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Dis bonjour à la dame de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Elle ajoute en introduction qu’elle emporte toujours un San-Antonio dans ses valises de voyage, excellente résolution.

Les anecdotes :

Salut, mon pope ! est un roman publié 18 juin 1975 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 88ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte le numéro 42 de la collection « San-Antonio ».

Il s’agit de la première affaire de la « Paris Détective Agency », après que San-Antonio ait démissionné de la police.A la suite d’une aventure où il a le sentiment que sa hiérarchie a abusé de sa dignité, il est sur le point de démissionner une deuxième fois; mais il obtient pour prix de son maintien au sein de la police, un statut très particulier : Il fonde la Paris Detective Agency, fausse agence de police privée qui continue de dépendre secrètement du ministère de l’Intérieur. La Paris Detective Agency durera jusqu’au numéro 108 de la série.

L’histoire se déroule à Paris le 01/04/1975 sur une durée de 2 jours.

Mon résumé :

Dans les bureaux luxueux de la Paris Detective Agency, on s’ennuie ferme. Heureusement, un homme qui refuse de donner son nom leur demande de l’aide. En voyage en France, il était hébergé chez son ami Stéphane Lhurma, spécialiste des toilettes. Lhurma dut s’absenter et offrit à l’homme les services d’une prostituée Julie. Le lendemain matin, ce client se réveilla aux côtés de la prostituée, égorgée pendant son sommeil. Et au téléphone, l’hôtal batave lui apprend que Lhurma est mort, crise cardiaque.

Grâce aux empreintes laissées sur la poignée de la porte d’entrée, Pinaud détermine que le client se nomme Hans Kimkonssern, un ancien espion nazi exilé en Uruguay. San-Antonio décide d’accepter l’affaire et se rend dans la résidence de Lhurma. Kimkonssern sera logé dans les bureaux de San-Antonio en attendant la fin de l’enquête.

Son analyse de la chambre à coucher confirme que Kimkonssern a été drogué et qu’on a donc pu égorger la prostituée sans qu’il s’en rende compte. Le téléphone sonne et il s’agit d’Angèle la souteneuse de la prostituée. Enfin, il découvre dans la pelouse devant la fenêtre de la chambre à coucher une pochette publicitaire d’allumettes avec l’adresse d’un bar, le Bar Aka. L’équipe a donc trois pistes à creuser : la société Lhurma, Chez Angèle et le BarAka.

Mon avis :

Malgré l’ennui ressenti par l’équipe de San-Antonio au début du roman, l’humour fait rage dès le début avec beaucoup de remarques drôlatiques et d’interpellations du lecteur. Ce roman se situe dans la veine des années 70, donc plus orienté sexe et avec de l’humour graveleux. Il n’atteint pas encore les sommets crades des années 80-90 mais Bérurier a clairement pris de l’ampleur par rapport aux décennies précédentes.

Une fois que l’enquête a commencé, comme son héros, on sent que Frédéric Dard se laisse mener par les événements, ne sachant pas réellement où il va. On passe des interrogatoires de l’un des personnages à l’autre, on passe du bureau au bar, de Chez Angèle à la société Lhurma sans réel fil conducteur. Comme le dit souvent San-Antonio, il fonctionne à l’instinct ; on a plutôt l’impression qu’il attend qu’un indice tombe du chapeau.

Heureusement, le rebondissement final rehausse cette impression de laisser aller. On trouve tout de même quelques belles digressions et un passage étonnant : vers le milieu du livre, on a un passage où San-Antonio est dans une chambre au Bar Aka. Il se sent moins bien, ne sait dans quelle direction aller ; on le trouve légèrement dépressif, obligé de soigner son mal-être avec une bouteille de vodka. Voilà un passage touchant, et probablement personnel.

Quelques citations impayables :

« Tu vas voir ce que la vie est attrayante, pour peu que tu y mettes du tien. Evidemment, le clapoteux qui ne tente rien, qui ne provoque rien peut faire tapisserie pendant des millénaires, le cul sur un pliant, à regarder flotter son destin sur l’eau opaque de ses jours. »

« Il ne faut pas avoir peur d’avoir peur, dans la vie. C’est un peu comme de pleurer : ça soulage. Les héros ne sont pas des gens qui n’ont pas peur, mais des gens qui réagissent contre leur peur. »

« Me suivrait au bout du monde, cette poule, c’est-à-dire jusqu’ici, puisque la terre est ronde!

Clic, clac. La v’là entravée. Psychologiquement, c’est tout de suite la grosse détresse, le cabriolet. même un truand chevronné, quand il se retrouve avec les cadennes, il dérape dans les mélancolies. L’homme, faut qu’il puisse se gratter la raie du derche à tout bout de champ, sinon il devient inapte et consterné de partout. »

« Car la liberté, c’est comme le pognon pour un prodigue : faut la claquer fissa, pas qu’elle rancisse. Regarde les peuples qui se délivrent de leurs tyrannies, la manière, que vite ils s’en enclenchent une autre, d’urgence, pour pas tituber de leur ivresse d’être affranchis. Pas se fatiguer d’êtres libres. Leur acharnement à dare-dare créer une nouvelle férule, leur génie à la faire jaillir de là qu’on la soupçonnait pas. Comme ils provoquent habilement les volontés oppressives en léthargie, en ignorance d’elles-mêmes. »

« Ah, fait pas bon s’éloigner de la meute ! Un loup isolé n’est plus qu’un mouton. »

« Le monde est plein de minus qui comptent sur leurs poils pour avoir moins l’air de ce qu’ils sont ; en réalité, ça ne fait qu’accentuer la gravité du cas, une barbouze ou des tifs Louis XIII. C’est pas parce qu’un griffon a les poils longs qu’il a moins l’air d’un chien. Un con poilu fait même plus con qu’un con imberbe. Il se rend suspect. Tu penses à le regarder, alors qu’autrement tu te contenterais de l’ignorer. »

« Une bonne fille. Pétroleuse de caractère, mais sûrement très gentille, voire affectueuse. Elle aime bien son papa, son patron, Michel Sardou, les pommes frites et trouve son Président de République séduisant. »

« L’imminence de la mort a raison de la discrétion la mieux ancrée, car la mort est indiscrète, cher monsieur, philosophè-je, que tu dois en prendre plein les badigues et comprendre quel écrivain follement émérite je suis. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

http://francois.kersulec.free.fr/FK/SA/HTML/livre.php?CodeLivre=DBALD&DepuisListe=LivresSAOC-%-Non&PosDansListe=88

https://legimini.com/Livres/Dis-bonjour-a-la-dame-de-San-antonio/426976

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21215

Stella et l’Amérique de Joseph Incardona

Editeur : Finitude

Pour moi, il est inconcevable de rater un roman de Joseph Incardona. Cela fait dix ans que j’ai découvert sa plume et je n’ai jamais été déçu, loin de là, quelque soit le sujet, quelque soit le style adopté. Son nouvel opus est à nouveau une réussite.

Pour ce roman, sa découverte passe par la couverture, à première vue incompréhensible et peu aguicheuse. Je suis donc allé voir la quatrième de couverture pour être immédiatement ferré par ce sujet totalement fou. Puis, j’ai fait un retour sur la couverture qui, dès lors, m’a paru géniale. Mon conseil du jour sera donc : lisez la quatrième ou mon résumé que voici : 

Stella Thibodeaux habite dans une caravane et suit un groupe de forains itinérants. Du haut de ses 19 ans, sans parents, elle se confie aisément à Santa Muerte, la voyante. Elle se prostitue car elle ne sait faire que cela, ayant pour elle un charme inné à défaut d’être belle selon les critères communs. Sa discussion avec sa mentor tourne autour de son dernier client qui présentait un psoriasis envahissant qui a disparu après leur acte sexuel. C’est le troisième cas de guérison miracle à sa connaissance qu’elle réalise à son insu.

Il se rend compte de sa guérison du psoriasis et ne peut décemment pas se l’expliquer, ni dire à sa femme qu’il est allé voir une prostituée. Pour soulager sa culpabilité et son âme, Robert Smith va se confesser à l’église et partager son désarroi. Il partage donc son péché avec le Père Brown, James Brown, ancien Navy Seal reconverti dans le soulagement de ses ouailles de leurs bassesses.

Le Vatican possède l’un des Services de Renseignement les plus efficaces du monde. Tous les matins, le Pape Simon II reçoit les informations importantes lors du petit-déjeuner, dont la potentielle apparition d’une nouvelle Sainte. Autour de sa table, trônent son secrétaire Otto Mühl, le doyen du Sacré Collège le cardinal Gordini, et le cardinal Carter qui représente les ouailles américaines. Il manque de s’étrangler en apprenant qu’il s’agit d’une prostituée. Mais son conseiller particulier lui suggère de régler la situation en transformant la Sainte en Martyre. Il lui suffit de faire appel à des tueurs à gages que le Vatican connait bien, les frères Mike et Billie Bronski. Va venir s’ajouter à cette joyeuse farandole Luis Molina, un journaliste qui se rêve récompensé d’un futur Prix Pulitzer.

Prenez une idée géniale, irrévérencieuse au possible, tirez sur la ficelle sans qu’elle casse, ajoutez aux manettes un auteur talentueux et vous obtiendrez la recette de ce roman / polar jouissif qui va éclairer vos soirées hivernales de nombreux éclats de rire jaune. Je ne peux que vous conseiller de courir acquérir ce roman pour passer un excellent moment de divertissement intelligent.

On s’amuse beaucoup tout au long de cette lecture et on sent que l’auteur s’est amusé à l’écrire, du pur plaisir partagé. Outre l’intrigue extrêmement drôle, Joseph Incardona aligne un grand nombre de personnes, des crédules aux journalistes en passant par la religion, et se permet même de nous interpeler dans certaines situations. Passant d’un personnage à l’autre, flirtant avec la caricature, il a imaginé un nombre incalculable de rebondissements qui ne laissent jamais le lecteur tranquille.

Ce roman ressemblerait à une course-poursuite comique, s’il n’y avait pas ce ton cynique qui nous prend à témoin, et qui parvient à nous surprendre par une phrase assassine, presque une citation philosophique. Vous l’aurez compris, j’ai adoré cette lecture, drôle, sarcastique, gentiment cynique, déjantée et irrévérencieuse, bref un pur moment de jouissance, fortement recommandé par ces temps troubles.

Au commencement d’Ivan Zinberg

Editeur : Harper & Collins

J’ai tellement aimé Etoile morte, que je m’étais promis de lire ses autres romans. Et puis, le temps passant, j’ai laissé cette idée dans un coin de ma tête … mais pas cette année ! Voici donc son dernier roman en date.

Mardi 8 mars 2022. Le « travail » d’Osman consiste à trier les clients au bas du 29 rue Edgar-Degas, dans la cité des 3000 à Aulnay-sous-Bois. Au moindre indice suspect, le quidam qui se présente n’a pas le droit de monter au troisième étage chercher sa dose de drogue. Pris d’une envie de pisser, il demande à Enzo de garder la porte, de ne laisser personne entrer. En pleine action de vidange, un bruit l’intrigue. Il se retrouve face à un canon. Sans s’en rendre compte, il se prend une balle dans la tête.

Mercredi 30 mars 2022. Freddy a accepté de se sédentarisé à la demande de sa femme à Rosny-sous-Bois. Mais son esprit de manouche l’empêche de dormir et il n’est pas rare de le voir dormir dans sa caravane au fond du jardin. Officiellement plâtrier, il arrondit ses fins de mois en volant de grosses berlines, qu’il revend sur commande. Une moto s’arrête devant lui, pour un colis à livrer. A peine a-t-il répondu que le motard toujours casqué sort un pistolet et lui tire deux balles dans la poitrine puis une dans la tête, avant de repartir aussitôt.

Le commandant Luc Delmas est convoqué par son chef Julien Martial pour évoquer les affaires en cours. Avec son adjoint Nicolas Pradier en arrêt de travail pour dépression, Ne restent plus que Guigui, la procédurière, le brigadier-chef Mario Giordano passionné de voyages, surnommé FOTO, et les brigadiers Stéphane Lain et Sarah Barnowski, les deux petits jeunes. Le groupe de Delmas va être chargé du meurtre d’une prostituée Magali Obadia sur son lieu de travail, abattue de deux balles dans la poitrine et une dans la tête. Rapidement, ils vont se rendre compte que cette affaire compte déjà quatre cadavres.

On ne peut pas dire qu’Ivan Zinberg n’a pas voulu coller au terrain. Son intrigue suit les règles officielles, nous présentant en détail les procédures. Il ponctue d’ailleurs son histoire de nombreux acronymes que, bizarrement, nous retrouvons dans un lexique en fin de roman. Au début, cela énerve d’être obligé de quitter la lecture, puis on passe outre et on avale consciencieusement les pages.

On pourrait trouver cette histoire classique, et elle se veut classique dans son déroulement mais le scénario cache de nombreuses surprises. On peut diviser le roman en trois parties, l’enquête tout d’abord, puis le gros revirement de situation, puis le final très réussi (en deux actes, comme on dit au théâtre). Et avec ses chapitres ultra-courts, le roman se lit très vite et avec passion.

Vers le milieu du livre, on arrive à l’entre-deux tour des élections présidentielles, et les informations radiophoniques font leur apparition, mais aussi la pression des hommes politiques pour résoudre au plus vite cette affaire qui oscille entre règlements de compte et terrorisme. Et les 100 dernières pages s’avalent en apnée tant on y trouve du rythme, du suspense et un final (le premier) inattendu. Puis viendra un épilogue avec un deuxième final encore plus inattendu.

Seulement, pour moi, ce roman aurait dû être étoffé. Beaucoup d’aspects sont juste effleurés, comme le rôle et l’omniprésence des médias, la pression politique, le stress constant de cette profession. Certes, le rythme est soutenu, le style rapide et évocateur et le compte-à-rebours final très réussi mais j’ai l’impression que le format a été imposé par l’éditeur et qu’il a fallu élaguer, malheureusement là où cela aurait donné de l’épaisseur à l’ensemble. On ressent bien la pression exercée sur les effectifs policiers mais cela reste trop superficiel et ce roman n’est QUE un bon polar alors qu’il aurait pu être génial.  

Mako de Laurent Guillaume

Editeur : Nouveaux Auteurs (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)

Pour être totalement franc, je n’ai pas lu assez de romans de Laurent Guillaume. J’avais beaucoup aimé son dernier roman et je l’avais rencontré il y a une dizaine d’années lors d’une rencontre à la FNAC. Il m’avait dit vouloir devenir un vrai auteur avec un ton personnel. Laurent avait tiqué quand je lui avais acheté Mako, argumentant qu’il y trouvait plein de défauts. Mais comme j’aime lire les premiers romans, je me suis lancé dans le premier tome de la trilogie consacrée à ce flic borderline Mako.

Plutôt que de réviser ses partiels ou de passer une bonne nuit, Lily a choisi de se divertir dans une boite de nuit. Alors qu’elle rentre chez elle à pied, elle entend un gros 4×4 qui roule lentement. Prise de panique quand une porte s’ouvre elle tente de fuir ais un homme la traine dans une école, la frappe puis la viole.

A bord d’une voiture banalisée, l’équipe de la BAC47 arpente les rues de Paris. En tant que chef de groupe, Mako prend l’appel signalant une incursion dans une école maternelle et demande à Bill le chauffeur de se rendre rapidement sur place. Le troisième du groupe, Papa, futur retraité va aider Mako dans l’intervention. Ils arrivent trop tard mais arrêtent tout de même le violeur, un dénommé Vloran Vidic en flagrant délit.

Dans un premier temps, Lily refuse de porter plainte avant de changer d’avis. Vidic quant à lui, est remis en liberté par la juge. Mako sait dès lors que Lily se retrouve en danger de mort. Il va enquêter de son côté auprès de la société de protection qui l’emploie, alors qu’il se murmure une prochaine grosse livraison de drogue sur Paris.

Comme je le dis souvent, il faut prendre ce roman comme une curiosité tant Laurent Guillaume écrit aujourd’hui des romans plus maitrisés et mieux écrits. On peut effectivement pointer les défauts d’un premier roman comme cette volonté d’être trop explicite ou certaines expressions ampoulées qui prêtent à sourire ou encore les rebondissements finaux qui m’ont semblé inutiles tant le personnage de Mako se suffit à lui-même, sans en rajouter sur la situation de sa femme.

Mais ce roman regorge aussi de qualités et elles sont nombreuses. On commencera par les personnages, piliers centraux de l’intrigue. Ils vont tous être parfaitement reconnaissables, du côté des méchants ou des gentils et Laurent Guillaume évite la caricature en restant parfaitement juste dans ses descriptions. Ce sont eux aussi qui aident à tenir l’intrigue qui par conséquence apparait très bien construite.

Malgré quelques maladresses de style dont j’ai parlé ci-dessus, j’ai été surpris de l’aisance à créer des décors et des scènes imagées et très cinématographiques. J’ai trouvé remarquables la gestion des scènes d’action et surtout la façon qu’a Laurent Guillaume de nous faire ressentir toute la rage et la hargne qui anime le personnage de Mako tout au long de son enquête. Mako se lit donc comme un roman prometteur.

Les affreux de Jedidiah Ayres

Editeur : Les Arènes – Equinox

Traducteur : Antoine Chainas

Je ne vous cache pas que le titre m’a tout de suite interpelé et que les conseils de Bruno le Mulot et de Clete ont fait beaucoup dans le choix de cette lecture. Ce roman propose une belle (ce n’est peut-être pas le bon terme) description des campagnes américaines. Direction le Missouri !

Terry Hickerson traine toujours avec Cal Dotson. Leur discussion du jour porte sur le Spring Break où de jeunes filles décompressent de leurs études et jouent les délurées. Ils prennent la direction de Joplin et finissent dans une boite de nuit, aveuglés par les stroboscopes. Alors que Cal va faire son truc avec une fille, Terry aborde une jeune fille trop belle pour le coin, qui se balade avec un 9 mm.

Chowder tient un magasin d’appâts pour la pêche. Ça, c’est pour la galerie. Il possède aussi un bordel miteux, appelé le Chéri-Chéri, situé à quinze kilomètres. Accessoirement, il trafique toutes sortes de drogues et héberge une salle de jeux clandestins. Ce matin-là, il reçoit deux hommes venus lui proposer un marché de la part de la mafia de Memphis.

Le shérif Mondale a reçu un tuyau de Chowder, l’adresse du laboratoire clandestin d’Earl Sutter. Même si Mondale sait que la méthamphétamine ne sert qu’à sa consommation personnelle, cela peut éviter à Chowder une concurrence déloyale et permettre d’inscrire un fait d’armes sur le CV du shérif. Après l’arrestation, son ex-femme Shirley lui annonce que leur fille cadette Eileen a encore fugué.

Le procureur adjoint Dennis Jordan a assez perdu de temps. Il bâtit son rêve, sénateur, puis gouverneur puis procureur général. Pour cela, il a besoin d’un coup d’éclat : faire tomber le shérif Jimmy Mondale.

Les auteurs américains sont décidément trop forts quand il s’agit de créer une intrigue située dans un village perdu en pleine campagne. On a lu beaucoup de romans noirs ruraux, comportant des trafiquants de tous genres, des paumés, un shérif corrompu. La vie s’écoule tranquillement jusqu’à ce que soit lâché un chien dans le jeu de quilles qui va créer la zizanie.

On va suivre ces quatre personnages dans leur quotidien, avec des personnalités bien marquées, Terry dans le rôle du perdant, Chowder dans le rôle de « l’entrepreneur » et Mondale dans celui du flic pourri. Jedidiah Ayres va les imbriquer dans un scénario d’une drôlerie irrésistible (la façon dont Terry et Cal vont trouver une bonne façon de se faire du fric vaut le détour) avec toujours des phrases qui font mouche et des dialogues fantastiques. Jusqu’à une conclusion inoubliable.

On lit trop rarement des auteurs qui sont capables d’une telle créativité dans leur intrigue, et qui nous proposent un style direct et efficace comme Jedidiah Ayres. Par ses qualités d’auteur, on trouve une filiation avec Jake Hinkson et même le Grand Jim Thompson. Et ce roman-là est une vraie pépite noire. C’est crade, c’est sale, c’est brutal et j’adore ça. Il ne me reste qu’à dénicher son précédent roman !

Mauvaise foi de Maurice Gouiran

Editeur : M+ éditions

Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter Maurice Gouiran, l’auteur de près d’une trentaine de romans. Initialement publié chez Jigal, il nous revient avec une nouvelle enquête de Clovis Narigou et Emma Govgaline sur la Légion du Christ.

Quand Clovis débarque au bistrot, il se dirige directement à la table de Biscottin avec sa tasse de café pour lui raconter son périple à Rome. Un étrange bonhomme suçote sa cannette de coca-cola, affublé d’un maillot de l’équipe nationale de Brésil floqué du nom de Socratès, le capitaine de grande Seleçao. Biscottin lui annonce qu’il a demandé à lui parler alors Clovis va le voir. Socratès dit avoir été conseillé par sa nièce Giovana qui connait bien Clovis. Il préfère ne pas parler en public et lui donne rendez-vous chez lui le lendemain après-midi.

Arnal invite Emma, Jibé et Sami à le rejoindre dans son bureau. Le Commandant Ludovic Mallemare qui lutte contre la traite des êtres humains les attend et leur fait part de la disparition de plusieurs prostituées. Comme cela sort de son domaine d’activités, il leur demande d’enquêter sur ce qui pourrait bien être des meurtres, ce qui sous-entendrait la présence dans les Bouches du Rhône d’un tueur en série. Ceci pourrait se rapprocher de celui que l’on surnomme Le Fantôme.

Quand Clovis débarque chez Socratès, il est surpris de trouver la porte ouverte. A l’intérieur, tous les meubles ont été renversés, fouillés. Le corps git dans la chambre, étranglé, mort. Il s’attarde à regarder les photos accrochées au mur, dont plusieurs où Socratès apparait en soutane et une autre où on a inscrit sur la photo de Jean-Paul II, Bastardos. Clovis appelle la police et se voit bientôt accusé du meurtre sur la seule allégation qu’il a mis trop de temps à appeler la maréchaussée.

On peut faire confiance à Maurice Gouiran pour nous construire une intrigue solide et nous apprendre des faits que nous connaissons mal ou que nous avons oublié. La construction du livre alterne entre Clovis et Emma, comme d’habitude je dirais, et fait avancer les deux enquêtes en parallèle. Par rapport aux précédents romans, on retrouve un Clovis Narigou volontaire, gaillard et battant.

Le fait d’être obligé de retourner à Rome pour son reportage sur l’architecture sous Mussolini va lui permettre de prendre contact avec une confédération nommée La Légion du Christ. Socratès, de son vrai nom Henrique Alberto Gonzaga Freitas de Assis Teixeira do Nascimento, a témoigné dans l’affaire des Pandora Papers. La légion du Christ, protégée par Jean-Paul II, et créée par le père Marcial Maciel Degollado, a fait l’objet d’enquêtes par le cardinal Ratzinger et mis à jour de nombreux cas d’abus sexuels sur des enfants de la part de son fondateur.

Nous avons donc d’un coté, un tueur de prostituées qui fait disparaitre les prostituées, de l’autre un ancien séminariste membre de La Légion du Christ assassiné, et nous voilà parti pour un roman policier costaud avec comme vedettes deux enquêteurs attachants qui se retrouvent quand ils le peuvent … comme leurs enquêtes d’ailleurs … mais je ne vous dis rien car la pirouette finale est formidablement bien trouvée.

Free Queens de Marin Ledun

Editeur : Gallimard – Série Noire

Après avoir disséqué l’industrie du tabac dans l’excellent Leur âme au diable, Marin Ledun s’attaque à celle de la fabrication et de la vente de la bière, en se basant sur le scandale Heineken au Nigéria.

Jasmine Dooyun se fait arrêter à la Porte de Pantin à Paris pour prostitution. Etant mineure, elle risque de se faire expulser dans son pays, le Nigeria. Serena Monnier, journaliste au Monde, parvient à obtenir un entretien avec elle et apprend comment on lui a vendu du rêve, avant de la violenter pour qu’elle fasse le trottoir. Mais Jasmine veut continuer à se battre. Serena décide de poursuivre son enquête au Nigeria et est accueillie par une association féministe, les Free Queens.

Oni Goje occupe un poste de policier chargé de la circulation. Bien qu’il accepte des pots de vin, comme la plupart de ses collègues, il garde en lui une volonté d’intégrité et de justice. Il s’approche d’un attroupement géré par un cordon de policiers. En s’approchant, il découvre le corps de deux jeunes femmes assassinées que l’on a dévêtues. Il est persuadé que la police criminelle ne va rien faire et considérer que ce ne sont que des prostituées. Il décide de mener l’enquête.

Master Brewers, la multinationale qui fabrique de la bière, vient de mettre sur le marché la First. Pour son développement, elle a embauché Peter Dirksen qui va rapidement mettre en place un plan marketing. Les bières devront être présentées par des jeunes femmes peu vêtues, que ce soit dans les bars miteux ou luxueux. La stratégie est claire, « le sexe, le fric et une First » et le slogan devra faire mouche auprès de la population : la First permet d’augmenter les performances sexuelles. Peter Dirksen va donc construire un vaste réseau de prostitution en même temps qu’une campagne de corruption à tous niveaux.

Dans quasiment tous ses livres, Marin Ledun donne à ses œuvres une tonalité sociale qui ne peut qu’attirer l’œil. Son précédent roman sur l’industrie du tabac d’ailleurs a eu un fort écho et celui-ci devrait en avoir tout autant. Il revient sur un scandale qui a éclaboussé Heineken à tel point qu’ils ont dû justifier leur rôle dans le massacre des Tutsis au Rwanda, fait dont l’auteur ne parle pas ici.

Il préfère se concentrer sur le Nigéria et la façon dont les dirigeants hollandais ont décidé de déployer leur commerce en laissant les mains libres à un homme qui a vite compris que la loi et la morale devait être mise de coté. Bien que je n’aie pas été au courant de cette affaire en lisant le livre, les articles que j’ai lus depuis m’ont effaré. Car Peter Dirksen a vite choisi son camp pour remplir ses objectifs.

Marin Ledun choisit plusieurs points de vue, plusieurs personnages et le paysage qui en ressort fait froid dans le dos. Il faut se rappeler que tout se passe de nos jours, que l’on permet par l’intermédiaire de pots-de-vin d’exercer des commerces de prostitution pour améliorer les ventes de bière. Marin Ledun démontre très bien l’implication de la police, et on pouvait s’y attendre, mais aussi les hommes politiques jusqu’au plus haut niveau de l’état en passant par de grandes entreprises continentales comme Total mais aussi le PSG.

Contrairement à Leur âme au diable, Marin Ledun préfère dérouler un aspect narratif proche du polar, avec comme fil rouge la résolution du meurtre des deux jeunes filles, et s’attarde moins sur les aspects marketing. Et c’est probablement parce que cette affaire nous touche de moins près que le tabac et les cigarettes que des millions de personnes fument tous les jours.

Il n’empêche que devant toutes les horreurs décrites, ce que l’on pourrait trouver « normal, parce que ça se passe en Afrique » nous touche en plein cœur quand on a ne serait-ce qu’une once d’humanité dans le sang. Les combats des ONG pour le respect des droits des femmes ressemblent à la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Alors, que faire ? En parler, c’est ce que fait de grande façon cet excellent polar riche et documenté.

De rage et de vent d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Deuxième tome des enquêtes de Carlo Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour, ce roman change totalement le ton, car on passe d’un humour cynique agressif à de la rage pure et froide. Tout aussi excellent !

Andrea Serini, en tant que propriétaire de l’agence de vente de véhicules de luxe, tient absolument à fermer sa boutique et éteindre les lumières. Ce soir-là, un bruit de mouvement l’attire, quelqu’un est entré. Il se retrouve face à un vieux camarade qui veut retrouver son argent. Sous la menace, Andrea lui donne un nom, Anna Galinda, avant de prendre un balle en pleine tête. En sortant, un moine l’aperçoit et lui intime de s’arrêter. Il s’agit du sous-brigadier Tarcisio Ghezzi, qui n’a pas le temps de sortir son arme devant la rapidité de l’homme. En deux coups, il se retrouve assommé et son arme dérobée.

Carlo Monterossi, créateur de l’émission Crazy Love pour la grande usine à merde (la télévision) où il s’agit d’étaler au grand jour les histoires d’amour du grand public, veut depuis un certain temps stopper sa collaboration. Pour lui, ce concept est devenu indécent. Mais son agente Katia Sironi insiste : il ne peut pas partir comme ça, Ils sont prêts à lui offrir un pont d’or (sur lequel un touchera un copieux pourcentage). Elle veut qu’il rencontre le Boss en personne, Luca Calleri. Et contre toute attente, Carlo accepte.

Dans le restaurant de luxe, Carlo arrive en avance et assiste à l’arrivée du « Ponte », devant qui tout le monde plie. Son temps est compté, il n’accorde pas dix minutes à quiconque, et d’ailleurs, il ne mange pas et confirme qu’il compte sur Carlo. Dépité par cette attitude, Carlo finit au bar et est accosté par une femme. Tous deux boivent et Carlo raccompagne la jeune femme chez elle, la couche sur canapé et la couvre. En sortant, il claque la porte, avec un bruit sec, un CLAC qui résonnera longtemps dans la tête de Carlo. Le lendemain, il apprend qu’elle a été torturée et tuée avec le même revolver qu’Andréa Serini.

Par rapport au premier roman, qui étalait un humour cynique que j’avais adoré, cette deuxième enquête se révèle bien plus sérieuse. On y trouve bien quelques traits d’humour dans les dialogues ou quand il s’agit de se moquer des policiers. Mais le ton est irrémédiablement noir, à l’image de cette ville de Milan, balayée par un vent glacial, qui correspond bien au titre et à l’humeur de Carlo Monterossi.

Le décor hivernal anormal, ce vent infernal, fait ressurgir une rage froide, que Carlo va ressentir, ajouté à un sentiment de culpabilité envers la mort d’Anna Galinda. Il ne cessera de se rappeler cette porte se fermant dans un CLAC fatal, croyant qu’il est à l’origine de sa mort. Il va donc se lancer dans cette croisade pour dénicher les coupables et comprendre cet engrenage mortel.

Car derrière Carlo et son humeur noire, l’auteur nous montre combien les richards se servent des pauvres et rien de plus efficace que de mettre sur le devant de la scène les prostituées. Il nous montre une caste sans aucune pitié ni humanité, une frange d’ultra-riches fiers de leur impunité, usant et abusant de gens qui, finalement, ne peuvent qu’être définitivement les perdants de cette société.

A nouveau, on trouve dans ce roman colérique un scénario remarquable, complexe à souhait où les intrigues sont menées en parallèle entre Carlo, Ghezzi et Carella, où l’auteur nous imprègne de cette ville glacée par ce vent inhabituel. Cette deuxième enquête, très différente de la première, confirme que cette série est à suivre avec impatience, avec une mention spéciale pour Katrina, la cuisinière moldave de Carlo, une vraie mama qui prend soin de son protégé. 

La sirène qui fume de Benjamin Dierstein

Editeur : Nouveau Monde (Grand format) ; Points (Format Poche)

Benjamin Dierstein a décidé de consacrer une trilogie aux années 2010, celles qui ont vu la défaite de Nicolas Sarkozy, dont deux tomes sont déjà parus. J’avais adoré le deuxième (La défaite des idoles) … eh oui, je les ai lus dans le désordre … et j’ai donc décidé de revenir en arrière avec La sirène qui fume.

Dimanche 13 mars 2011. Une Renault Espace est garée devant le Bunny Bar. La conductrice fait un signe à une jeune femme qui en sort. Elles se rejoignent et prennent la direction de la place de Clichy. Une BMW les suit. Elles se garent sur un parking de Saint Ouen. Le conducteur de la BMW empoigne un Ruger et se dirige vers la Renault. Arrivé à la porte, il tue les deux jeunes femmes de sang froid.

Samedi 19 mars 2011. Le lieutenant Christian Kertesz se traine à son bureau de la Brigade de Répression du Proxénétisme. Il se désintéresse des déclarations de viol du week-end, et rentre chez lui. Au milieu des vapeurs d’alcool médicamenteux, il entend son voisin frapper sa femme et débarquent chez eux, armé de son Sig Sauer. Le coup de téléphone d’un de ses amis corses lui demande de rendre un service : retrouver Clothilde, la fille du sénateur Edouard Le Maréchal. Cette affaire peut lui permettre de rembourser une partie de sa dette de plusieurs millions d’euros envers la mafia corse.

Lundi 28 mars 2011. Le capitaine Gabriel Prigent n’a pas encore terminé de déballer ses cartons avec sa femme Isabelle. Il arrive de Rennes et sent bien que sa fille de 15 ans, Elise, le déteste. Accueilli par la commissaire Nadia Chatel de la Brigade Criminelle, il fera équipe avec la brigadier Nesrine Bensaada pour l’exécution dans un parking de Saint-Ouen. Mais ses collègues le regardent de travers ; ils n’oublient pas qu’il a dénoncé ses collègues à al police des polices.

Même s’il s’est passé un an et demi entre ma lecture de La défaite des idoles et celui-ci, je n’ai rien oublié de l’histoire ni du style de l’auteur. Je savais donc ce à quoi je devais m’attendre, et je n’ai pas été déçu. Ces deux personnages de flic qui entament leur descente aux enfers sont juste inoubliables dans leurs excès, leurs obsessions, leurs cicatrices ouvertes et leur passé qui les hantent ; deux hommes solitaires courant après une solution non pas en guise de rédemption mais en guise de course vers un idéal inatteignable.

Outre le contexte très fortement policier et formidablement bien décrit, on y découvre l’ampleur de la guerre des services de police, chacun gardant ses informations pour soi. On y découvre aussi des femmes et des hommes prêts à tout, obligés d’affronter le pire. Le fait que Prigent et Kertesz enquêtent séparément dans deux enquêtes qui vont se rejoindre se révélera plus anecdotique, tant l’aura de ces deux-là emplit tout l’espace.

On se retrouve aussi en plein contexte politique bouillonnant : la course aux élections présidentielles bat son plein, la gauche semblant pouvoir l’emporter grâce à son « champion » DSK, avant que la célèbre affaire n’éclate à New-York. L’auteur en dit d’ailleurs dans une interview que ces trois années ont été les plus importantes pour la France et que c’est pour cela qu’il veut y consacrer une trilogie.

L’ambiance, les décors, les personnages nagent donc dans un univers glauque, à base de prostitution infantile et déroule une enquête où tout le monde est impliqué et doit arranger la vérité pour sauver sa peau (ou son poste). Et cela donne un premier roman impressionnant, qui amoncelle les scènes comme on entasse les morceaux de cadavres, c’est violent, dur, aidé par une plume acerbe, rapide, hachée qui donne un rythme infernal à la lecture. On n’a pas envie de lâcher ce roman, et le plaisir qu’il procure nous rendra indulgent quant à certaines scènes de la fin du livre, quelque peu excessives. Vivement le troisième !

Pimp de Iceberg Slim

Editeur : Editions de l’Olivier (Grand format) ; Points (Format poche)

Traducteur : Jean-François Ménard

En cette année 2020, nous allons fêter les 50 années d’existence de la collection Points, et les 40 ans de Points Policier. De temps en temps, il y a des romans que je me mets de coté, par leur réputation ou par les avis publiés au moment de leur sortie. Ce roman est considéré comme culte par de nombreux jeunes gens. Voici la biographie romancée d’un maquereau.

L’auteur :

Iceberg Slim, alias Robert Beck, et de son vrai nom Robert Lee Maupin, né le 4 août 1918 à Chicago et mort le 28 avril 1992, est un écrivain américain, auteur de roman noir.

Dans la seconde moitié du XXème siècle, il est l’un des écrivains afro-américains les plus influents grâce à la publication de Pimp, son autobiographie parue en 1969, où il expose sa vie de proxénète (pimp signifiant littéralement « mac »). Ses descriptions crues et réalistes du milieu sordide et très violent où il évoluait (il battait « ses » prostituées avec un cintre en fer qu’il avait torsadé) exercent alors une grande influence sur la culture afro-américaine et sur le hip-hop en particulier (par exemple, sur des rappeurs comme Ice-T ou Ice Cube, qui lui doivent leur pseudonyme). L’écrivaine américaine Sapphire, qui a préfacé l’édition française de Pimp, écrit : « Quelle que soit la désapprobation que nous inspirent sa violente misogynie ou son analyse défaitiste des possibilités de progrès social pour les Noirs, nous sommes obligés de reconnaître qu’il y a une vérité à découvrir dans l’histoire de cet homme. »

Iceberg Slim passe la majeure partie de son enfance à Milwaukee et Rockford (Illinois) avant de retourner à Chicago à l’adolescence. Abandonnée par son mari, sa mère travaillait comme domestique et a tenu un salon de beauté. « Elle s’efforçait de maintenir en moi un peu de l’amour et du respect qu’elle m’avait inspiré à Rockford. Mais j’en avais trop vu, j’avais trop souffert. La jungle avait commencé à insuffler en moi son amertume et sa férocité. » Il évoquera le psychiatre d’une prison qui avait peut-être raison quand il lui avait dit qu’il était devenu maquereau à cause de la haine inconsciente qu’il vouait à sa mère à la suite des mauvais traitements de son père. Il relate également des abus sexuels commis par sa nourrice alors qu’il avait trois ans (c’est d’ailleurs par le récit de ces attouchements qu’il commence son autobiographie).

Au milieu des années 1930, il s’essaie brièvement à des études universitaires au Tuskegee Institute, un des premiers établissements d’enseignement supérieur destinés aux Noirs. À dix-huit ans, il adopte son pseudonyme d’Iceberg Slim et reste souteneur dans la région de Chicago jusqu’à l’âge de quarante-deux ans. Il est incarcéré plusieurs fois et, après avoir passé dix mois seul dans une « cellule de confinement », à la maison de correction de Cook County, il décide de se ranger et de se consacrer à l’écriture à partir de 1960.

Il déménage ensuite en Californie afin de mener une vie « normale ». Il y adopte le nom de Robert Beck, utilisant le patronyme du mari de sa mère.

Dans Mama Black Widow, il décrit la vie d’un travesti noir.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Robert Beck, alias Young Blood, est un jeune vaurien de Milwaukee.

Il y a longtemps que son père est allé traîner ailleurs ses guêtres blanches et son chapeau melon. Sa mère, elle, tient un salon de beauté fréquenté par les filles de joie du quartier. Entre deux séjours en maison de correction, Young Blood s’initie à la vie. Il découvre le monde des gigolos, des macs et des putains, les cabarets où l’on écoute du jazz jusqu’au petit matin, la drogue, les hôtels louches.

Diplômé de la rue, il devient Iceberg Slim, le prince des maquereaux, et règne sur un harem qu’il tient d’une main de fer. Il a une Cadillac blanche, des costumes sur mesure, de la cocaïne plein les poches, sa bouteille réservée dans les meilleurs clubs de Chicago. Mais il y a ce je-ne-sais-quoi qui le sépare des autres…

Mon avis :

Avant de me lancer dans cette lecture, je savais ce qui m’attendait mais j’étais loin d’imaginer la force d’évocation de cette écriture. Je croyais que le style rythmerait les phrases dans un slam proche du rap ; en fait, ce roman est porté par une écriture très littéraire faisant place aux dialogues mais aussi à des scènes très explicites. Ce n’en fut que plus surprenant.

En tant que biographie, j’ai trouvé le roman mal équilibré, puisqu’il parle beaucoup de l’enfance de ce maquereau, beaucoup de son ascension et des rencontres qui vont lui apprendre les règles du métier (hum, hum) et que sa chute va s‘orchestrer dans les dernières centaines de pages. Par contre, l’aspect psychologique est fort bien fait, l’auteur prenant le recul nécessaire pour décrire son monde d’ignobles pourris.

Dans le fond, j’ai trouvé ce lire choquant, (et pourtant, il m’en faut beaucoup) par le racisme qu’il montre (anti-blanc, anti-noir), la façon dont il montre les femmes, la façon dont il les traite. Iceberg Slim se décrit comme un commercial qui, en vitrine vend ses putes, et dans l’arrière boutique les maltraite à coups de pied et les drogue. Et pour les flics, rien de plus facile que de leur verser quelques dollars …

Ce ne sont pas tant les scènes que l’implication qui en ressort, cette façon de traiter les êtres humains comme des serpillères, uniquement par attrait du fric. Le roman évite la caricature (sauf une scène) et conserve sa puissance tout au long de ces 410 pages. Mais on reste accroché à cette histoire pour connaitre la fin, après les trahisons et les séjours en prison. D’ailleurs, l’auteur ne montre jamais aucun remords, il se voit comme un patron qui fait travailler ses ouvrières. Bref … On ne peut retirer à ce livre sa force indéniable même s’il faut avoir le cœur bien accroché.