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Rouge de Claude Robert

Editeur : Favre éditions

Je vous propose mon avis sur un premier roman qui se veut un roman policier mais qui est à la frontière de la littérature blanche et de la littérature noire. Auteure à suivre. Une fois n’est pas coutume, je copie colle la quatrième de couverture qui est bien faite.

Quatrième de couverture :

Alors qu’il est parti se ressourcer en randonnée, Joseph Pitier dit Ji, un policier en congé, découvre le corps d’une jeune femme en lisière de forêt. Elle est étendue, comme endormie, pieds nus et vêtue d’une robe rouge. Il distingue des stigmates sur son dos, qu’il prend d’abord pour des morsures d’animaux. Il comprend rapidement qu’il s’agit très probablement d’un meurtre.

Les marques sur le corps dévoilent bientôt une partie de leur mystère: ce sont les caractères d’un haïku. Mais le poème a-t-il été gravé dans la peau post mortem ou du vivant de la victime? Qu’est-ce que cette mise en scène révèle de l’assassin? Et d’abord, qui est cette jeune femme qui a perdu la vie dans des circonstances si étranges et dont la disparition, quelques jours plus tard, ne semble encore avoir alerté personne?

Ji est peu à peu hanté par cette affaire, marqué par la vision du corps, de ce tissu écarlate qui a capté son regard et mis un terme à sa tranquillité d’esprit. L’enquête va l’emmener, lui et ses collègues, des bas-fonds d’une grande ville aux bancs de l’université, sur les traces des amateurs de culture japonaise jusque dans un cabinet de psychanalyse, là où souvent s’exposent les secrets les plus intimes de l’âme humaine.

Mon avis :

On peut s’attendre dans un roman policier à une intrigue rigoureuse et logique. Dans un thriller, on attendrait de l’action, du suspense et du stress avec de l’hémoglobine pour ajouter de la couleur au roman. Ce premier roman sort de tout cadre par le parti-pris de l’auteure à concentrer son intrigue sur ses personnages.

Je parle au pluriel car si la quatrième de couverture n’évoque que Ji, l’inspecteur en charge de l’enquête se nomme Costa et va demander à Ji de le seconder. Les aspects réalistes d’une telle mutation / mission se retrouvent mis de côté ici, ce qui constitue mon seul bémol dans ce premier roman intéressant.

Que l’on soit clair : ce roman va donc détailler les pensées et ressentis des deux protagonistes, ne présentant pendant ses 170 pages quasiment que des entretiens. Mais c’est surtout le ton qui a retenu mon intérêt. Claude Robert se refuse à verser dans le glauque ou le gore ; elle propose un style tout en douceur, très explicite et introspectif. Les amateurs de thrillers et d’action passeront leur chemin, les autres apprécieront ce roman policier particulier.

Les apparences de Gillian Flynn

Editeur : Sonatine (Grand Format) / Livre de Poche (Format Poche)

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Il m’aura fallu dix ans avant d’ouvrir ce roman que je conservais pour une bonne occasion. Je n’ai pas voulu regarder le film Gone Girl de David Fincher ce qui m’a permis de conserver la surprise de l’intrigue.

L’auteure :

Gillian Flynn, née le 24 février 1971 à Kansas City, est une scénariste et romancière américaine, spécialisée dans le roman policier.

Quand elle était jeune, Gillian Flynn aimait regarder des films comme Alien, Bonnie et Clyde et Psychose, avec son père qui était professeur de cinéma.

Elle fait des études supérieures à l’université du Kansas, qu’elle poursuit à l’université Northwestern, où elle obtient une maîtrise en journalisme. Elle désire devenir reporter d’affaires criminelles, mais comprenant qu’elle n’a guère les qualités pour cet emploi, elle travaille plutôt comme critique littéraire au magazine américain Entertainment Weekly durant une dizaine d’années. Au cours de cette période, elle épouse Brett Nolan, dont elle a un fils.

Sa carrière littéraire s’amorce en 2006 avec la publication d’un premier thriller intitulé Sur ma peau (Sharp Objects). Son troisième roman, Les Apparences (Gone Girl), une immersion dans l’intimité d’un couple de New-Yorkais partis s’installer dans le Missouri, lui vaut une reconnaissance internationale. Toutefois, à la parution du roman, certains critiques accusent Gillian Flynn d’être misogyne en raison des descriptions peu flatteuses dont sont souvent affublés les personnages féminins de ses livres. L’auteur a répondu à ces commentaires en déclarant qu’elle estime que : « C’est avoir une très petite vision de ce qu’est vraiment le féminisme […] pour moi c’est aussi d’avoir possibilité d’avoir des femmes dans le rôle des méchants personnages ».

Quatrième de couverture :

Amy, une jolie jeune femme au foyer, et son mari, Nick, forment en apparence un couple modèle. Victimes de la crise financière, ils ont quitté Manhattan, leur vie aisée, leur travail dans la presse, pour s’installer dans la petite ville du Missouri où Nick a grandi. Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, celui-ci découvre dans leur maison un chaos indescriptible : meubles renversés, cadres aux murs brisés, et aucune trace de sa femme.

L’enquête qui s’ensuit prend vite une orientation inattendue : sous les yeux de la police, chaque petit secret entre époux et autres trahisons sans importance de la vie conjugale prennent une importance inimaginable et Nick devient bientôt un suspect idéal. Alors qu’il essaie désespérément de son côté de retrouver sa femme, celui-ci découvre qu’elle aussi lui dissimulait beaucoup de choses, certaines sans gravité, d’autres bien plus inquiétantes.

Il serait criminel d’en dévoiler davantage tant l’intrigue que nous offre Gillian Flynn recèle de surprises et de retournements. Après Sur ma peau et Les Lieux sombres, la plus littéraire des auteurs de polars, qui dissèque ici d’une main de maître la vie conjugale et ses vicissitudes, nous offre en effet une véritable symphonie paranoïaque, dans un style viscéral dont l’intensité suscite une angoisse quasi inédite dans le monde du thriller.

Mon avis :

Ce roman pourrait s’appeler « la vraie vie de Barbie et Ken » mais Gillian Flynn l’a voulu un peu plus complexe que cela. Nick est journaliste à succès à New-York, Amy compose des quizz à destination des femmes qui veulent savoir ce qu’elles sont. Ils se rencontrent et c’est le coup de foudre. Nick travaille beaucoup, Amy a la chance d’avoir des parents qui connaissent le succès avec une série de bande dessinée appelée « L’épatante Amy ».

Quand la crise financière les touche, ils perdent tous deux leur travail et se replient dans le Missouri natal de Nick. Avec l’argent d’Amy, Nick achète un bar qu’il tient avec sa sœur jumelle Margot. Le cinquième anniversaire de leur mariage approche. Amy a encore dû préparer un fantastique jeu de piste, Nick a encore oublié d’acheter un cadeau. Quand il rentre le soir, Nick s’aperçoit qu’Amy a disparu et l’état de la maison témoigne d’une scène violente.

Gillian Flynn choisit de dédier un chapitre à chacun des protagonistes, Nick puis Amy au travers de son journal intime, rédigés tous deux à la première personne. La force et le talent de l’auteure et de son roman réside dans le fait qu’on croit tout de suite à ces deux personnages. On se pose d’emblée la question : Amy a-t-elle été enlevée ou Nick l’a-t-il tuée ? et petit à petit, le voile se lève sur leur vie de couple apparemment idyllique.  

On écoute Nick et Amy raconter leur vie, et on assiste au délitement de leur couple petit à petit. Gillian Flynn nous montre donc l’importance des apparences, l’obligation de faire bonne figure devant les autres, l’imposition par les autres de montrer que l’on est heureux. Et plus les pages tournent plus les petits défauts, les petites déceptions deviennent des obstacles à la vie en rose rêvée, celle d’une Barbie et d’un Ken par exemple.

Cette situation se retrouve exacerbée par l’enquête de la police qui se retrouve perdue devant le peu d’indices et le peu de pistes mais aussi le manque de preuves tangibles face à un Nick mutique, aux réactions étranges. Et quand les médias entrent dans la danse, on fait croire n’importe quoi aux téléspectateurs, certains prenant fait et cause pour Nick, d’autres pour Amy, tout cela pour augmenter leur audience. Parce que, honnêtement, ils n’en ont rien à faire de cette affaire ; la semaine d’après ils en auront une autre.

Vous allez me dire que 700 pages, c’est beaucoup pour une simple disparition. Détrompez-vous ! Quand on sort la tête du livre en se demandant où Gillian Flynn veut nous emmener, elle a l’art de nous sortir un événement qui bouleverse tout, qui renverse le prisme par lequel nous regardions l’histoire. A ce niveau-là c’est du grand art. Même la fin est grandiose. Je vais juste conclure en vous disant que je n’ai jamais été aussi pleinement heureux de m’être fait baladé, banané par un livre. Juste un conseil : lisez le livre avant de voir le film qui s’appelle Gone Girl ! A noter pour ceux qui cherchent une idée de cadeau de Noël et les autres, que les éditions Sonatine sortent une édition COLLECTOR de ce roman pour ses 10 années d’existence.

Le manoir des glaces de Camilla Sten

Editeur : Seuil – Cadre Noir

Traductrice : Anna Postel

Dans la famille Sten, je demande la fille. Ce roman est l’occasion de découvrir une nouvelle autrice, Camilla Sten, fille de sa mère Viveca Sten, mais aussi un retour pour moi vers la littérature suédoise.

Eleanor a été élevée par sa grand-mère Vivianne et s’arrange toujours pour aller manger avec elle le dimanche. Cette semaine-là, Vivianne a essayé de la joindre plus d’une dizaine de fois mais Eleanor ne lui a pas répondu à cause de ses occupations professionnelles. Quand elle se décide à aller la voir, la porte est ouverte. Elle découvre sa grand-mère allongée par terre égorgée avec une paire de ciseaux en argent.

Sous le choc, elle se sent bousculée par une personne qu’elle pense être l’assassin. Eleanor étant atteinte de prosopagnosie, maladie neurologique qui l’empêche de reconnaitre les visages, elle est incapable de décrire la personne à la police quand elle est interrogée.

Quelques mois plus tard, elle apprend que Vivianne lui a léguée le Domaine du Haut Soleil, une vaste demeure située au nord de Stockholm. Elle s’y rend avec son petit ami Sebastian, et y retrouve sa tante Veronika, et l’avocat Rickard Snäll chargé de faire l’inventaire. Seul Bengtsson, le régisseur chargé de l’entretien de la propriété est absent.

1965. Anushka vient d’arriver au domaine en tant que femme de chambre au service de la mère de Vivianne. D’origine polonaise, on lui fait vite comprendre qu’elle doit oublier sa langue maternelle, le polonais et qu’elle doit garder ses distances avec sa cousine qui n’est autre que Vivianne.

Des romans proposant une intrigue dans une demeure mystérieuse en prise à une tempête, ce n’est pas nouveau et cela s’apparente à une variation du huis-clos. Dès lors, quand il se passe des événements étranges, qu’on entend des bruits incongrus, et que l’on est en présence de quatre personnes (cinq si l’on compte Bengtsson), on comprend vite que le but recherché par Viveca Sten n’est pas de chercher un éventuel tueur.

On ne peut pas non plus dire que ce roman nous terrifie, contrairement à ce que nous annonce la quatrième de couverture. Camilla Sten joue sur différents genres sans en choisir un, roman d’ambiance, roman de mystères, roman psychologique et l’intérêt est plutôt à chercher du côté de l’intrigue avec le journal d’Anushka et sur la subjectivité de la narration qui nous montre le strict nécessaire pour mieux nous surprendre dans le final.

On peut juste regretter quelques facilités ou quelques incohérences, surtout avec les batteries de téléphone portable un coup vides, un coup encore chargées mais on apprécie grandement cette histoire familiale racontée de façon emberlificotée pour mieux attirer le lecteur dans ses filets. Camilla Sten n’est pas encore au niveau de sa mère, mais avec une faculté à construire des intrigues tordues comme cela, elle en prend le chemin.

Six Versions : La tuerie MacLeod de Matt Wesolowski

Editeur : Les Arènes – Equinox

Traducteur : Antoine Chainas

Après un premier tome bigrement novateur dans sa forme intitulé Les Orphelins du Mont Scarclaw, j’ai replongé dans ce deuxième tome avec le risque de ne pas bénéficier de l’effet de surprise du premier. Matt Wesolowski a inventé la forme d’un podcast en six épisodes enregistré par Scott King. Le principe est de revenir sur un « cold case » et de discuter avec des témoins ayant été impliqués.

Dans l’affaire qui nous concerne, Arla MacLeod, alors âgée de 21 ans, a massacré à coups de marteau son beau-père, sa jeune sœur et sa mère, un soir de novembre 2014. Le bruit a inquiété les voisins qui ont appelé les policiers. Quand ils arrivent, Arla leur ouvre la porte avec un marteau sanglant à la main et sa chemise de nuit pleine de sang. Lors de son interrogatoire, Arla reconnait les meurtres et lors de son procès, elle sera reconnue non responsable de son état et enfermée dans un asile psychiatrique.

Exceptionnellement, Scott King arrive à parler avec la principale intéressée, lors d’un entretien téléphonique surveillé par les assistants médicaux de la clinique de luxe du Lancashire. Scott King va, en prenant des pincettes, essayer de dénicher des pistes lui permettant de comprendre pourquoi elle a tué sa famille. Elle va aborder sa vie de famille, au collège, sa passion pour un chanteur gothique Skexxixx et sa peur d’enfants imaginaires aux yeux noirs, les Black Eyed Kids.

Les intervenants suivants seront Tessa Spurrey qui était dans sa classe au collège de Stanwel et qu’Arla effrayait par son attitude provocatrice. Puis ce sera le tour de Paulette English, qui faisait partie de la petite bande d’Arla. Paulette mettre Scott King sur des vacances qu’Arla a passé dans les Cornouailles quand elle était adolescente. Les témoins suivants feront partie des jeunes ayant rencontré Arla lors de ces vacances, puis Skexxixx lui-même puis une surprise pour finir.

Cette nouvelle mouture de Six Versions ne va pas chercher à déterminer ce qui s’est passé ou qui est la coupable puisqu’on le sait dès le début. Scott King va plutôt essayer de comprendre ce qui peut pousser une jeune adulte à massacrer sa famille. Et cela va être l’occasion de creuser beaucoup de thèmes, tout en nous donnant l’occasion, comme c’était le cas dans le premier tome, de nous forger nous-même notre opinion.

La forme et le talent de conteur de Matt Wesolowski font à nouveau merveille dans ce nouveau podcast, et nous donne l’impression de suivre cette émission en direct. Il insère pendant ses entretiens des remarques, des questionnements qui rajoutent à l’authenticité de son récit. Petit à petit il dévoile les dessous de l’affaire et arrive malgré tout, à nous surprendre avec ce final de haute volée.

Cette nouvelle affaire va être l’occasion de creuser nombre de thèmes, dont l’éducation des enfants, avec des parents qui montrent une préférence envers l’un de leurs enfants, leur absence et leur négation / oubli de leur responsabilité, mais aussi l’absence de réaction des éducateurs au collège. Il va enfin insister sur le côté néfaste des réseaux sociaux, de l’influence sur les plus jeunes, du harcèlement dont Scott King lui-même sera victime.

Ce thème-là prendra le pas sur un aspect fantastique qui apparaitra comme une fausse piste mais servira de petit caillou blanc pour bien dénoncer les dérives d’Internet, cette usine à fabriquer des moutons qui peut amener jusqu’à une cabale envers des innocents. Et on ne peut que louer l’intelligence dont fait preuve l’auteur qui permet de mettre en garde contre le danger d’une innovation hors contrôle chez les plus jeunes. 

Marque-Page Noir #2

Deuxième édition de cette rubrique consacrée à des polars édités en grand format mais en format court (moins de 200 pages). Place donc à deux romans qui concourent dans deux catégories différentes, Angle mort de Paula Hawkins (Sonatine) et La colère selon M de Guillaume Lafond (Intervalles).

Angle mort de Paula Hawkins

Editeur : Sonatine

Traductrice : Corinne Daniellot

Depuis leurs études, Jake, Ryan et Edie vivent une amitié fusionnelle. Jake est devenu scénariste de séries ; Ryan travaille dans la finance. Jake et Edie se sont mariés et sont venus habiter dans un château écossais perdu au bord d’une falaise. Le couple connait des turbulences et Edie trouve refuge chez Ryan. Quand le corps de Jake est découvert par Ryan, ce dernier est naturellement le principal suspect.

Paula Hawkins, mondialement connue pour La fille du train, nous revient avec un récit très court réduit au minimum. Si la présentation d’un trio connaissant une relation (platonique) fusionnelle est intéressante, j’ai trouvé que la psychologie des personnages était survolée et l’intrigue, dont le voile est levé à la moitié de ce semi-roman, bâclée. IL y avait probablement matière à faire plus long et donc plus passionnant.

La colère selon M de Guillaume Lafond

Editeur : Intervalles

Ayant vécu une enfance agitée à cause de son père violent, le narrateur ressemble au portrait type de l’enfant à échec scolaire, agressif envers ses camarades. A l’adolescence, il fugue et finit par trouver sa voie en s’engageant dans la Légion étrangère. Là-bas, il rencontre Mémé, un ougandais qui le prend sous son aile et l’initie à la culture. Malheureusement, lors d’une mission au Mali, le narrateur perd une jambe et un avant-bras et Mémé trouve la mort.

De retour au pays, il apprend la mort de ses parents et retourne habiter dans la ferme des parents. Son chagrin nourrit la rage qui couve en lui et veut reproduire l’image de son ami disparu. Il en ressort des tableaux qu’il entasse dans la grange. Le hasard place sur sa route un riche mécène qui va présenter ses tableaux et faire éclater le talent de celui qui se fait appeler « M », en hommage à son mentor.

Il est bien difficile de classer ce roman, entre biographie et brûlot contre le capitalisme libéral, raconté comme une biographie, presque une utopie. Depuis peu, on assiste à des romans qui, plus que renouveler le genre polar, joue sur plusieurs cartes en innovant soit sur le forme soit sur le fond. Mais cela serait inutile s’il n’y avait pas une qualité littéraire au rendez-vous qui permette de transporter le lecteur.

Guillaume Lafond m’a totalement bluffé, stylistiquement parlant, me faisant croire jusqu’au bout à la fois à son personnage et à son histoire. Malgré certains hasards de l’intrigue, j’ai été emporté par ce personnage et son combat, époustouflé par la faculté de l’auteur d’employer une langue simple et nous faire voir et ressentir tant d’émotions, ainsi que les différents thèmes abordés.

Il nous parle d’éducation, de culture, nous donne à voir des œuvres d’art comme rarement, et oriente son message vers la lutte contre le capitalisme sauvage qui appauvrit l’Art comme une allégorie de la nécessité d’un nouveau monde. Peu importe le penchant politique que l’on adopte, son histoire est incrustée dans notre présent où l’on cherche la direction, le futur, l’espoir nécessaire à tous. Malgré son court format, La colère selon M est un grand roman !

Pourquoi tu pleures ? d’Amélie Antoine

Editeur : Le Muscadier

Après L’insurrection impériale de Christophe Léon, Pourquoi tu pleures ? d’Amélie Antoine est le deuxième roman publié dans la nouvelle collection de romans noirs du Muscadier. C’est pour moi la découverte de cette auteure prolifique.

Depuis quatre mois que sa fille Zélie est née, Lilas Colombel n’a pas connu une seule nuit complète. Ce matin-là, elle s’aperçoit que la maison est silencieuse, et la place à côté d’elle est vide. Où est Maxime, son mari ? Le réveil affiche 2H17. Elle se rappelle que la veille, Maxime devait aller à la pendaison de la crémaillère d’un collègue, Nicolas, et avait proposé d’emmener Zélie pour qu’elle puisse se reposer. Elle se rappelle qu’il avait apporté des fleurs pour son anniversaire et depuis, rien …

Lilas envoie des SMS, appelle Maxime, laisse des messages en l’absence de réponses. Vers 8h00, elle doit se rendre à l’évidence, son mari a disparu avec sa fille. Elle doit se résoudre à appeler la police. Après moultes insistances, ils trouvent les coordonnées de Nicolas qui leur annonce que Maxime ne s’est pas rendu à leur fête.

La policière Myriam Solokoff rend visite à Lilas. Elle lui annonce que Maxime a disparu et lui demande de vérifier si des affaires ont disparu de la maison. Lilas vérifie et constate que des affaires ne sont plus dans les armoires. Lilas se retrouve sans soutien : quand elle appelle sa mère, celle-ci, comme à son habitude, rejette la faute sur Lilas, car elle ne sait pas s’occuper ni de son bébé ni de son mari. Un long calvaire commence.

Bien que l’on se retrouve devant une histoire maintes fois racontée, Amélie Antoine choisit Lilas en tant que narratrice pour détailler le drame qu’elle subit et pour mieux nous réserver des rebondissements inattendus. La narration se situe ainsi à deux niveaux : le déroulement de ses journées après la disparition de son mari et de sa fille, et des lettres qu’elle écrit à son père, pourtant disparu plusieurs années auparavant.

Petit à petit va se lever le voile sur la vie de Lilas, ses traumatismes dans sa vie familiale, avec une mère autoritaire, rabaissant sans cesse sa cadette de trois enfants, avec son frère et sa sœur qui ont pris leur distance, avec son père toujours bienveillant mais subissant la loi de la mère, figure toute puissante. Puis Lilas va raconter la rencontre avec Maxime, ces moments de tendresse et la libération quand il lui a proposé une vie commune.

Lilas s’est toujours considérée comme la dernière roue du carrosse, s’est discréditée vis-à-vis des autres. Elle a entendu les autres se demander ce que Maxime lui trouvait. Et pourtant, ils ont vécu un rêve jusqu’à l’arrivée de Zélie qui, dès sa naissance, pleurait sans cesse. La fatigue, la pression, l’impression d’être délaissée ont engendré une fatigue insurmontable.

Même si un énorme rebondissement intervient au tiers du roman, l’auteure va nous réserver de belles surprises par la suite, en conservant le seul point de vue de Lilas. En cela, ce roman est un bel exemple de narration subjective, qui permet de se laisser mener par une seule vision des événements. Et même si toutes les motivations ne sont pas explicitées (ce qui est un point fort pour moi), la psychologie des personnages et la façon dont est racontée cette histoire se révèlent passionnantes.

Une saison pour les ombres de Roger Jon Ellory

Editeur : Sonatine

Traducteur : Etienne Gomez

Moi qui ai lu presque tous les romans de Roger Jon Ellory, je peux ressentir derrière ce nouveau titre à la fois l’évolution de l’auteur et sa passion pour la psychologie humaine, la faculté de l’homme à prendre des décisions et les assumer … ou pas. Le Ellory nouveau est arrivé !

Montréal, 2011. Jack Devereaux parcourt la maison qui a été la proie de l’incendie avec son comparse Ludovick Caron. En tant qu’enquêteur pour la compagnie d’assurance, il s’aperçoit vite qu’un court-circuit dans un appareil ménager est à l’origine du sinistre. Jack est surpris de recevoir un coup de fil d’un numéro inconnu. Le shérif de Jasperville l’informe que son frère Calvis a été arrêté pour tentative de meurtre.

Calvis, son petit frère, vient se rappeler à ses souvenirs, de même que Jasperville, qu’il a voulu oublier ;Jasperville, que l’on surnomme Despairville, petite commune située à l’extrême nord-ouest du Canada et qui vit uniquement grâce à ses mines de métaux ferreux. Pour Jack, Jasperville représente son pire cauchemar, un endroit inhumain ne connaissant que rarement des températures positives, une ville de 5000 habitants enclavée par les monts Torngat, surnommés le lieu des esprits mauvais par les indiens ayant vécu là auparavant.

Canada Ironexploite les minerais issus des roches éruptives de Jasperville. A cause de la crise économique, en 1969, Henri Devereaux accepte un poste de contremaître et y emmène sa famille, Elisabeth sa femme et ses deux enfants Juliette et Jacques, ainsi que le grand-père William. William raconte les légendes indiennes et le Wendigo, un esprit malfaisant qui prend possession des hommes et leur fait faire des meurtres. Dès 1972, un corps de jeune fille est retrouvé dans les bois. Le policier en poste en déduit vite qu’elle a été attaquée par un animal, un ours ou un loup.

Le Ellory Nouveau est arrivé ! cela peut paraitre bizarre comme entrée en matière, comme si je le comparais au Beaujolais. Détrompez-vous, le but de cette phrase d’introduction est bien de mettre l’accent sur tout ce qui change chez cet auteur incontournable dans le paysage du polar contemporain.

Commençons par le contexte : Roger Jon Ellory reste sur le continent américain mais change de pays : direction le Canada et en particulier l’extrême nord du pays, avec son climat rigoureux, inhumain, où les températures descendent à -40°C et la population ne voit quasiment jamais le soleil. L’auteur utilise cet aspect pour les conséquences sur la psychologie des gens, enfermés chez eux, renfermés sur eux-mêmes.

Il apparait donc logique que de nombreuses légendes fassent leur apparition, et en particulier celles émanant des tribus indiennes. Avec la proximité des Monts Torngat qui pèsent sur le village comme une main maléfique se refermant sur la petite ville, Roger Jon Ellory utilise à merveille le contexte pour faire monter l’angoisse et introduire les meurtres de jeunes filles qui vont se succéder.

Utilisant des allers-retours entre le présent (le retour de Jack dans sa ville de jeunesse) et le passé (sa jeunesse, ses drames familiaux), Roger Jon Ellory place au centre de son intrigue Jack qui a amputé son prénom comme s’il voulait laisser derrière lui ces mauvais souvenirs. Prévu pour être sympathique, nous allons avoir affaire à une histoire introspective, une méticuleuse analyse de sa réaction d’homme.

Car le sujet, au-delà de la recherche du ou des tueurs, se situe bien au niveau de ce jeune homme qui a quitté sa ville 26 ans plus tôt à l’âge de 19 ans, laissant derrière lui sa famille, ses amis, son amour de jeunesse. Et une fois sa décision prise, la difficulté d’assumer son choix, surtout quand le passé se rappelle à lui d’une façon particulièrement cruelle et fait ressortir son lot de culpabilité.

De la même façon que le paysage est brutal, les événements violents, le contexte sans pitié, le style de Roger Jon Ellory évolue pour s’adapter à son histoire. Finies les digressions ou la volonté d’expliquer les réactions de ses personnages, place ici à un style plus direct, plus franc, sans pour autant délaisser les qualités de narration, ni les événements placés au bon moment de l’histoire. Indéniablement, cette Saison pour les ombres est remarquable et fait partie des meilleurs romans de l’auteur avec Seul le silence et Papillon de nuit.

Epaulard de Thierry Brun

Editeur : Jigal

Sauf erreur de ma part, j’ai dû lire tous les romans de Thierry Brun, admirant son évolution, son monde et ses thèmes cachés (j’avoue être passé au travers de certains). Il centre toujours ses intrigues autour de personnages forts psychologiquement et a l’art de prendre le lecteur par surprise. Bingo !

Béatrice s’appelle en réalité Epaulard pour son travail. En tant que garde du corps, ils portent toujours des surnoms étranges, mais celui-ci correspond bien à son état d’esprit. Son équipe a parfaitement repéré les pièges et les issues de sortie au Negresco et Eric, via l’oreillette la rassure en observant les alentours. Aujourd’hui, elle doit assurer la sécurité de Philippe Viale, spécialiste en solutions d’armement. Arrivés à destination, elle peut repartir comme si de rien n’était.

En dehors de son travail, Béatrice fait du sport, beaucoup de sport pour maintenir son corps en état et repense sans cesse à Anista, la chanteuse qu’elle a protégée et aimée. Quelques jours plus tard, Vialle la rappelle : il veut qu’elle escorte seule sa femme et ses deux filles. Sans préparation, c’est de la folie, mais pour 100 000 euros … malheureusement, le transfert se passe mal, un guet-apens où la femme et les deux filles meurent et Béatrice reçoit plusieurs balles dans le corps … presque morte.

Après plusieurs semaines de rééducation, elle a du mal à oublier. Elle doit couper les ponts et décide de se perdre dans un village, se faire oublier, s’oublier. Là-bas, elle rencontre un curé et retrouve son sens de la vie. Et petit à petit, elle va découvrir la vie du village, de ses habitants, et ses secrets aussi.

Si ce roman commence comme un polar, il va tranquillement se refermer sur lui-même avec un talent remarquable. On entre dans le vif de l’action, les phrases sont courtes, coupées, parfois juste quelques mots pour faire ressentir l’adrénaline qui court dans les veines, mais aussi le stress et l’attention nécessaire de tous les instants … jusqu’au drame aussi brutal que rapide.

Le passage à l’hôpital va nous montrer une Béatrice seule, irrémédiablement seule, noyée dans ses regrets et ses amours ratées. De son travail où elle était reliée aux autres par une oreillette, elle est rattachée à des tubes. Cette période va la conforter dans une vie d’ascète, loin des autres, par culpabilité probablement, par besoin d’oublier son échec, ses écueils. Car elle vient d’échouer dans le seul domaine où elle était excellente.

N’ayant plus rien, le curé Pôl va la révéler à elle-même. Il va l’apprivoiser comme on le fait d’un animal sauvage. Et elle va se rendre compte que pour s’ouvrir au monde, il faut qu’elle s’ouvre elle-même, qu’elle s’accepte. De polar, on passe donc à un roman introspectif, réflexion intense sur le sens de la vie et la relation aux autres. Tous les auteurs de thriller auraient créé un personnage cherchant les coupables et semant sur son sillage des dizaines de truands.

Thierry Brun nous prend à nouveau par surprise en se concentrant sur son personnage, et interroge les liens que nous avons avec les autres et les réactions que nous avons. Il nous démontre enfin que pour avoir des relations sociales, le mieux est encore de faire le premier pas, dans ce très joli et très surprenant roman.

La vengeance des perroquets de Pia Petersen

Editeur : Les Arènes – Equinox

Derrière ce titre étrange se cache le roman le plus intelligent que j’aurais lu en 2022, un roman que je n’hésite pas à placer dans mon TOP10 tant il pose des questions dérangeantes pour un scientifique de formation, humaniste comme moi.

Il est enfermé dans cette geôle, sans fenêtre, sans repère temporel, sans nom, dans le noir. Il a perdu le sens de la réalité, mais il a conservé la conscience de ce qu’il est. Malgré les moqueries du gardien, il garde une once d’espoir, celle de sortir au grand air, au grand jour ; à défaut celle de voir son avocat comme il devrait en avoir le droit. Se battre, faire des efforts, des mouvements pour sentir son corps, voire d’enfoncer ses ongles dans sa paume pour ressentir une douleur, une preuve d’être encore vivant. Seul, mais vivant.

Emma se définit elle-même comme nordique et européenne et n’a jamais choisi de nationalité, se déclarant citoyenne du monde, « éternelle touriste ». Artiste reconnue pour ses portraits des plus éminents hommes d’affaire, elle vient d’accepter de peindre celui de Henry Palantir, le célébrissime propriétaire de Vision Technologies, l’entreprise chargée de la sécurité par et grâce à la maitrise du numérique, client incontournable des multinationales et des grands pays industrialisés.

Emma souffre de claustrophobie et ne peut se contenter de rester dans le bureau jouxtant celui de Palantir. La force de son art réside dans sa faculté à exprimer la psychologie d’un homme derrière les traits peints sur sa toile. Mais face à un mur sans émotion, elle demande du temps pour comprendre le magnat, le sonder en profondeur via ses actes et ses quelques paroles. Lors d’une de ses sorties, elle rencontre Achille, un homme noir plus âgé qu’elle pour qui elle va éprouver un coup de foudre.

Loin de n’être qu’un roman d’amour, Pia Petersen choisit de placer Emma en tant que narratrice, personnage libre d’agir et de penser. Le génie de cette idée va soutenir tout le roman et opposer l’art à la logique. Relativement peu concernée par les technologies numériques, elle va petit à petit lever le voile sur leurs possibilités, leurs capacités et nous proposer, à nous lecteurs, le choix qui se présente devant nous : devenir esclave des machines ou garder notre liberté de penser, de rêver, de créer.

Surtout n’ayez pas peur, le roman ne possède aucune notion scientifique absconse ou de théorie incompréhensible. Il reste sur le terrain des réflexions d’Emma et de ses questionnements vis-à-vis de la liberté qui lui est chère. Et elle nous explique que, l’homme étant faillible, il est nécessaire de le remplacer par des machines pour certaines tâches, ce qui est le cas pour les usines par exemple. Si on pousse le raisonnement un peu plus loin, on arrive à justifier l’épanouissement du numérique par une volonté de minimiser les risques, gommer les imprévus.

Si cela peut sembler bien théorique, Pia Petersen situe l’opinion sur le terrain des usagers communs, c’est-à-dire nous et en déduit quelques vérités. Rien de tel qu’occuper l’esprit des gens par du divertissement, pour leur éviter de réfléchir, de se rendre compte de leur nouvelle servilité, sous couvert de nouveaux services. Par voie de conséquence, on vend la rapidité, la faculté d’éviter de perdre du temps. La notion d’immédiateté, d’urgence implique de gommer le passé, de ne pas penser au futur … seul compte le présent.

On commence à discerner l’étendue de l’influence d’une telle politique, quand elle touche tous les domaines. Il suffit de regarder les programmes scolaires d’histoire où l’on survole les événements importants, leurs causes et leurs conséquences, ou même la philosophie réduite à sa portion incongrue, sans parler des mathématiques qui deviennent une option en terminale. Notre société ne veut pas que les gens réfléchissent.

Derrière son intrigue, Pia Petersen nous invite donc à une réflexion sur notre société, un peu comme l’ont fait auparavant les grands visionnaires. Sauf que la situation est bien contemporaine et que l’auteure appuie son argumentaire en faisant apparaitre la COVID au milieu du roman, comme pour mieux illustrer son propos tout en faisant monter la tension dans le duel entre Emma et Palantir.

J’aime bien cette expression, ce roman est une sorte de duel, un combat entre l’homme et la machine, entre le matériel et le spirituel. On pourrait le taxer de paranoïaque mais les exemples foisonnent avec toutes les applications sur smartphones. Je vois plutôt ce roman comme un perturbateur, un poseur de questions qui appuie là où ça fait mal. J’ai adoré aussi les titres farfelus des chapitres qui ressemblent à des phrases que la machine ne peut comprendre, ne peut créer, ne peut envisager même. J’espère que je vous aurais donné envie de lire ce roman, car le combat se déroule maintenant. Et l’Humanité a du souci à se faire !

L’eau rouge de Jurica Pavicic

Editeur : Agullo

Traducteur : Olivier Lannuzel

Bénéficiant d’avis unanimes chez les blogueurs ainsi que d’un bouche-à-oreille plus que positif, j’avais acheté ce roman et l’avais mis de côté pour ce mois de décembre. Si je devais trouver un qualificatif à cette lecture, il tiendrait en un mot : Magnifique !

Le roman nous présente une famille habitant Misto, à coté de Split. Dans ce petit village de pêcheurs, la vie y est paisible et imperméable aux remous de la fin des années 80. Jakob Vela, le père de famille occupe un poste de comptable et Vesna, sa femme travaille au collège en tant que professeur de géographie. Ils ont eu la chance d’avoir deux jumeaux hétérozygotes, Silva et Mate, adolescents de 17 ans.

En ce 23 septembre 1989, après le repas du soir, Silva monte dans sa chambre et en redescend habillée pour sortir. Elle leur annonce qu’elle va à la fête des pêcheurs. Ses derniers mots sont : « J’y vais… Allez salut. ». Le lendemain matin, la chambre ne montre aucun signe attestant qu’elle est rentrée. Toute la famille va donc signaler la disparition et rencontre Gorki, l’inspecteur qui sera en charge de l’enquête.

Après avoir interrogé les jeunes gens qui ont rencontré Silva à la fête, les policiers vont fouiller la maison et découvrent un paquet de drogue caché dans la gouttière. Toute la famille va se mettre à chercher Silva en arpentant la Yougoslavie, devant la lenteur de l’enquête. Bientôt, la mort de Tito, la chute du communisme et le conflit serbo-croate vont reléguer Silva aux oubliettes, mais pas pour Jakob, Mate et Vesna.

Autant le dire de suite, ce roman est une pure merveille, à tel point qu’il en devient vertigineux par moments. Si l’intrigue peut faire penser à celle d’un polar, l’auteur choisit de montrer l’impact de cette disparition, dans une spirale qui part de la famille pour s’étendre à l’échelle du pays. Cette histoire dramatique va s’étaler sur trente années pendant lesquelles la vie de chacun et de tous va connaitre des changements irrémédiables.

L’auteur va donc décrire la famille, et sa volonté de ne jamais baisser les bras. Jakob et Mate vont donc arpenter les routes de l’Europe à la recherche de la moindre trace, collant des affiches, interrogeant la moindre personne, utilisant Internet pour créer un site dédié à Silva. Puis, Jurica Pavicic va étendre son observation aux habitants du village, Gorki bien-sûr, marqué par cette affaire qui va résonner comme un terrible échec, mais aussi les jeunes qui vont la fréquenter lors de cette dernière soirée.

Après deux ans d’enquête, la Yougoslavie va entrer dans une terrible et meurtrière guerre qui va reléguer leur recherche au second plan. Pour autant, l’auteur va continuer à nous montrer l’itinéraire de chacun, tout en élargissant son scope au pays, plongé dans une guerre fratricide, qui va inaugurer des changements irrémédiables et mener la Croatie à se laisser séduire par les chants de la modernité : le tourisme, l’argent facile, les créations de lotissements en bord de mer, la perte de leur identité.

Jusqu’aux dernières pages, nous ne saurons pas comment va finir cette histoire. Mais tout au long de ces 360 pages, nous aurons vécu trente années de transformation d’un pays, en se positionnant au niveau des gens. Avec une forme de roman psychologique, l’auteur a su créer une spirale époustouflante qui va mêler et mélanger les petites histoires avec la Grande Histoire, sans jamais juger, mais en nous montrant clairement que l’on ne peut lutter contre un bulldozer, juste observer les conséquences. Magnifique !