, dans cette maison de famille où rien n’a changé.

Mais cette fois-là, c’est différent. Claire a des cauchemars. Toutes les nuits, elle a peur pour une certaine Vicky, et prétend qu’elle-même sera bientôt morte. Pour Pierre, l’homme de la terre, les secrets et les névroses de sa soeur ne sont que des faiblesses.

Un matin d’hiver pourtant, Claire part et ne revient pas. Lorsqu’on retrouve son corps sans vie, étrangement vêtu, c’est Pierre qui est désigné comme le coupable.

Pierre est seul à présent. Lui, le taciturne qui vit reclus depuis le drame qui a brisé sa carrière d’alpiniste, aurait-il pu commettre l’irréparable ? Tant il est vrai que dans la famille Verdier les mystères et les secrets sont légions. Et qui est cette Vicky dont personne dans l’entourage de Claire ne semble connaître l’existence ? Pierre comprendra bien tard qu’elle était le secret le mieux caché de sa sœur…

L’interview du Concierge est à lire ici

Sur les hauteurs du Mont Crève-Cœur de Thomas H Cook (Seuil)

« Une évocation obsédante qui gagne en puissance et en résonance avec chaque revirement de son intrigue en spirale. » Publishers Weekly

« Qu’allait faire Kelli sur le mont Crève-Cœur ce jour-là ? Qu’allait-elle chercher, seule dans la profondeur de ces bois ? »

Trente ans après le drame, Ben demeure obsédé par l’image du corps de Kelli tel qu’il a été découvert sur la hauteur de ce mont où, jadis, l’on organisait une course de Noirs avant les enchères du marché aux esclaves.

Dans un de ces flash-back troublants que Thomas H. Cook maîtrise à merveille, le lecteur revisite avec Ben, ancien condisciple de la victime devenu médecin de campagne, les événements qui ont bouleversé la petite communauté blanche et conservatrice de Choctaw, Alabama, au mois de mai 1962.

Le meilleur ami de Ben le soupçonne toujours d’en savoir plus qu’il ne l’admet sur l’agression de la jeune beauté venue de Baltimore : Kelli a-t-elle été tuée parce que Todd, le bourreau des cœurs local, avait plaqué sa petite amie pour elle ou parce qu’elle soutenait la cause des Noirs dans le journal du lycée ?

Né en 1947 en Alabama, Thomas H. Cook a quitté à 17 ans sa petite ville pour New York, qui le fascinait. Devenu professeur d’histoire, et secrétaire de rédaction au magazine Atlanta, il a écrit plus de vingt romans policiers ténébreux, dont Au lieu-dit Noir-Étang, lauréat d’un Edgar Award. Il partage son temps entre Cape Cod et Culver City.

Là où les lumières se perdent de David Joy (Sonatine)

Caroline du Nord. Dans cette région perdue des Appalaches, McNeely est un nom qui ne laisse pas indifférent, un nom qui fait peur, un nom qui fait baisser les yeux. Plus qu’un nom, c’est presque une malédiction pour Jacob, dix-huit ans, fils de Charly McNeely, baron de la drogue local, narcissique, violent et impitoyable. Amoureux de son amie d’enfance, Maggie Jenkins, Jacob n’a guère l’occasion de se montrer romantique. Il est le dauphin, il doit se faire craindre et respecter, régler les affaires de son père de la façon la plus expéditive qui soit. Après un passage à tabac qui tourne mal, Jacob se trouve confronté à un dilemme : doit-il prendre ses responsabilités et payer pour ses actes afin d’aller vers la lumière, ou bien s’enfoncer encore dans les ténèbres en suivant la voie paternelle ? Alors que le filet judiciaire se resserre autour de lui, Jacob a encore l’espoir de sauver son âme pour mener une vie normale avec Maggie. Mais cela ne pourra se faire sans qu’il affronte son père, bien décidé à le retenir près de lui.

Avec ce premier roman aussi sombre que déchirant, qui évoque tout autant la série Top of the Lake que Seul le silence de R.J. Ellory, David Joy nous conte l’histoire d’un jeune homme qui tente par tous les moyens d’échapper à l’héritage de la violence et aux péchés de sa famille. Cette quête inoubliable de rédemption, où les frontières entre le bien et le mal, la vie et la mort sont aussi fragiles qu’invisibles, est transcendée par la puissance de l’écriture. C’est en effet dans une prose à vif, lyrique et haletante que David Joy restitue l’infinie complexité des sentiments de son héros dans ce livre à la beauté désespérée, aux allures de chef-d’œuvre.

Une mort qui en vaut la peine de Donald Ray Pollock (Albin Michel)

Après Le Diable, tout le temps, couronné par de nombreux prix, Donald Ray Pollock revient avec une fresque grinçante à l’humour très noir.

1917. Quelque part entre la Géorgie et l’Alabama. Le vieux Jewett, veuf et récemment exproprié de sa ferme, mène une existence de misère avec ses fils Cane, Cob et Chimney, à qui il promet le paradis en échange de leur labeur. À sa mort, inspirés par le héros d’un roman à quatre sous, les trois frères enfourchent leurs chevaux, décidés à troquer leur condition d’ouvriers agricoles contre celle de braqueurs de banque. Mais rien ne se passe comme prévu et ils se retrouvent avec toute la région lancée à leurs trousses. Et si la belle vie à laquelle ils aspiraient tant se révélait pire que l’enfer auquel ils viennent d’échapper ?

Fidèle au sens du grotesque sudiste de Flannery O’Connor, avec une bonne dose de violence à la Sam Peckinpah mâtiné de Tarantino, cette odyssée sauvage confirme le talent hors norme de Donald Ray Pollock.

Balais de la découverte (Premiers romans) :

La Toile aux alouettes de Lou Vernet (Éditions Border Line)

Il était une fois deux enquêteurs interlopes, une jeune fille en recherche de sens, un voisin bruyant, un gourou du web, une chef de service peau de vache, et une maman névrosée… C’est comme cela qu’elle nous la joue, Lou Vernet, avec une myriade de personnages qu’elle cisèle de sa plume efficace. Tous semblent évoluer dans des mondes parallèles jusqu’au moment où le récit bascule dans l’insondable noirceur de l’âme, entraînant le lecteur dans ses rêts. Dans La Toile aux alouettes, son premier polar, Lou Vernet manie en virtuose, l’art de la mystification. En attendant que l’Inclus et la Virgule reviennent défaire un nouvel écheveau, frissonnez avec ce premier opus, tout en ombres et lumières !

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Charade de Laurent Loison (Nouvelles Plumes Edition)

Spécialiste des crimes les plus sordides, le commissaire Florent Bargamont fait face à une série de meurtres au machiavélisme sans précédent.

Entamant un jeu pervers avec la police, le tueur sème les cadavres avec pour seul indice des morceaux de Charade que l’équipe de Florent, récemment complétée par la sublime Emmanuelle de Quezac, se doit de résoudre malgré la rude compétition avec le commissaire Daniel Cholle, avide de gloire et rival de toujours.

Torturé par un passé douloureux, Florent devra-t-il accepter, pour résoudre cette énigme , d’être englouti par l’abîme de noirceur et de déchéance humaine qui se dresse devant lui?

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Jeux de dames de Philippe Beutin (Cairn Edition)

Qui mène le jeu ?

Mon premier est un homme d’affaires américain implacable et triste, que le Sud-Ouest ramène à la vie.

Mon second est une veuve secrète et désinvolte, en quête de bonheur, que le destin accable.

Mon troisième est une brillante avocate, prête à pardonner les blessures du passé.

Mon quatrième est une beauté rebelle imprévisible, rongée par ses rancœurs.

Mon cinquième est un jeune policier passionné, inexpérimenté et maladroit, dont les intuitions font mouche.

Mon sixième est une brigade hétéroclite, avec ses qualités et ses faiblesses, menée par un capitaine au bout du rouleau.

Mon tout est une enquête entre Toulouse et l’aéroport de Blagnac, où les morts tombent comme des pions.

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Derrière les Portes de B.A Paris (Hugo et Cie)

En apparence, Jack et Grace ont tout pour eux. L’amour, l’aisance financière, le charme, une superbe maison.

Le bonheur.

Vous connaissez tous un couple comme celui qu’ils forment, le genre de couple que vous aimeriez connaître mieux.

Vous adoreriez passer davantage de temps avec Grace, par exemple. L’inviter à déjeuner, seule.

Et pourtant, cela s’avère difficile. Vous réalisez que vous ne voyez jamais Jack et Grace l’un sans l’autre.

Est-ce cela que l’on appelle le grand amour ?

À moins que les apparences ne soient trompeuses.

Et que ce mariage parfait ne dissimule un mensonge parfait.

Car pourquoi Grace ne répond-elle jamais au téléphone ?

Et pourquoi les fenêtres de la chambre sont-elles pourvues de barreaux ?

UN PIÈGE CRUEL ET DIABOLIQUE

UN LIVRE BRILLANT ET TERRIFIANT

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Balais de diamant (Livres en auto-édition):

 

Mille Morts d’Olivier Bal

Fuir est impossible. Se cacher est illusoire. Il n’y a pas d’autre issue que la souffrance. Entre 2005 et 2016, Paul Klein va traquer sans relâche Frank Lombardo à travers les États-Unis. Paul a mis en place un jeu terrible qui ne laisse aucun répit à Frank. À chaque fois, il lui permet de s’installer dans une région, reconstruire sa vie. Puis, avec un machiavélisme toujours plus dément, il le piège et le brise. Pendant onze ans, Paul va faire connaître à Frank mille morts. Pourquoi un tel acharnement ? Qui est le chasseur et qui est la proie ? Dans ce jeu diabolique, y a-t-il un monstre, y a-t-il un innocent ? Découvrez Mille Morts, une chasse à l’homme impitoyable, un thriller implacable.

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N’y descendez jamais ! de Fabrice Liegeois

Dans chaque histoire, il y a un début, un milieu et une fin. Cette dernière, personne ne la maîtrise véritablement, ni même l’auteur qui offre en lecture un parcours initiatique dans l’univers new-yorkais d’un quartier, celui de Harlem la noire et d’un personnage, une petite fille prénommée Abigail et qui embrassa un invraisemblable destin. Sur soixante dix ans d’Histoire, sa vie est retracée. De petite fille négroïde exclue et tiraillée entre deux communautés, de ses choix d’adolescente réclamant une justice qui l’a fuie et plus tard, de sa vie de femme, celle d’une matrone tenant de tous ses pouvoirs, une rue, la sienne, celle de la 129ème rue Ouest, au-delà de ce récit, découvrez une facette de la peur, celle à laquelle vous n’êtes pas préparés. Celle-là même qui se cache loin, par là-bas, quelque-part dans les recoins de votre âme et venez l’affronter au travers de cette vie qui ne vous quittera plus jamais. Bon spectacle…

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Syndrome de Stockholm de Philémon Le Bellégard

De Stockholm à Los Angeles, Stendriëk Börgen, artiste suédois génial et mystérieux, entretient une relation occulte avec Enstenov Khalinek, puissant homme d’affaires aux méthodes discutables. A l’apogée de sa carrière, Börgen dévoile son grand ?uvre, un ensemble monumental de plus de 3 000 toiles occupant la gigantesque Gallery of the Immortality du Titanium Palace de Los Angeles.  Börgen et Khalinek jubilent, mais aussitôt surviennent de nombreuses questions : quels liens unissent vraiment les deux hommes ? Comment une telle entente, aussi inattendue que suspecte, est-elle possible ? Quelle est cette étrange matière dont les ?uvres sont faites… ? Anna James, journaliste et critique d’art de haute renommée, se retrouve malgré elle au centre d’une histoire qui dépasse le monde de l’art. Elle va en effet découvrir que, derrière la création et le travail de Stendriëk Börgen, se cachent de sombres vérités…

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IVM tome 1 de Katia Campagne

L’histoire commence au Canada. Eléane six ans, fuit les violences de son père : Son seul tort : être née fille. Sa mère pour se sortir de cet enfer s’enfuit avec elle, en abandonnant son frère Allan au main de ce père violent et embrigadé dans une secte masochiste, pensant que son statut de mâle le protégera. Eléane et sa mère commence une nouvelle vie en France, mais Eléane n’a pas oublié son frère déclaré mort dans un incendie, et survit difficilement. Un jour, un garçon prénommé Andrew l’aborde. De là, va naître entre eux une relation au-delà de ce qu’ils imaginaient. Au-delà de l’extraordinaire.

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Un cru 2017 qui fait voyager et qui fera parler de lui, ce prix du Balai d’or ! D’ailleurs, nous démarrerons le mois de juillet par des chroniques de quelques romans sélectionnés.

De cauchemar et de feu de Nicolas Lebel

Editeur : Marabout

C’est la quatrième enquête du capitaine Mehrlicht, après L’heure des fous, Le jour des morts, et Sans pitié ni remords. Bien que je n’aie pas encore lu le premier, j’ai bien l’impression que ce roman là est la confirmation du talent de cet auteur, car c’est un roman passionnant du début à la fin.

Week-end de Pâques, Paris. Laura Reinier rejoint en taxi un bar situé rue de Montreuil. Elle doit subir le monologue inepte du chauffeur jusqu’à son arrivée. Un gardien de la paix lui demande de circuler, mais elle lui dit qu’elle a rendez vous avec le capitaine Mehrlicht, qui est à l’intérieur. Comment va-t-elle le reconnaitre ? Le policier la rassure, elle le reconnaitra à sa tête de grenouille. Elle descend au sous-sol et voit Mehrlicht avec Régis, le légiste. « Etat stationnaire … Pas de pouls depuis vingt minutes … peu de chance qu’il revendique quoi que ce soit » dit le légiste.

Mehrlicht analyse rapidement la scène du crime. L’homme a été exécuté dans les toilettes, une balle dans la tête, une dans chaque genou. L’assassin n’a même pas pris la peine de ramasser les douilles de 9 mm, éparpillées à droite et à gauche. Par contre il n’y a pas de pistolet. Le passeport annonce qu’il s’agit de John Murphy, britannique de son ex-état. Sur le mur, on a dessiné une figure enfantine, avec le sang de la victime et cette inscription : NA DEAN MAGGADH FUM. Le tueur a même laissé ses empreintes en faisant les deux yeux. Le lieutenant Reinier est la nouvelle stagiaire. Bienvenue dans le vrai monde !

Samedi 9 avril 1966, Quartier catholique du Bogside, Derry, Irlande du Nord, Royaume-Uni. Seamus Fitzpatrick rejoint ses copains, Tom et Barth Flaherty, Paul Coogan, Matthew et Ben  Kenny, et Phil Brennan. Leur jeu est en général la bataille entre les cow-boys et les indiens. Ça leur rappelle le combat contre les Britanniques. Ils se préparent tous pour la célébration du cinquantenaire du Soulèvement de Pâques de 1916, l’un des événements qui avaient mené à la naissance de la République Irlandaise. Les jets de pierres, de bouteilles commencent sur les blindés, et ceux-ci reculent. La foule hurle de joie.

J’aurais laissé un peu de temps entre ma lecture et le moment où j’écris ces quelques lignes. Comme s’il me fallait un peu de temps pour digérer, un peu de temps pour méditer et pour être sur de la qualité de ce roman. J’aurais pris du temps, pour être bien sur de ne pas me laisser emporter par la fougue du moment, pour être le plus rationnel possible dans les émotions ressenties à la lecture.

Car je me trompais quand je parlais des précédents romans de Nicolas Lebel, que tout tenait grâce au capitaine Mehrlicht et à ses envolées lyriques. Certes, on a une nouvelle fois à des passages extraordinaires, à des monologues d’une outrecuidance et d’une drôlerie sans pareil. Vous n’avez qu’à lire le passage sur les religions pages 113 et 114 pour vous en convaincre. Mais ce n’est pas tout. C’est la première fois, en ce qui me concerne, où j’ai ressenti un vrai équilibre entre les différents personnages de cette histoire. Mehrlicht, Latour, Dossantos, Matiblout et les Irlandais ont tous leur place, ont tous la même importance. C’est non seulement un plaisir de les retrouver, même s’il s’est passé plus d’un an depuis notre dernière rencontre, mais c’est surtout une forme de reconnaissance que de les voir tous sur la même ligne.

Quand même, quel génie d’avoir créé un personnage tel que Mehrlicht, avec sa ressemblance avec Kermit la grenouille, son allure de Paul Préboist, son aplomb à la Gabin d’Un singe en hiver, et son honnêteté et sa lucidité quant au monde moderne. On le retrouve d’ailleurs toujours aussi fumeur et plus humain, étant capable de faire le premier pas pour s’excuser de ses excès. Quant à Latour, formidable lieutenante courage, elle est toujours embringuée dans ses histoires personnelles qui viennent entraver son travail au jour le jour (et avec quel rebondissement !). Matiblout fait toujours office de chef paternaliste, bien qu’il cherche à sauver ses fesses. Enfin, Dossantos est plus trouble que jamais, comme un gamin cachotier, cherchant à réparer ses erreurs. Voilà ce que j’aime : tous les personnages ont des facettes blanches et noires, et ils sont tous plus humains les uns que les autres.

La forme du roman peut être classique, faite d’allers-retours dans le passé, mais je dois dire qu’elle est redoutablement bien choisie et surtout bien adaptée à l’histoire racontée. Car ce roman est franchement ancré dans notre quotidien, celui du terrorisme aveugle, qui prend à parti des innocents de la rue. Et plutôt que de parler de djihadisme, Nicolas lebel nous parle de la guerre civile irlandaise. Remontant aux origines du conflit contemporain, il nous montre le destin d’un groupe de copains pris dans la tourmente, et leur façon de faire leur vie chacun de leur façon.

La force de ce roman, c’est bien de ne pas prendre position, et de se contenter de décrire des itinéraires comme des morceaux de vie, comme des extraits de biographie. Mais il ne faut pas passer sous silence la volonté de mettre en avant le rôle et l’implication de l’église dans cette guerre, avec ce tueur qui mène sa croisade à la fois sacrée et personnelle. Enfin, Nicolas Lebel, en restant en retrait nous rappelle finalement que, dans toute guerre, quelle qu’elle soit, il n’y a pas de gagnants, il n’y a pas de perdants, il n’y a pas de héros, il n’y a pas de traîtres, il y a juste des victimes. Et ce message là, ça me parle. Clairement pour moi, Nicolas Lebel n’a pas seulement écrit son meilleur roman à ce jour, il a écrit un grand roman tout court, une belle et triste histoire dans la grande Histoire.

Chronique virtuelle : Ska cru 2017

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures.

Petit Jésus de Régine Paquet :

 « Même mon père n’a pas supporté la croix de mon prénom. Il s’est barré dès mes 2 ans pour ne jamais revenir ni donner le moindre signe d’intérêt concernant le sort de son unique rejeton. Depuis on est resté en tête en tête maman et moi. Et le pire c’est que pendant des années ça m’a suffi, ça m’a comblé. Etre le petit Jésus de ma maman adorée qui ne s’appelle pas Marie. A presque 25 ans, là je n’en peux plus, j’étouffe. Pas parce que comme avant elle me prend sans cesse dans ses bras pour couvrir de baisers la frimousse de son petit homme, pas parce qu’elle étale sa sollicitude anxieuse sur toutes les plages de ma vie, pas parce qu’elle fait la voiture balai de toutes mes amitiés et de mes frémissements amoureux…non. Juste parce qu’elle est là, pas loin, quasi chaque jour. »

Cette nouvelle, fruit d’un atelier d’écriture dirigé par Jeanne Desaubry et organisé par l’association « Tu connais la nouvelle », illustre le thème « Famille, je vous Haime ».

Mon avis :

En 10 pages, Régine Paquet relève le pari de narrer 25 ans de la vie d’un jeune homme affublé du prénom de Jésus par la volonté de sa mère. Son père est parti quand il avait 2 ans et il est tout pour sa mère. De son 7ème anniversaire à sa crise d’ado, jusqu’à cette veille de Noel qui clot la nouvelle dans un grand éclat de rire noir. Impressionnant.

La traque de Sébastien Géhan :

« Déjà la foule les cherche du regard. Un gendarme les pointe du doigt. Sans réfléchir, Simon se détourne. Moussa se carapate sans demander son reste… Moussa court, Simon court. Leurs cœurs cognent dans leurs frêles poitrines. Derrière eux, les claquements des bottes à bouts ferrés résonnent en un terrible écho à leur peur. De longues larmes strient leur peau, brouillent leur vue, dégoulinent jusqu’à leurs lèvres déformées en des rigoles de souffrance. D’un revers de manche, ils s’essuient les yeux. »

A travers le destin de deux enfants, Sébastien Gehan mêle les époques et les situations.  Rafle des juifs durant la dernière guerre ou expulsions d’immigrants aujourd’hui, deux réalités non comparables, mais une même barbarie à l’œuvre.

Mon avis :

1942, l’enfant s’appelait Simon. 2003, L’enfant s’appelait Moussa. Simon était juif. Moussa est noir. On leur fait sentir que les deux ne sont pas chez eux, qu’ils ne seront nulle part chez eux. De ce parallèle difficile entre deux époques différentes, Sébastien Gehan donne à prendre du recul et réfléchir sur le monde. Les époques changent, les hommes restent toujours des bêtes.

Cruel d’Isabelle Letélié :

« L’homme s’est arrêté de parler et de marcher et s’est laissé tomber dans le fond du  hangar, dans le noir. Votre cœur bat encore de ses mots, des images qu’il a fait surgir et de son désespoir qu’il vous a communiqué. Puis votre attention se reporte sur la femme. La compassion que vous éprouviez un peu plus tôt pour sa situation s’est considérablement amoindrie. Bien au contraire, l’histoire que vous venez d’entendre vous a empli d’une épouvante qui a mué votre commisération en quelque  chose qui ressemble maintenant à de la haine. »

Isabelle Letélié nous offre une nouvelle qui rend le lecteur complice et spectateur de l’action qui s’y déroule, la chute vous en donnera les raisons. Original et bougrement efficace.

Mon avis :

C’est une nouvelle auteure que je découvre, et j’ai beaucoup aimé son efficacité, même si sa violence m’a un peu mis mal à l’aise. Voici un duel entre un homme et une femme, une scène de baston, une scène de torture. Va-t-il gagner, va-t-elle perdre ? Est-on suffisamment armé pour assister à ce scenario jusqu’au bout ? Est-ce réel ou imaginaire ? Lisez donc cette nouvelle jusqu’au bout pour vous rendre compte que vous aussi, vous aurez été manipulé !

Comme du sang d’Isabelle Letélié :

« Mais le répit est de courte durée. Dans son esprit, meublant le ruban infiniment avalé de la route, commencent à surgir des fragments stroboscopiques des heures qui viennent de s’écouler.         

Du rouge, beaucoup de rouge. Du rouge carmin, du rouge cramoisi, du rouge mouvant, du rouge figé, du rouge en gouttes et en nappes. Du sang ! Beaucoup de sang !  

C’est beau, non ? Le sang est une matière merveilleuse. J’aime ses couleurs changeantes, sa texture, son odeur. Depuis toujours. Mon premier souvenir est celui du sang. Je devais avoir trois ans. »

Au fil de ses nouvelles, Isabelle Letélié révèle son talent de conteuse de noires histoires où des suggestions pointillistes distillent une angoisse qui est la marque du genre.

Mon avis :

Quand on aime, on ne compte pas. Avec la même réussite que dans sa nouvelle précédente, l’auteure nous immerge dans la tête d’un homme au volant d’une voiture, qui se remémore des scènes noires. Entre réalité et imagination, une nouvelle fois le sens de la chute finale fait mouche.

Mémoire vive de Louisa Kern :

« Nettie ne se souvient plus que le repas est déjà dans le four. Alors elle prend un autre plat et dispose à nouveau les couches de légumes, de viande hachée, avec un peu de crème et de fromage râpé. Nettie refait les gestes qui la rassurent. Au moins n’est-elle plus en train d’essayer de se rappeler.   

Georges secoue la tête. Bien sûr que non, elle ne se souviendra pas de la promesse d’il y a cinquante ans. Au fond, il a bien fait de les appeler. Qu’ils viennent le plus vite possible, ça ne peut pas durer. C’est trop douloureux de la voir comme ça. »

Louisa Kern possède la faculté d’embarquer le lecteur sur des voies étranges, où le réel n’est jamais vrai, où le mystère est une autre forme de réalité. Le faux semblant est ici manié avec la maestria d’une nouvelliste de grand talent.

Mon avis :

Un homme regarde une femme dans ses taches ménagères. De l’importance de l’observation des petits détails qui construisent les souvenirs, qui bâtissent la mémoire. Toutes ces petites pièces de puzzle dont sont faites nos vies sont juste brossées, avec une simplicité étonnante, avant de nous plonger dans une fin noire, presque déprimante. On ressort de cette nouvelle la gorge serrée.

Aux enfants du Nord de Mathilde Bensa

« — Il faut que tu ailles le chercher à dix-huit heures chez Nelly avant de prendre les grands à la garderie. Je rentre tard ce soir.

— J’ai rendez-vous chez l’cardio à quatre heures. Je ne sais pas si je serai sorti.

— T’as appelé mon frère pour le boulot dont il t’a parlé dimanche ? Son copain, il ne va pas attendre cent sept  ans que tu lui téléphones.

— Je te dis que je vais chez le cardio et que je ne sais pas si je serai sorti.

— Mais t’as rien. Qu’est-ce que tu me prends la tête avec ça ! Arrête plutôt de jouer à la console et cherche du boulot. Ya six mois tu pouvais plus bouger à cause de ton dos, maintenant c’est le cœur. Et puis ce sera quoi après ? »

Cette nouvelle, fruit d’un atelier d’écriture dirigé par Jeanne Desaubry et organisé par l’association « Tu connais la nouvelle », illustre le thème « Famille, je vous Haime ».

Mon avis :

Cette nouvelle est terrible car terriblement encrée dans notre quotidien. De la difficulté à affronter le chômage au quotidien qui nous bouffe, cette histoire se termine horriblement alors qu’elle commence par une grand-mère qui veut rapporter son doudou à son petit-fils. Et la qualité est telle qu’elle rappelle Natural Ennemies de Julius Horwitz. A ne rater sous aucun prétexte.

Le Roi Richard de Jeanne Desaubry :

« Papa, je voulais te dire…

— Quoi ? Vas-y, allez ! T’as pas peur de ton Papa quand même !

— C’est les autres à l’école. Elles aiment pas leur papa comme moi.

— Et tu l’aimes grand comment ton Papa, hein, ma puce ?

— Je l’aime fort ! fort ! »

La petite Léna se love contre son père. Il la serre tendrement, pose un baiser dans ses cheveux. Malgré la journée d’école, il y reste des traces d’odeur du shampooing bébé à la fraise qu’elle affectionne toujours. »

Cette fiction est inspirée de deux fait divers ayant défrayé la chronique judiciaire : mêlant incestes, abus et meurtre. Le style acéré, elliptique de l’auteure donne des effets de réel parfois insoutenables. Un diamant noir par une orfèvre en la matière.

Mon avis :

Je le dis souvent, les femmes ont l’art d’écrire des romans beaucoup plus durs que ce que peuvent écrire les hommes. Elles ont ce talent de toucher juste, de trouver les mots qui marquent les émotions. Jeanne Desaubry réussit ce coup de force dans cette nouvelle de nous placer en confesseur d’une femme qui raconte son quotidien fait de violences et d’incestes. Sans tomber dans le glauque, dans le voyeurisme, l’auteure montre, démontre et dénonce l’inacceptable. C’est terriblement effrayant et tout simplement noirissimement génial.

 

Les compils de Jan Thirion et Jérémy Bouquin

Ça s’appelle Thirion, la compil’ et Bouquin, la compil’.

Le recueil de Jan Thirion regroupe 15 nouvelles de tous genres qui sont :

Le Voyage à dos de cailloux

L’Enfant couché

Lac noir

Les Échassiers

Réussir une séparation

Salon du livre et du reptile

La Grande Sortie du dimanche

Une signature héroïque

Schizo

Dans la nuit, une pierre blanche

10 rounds

Flash mortel

Plume de sang

Moi, gorille et auxiliaire de vie

La grande déculottée

Le recueil de Jérémy Bouquin en regroupe 5 qui sont :

No limit !

Music Box

Nickel

Echouée

Boudin

Dans les deux cas, ce sont deux recueils à ne pas manquer.

Ces nouvelles et recueils sont à commander sur Ska-Librairie bien sur. Et n’oubliez pas le principal, lisez !

Espace BD : Lowlifes de Brian Buccellato (Scenario) & Alexis Sentenac (Dessins)

Editeur : Glénat

Il est bien rare que je chronique des bandes dessinées. Mais quand elles allient un scenario 100% pur polar et un dessin sombre, je ne peux que vous le conseiller.

Quatrième de couverture :

On dit que la vie n’a pas de prix. La leur ne vaut rien.

Los Angeles… Derrière le soleil, les plages de surfeurs et les tapis rouges, la cité des anges cache un monde de démons, sans morale et sans rêves. Grand est un flic hanté par la vengeance qui tente désespérément de s’accrocher au type bien qu’il croyait être. Leonard est un toxico qui veut retrouver sa famille. Rip est un voyou impliqué dans les combats clandestins. Wendall est celui qui tire toutes les ficelles… Quand la juteuse recette d’une de ses parties de poker est dérobée, ces trois vauriens vont se rendre compte que rédemption et destruction sont leurs seuls tickets de sortie.

Après Sukeban Turbo, Glénat Comics vous propose un nouveau mariage d’auteurs transatlantiques ! L’Américain Brian Buccellato et le Français Alexis Sentenac conjuguent ici leurs talents pour ce récit noir comme la nuit, dans les rues glauques et sauvages de Los Angeles…

En fin d’ouvrage retrouvez, en bonus, le making of de l’album, des études graphiques de personnages et des hommages exclusifs d’auteurs phares de la scène BD ou comics.

Mon avis :

Dans cette bande dessinée écrite en quatre chapitres, nous allons suivre Richard Grand est un flic dont la femme a été violée. La vengeance le mine alors qu’il connait le coupable et ne peut rien faire d’autre que le regarder continuer à vivre. Jusqu’à ce qu’il rencontre Wendall, un caïd avec qui il va passer un marché. Mais il devra payer l’addition !

Le scenario est simple, et d’une redoutable efficacité, et montre une descente aux enfers, alors qu’on lui a promis le paradis. Il fait appel aux meilleurs romans hard-boiled américains, et nous balade dans les bas-fonds de Los Angeles. Quant aux dessins, ils sont d’une simplicité étonnante, et surtout d’une précision remarquable. Avec les couleurs sombres de l’histoire, ils nous plongent dans cet univers sans pitié, avec ce scenario qui vous surprendra jusqu’à la dernière page. Tout est dans l’ambiance sombre que l’ensemble créé, très visuel, très cinématographique.

A la fin du volume, on trouvera une interview des auteurs ainsi que des pages illustrant tout le travail du dessinateur, la façon dont il construit sa pages, ses dessins et le coloriage, ce qui est très instructif.

Il est à noter que cette bande dessinée ferait un excellent film, et que si les discussions sont entamées, rien n’est encore fait. Par contre, Brian Buccellato annonce que c’est une trilogie. Les personnages suivants n’auront rien à voir avec ceux rencontrés ici, le seul point commun étant Los Angeles, la cité des anges perdus.

Naïri Nahapetian aux éditions de l’Aube

Cela faisait un moment que j’avais entassé les romans de Naïri Nahapetian alors que j’avais bien aimé ceux qu’elle avait publiés chez Liana Levi. Son nouveau cycle tourne autour de deux personnages :

Parviz est un agent secret à la vie très secrète. On le dit mort, tué par les Iraniens. On dit qu’il travaillait pour la CIA. Aujourd’hui, il est ce que j’appellerai un agent secret free lance, et c’est ce qui fait l’attrait pour ce personnage singulier. Il est au courant de tout, n’est jamais là où on le croit, et dénoue en sous-main des intrigues complexes.

Florence Nakash est d’origine iranienne et actuellement employée par la DGSE française. Elle est en charge de toute affaire qui peut être liée de près ou de loin avec l’Iran. Amie de Parviz, celui l’aide dans ses affaires, et elle a l’art et la subtilité de servir de lien entre la culture occidentale et la culture orientale.

Les trois romans que je vous propose ont des points communs, que ce soit dans la forme ou le fond. Du fait de l’embargo imposé à l’Iran, les gouvernements occidentaux sont à l’affut de toute technologie devenant accessible à un régime extrémiste. Dans les trois affaires dont parlent ces romans, la DGSE diligente Florence puisqu’elles concernent l’Iran, de près ou de loin. A chaque fois, on part d’une affaire simple, et petit à petit, l’intrigue se déploie comme un éventail mortel.

Si nous avons donc affaire à des romans d’espionnage, ce ne sont pas pour autant des romans d’action, mais plutôt des romans d’enquêtes. Les intrigues vont donc avancer avec des événements totalement logiques, et faisant preuve de beaucoup de créativité, mais aussi sur la base de discussions ou d’interrogatoires. Les dialogues sont d’une redoutables efficacité, ne dépassant pas une demi page, et faisant la place à des non-dits ou des sous-entendus, ce qui en fait une des qualités de l’écriture.

Les trois romans sont courts (moins de 200 pages) découpés en une quarantaine de chapitres. C’est une autre qualité de Naïri Nahapetian, cette faculté de dire en peu de mots ce que d’autres mettent quelques pages à exprimer. Chaque phrase est parfaitement pesée, très efficace et veut parfois dire plusieurs choses à la fois. De même, les personnages sont présentés en très peu de phrases et sont malgré cela parfaitement crédibles et vivants. C’est tout simplement du grand art dans l’efficacité, et je me disais à la lecture qu’il y a du Dominique Manotti dans cette écriture. Et quand vous savez mon adoration pour cette auteure, je n’ai pas besoin d’en rajouter des tonnes.

Je ne peux donc que vous conseiller d’acquérir rapidement un des romans de cette série, sachant qu’ils sont indépendants les uns des autres et peuvent être lus dans l’ordre que vous voulez. Je vous joins les quatrièmes de couverture pour avoir les sujets abordés.

Un agent nommé Parviz

Parviz est un être mystérieux. Les Iraniens le disent mort ; lui se plaît à raconter les circonstances dans lesquelles des hommes aux ordres de Khomeyni l’ont assassiné. Il travaillait alors pour la CIA, mais vend désormais son savoir-faire aux services secrets français. C’est ainsi que Kiana se retrouve à écouter sa confession dans un pavillon impersonnel de banlieue parisienne : il semblerait que son mari, Nasser, un scientifique iranien, ait des choses à cacher. Peu après, Florence Nakash, jeune recrue de la DGSE, est chargée d’une nouvelle enquête : son ami Parviz, celui-là même que l’on disait mort en 1979, a disparu…

Un roman subtil et efficace qui nous entraîne au cœur des secrets nucléaires iraniens et des manipulations des services secrets occidentaux pour ralentir l’avènement d’une « bombe islamique ».

Le mage de l’hôtel Royal

Un prestidigitateur iranien, le mage Farzadi, est assassiné dans un grand hôtel au bord du lac Léman.

Il a, peu avant sa mort, reçu dans sa chambre un mystérieux journaliste persan ainsi qu’une jeune Irano-Américaine aux très érotiques cuissardes…

Farzadi a-t-il été victime de dissensions internes au régime islamique ? Ou bien a-t-il été liquidé par la CIA ?

L’enquête est confiée à la DGSE et Florence Nakash, persuadée qu’une partie de la réponse se trouve dans un traité d’alchimie, aura besoin de l’aide d’un vieil ami nommé Parviz.

De Paris, il lui faudra aller jusqu’à Téhéran pour démêler le vrai du faux et retracer le parcours de cet étonnant mage aux multiples existences.

Une enquête rondement menée, efficace et subtile.

Jadis, Romina Wagner

Romina Wagner a toujours fait l’objet de rumeurs plus ou moins farfelues. Aussi, quand elle évoque auprès de son psychanalyste une drôle d’ambiance sur son lieu de travail, celui-ci n’y prête que peu d’attention.

« Qui pourrait en vouloir à cette belle femme d’origine roumaine, ingénieure au sein de Microreva, une entreprise de haute technologie ? » se dit Moïni, un Iranien qui pratique des thérapies alternatives pour la clientèle huppée du quartier de la Butte-aux-Cailles, à Paris.

Jusqu’à ce que l’étrange Parviz lui dérobe le dossier de sa patiente. Romina, bientôt accusée d’espionnage industriel pour le compte de puissances étrangères, plonge dans un cauchemar paranoïaque et ne peut plus faire confiance à personne, et surtout pas à son mari…

C’est Florence Nakash, de la DGSE, qui a pour mission de tirer cette affaire au clair.

Profanation de Jussi Adler Olsen

Editeur : Albin Michel (Grand Format) ; Livre de poche (Format poche)

Traducteur : Caroline Berg

La sortie du nouveau roman de Jussi Adler Olsen m’a donné l’envie de reprendre un de ses anciens romans, avant de me plonger dans le nouveau. En effet, cet auteur s’est imposé en quelques années comme un des excellents auteurs de romans policiers, en créant le Département V, qui est chargé de résoudre des affaires anciennes non résolues.

Grâce à la précédente affaire, où le département V a retrouvé Merett Lyngaard, Carl Mörck a obtenu une certaine renommée et une reconnaissance de ce nouveau service. D’ailleurs, son chef lui annonce la visite d’une délégation norvégienne, pour savoir comment il travaille. Pour autant, il n’a toujours pas envie de travailler, et cherche toutes les excuses pour ne rien faire. Et cette visite va l’obliger à faire du rangement dans son cagibi, situé dans les sous-sols du commissariat.

Etrangement, un dossier est tout le temps remis sur le haut de sa pile et Assad, son assistant, lui assure que ce n’est pas lui qui fait cela. Ce dossier concerne la torture et l’assassinat d’une façon horrible d’un frère et de sa sœur. Carl ne voit pas l’intérêt de travailler sur cette affaire : un homme a avoué les meurtres et est actuellement en prison. Avec tous les dossiers qui encombrent son bureau, celui-ci n’est pas sa priorité. D’ailleurs, on lui octroie bientôt une personne supplémentaire pour classer les dossiers : Rose.

Le lendemain, le dossier est à nouveau positionné sur le dessus de la pile. Carl décide de l’ouvrir et apprend que cette affaire concerne un groupe de 6 adolescents, devenus quasiment tous aujourd’hui des célébrités nationales extrêmement riches. On y trouve Ditlev Pram, propriétaire de plusieurs cliniques de luxe ; Torsten Florin, le célèbre designer ; Ulrik Gybbol-Jensen, connu mondialement en tant qu’analyste financier ; Kristian Wolf, l’armateur, mort depuis ; Kirsten-Marie Lassen, superbe créature de la jet set, qui est toujours vivante mais dont on n’a plus de nouvelles. Le seul du groupe d’amis qui n’était pas issu d’une famille riche était Bjarne Thogersen, et c’est lui qui a avoué les meurtres. Carl demande donc à Assad de se renseigner s’il y a eu des crimes similaires.

Ceux qui ont lu la première enquête ne seront pas surpris quant aux retrouvailles des personnages. Cette affaire se situant dans le temps juste après l’affaire Lyngaard, on retrouve un Carl Mörck toujours aussi fainéant, et brillant dans ses déductions. Afez El Assad est toujours aussi travailleur, efficace, drôle et surprenant ; on va le découvrir plus à l’aise dans les interrogatoires, n’hésitant pas à secouer les témoins pour avoir une réponse rapide. Et nous allons découvrir une troisième personne, Rose, qui va beaucoup aider dans les recherches mais qui prendra son essor dans les prochaines enquêtes.

Par rapport au premier roman (et aux suivants), le ton est définitivement plus noir et plus violent. Ce roman n’est pas réellement une enquête policière au sens où le roman avance en alternance entre le département V, Kimmy, une SDF, et les vrais assassins. L’intérêt du roman tient plutôt dans la façon dont Carl et son équipe vont arriver à coincer ces malades, ces enfoirés, ces …

Jussi Adler Olsen a, me semble-t-il, mis beaucoup de passion et de cœur dans ce roman. Il montre et dénonce les gens qui, parce qu’ils sont riches, pensent qu’ils peuvent tout acheter, tout faire, parce qu’ils se considèrent au dessus des lois. Certes, l’auteur a grossi le trait, les a créés ignobles, a dessiné une Kimmy que l’on a envie de plaindre. Il y a de la rage et de la hargne aussi bien dans l’écriture que dans l’intrigue. Jussi Adler Olsen y a mis tant de passion que je n’ai pas ressenti que l’on était à la limite de la caricature. Au contraire, j’ai été totalement passionné par cette lecture. J’ai avalé le livre en m’attendant à un final explosif et je peux vous assurer que l’auteur nous a concocté un final de fou, incroyablement visuel et violent, à l’image de ses personnages. Rien que pour ça, Profanation est mon épisode préféré de la série, à ce jour.

Pour rappel, les titres de la série sont :

Miséricorde

Profanation

Délivrance

Dossier 64

L’effet papillon

Promesse

Selfies

Je suis innocent de Thomas Fecchio

Editeur : Ravet-Anceau

Voilà un premier roman encourageant, qui mérite que l’on en parle, même si, en lisant la quatrième de couverture, on peut être dubitatif et craindre le pire avec un sujet casse-gueule comme celui là. Jugez-en plutôt :

Au lever du jour, la porte de la chambre de Jean Boyer est défoncée par une équipe de la police. A plusieurs, ils parviennent rapidement à l’immobiliser, le menotter et l’emmener au commissariat. Jean Boyer est en effet un violeur meurtrier multirécidiviste et vient d’être remis en liberté quelques mois plus tôt. Il avait tué et violé sa petite amie de l’époque, en 1968, ne pouvant supporter sa frustration sexuelle de son adolescence. Puis, dans les années 80, il avait récidivé, avant d’être à nouveau arrêté. Au global, Jean Boyer a passé plus de temps en prison que dehors.

L’enquête est menée par le capitaine Germain, qui a épousé une carrière de policier pour combler un manque d’explications sur la mort de son père. La victime est une jeune femme tuée violée et partiellement enfouie dans une forêt. Germain a naturellement cherché les violeurs récemment relâchés et est tombé sur l’identité de Jean Boyer. Dès le début de l’interrogatoire, Boyer ne veut rien dire, se contentant d’annoncer qu’il est innocent.

Alors qu’il demande la présence d’un avocat, on lui octroie une jeune femme. Celle-ci assiste aux entretiens et lui conseille de ne parler qu’en sa présence. Alors que Boyer est emmené en cellule pour la nuit, il s’arrange pour s’automutiler, simulant des maltraitances policières. Cela permet à l’avocate de le faire relâcher par faute de preuves et à Boyer d’entamer sa propre enquête. Quant à Germain, sa quête de la vérité l’amènera à faire une enquête parallèle. Tous les deux arriveront à une issue étonnante et dramatique.

La moindre des choses que l’on peut dire, c’est que le sujet traité par l’auteur est difficile : Le danger avec ce sujet est d’éprouver de la sympathie pour Jean Boyer, qui est un monstre sanguinaire et sans morale. Thomas Fecchio s’en sort remarquablement en positionnant ses deux personnages, chacun d’un coté de la ligne jaune. Boyer est effectivement un monstre, et il va donc se donner tous les moyens pour démontrer son innocence, quitte à enfreindre la loi. Germain est lui du bon coté de la loi, et avide de vérité.

Le parallèle est remarquablement bien fait, et remarquablement bien maitrisé, surtout si on se rappelle que c’est un premier roman. Car la grande force et le grand talent de cet auteur, c’est de faire tenir son intrigue grâce à la psychologique extrêmement bien fouillée de ses personnages. Avec des événements marquants, et des petits détails toujours bien trouvés, il en fait des personnes vivantes que l’on va suivre sans difficultés.

Ce roman est donc un très bon polar, écrit sous tension, qui intelligemment, évite de tomber dans la piège d’éprouver une quelconque sympathie pour l’assassin, et qui se lit d’une traite, grace aux nombreux rebondissements et la logique de son déroulement. On notera tout de même que l’auteur montre les a priori des protagonistes et si Germain n’était pas si têtu et si avide de vérité, l’issue de ce roman n’aurait jamais démontré le véritable coupable, qui s’avère à la fois bien trouvé et rend ce roman un excellent coup d’essai ; Je vous le dis, il va falloir suivre Thomas Fecchio à l’avenir.

Ne ratez pas les avis de L’oncle Paul et de Cassiopée

La vodka du diable de George Arion

Editeur : Genèse éditions

Traducteur : Sylvain Audet-Gainar

Je ne pouvais résister au plaisir de lire la suite aventures d’Andreï Mladin, tant je m’étais amusé la fois précédente, dans Qui veut la peau d’Andreï Mladin ? Une nouvelle fois, cette enquête fait mouche, tant tout y est parfaitement fait. Je dois remercier mon ami La Petite Souris qui m’a offert ce livre, et qui en a fait un fantastique billet (allez donc voir ça à la fin de mon avis).

Années 80, Bucarest, Roumanie. Il n’a jamais autant plu qu’en ce mois d’octobre. Andreï Mladin est journaliste et est envoyé dans la petite ville de Marna pour y écrire des reportages sur l’agriculture. Il est vrai qu’aucune agriculture au monde ne peut égaler celle des Roumains sous Ceausescu. Quant il reçoit un coup de fil mystérieux lui proposant des révélations inédites, son esprit aventurier s’éveille.

C’est Timofte, l’ancien gardien de l’usine du coin, nouvellement à la retraite et anciennement alcoolique qui lui propose le scoop. Quant Mladin se rend à la rencontre, il découvre un cadavre, celui de Timofte, vraisemblablement poignardé. Evidemment, la police pense que Mladin est le coupable, mais la présence sur les lieux du crime du couteau de Miron, l’idiot du village inoffensif, simplifie le travail de l’enquête.

La mère de Miron vient supplier Mladin d’innocenter son fils, alors celui-ci, n’écoutant que son grand cœur, va se rendre au commissariat. En posant quelques questions, il se rend compte que Miron est analphabète. Or l’assassin a écrit un message avec le sang de sa victime. Miron ne peut donc être le coupable. Que cache donc ce meurtre dans cette tranquille petite ville de province ?

Franchement, si vous ne connaissez pas la plume et le talent de George Arion, il est grand temps de combler cette lacune. Cet auteur qui a écrit ses romans pendant la dictature de Ceausescu, a utilisé tous les codes du roman de détective pour montrer la situation de son pays. Nous avons donc une enquête blindée, qui ne part pas dans tous les sens, mais qui est bien tordue mais très facile à suivre.

Les rebondissements sont nombreux et le personnage d’Andreï Mladin, éminemment sympathique, nous fait passer un excellent moment de divertissement avec sa façon pleine d’humour et de dérision de décrire ce qui lui arrive. On y trouve aussi de superbes femmes, des scènes d’action … bref tous les ingrédients sont là pour passer un bon moment.

Ne croyez pas que l’intrigue soit simple et fluide comme de l’eau de roche (bien qu’il pleuve des cordes du début à la fin du livre). L’affaire va prendre de l’ampleur et mettre à jour tout un ensemble de trafics, bénis par les plus hautes autorités et montrer comment la société roumaine était corrompue à l’époque.

Comme pour son précédent roman, celui-ci est passé entre les mailles de la censure de l’époque. Il est d’autant plus amusant aujourd’hui, avec le recul, de voir comment George Arion a réussi à se jouer des relectures de la censure pour arriver à faire passer ses messages à ses lecteurs roumains. D’ailleurs, la fin du livre, tout en cynisme, est encore une fois un beau pied de nez envers le pouvoir de l’époque. Assurément, ce roman vaut le détour pour ce qu’il montre et pour ce qu’il laisse entrevoir, tout en mettant en évidence le pouvoir de la littérature et de la culture en général. Merci M.Arion !

Ne ratez pas l’avis de la Petite Souris et de l’ami Claude ainsi que Velda