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Dis bonjour à la dame de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Elle ajoute en introduction qu’elle emporte toujours un San-Antonio dans ses valises de voyage, excellente résolution.

Les anecdotes :

Salut, mon pope ! est un roman publié 18 juin 1975 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 88ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte le numéro 42 de la collection « San-Antonio ».

Il s’agit de la première affaire de la « Paris Détective Agency », après que San-Antonio ait démissionné de la police.A la suite d’une aventure où il a le sentiment que sa hiérarchie a abusé de sa dignité, il est sur le point de démissionner une deuxième fois; mais il obtient pour prix de son maintien au sein de la police, un statut très particulier : Il fonde la Paris Detective Agency, fausse agence de police privée qui continue de dépendre secrètement du ministère de l’Intérieur. La Paris Detective Agency durera jusqu’au numéro 108 de la série.

L’histoire se déroule à Paris le 01/04/1975 sur une durée de 2 jours.

Mon résumé :

Dans les bureaux luxueux de la Paris Detective Agency, on s’ennuie ferme. Heureusement, un homme qui refuse de donner son nom leur demande de l’aide. En voyage en France, il était hébergé chez son ami Stéphane Lhurma, spécialiste des toilettes. Lhurma dut s’absenter et offrit à l’homme les services d’une prostituée Julie. Le lendemain matin, ce client se réveilla aux côtés de la prostituée, égorgée pendant son sommeil. Et au téléphone, l’hôtal batave lui apprend que Lhurma est mort, crise cardiaque.

Grâce aux empreintes laissées sur la poignée de la porte d’entrée, Pinaud détermine que le client se nomme Hans Kimkonssern, un ancien espion nazi exilé en Uruguay. San-Antonio décide d’accepter l’affaire et se rend dans la résidence de Lhurma. Kimkonssern sera logé dans les bureaux de San-Antonio en attendant la fin de l’enquête.

Son analyse de la chambre à coucher confirme que Kimkonssern a été drogué et qu’on a donc pu égorger la prostituée sans qu’il s’en rende compte. Le téléphone sonne et il s’agit d’Angèle la souteneuse de la prostituée. Enfin, il découvre dans la pelouse devant la fenêtre de la chambre à coucher une pochette publicitaire d’allumettes avec l’adresse d’un bar, le Bar Aka. L’équipe a donc trois pistes à creuser : la société Lhurma, Chez Angèle et le BarAka.

Mon avis :

Malgré l’ennui ressenti par l’équipe de San-Antonio au début du roman, l’humour fait rage dès le début avec beaucoup de remarques drôlatiques et d’interpellations du lecteur. Ce roman se situe dans la veine des années 70, donc plus orienté sexe et avec de l’humour graveleux. Il n’atteint pas encore les sommets crades des années 80-90 mais Bérurier a clairement pris de l’ampleur par rapport aux décennies précédentes.

Une fois que l’enquête a commencé, comme son héros, on sent que Frédéric Dard se laisse mener par les événements, ne sachant pas réellement où il va. On passe des interrogatoires de l’un des personnages à l’autre, on passe du bureau au bar, de Chez Angèle à la société Lhurma sans réel fil conducteur. Comme le dit souvent San-Antonio, il fonctionne à l’instinct ; on a plutôt l’impression qu’il attend qu’un indice tombe du chapeau.

Heureusement, le rebondissement final rehausse cette impression de laisser aller. On trouve tout de même quelques belles digressions et un passage étonnant : vers le milieu du livre, on a un passage où San-Antonio est dans une chambre au Bar Aka. Il se sent moins bien, ne sait dans quelle direction aller ; on le trouve légèrement dépressif, obligé de soigner son mal-être avec une bouteille de vodka. Voilà un passage touchant, et probablement personnel.

Quelques citations impayables :

« Tu vas voir ce que la vie est attrayante, pour peu que tu y mettes du tien. Evidemment, le clapoteux qui ne tente rien, qui ne provoque rien peut faire tapisserie pendant des millénaires, le cul sur un pliant, à regarder flotter son destin sur l’eau opaque de ses jours. »

« Il ne faut pas avoir peur d’avoir peur, dans la vie. C’est un peu comme de pleurer : ça soulage. Les héros ne sont pas des gens qui n’ont pas peur, mais des gens qui réagissent contre leur peur. »

« Me suivrait au bout du monde, cette poule, c’est-à-dire jusqu’ici, puisque la terre est ronde!

Clic, clac. La v’là entravée. Psychologiquement, c’est tout de suite la grosse détresse, le cabriolet. même un truand chevronné, quand il se retrouve avec les cadennes, il dérape dans les mélancolies. L’homme, faut qu’il puisse se gratter la raie du derche à tout bout de champ, sinon il devient inapte et consterné de partout. »

« Car la liberté, c’est comme le pognon pour un prodigue : faut la claquer fissa, pas qu’elle rancisse. Regarde les peuples qui se délivrent de leurs tyrannies, la manière, que vite ils s’en enclenchent une autre, d’urgence, pour pas tituber de leur ivresse d’être affranchis. Pas se fatiguer d’êtres libres. Leur acharnement à dare-dare créer une nouvelle férule, leur génie à la faire jaillir de là qu’on la soupçonnait pas. Comme ils provoquent habilement les volontés oppressives en léthargie, en ignorance d’elles-mêmes. »

« Ah, fait pas bon s’éloigner de la meute ! Un loup isolé n’est plus qu’un mouton. »

« Le monde est plein de minus qui comptent sur leurs poils pour avoir moins l’air de ce qu’ils sont ; en réalité, ça ne fait qu’accentuer la gravité du cas, une barbouze ou des tifs Louis XIII. C’est pas parce qu’un griffon a les poils longs qu’il a moins l’air d’un chien. Un con poilu fait même plus con qu’un con imberbe. Il se rend suspect. Tu penses à le regarder, alors qu’autrement tu te contenterais de l’ignorer. »

« Une bonne fille. Pétroleuse de caractère, mais sûrement très gentille, voire affectueuse. Elle aime bien son papa, son patron, Michel Sardou, les pommes frites et trouve son Président de République séduisant. »

« L’imminence de la mort a raison de la discrétion la mieux ancrée, car la mort est indiscrète, cher monsieur, philosophè-je, que tu dois en prendre plein les badigues et comprendre quel écrivain follement émérite je suis. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

http://francois.kersulec.free.fr/FK/SA/HTML/livre.php?CodeLivre=DBALD&DepuisListe=LivresSAOC-%-Non&PosDansListe=88

https://legimini.com/Livres/Dis-bonjour-a-la-dame-de-San-antonio/426976

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21215

Goldstein de Volker Kutscher

Editeur : Nouveau Monde – Sang Froid

Traductrice : Magali Girault

Voici enfin le troisième tome des enquêtes de GereonRath, après Le Poisson Mouillé et La Mort Muette, qui propose une revisite de l’Allemagne année après année. Logiquement nous nous retrouvons ici en été 1931.

La jeune adolescente Alex vit dans la rue de petits larcins, qu’elle refourgue à des receleurs. Avec son copain Benny qui l’aime en cachette, ils vont pénétrer de nuit dans le magasin de luxe KaDeWe pour s’approprier les bijoux. Quand des flics débarquent, ils montent dans les étages. Alex découvre un escalier de secours et arrive à s’enfuir. En regardant vers le haut, elle voit Benny sur une corniche et un flic qui s’approche de lui. Puis Benny tombe et s’écrase cinq étages plus bas. Alex se précipite auprès de lui, demande à un passant d’appeler une ambulance puis entend Benny lui susurrer que le flic lui a écrasé les doigts.

Gereon Rath est convoqué par Weiss, son chef qui le déteste. La police criminelle vient de recevoir une missive de la Police Fédérale Américaine (le FBI) leur annonçant l’arrivée prochaine d’Abraham Goldstein. Ce juif américain est soupçonné d’être un tueur à gages lié à la mafia américaine. Gereon Rath est donc chargé de le surveiller 24 heures sur 24, et pour ce faire, on lui installe un bureau situé en face de la chambre d’hôtel de Goldstein. Il est vite contacté par Johann Marlow, le chef de gang à qui il doit un service, qui lui demande de trouver un de ses sbires qui a disparu.

Alex va rendre visite au receleur qui va lui donner vingt marks pour les bijoux dans sa grande bonté. Consciente de se faire voler elle reviendra quelques jours plus tard, mais le trouvera assassiné dans sa réserve. Andreas Lange, l’inspecteur adjoint de Rath, se retrouve à la tête de l’enquête du KaDeWe et demande l’aide de Charlotte Ritter pour retrouver la jeune voleuse. Mais les morts vont s’amonceler alors que Abraham Goldstein a disparu.

Vous pourriez être effrayés par la taille de ce roman (plus de 700 pages), et vous auriez tort ! Volker Kutscher va multiplier les intrigues et les personnages, les situations et les scènes. Et même si le lecteur sent un lien entre les différentes affaires, la solution ne va réellement se clarifier dans les dernières pages. Comme il ne laisse pas de côté la psychologie de ses personnages, dont Gereon Rath accompagné par son chien Kirie, ce roman se lit du début à la fin avec énormément de plaisir.

Chaque personnage secondaire va représenter une partie de la population, en parallèle des intrigues, ce qui permet de fournir le contexte de façon remarquablement subtile. On y voit surtout une police dépassée par les violences, les luttes entre les pirates du Nord et la Berolina, des clans de la pègre et un régime politique qui ne sait plus quoi faire. On y apprend aussi qu’un policier n’a pas le droit d’adhérer aux SA, la milice nationale socialiste et que les émeutes communistes engendrent de nombreuses victimes ce qui créé une haine envers les Rouges.

Enfin, la situation économique se dégrade, l’Allemagne étant rattrapée par la crise financière de 1929. Les gens qui ne peuvent plus payer leur loyer sont jetés à la rue, certains meurent de faim. On y entend des propos d’incompréhension devant cette dépendance de l’Allemagne à la crise américaine. On ressent la haine qui monte envers les autres pays, le sentiment de se replier, de ne compter que sur lui-même.

Et puis, on trouve dans ce roman des dialogues étincelants, des scènes hallucinantes, comme ces descentes de quelques SA qui se permettent de tabasser un vieux juif parce qu’ils sont sûrs de leur impunité, ou ces défilés de ces mêmes SA dans les rues, hurlant que leur pays leur appartient … ce qui rappelle quelques scènes récentes dans nos propres rues. Une nouvelle fois, Volker Kutscher construit un roman costaud au long cours, qui se démarque des romans de Philip Kerr par son acuité précise et de l’évolution année après année de l’Allemagne dans les années 30. J’espère que les éditions Nouveau Monde continueront à traduire la suite de la série.

Oldies : La mort, entre autres de Philip Kerr

Editeur : Editions du masque (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)

Traducteur : Johan-Frédérik Hel Guedj

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Parmi les séries de détective privé, celles de Bernie Gunther font partie des incontournables. Bien que n’ayant pas (encore) tout lu, j’avais prévu dès le début de l’année de lire ce quatrième tome qui se situe en 1937 et 1949.

L’auteur :

Philip Ballantyne Kerr, né le 22 février 1956 à Édimbourg (Écosse) et mort le 23 mars 2018 à Londres, est un auteur britannique de roman policier et de littérature d’enfance et de jeunesse.

Philip Kerr étudie à l’université de Birmingham de 1974 à 1980 et obtient des diplômes de maîtrise en droit et en philosophie. Il travaille un temps comme rédacteur publicitaire pour l’agence Saatchi and Saatchi avant de devenir journaliste indépendant, puis écrivain de romans policiers en 1989. Le succès de sa Trilogie berlinoise (Berlin Noir), ayant pour héros Bernhard Gunther, un enquêteur privé surnommé Bernie, dont les aventures ont pour cadre l’Allemagne nazie, le pousse à se consacrer à l’écriture à temps plein. Alors qu’il avait annoncé la fin de Gunther après la publication de la trilogie, il lui consacre de nouvelles aventures à partir de 2006.

En 2015, avec Le Mercato d’hiver (January Window), il entame un nouveau cycle ayant pour héros un entraîneur de football, Scott Manson.

À l’occasion, il publie des articles pour le Sunday Times, l’Evening Standard et le New Statesman. Envoyé spécial de la BBC à Moscou en 1994, il peut suivre pendant trois semaines une enquête du chef de la police de Saint-Pétersbourg. À son retour au Royaume-Uni, il en tire un roman de procédure policière sur la mafia russe intitulé Chambres froides (Dead Meat).

Trois de ses romans, qui se déroulent dans un futur proche, sont des réquisitoires contre la déshumanisation d’une société envahie par l’informatique : Une enquête philosophique (A Philosophical Investigation, 1992), La Tour d’Abraham (Gridiron, 1995) et Le Sang des hommes (The Second Angel, 1998).

Sous la signature P. B. Kerr, il poursuit également la publication à partir de 2004 d’une série pour la jeunesse, Les Enfants de la lampe magique (Children of the Lamp).

Philip Kerr résidait à Londres avec sa femme, Jane Thynne, également écrivain, et leurs trois enfants. Il meurt des suites d’un cancer le 23 mars 2018, à l’âge de 62 ans.

Quatrième de couverture :

1949. Munich rasée par les bombardements et occupée par les américains se reconstruit lentement. Bernie Gunther aussi : redevenu détective privé, il vit une passe difficile. Sa femme meurt, il a peu d’argent et surtout, il craint que le matricule SS dont il garde la trace sous le bras ne lui joue de sales tours. Une cliente affriolante lui demande de vérifier que son mari est bien mort, et le voici embarqué dans une aventure qui le dépasse. Tel Phil Marlowe, et en dépit de son cynisme, Gunther est une proie facile pour les femmes fatales. L’Allemagne d’après-guerre reste le miroir de toutes les facettes du mal et le vrai problème pour Gunther est bientôt de sauver sa peau en essayant de sauver les apparences de la morale. Atmosphère suffocante, hypocrisies et manipulations, faits historiques avérés façonnés au profit de la fiction : du Philip Kerr en très grande forme.

Mon avis :

On peut être surpris par ce prologue qui fait plusieurs dizaines de pages et qui nous projette en 1937. Bernie plonge dans une combine qui, sous couvert de pousser à l’émigration des juifs en Palestine via la création de sociétés dans lesquelles certains pontes nazis auraient des parts. Bien entendu, la situation se complique quand la Gestapo demande à Bernie d’espionner les membres du ministère des affaires juives du SD. Lors de ce voyage, il côtoiera Adolf Eichmann.

1949, Dachau, près de Munich. Bernie doit s’occuper de l’hôtel familial pendant que sa femme Kirsten agonise à l’hôpital. Dans cette période trouble, il a l’idée de revenir à son travail de détective privé et se spécialise dans la recherche de personnes disparues. Une belle cliente Britta Warzok lui demande de retrouver son mari pour lui permettre de se remarier selon les exigences de l’église.

Je retrouve cet énorme plaisir avec cette lecture de Philip Kerr et ce quatrième tome dans l’ordre de parution. Comme d’habitude, on y trouve une documentation riche et détaillée sans pour autant « jouer » au professeur. On voit ici une Allemagne pressée de tourner la page, prête à pardonner, pour arrêter ces condamnations à mort qui la handicapent pour leur futur.

On y trouve des Allemands penauds, honteux et d’autres qui ne renient pas leurs effroyables actes. Mais au milieu de ce peuple dont chacun veut sauver sa vie, qui dit la vérité ? Alors, Philip Kerr nous montre les organisations organisant la fuite des nazis vers l’Amérique du Sud, dont le réseau ODESSA mais aussi l’église et la Croix Rouge. Evidemment, il nous parle des camps, nous cite des horreurs inimaginables et nous fait découvrir les brigades du Nakam, commando juif qui s’est donné pour mission de tuer les nazis hors de toute justice.

Mais ce roman est aussi et avant tout un gigantesque polar, dans lequel on se laisse emmener par un Bernie plein d’humour, sorte de seule possibilité d’oublier le passé de ses congénères (même si on apprend qu’il n’est pas totalement innocent). Le choc en devient d’autant plus violent quand on découvre la machination dont il est l’objet. Un grand, très grand roman.

La mort muette de Volker Kutscher

Editeur : Nouveau Monde – Sang Froid

Traductrice : Magali Girault

J’avais bien aimé Le poisson mouillé, la première enquête de Gereon Rath, j’ai été emporté par sa deuxième. La progression entre les deux romans est gigantesque et je n’ai pu lâcher cette enquête (740 pages en quatre jours !). Génial !

Berlin, 1930. L’industrie cinématographique connait une grande révolution avec le cinéma parlant. Cela occasionne une refonte des méthodes de travail tant au niveau de la lumière que du son. Le marché est en grande partie monopolisé par l’UFA mais de petites maisons de production tentent de survivre en enchainant les films, pour sortir beaucoup de titres et occuper les affiches des cinémas.

Josef Dressler est en train de tourner les dernières scènes de Orage Amoureux avec la grande Betty Winter. Dans cette scène elle doit gifler Victor Meisner avant qu’un coup de tonnerre fictif ne se déclenche. Mais le tonnerre ne se déclenche pas et à la place, un projecteur se détache et s’écrase sur Betty. Victor se jette sur un seau d’eau pour la sauver. Betty meurt brûlée et électrocutée. C’est la catastrophe pour La Belle Production et son propriétaire Heinrich Bellmann.

Gereon Rath interroge rapidement les personnes présentes sur le plateau ainsi que le chef éclairagiste. Ils montent sur l’échafaudage et se rendent vite compte qu’il s’agit d’un sabotage et donc d’un meurtre. Gereon obtient le nom de l’assistant qui a mis en place l’installation : Peter Glaser. Devant la guerre que se livrent les studios, Gereon rend visite à Manfred Oppenberg, propriétaire juif des studios Montana. En fait, Glaser se nommerait en réalité Félix Krempin. Ippenberg lui annonce que son actrice fétiche Vivian Franck vient de disparaitre.

En parallèle, son père lui rend visite et le convie à un repas avec le maire. Celui-ci subit un chantage et aimerait que Rath identifie les fauteurs de trouble. Le maire possède des actions de Glanzstoff, entreprise américaine dont le cours ne cesse de dévisser. Pour éviter la faillite, le maire a dû emprunter de l’argent aux banques ; la contrepartie est qu’il doit faciliter le déménagement de l’usine de Ford de Berlin à Cologne.

Si la première enquête nous présentait le personnage de Gereon Rath, ce deuxième tome utilise pleinement la complexité de ce personnage dans une affaire passionnante et foisonnante. On comprend mieux pourquoi Gereon Rath est mal vu par sa hiérarchie, dont son chef Wilhelm Böhm : il est solitaire, travaille dans son coin et ne rend aucun compte à ses chefs, poussé par sa volonté de faire progresser sa carrière.

Heureusement, son père est toujours présent pour lui donner des coups de main, bien qu’il lui reproche sa lenteur. Seul le directeur de la police Ernst Gennat le soutient, et joue le rôle de guide et un rôle paternel. On se rend compte dans ces moments que des évolutions sont en cours, que les arrangements entre amis font beaucoup pour les promotions, et que l’on ne demande aux policiers que d’obéir aveuglément aux ordres. Et on sait ce que cela va donner par la suite.  

Le contexte historique est juste utilisé ici comme décor mais on peut noter tout de même quelques aspects intéressants. On retrouve le conflit entre les communistes et l’extrême droite. Goebbels n’est pas encore nommé chef de la propagande mais à la tête du journal et utilise tous les faits divers pour désigner les nazis comme des victimes des brigands communistes. Et on sent bien l’influence grandissante de cette propagande. L’antisémitisme commence à monter auprès de la population.

Economiquement, la crise de 1929 n’a pas encore touché l’Allemagne. Les usines embauchent encore et Ford envisage de construire de nouvelles usines. On perçoit l’importance de la Bourse, de la force financière des banques dans un pays qui est plus inquiet de la présence des communistes que du chômage.

Dans son roman, Volker Kutscher nous plonge dans le monde du cinéma et la révolution du cinéma parlant. L’UFA étant largement majoritaire, nous assistons à la lutte des petits studios de production qui veulent sortir un maximum de films. Il insiste beaucoup sur les changements nécessaires dans la réalisation des films et sur la lutte à mort que les studios se livrent. Cet aspect est très instructif, et on sent bien l’influence que le cinéma va avoir dans les années suivantes pour la propagande nazie.

Malgré sa taille, je me suis laissé emporter par cette intrigue, son rythme, ce personnage et le déroulement des différents aspects. L’auteur a gommé les défauts en insistant par exemple sur les différentes rues ou quartiers de Berlin, pour se concentrer sur les enquêtes et son personnage. Et une fois que l’on a plongé dedans, ce roman est impossible à lâcher. Vivement le prochain !

Un monde merveilleux de Paul Colize

Depuis Back-up et Un long moment de silence, je suis et resterai à jamais fan des écrits de Paul Colize, pour ses personnages, ses intrigues et son message humaniste. Comme d’habitude, on trouve dans ce dernier roman plusieurs niveaux de lecture.

Le premier maréchal des logis Daniel Sabre a choisi le poste d’instructeur-chef de char, situé dans une base militaire belge en Allemagne. Marié à Catherine, il conçoit sa vie comme son métier : ordonné, respectueux des règles et aveuglément obéissant aux ordres. Ce matin-là, il est convoqué par le colonel Brabant. Afin de valider sa demande de promotion, il devra réaliser une mission spéciale.

Le colonel Brabant lui demande de quitter l’Allemagne pour la Belgique, et de récupérer à Bruxelles une jeune femme. Il devra suivre ses indications à la lettre, la conduire où elle veut pour une durée indéterminée, ne pas poser de questions et ne pas lui donner d’informations. Sabre rentre chez lui préparer ses affaires et quitte Düren en direction de la capitale belge à bord de la Mercedes 220D qu’on lui a fournie.

Le rendez-vous est fixé à midi et à 11h58, une jeune femme à l’allure altière, vêtue d’un long manteau gris l’attend sur le trottoir. Tel un chauffeur, il pose ses bagages dans le coffre,  juste au dessus de l’arme qu’il a pris soin de cacher sous la roue de secours. Marlène s’installe à l’arrière, et commence à remplir un petit cahier dans lequel elle écrit les souvenirs de ce voyage. Elle lui indique la direction de Lyon, et le voyage commence.

Paul Colize est connu pour allier la forme et le fonds à son sujet. On n’y trouvera donc pas de courses poursuites effrénées mais plutôt un aspect psychologique fouillé venant supporter un sujet historique, au moins pour ses derniers romans. Pour ce Monde merveilleux, il choisit le format d’un huis-clos pour opposer deux personnages qui n’ont rien en commun et remet en lumière un événement remontant à la deuxième guerre mondiale.

Deux personnages donc, vont intervenir dans ce roman, en alternance. L’un est un soldat et a été élevé pour obéir aveuglément aux ordres. L’autre est une jeune femme libre, à la recherche de son passé. Ils vont être enfermés dans une voiture et Paul Colize va nous montrer tout ce qui les oppose avant de trouver quelques événements qui va les amener à se découvrir, ou au moins à s’écouter voire se comprendre.

De façon totalement incroyable, Paul Colize nous passionne avec ces deux caractères forts qui ne sont pas prêts à remettre en cause leur éducation. Et il en profite pour nous poser la question de la conséquence de l’obéissance aveugle, qui aboutit entre autres aux horreurs que l’on a connues pendant la deuxième guerre mondiale. Ce qui, sans vouloir déflorer le scénario du roman, en devient un des sujets.

Entre chaque chapitre (ou presque), Paul Colize introduit de courts passages nous présentant des exemples précis de personnages réels ayant réalisé des actes ignobles et/ou horribles et certains (rares) de bonnes actions. Dans ce deuxième niveau de lecture, il nous montre ou plutôt nous demande si finalement, l’Homme n’est pas naturellement mauvais. A la lecture, on sent bien que cet humaniste dans l’âme est miné par les horreurs que l’on rencontre dans n’importe quel fait divers. Et le titre, qui fait référence à la chanson de Louis Armstrong, est formidablement trouvé pour tous ces thèmes qui s’emmêlent comme une remise en question de la nature de l’Homme. Excellentissime.

Qaraqosh de Maurice Gouiran

Editeur : Jigal

Clovis Narigou, le personnage récurrent de Maurice Gouiran, est de retour. On l’avait laissé en demi-teinte, dans un roman sombre traitant du conflit irlandais. Le voici de retour, donc, en grande forme, tel qu’on l’aime.

Clovis Narigou attaque cet automne-là avec deux considérations en tête : il a besoin d’action et besoin d’argent pour continuer à retaper sa maison de La Varune, hameau marseillais. Cela tombe bien : on lui propose un reportage sur des milliers de documents ésotériques découverts à Prague. Ils feraient partie de la collection personnelle de Heinrich Himmler et viennent d’être dévoilés au public.

Sauf que juste avant de partir, Frise-Poulet, le petit-fils de Tine, sa voisine débarque avec un invité. Ce dernier se fait appeler Mikki. Il annonce qu’il a été victime d’une tentative de meurtre, qu’il s’en est sorti grâce au voisins, alertés par le bruit. Depuis Mikki cherche un endroit où se planquer et Frise-Poulet a pensé à La Varune. Clovis veut savoir pourquoi on en veut à Mikki alors celui-ci lui raconte qu’il s’est engagé dans la milice Qaraqosh, chargée de protéger les populations irakiennes sur le terrain.

Clovis manque cruellement de temps avant de s’engager dans cette décision. Il est hors de question pour lui d’abriter un potentiel terroriste. Et Mikki n’a pas confiance dans la police. Clovis se renseigne donc sur cette milice inconnue, et découvre que son siège social est situé à Prague. C’est l’occasion pour lui d’en savoir un peu plus, grâce à son voyage sur les ouvrages ésotériques de la SS.

En parallèle, Emma hérite d’une affaire de meurtres : deux hommes ont été retrouvés tués aux environs de Marseille. Si leur identité ne fait pas de doute, leur trajet pour arriver en France passe par Prague pour l’un, Munich pour l’autre. Comme Clovis vient de partir pour Prague, elle va lui demander de se renseigner sur place.

On retrouve le Maurice Gouiran en forme, le Clovis Narigou sautillant, après L’Irlandais à la trame et au style plus sombre. C’est un vrai roman policier auquel nous convie l’auteur, placé sous le signe de la dualité. Que cela soit dans l’intrigue où Clovis enquête à Prague et Emma à Marseille ou dans le sujet avec d’un côté les archives ésotériques des nazis et la milice Qaraqosh, Maurice Gouiran nous emmène dans un roman d’alternances.

Et une nouvelle fois, on le suit sans problèmes, avec son alternance de chapitres, son style explicite et son rythme échevelé et sa trame logique. On a droit à un polar costaud, à la mesure de ce grand auteur, qui nous donne à chaque fois l’impression qu’il improvise, comme dans la vraie vie, sans jamais donner l’impression de forcer. La lecture n’en est que plus plaisante et définitivement addictive.

Enfin, la documentation est comme d’habitude impressionnante et nous instruit sur des pans de l’histoire contemporaine que l’on ne devinait pas. Il nous explique pourquoi les nazis s’intéressaient aux légendes ésotériques et comment elles allaient cimenter leur désinformation meurtrière et asseoir leur propagande fasciste de race supérieure et opprimée par le passé. Et si Maurice Gouiran ne s’étend pas sur le conflit irakien, il nous montre tout de même le merdier que c’était et pourquoi, tout en pointant le doigt sur le financement du terrorisme. Pour exemple, cet extrait (page 47) à propos de Mossoul et de la lutte contre Daech :

« On a estimé à cent mille hommes les forces qui ont repris la ville, mais j’ai vite remarqué que c’était très hétérogène. Pour faire simple, on peut dire que l’armée irakienne dirigeait les opérations auxquelles participait un patchwork de combattants. Il y avait là des unités militaires turques, les milices chiites des Hachd al-Chaabi financées par l’Iran, les unités de la coalition avec cinq mille américains et deux cents français, les peshmergas du gouvernement régional du Kurdistan … Tout ce petit monde, uni par un ennemi commun, cohabitait difficilement. Les Turcs s’opposaient à la participation des chiites et des Kurdes du PKK, les Irakiens se méfiaient également des chiites, ennemis de toujours des sunnites, mais aussi des Kurdes aux velléités indépendantistes et leur interdisaient d’entrer dans Mossoul. »

Qaraqosh, c’est encore une belle réussite de son auteur, un polar à lire évidemment, pour apprendre et être moins con.

Après les chiens de Michèle Pedinielli

Editeur : Editions de l’Aube

Après Boccanera, son premier roman, il me fallait absolument lire la suite, et retrouver Diou, cette formidable détective privée, faite en béton armé. Si Bocannera était très bon, celui-ci m’a paru encore meilleur.

Ghjulia « Diou » Boccanera est toujours détective privée à Nice, et elle a décidé de prendre un peu plus soin de sa santé. Fini l’alcool, bonjour le sport … enfin, un petit footing le matin. Elle a accepté de garder le chien de ses amies Dagmar et Klara qui sont parties pour des vacances en famille en Suède. Et Scorsese la réveille tous les matins à 6 heures pour la promenade matinale ! Après un café expéditif, direction le mont Boron pour une escapade forestière au calme.

Sauf que ce n’est pas le calme que Diou va trouver mais un cadavre au détour d’un chemin. A première vue, il s’agit de toute évidence d’un étranger, un SDF, qui a été méchamment tabassé à tel point que son visage ne ressemble plus à rien. Malgré sa première tentation, elle appelle son ami et ex-amant le commandant Jo Santucci. Santucci ne se fait pas trop d’illusions, Diou va vouloir mettre son grain de sel dans cette affaire.

Pourtant, Diou va être occupée par une autre affaire : Colette, la patronne du restaurant Aux Travailleurs lui annonce que quelqu’un a besoin de ses services. La fille de Marina, qui tient le salon de thé rue de la Boucherie a disparue depuis quatre jours. La police ne peut rien faire, la disparition de Mélodie Feuillant n’est pas prioritaire puisqu’elle est majeure. Les affaires reprennent pour Diou.

Même si Après les chiens constitue la deuxième enquête de Diou, on peut lire cette enquête indépendamment de la précédente. Jamais je n’ai ressenti le besoin de me rappeler ce qui s’était passé précédemment. Par contre, dès les premières pages, on est emporté par le rythme et la vivacité du personnage principal, Diou, qui tient cette intrigue à bout de bras. Cette femme forte, blindée, mène ses enquêtes et sa vie à un rythme d’enfer et ne s’en laisse pas conter. Et ce n’est pas parce qu’elle est d’apparence forte qu’elle n’a pas aussi ses faiblesses, ses cicatrices qu’elle trimbale comme un sac poubelle derrière elle.

Ce roman, s’il comporte tous les ingrédients d’un polar, va lorgner du coté des migrants et de ceux qui ont font la chasse, sous le prétexte de conserver un pays propre. Entre nazillons et racistes de tous poils, Michèle Pedinielli va aborder ce thème social fort sans être lourdingue, en positionnant ce thème en tant que contexte. C’est d’une remarquable intelligence. D’autant plus qu’elle fait un parallèle avec l’exode de juifs pendant la deuxième guerre mondiale, pour montrer que ces gens ne veulent rien d’autre qu’essayer de vivre un peu plus longtemps. Et qui est assez inhumains pour leur refuser ça ?

Mais il y aura aussi d’autres sujets qui vont parcourir ce roman comme ceux qui font les trafics d’animaux et leur maltraitance, comme des pistes qui peuvent sembler fausses mais qui vont chacune ajouter une pièce au puzzle d’ensemble. Et ce roman va devenir un roman foisonnant où on accepte de suivre Diou dans ses affaires pour son énergie inépuisable, mais aussi parce qu’on a l’impression de suivre une intrigue improvisée, de la même façon que Diou mène sa vie.

Encore une fois, on va se balader dans les quartiers de Nice, en évitant les quartiers touristiques pour s’attarder dans ces rues au charme du Sud. Encore une fois, on va avoir droit à des portraits de personnages secondaires formidables. Encore une fois, l’émotion va nous serrer la gorge alors que le style est plutôt « Rentre-Dedans ». Encore une fois, c’est une très grande réussite, et comme je l’ai déjà dit : Je suis prêt à suivre Diou au bout du monde !

Ne ratez pas l’avis de Psycho-Pat

Haine pour haine d’Eva Dolan

Editeur : Liana Levi

Traductrice : Lise Garond

Après Les chemins de la haine, son précédent roman, où nous avions fait connaissance avec Dushan Zigic et Mel Ferreira, voici donc leur deuxième enquête sous haute tension. C’est un roman policier, un roman noir, un roman social, une sacrée vision de la société actuelle.

Jelena et Sofia Krasic sont deux sœurs immigrées qui habitent à Peterborough. A 5 heures du matin, on ne rencontre pas d’Anglais, a attendre à l’arrêt du bus. C’est ce que les deux sœurs font en compagnie d’un homme qui les salue en bougonnant. Tout d’un coup, une Volvo blanche débouche de l’angle à toute vitesse et leur fonce dessus. L’homme pousse Sofia pour la sauver mais la voiture écrase Jelena qui meurt sur le coup. L’homme décédera un peu plus tard tandis que Sofia sera transportée à l’hôpital. La voiture est abandonnée un peu plus loin et le chauffard s’enfuit par les petites rues.

Zigic et Ferreira sont dépêchés sur cette affaire, pas seulement parce que les victimes sont immigrées mais parce qu’ils connaissent bien le quartier. C’est en tous cas ce que veut fait croire le commissaire Riggott, leur chef, auprès de la presse locale. En effet, leur section, le département des crimes de haine est plutôt destiné à résoudre des affaires criminelles ayant un lien avec le racisme. Cela n’arrange pas Zigic et Ferreira qui doivent résoudre des meurtres de sang froid qui ont eu lieu récemment : deux corps ont été retrouvés à quelques jours d’intervalle, tabassés, la tête massacrée par des bottes aux bouts métalliques. Avec les élections qui approchent, la situation est explosive.

Richard Shotton est à la tête du parti English Patriot Party, un parti d’extrême droite qui est lié à l’English Nationalist League, un groupuscule extrémiste ultra-violent. Pour se donner une légitimité devant les électeurs, Shotton a décidé de prendre du recul par rapport à l’ENL, et cherche à savoir si des gens de son parti seraient impliqués dans les crimes récents qui ont ensanglanté Peterborough.

Quelle idée géniale d’avoir inventé ce département des crimes de haine, tant cela permet d’aborder des sujets de fond, touchant à la société actuelle ! Quelle idée géniale d’avoir inventé les personnages de Zigic, d’origine serbe et Ferreira d’origine portugaise pour résoudre ces enquêtes ! Quelle idée géniale de mêler les genres, entre roman policier et roman noir, pour aborder des sujets difficiles et que beaucoup de gens veulent taire, et en particulier les média qui ne s’arrêtent qu’à des images sanglantes pour assouvir les besoins du peuple avide de sensation !

Ce roman, qui fait un peu plus de 420 pages, est en réalité un sacré pavé tant l’écriture est dense. Découpé en cinq parties comme autant de jours pendant lesquels va se dérouler cette enquête, les scènes vont s’additionner avec une logique qui peut déconcerter tant elle semble suivre un fil qui semble être tiré par la réalité du terrain. Nous ne sommes pas en face d’enquêteurs à la recherche d’indices, mais bien en face de policiers de terrain qui vont subir les aléas et les violences du terrain de tous les jours. C’est dire si l’immersion est grande et géniale, pour peu que l’on accepte de violer les codes du polar.

Le style d’Eva Dolan est moins direct dans ce roman, mais tout aussi efficace. Ce n’est pas le genre de roman où on saute une phrase, car chaque mot a son importance. Et le rythme est tel que l’on n’a pas non plus le temps de se poser de questions : on est dans la fange, dans la boue des caniveaux, en plein centre ville, et les animaux se tuent uniquement pour des raisons raciales. « L’enfer, c’est les autres. »

Mais là où Eva Dolan va encore plus loin, c’est avec ce personnage de Shotton, leader d’un parti d’extrême droite, qui veut redorer le blason de son parti, lui donner une légitimité, quitte à masquer ses messages de haine. Et c’est un message qu’Eva Dolan nous assène en pleine figure : Méfiez-vous des beaux parleurs et de leurs belles phrases, elles ne cachent rien d’autre que la Haine, celle de ceux qui ne sont pas comme nous. Ce roman est un plaidoyer contre le racisme et contre les politiques qui le prônent. C’est aussi une mise en garde dure et brutale et en cela, ce roman est important.

Ne ratez pas les avis de l’ami Claude et de 404

Le chant des dunes de John Connolly

Editeur : Presses de la cité (Grand Format) ; Pocket (Poche)

Traducteur : Jacques Martinache

Je continue mon exploration de l’univers de Charlie Parker avec sa quatorzième enquête. Une nouvelle fois, John Connolly nous enchante avec cet excellent thriller. La liste des billets chroniqués sur Black Novel sur Charlie Parker est à la fin.

Quatrième de couverture :

Pour se remettre de l’attentat qui a failli lui coûter la vie, le détective privé Charlie Parker s’est retiré à Boreas, un coin isolé sur la côte, dans le Maine. Diminué, meurtri, il tente de reprendre des forces et occupe ses journées à arpenter la plage. Mais la découverte d’un noyé trouble sa convalescence.

Suicide ? Accident ? Ou crime ? Alors que le mort porte sur l’avant-bras des chiffres tatoués évoquant un horrible passé et que la voisine juive de Parker reçoit elle-même des menaces, la question se pose. Et est-ce une coïncidence si, quelques jours plus tard, une famille entière se fait massacrer non loin de là ? L’heure de la retraite n’a pas encore sonné : Charlie Parker doit agir.

Mon avis :

Après le précédent tome où Charlie Parker a terminé à l’état de cadavre ambulant, l’intrigue démarre donc avec notre détective préféré en convalescence dans une station balnéaire calme et tranquille. Angel et Louis vont assurer la sécurité de cette maison isolée sur la plage, n’ayant pour seul voisin qu’une femme et sa fille. Le corps d’un homme nommé Perlman est repêché non loin et d’autres meurtres ont lieu dans les environs. Il semblerait que le Mal rôde.

Comme je l’ai dit précédemment, John Connolly a trouvé son style, son rythme et nous sert des thrillers passionnants à suivre. Charlie Parker ayant voué sa vie à la lutte contre le Mal, il fallait bien que l’auteur se penche sur le cas de la Shoah. Et il en profite pour mettre en évidence que les Nazis étaient aussi des voleurs de grand chemin, rançonnant les juifs en échange de la vie sauve pour leur famille. Et c’est un sujet que je n’avais jamais lu et que les Américains ne connaissaient probablement pas non plus.

On retrouve dans ce roman ce qui fait l’attrait de cette série : des méchants extraordinaires (Steiger le lépreux ou l’homme puzzle), de l’humour froid (avec Angel et Louis ou même les frères Fulci) et cette manière inimitable de faire des digressions pour introduire ses personnages secondaires, sans oublier des scènes stressantes tellement visuelles. J’y ajouterai un autre thème qui est les pouvoirs de la fille de Charlie Parker, Samantha, et qui laissent augurer de fantastiques aventures à venir.

Ce chant des dunes est à nouveau une très bonne aventure, jouant avec les genres, entre roman policier, thriller, fantastique et humour. Du très bon divertissement intelligent en somme.

Les enquêtes de Charlie Parker dans l’ordre de parution sur Black Novel sont :

Tout ce qui meurt

Laissez toute espérance …

Le Pouvoir des ténèbres

Le Baiser de Caïn

La Maison des miroirs

L’Ange noir

La Proie des ombres

Les anges de la nuit

L’empreinte des amants

Les murmures

La nuit des corbeaux

La colère des anges

Sous l’emprise des ombres

Oldies : La reine de la nuit de Marc Behm

Editeur : Rivages Noir

Traducteur : Nathalie Godard

Je continue ma rubrique Oldies qui est consacrée en cette année 2018 à la collection Rivages Noir. Voici un roman choisi presque par hasard dans ma bibliothèque, puisque j’ai suivi le bandeau signé Romain Slocombe : « L’apocalypse érotique du IIIème Reich ».

L’auteur :

Marc Behm, né le 12 janvier 1925 à Trenton, New Jersey, mort le 12 juillet 2007 à Fort-Mahon-Plage (Somme), est un écrivain de roman policier et un scénariste américain ayant vécu à Paris en France. Behm a écrit le scenario du film Help ! des Beatles (1965) et de Charade (1963). Son roman le plus connu est le roman noir surréaliste Eye of the Beholder (1980), traduit sous le titre Mortelle randonnée.

Behm a développé une fascination pour la culture française tout en servant dans l’armée américaine pendant la seconde guerre mondiale; plus tard, il est apparu en tant qu’acteur sur plusieurs programmes de télévision français, avant de s’y installer de façon permanente.

Ses romans font preuve d’un humour ravageur et d’un style surréaliste.

Quatrième de couverture :

La mère d’Edmonde Kerrl adorait Wagner, mais son père traduisait Shakespeare. Elle fut donc prénommée Edmonde en l’honneur du traître Edmund dans le roi Lear. Rien d’étonnant à ce qu’elle soit devenue la « reine de la nuit », ait rejoint le parti nazi sur un malentendu et, d’aventures en tribulations, se soit retrouvée membre des S.S. puis dans le lit d’Eva Braun…

Premier roman de Marc Behm au scénario pour le moins déroutant, la reine de la nuit est un livre à l’humour noir ravageur, dont l’exceptionnelle force subversive n’a pas fini de marquer les esprits. On peut y trouver une parenté avec le Inglourious Bastards de Tarantino, mais le ton de Marc Behm est unique comme l’est sa façon d’aborder le basculement dans la folie totalitaire à travers un thriller palpitant.

« Quoi qu’il en soit, un fabuleux roman. » Jean-Pierre Deloux, Polar

Mon avis :

Edmonde Kerrl, voilà un nom que je ne risque pas d’oublier, même si j’ai plus ou moins apprécié ce roman. Cette jeune femme va nous raconter sa vie, guidée par ses pulsions sexuelles et l’absence de son père, à travers la montée et la chute des nazis en Allemagne. De son adolescence et la découverte de ses premiers émois avec sa cousine jusqu’à sa condamnation à mort, elle ne nous cache rien et Marc Behm nous rend ce roman à la fois érotique et horrible, violent jusqu’à l’inacceptable et sarcastique.

Grossissant le trait jusqu’au grotesque, Marc Behm a certainement voulu montrer l’absurde du nazisme. Mais là où cela cloche, ce sont toutes ses libertés prises vis-à-vis de la vérité historique et le déroulement de l’intrigue qui place Edmonde toujours là où il se passe quelque chose.

Elle va fréquenter les plus hauts dignitaires de l’Allemagne, grâce aux innombrables orgies auxquelles elle participe, va frayer son chemin sans le vouloir, car elle n’est pas plus nazie qu’une autre. Elle est juste guidée par son égoïsme et son seul plaisir. Si au début j’ai bien accroché, surtout par l’acuité de la psychologie, j’ai petit à petit relâché mon intérêt par la violence de la fin. Vous êtes prévenus, c’est une sacrée charge contre le nazisme, sur un ton sarcastique et cynique mais c’était un peu trop pour moi.