Goldstein de Volker Kutscher

Editeur : Nouveau Monde – Sang Froid

Traductrice : Magali Girault

Voici enfin le troisième tome des enquêtes de GereonRath, après Le Poisson Mouillé et La Mort Muette, qui propose une revisite de l’Allemagne année après année. Logiquement nous nous retrouvons ici en été 1931.

La jeune adolescente Alex vit dans la rue de petits larcins, qu’elle refourgue à des receleurs. Avec son copain Benny qui l’aime en cachette, ils vont pénétrer de nuit dans le magasin de luxe KaDeWe pour s’approprier les bijoux. Quand des flics débarquent, ils montent dans les étages. Alex découvre un escalier de secours et arrive à s’enfuir. En regardant vers le haut, elle voit Benny sur une corniche et un flic qui s’approche de lui. Puis Benny tombe et s’écrase cinq étages plus bas. Alex se précipite auprès de lui, demande à un passant d’appeler une ambulance puis entend Benny lui susurrer que le flic lui a écrasé les doigts.

Gereon Rath est convoqué par Weiss, son chef qui le déteste. La police criminelle vient de recevoir une missive de la Police Fédérale Américaine (le FBI) leur annonçant l’arrivée prochaine d’Abraham Goldstein. Ce juif américain est soupçonné d’être un tueur à gages lié à la mafia américaine. Gereon Rath est donc chargé de le surveiller 24 heures sur 24, et pour ce faire, on lui installe un bureau situé en face de la chambre d’hôtel de Goldstein. Il est vite contacté par Johann Marlow, le chef de gang à qui il doit un service, qui lui demande de trouver un de ses sbires qui a disparu.

Alex va rendre visite au receleur qui va lui donner vingt marks pour les bijoux dans sa grande bonté. Consciente de se faire voler elle reviendra quelques jours plus tard, mais le trouvera assassiné dans sa réserve. Andreas Lange, l’inspecteur adjoint de Rath, se retrouve à la tête de l’enquête du KaDeWe et demande l’aide de Charlotte Ritter pour retrouver la jeune voleuse. Mais les morts vont s’amonceler alors que Abraham Goldstein a disparu.

Vous pourriez être effrayés par la taille de ce roman (plus de 700 pages), et vous auriez tort ! Volker Kutscher va multiplier les intrigues et les personnages, les situations et les scènes. Et même si le lecteur sent un lien entre les différentes affaires, la solution ne va réellement se clarifier dans les dernières pages. Comme il ne laisse pas de côté la psychologie de ses personnages, dont Gereon Rath accompagné par son chien Kirie, ce roman se lit du début à la fin avec énormément de plaisir.

Chaque personnage secondaire va représenter une partie de la population, en parallèle des intrigues, ce qui permet de fournir le contexte de façon remarquablement subtile. On y voit surtout une police dépassée par les violences, les luttes entre les pirates du Nord et la Berolina, des clans de la pègre et un régime politique qui ne sait plus quoi faire. On y apprend aussi qu’un policier n’a pas le droit d’adhérer aux SA, la milice nationale socialiste et que les émeutes communistes engendrent de nombreuses victimes ce qui créé une haine envers les Rouges.

Enfin, la situation économique se dégrade, l’Allemagne étant rattrapée par la crise financière de 1929. Les gens qui ne peuvent plus payer leur loyer sont jetés à la rue, certains meurent de faim. On y entend des propos d’incompréhension devant cette dépendance de l’Allemagne à la crise américaine. On ressent la haine qui monte envers les autres pays, le sentiment de se replier, de ne compter que sur lui-même.

Et puis, on trouve dans ce roman des dialogues étincelants, des scènes hallucinantes, comme ces descentes de quelques SA qui se permettent de tabasser un vieux juif parce qu’ils sont sûrs de leur impunité, ou ces défilés de ces mêmes SA dans les rues, hurlant que leur pays leur appartient … ce qui rappelle quelques scènes récentes dans nos propres rues. Une nouvelle fois, Volker Kutscher construit un roman costaud au long cours, qui se démarque des romans de Philip Kerr par son acuité précise et de l’évolution année après année de l’Allemagne dans les années 30. J’espère que les éditions Nouveau Monde continueront à traduire la suite de la série.

Une réflexion sur « Goldstein de Volker Kutscher »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.