Editeur : Fleuve Noir
Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Elle ajoute en introduction qu’elle emporte toujours un San-Antonio dans ses valises de voyage, excellente résolution.
Les anecdotes :
Salut, mon pope ! est un roman publié 18 juin 1975 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 88ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte le numéro 42 de la collection « San-Antonio ».
Il s’agit de la première affaire de la « Paris Détective Agency », après que San-Antonio ait démissionné de la police.A la suite d’une aventure où il a le sentiment que sa hiérarchie a abusé de sa dignité, il est sur le point de démissionner une deuxième fois; mais il obtient pour prix de son maintien au sein de la police, un statut très particulier : Il fonde la Paris Detective Agency, fausse agence de police privée qui continue de dépendre secrètement du ministère de l’Intérieur. La Paris Detective Agency durera jusqu’au numéro 108 de la série.
L’histoire se déroule à Paris le 01/04/1975 sur une durée de 2 jours.
Mon résumé :
Dans les bureaux luxueux de la Paris Detective Agency, on s’ennuie ferme. Heureusement, un homme qui refuse de donner son nom leur demande de l’aide. En voyage en France, il était hébergé chez son ami Stéphane Lhurma, spécialiste des toilettes. Lhurma dut s’absenter et offrit à l’homme les services d’une prostituée Julie. Le lendemain matin, ce client se réveilla aux côtés de la prostituée, égorgée pendant son sommeil. Et au téléphone, l’hôtal batave lui apprend que Lhurma est mort, crise cardiaque.
Grâce aux empreintes laissées sur la poignée de la porte d’entrée, Pinaud détermine que le client se nomme Hans Kimkonssern, un ancien espion nazi exilé en Uruguay. San-Antonio décide d’accepter l’affaire et se rend dans la résidence de Lhurma. Kimkonssern sera logé dans les bureaux de San-Antonio en attendant la fin de l’enquête.
Son analyse de la chambre à coucher confirme que Kimkonssern a été drogué et qu’on a donc pu égorger la prostituée sans qu’il s’en rende compte. Le téléphone sonne et il s’agit d’Angèle la souteneuse de la prostituée. Enfin, il découvre dans la pelouse devant la fenêtre de la chambre à coucher une pochette publicitaire d’allumettes avec l’adresse d’un bar, le Bar Aka. L’équipe a donc trois pistes à creuser : la société Lhurma, Chez Angèle et le BarAka.
Mon avis :
Malgré l’ennui ressenti par l’équipe de San-Antonio au début du roman, l’humour fait rage dès le début avec beaucoup de remarques drôlatiques et d’interpellations du lecteur. Ce roman se situe dans la veine des années 70, donc plus orienté sexe et avec de l’humour graveleux. Il n’atteint pas encore les sommets crades des années 80-90 mais Bérurier a clairement pris de l’ampleur par rapport aux décennies précédentes.
Une fois que l’enquête a commencé, comme son héros, on sent que Frédéric Dard se laisse mener par les événements, ne sachant pas réellement où il va. On passe des interrogatoires de l’un des personnages à l’autre, on passe du bureau au bar, de Chez Angèle à la société Lhurma sans réel fil conducteur. Comme le dit souvent San-Antonio, il fonctionne à l’instinct ; on a plutôt l’impression qu’il attend qu’un indice tombe du chapeau.
Heureusement, le rebondissement final rehausse cette impression de laisser aller. On trouve tout de même quelques belles digressions et un passage étonnant : vers le milieu du livre, on a un passage où San-Antonio est dans une chambre au Bar Aka. Il se sent moins bien, ne sait dans quelle direction aller ; on le trouve légèrement dépressif, obligé de soigner son mal-être avec une bouteille de vodka. Voilà un passage touchant, et probablement personnel.
Quelques citations impayables :
« Tu vas voir ce que la vie est attrayante, pour peu que tu y mettes du tien. Evidemment, le clapoteux qui ne tente rien, qui ne provoque rien peut faire tapisserie pendant des millénaires, le cul sur un pliant, à regarder flotter son destin sur l’eau opaque de ses jours. »
« Il ne faut pas avoir peur d’avoir peur, dans la vie. C’est un peu comme de pleurer : ça soulage. Les héros ne sont pas des gens qui n’ont pas peur, mais des gens qui réagissent contre leur peur. »
« Me suivrait au bout du monde, cette poule, c’est-à-dire jusqu’ici, puisque la terre est ronde!
Clic, clac. La v’là entravée. Psychologiquement, c’est tout de suite la grosse détresse, le cabriolet. même un truand chevronné, quand il se retrouve avec les cadennes, il dérape dans les mélancolies. L’homme, faut qu’il puisse se gratter la raie du derche à tout bout de champ, sinon il devient inapte et consterné de partout. »
« Car la liberté, c’est comme le pognon pour un prodigue : faut la claquer fissa, pas qu’elle rancisse. Regarde les peuples qui se délivrent de leurs tyrannies, la manière, que vite ils s’en enclenchent une autre, d’urgence, pour pas tituber de leur ivresse d’être affranchis. Pas se fatiguer d’êtres libres. Leur acharnement à dare-dare créer une nouvelle férule, leur génie à la faire jaillir de là qu’on la soupçonnait pas. Comme ils provoquent habilement les volontés oppressives en léthargie, en ignorance d’elles-mêmes. »
« Ah, fait pas bon s’éloigner de la meute ! Un loup isolé n’est plus qu’un mouton. »
« Le monde est plein de minus qui comptent sur leurs poils pour avoir moins l’air de ce qu’ils sont ; en réalité, ça ne fait qu’accentuer la gravité du cas, une barbouze ou des tifs Louis XIII. C’est pas parce qu’un griffon a les poils longs qu’il a moins l’air d’un chien. Un con poilu fait même plus con qu’un con imberbe. Il se rend suspect. Tu penses à le regarder, alors qu’autrement tu te contenterais de l’ignorer. »
« Une bonne fille. Pétroleuse de caractère, mais sûrement très gentille, voire affectueuse. Elle aime bien son papa, son patron, Michel Sardou, les pommes frites et trouve son Président de République séduisant. »
« L’imminence de la mort a raison de la discrétion la mieux ancrée, car la mort est indiscrète, cher monsieur, philosophè-je, que tu dois en prendre plein les badigues et comprendre quel écrivain follement émérite je suis. »
Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :
https://legimini.com/Livres/Dis-bonjour-a-la-dame-de-San-antonio/426976