Le chouchou du mois de mars 2015

Ce mois de mars a été un sale mois pour le polar. Je voulais rendre un petit hommage à deux auteurs disparus, dont je reparlerai dans ma rubrique Oldies, que je devrais rebaptiser Hommage pour l’occasion. Abdel Hafed Benotman et Francisco González Ledesma nous ont quittés, avant de voir le printemps.

En ce qui concerne les chroniques, comme tous les ans, j’aurais mis beaucoup d’avis en ligne, car j’avais envie de défendre des romans qui en valent le coup. Commençons par par la rubrique Oldies, avec un formidable roman noir entre exercice de style et critique féroce de la justice. Il s’agit de A coups redoublés de Kenneth Cook (Livre de poche).

En ce mois de mars, j’aurais continué la lecture de séries telles que celle consacrée à Luc Mandoline, thanatopracteur de son état, édité par L’atelier Mosesu. Les épisodes 3 et 4 se nomment Concerto en lingots d’os de Claude Vasseur et Deadline à Ouessant de Stéphane Pajot. Si ce ne sont pas, à mon gout, les meilleurs de la série, ils ont le mérite de continuer la série et d’offrir des romans divertissants. J’aurais aussi chroniqué la fin de la série de Mémé Cornemuse qui clôt le cycle en forme de fanfare, avec de la bonne humeur au programme et de l’émotion aussi. Tout cela est à découvrir dans Maboul Kitchen de Nadine Monfils (Belfond).

Vous connaissez mon intérêt, voire ma passion pour les premiers romans. Ce mois-ci, deux nouveaux auteurs sont à ajouter à ma liste personnelle. Les Belges reconnaissants de Martine Nougué (Editions du Caïman) est un roman policier dans la plus pure tradition, qui se démarque par son acuité dans l’observation de la vie d’un village. Même pas morte ! de Anouk Langaney (Albiana) quant à lui est un fantastique roman noir humoristique sur une mémé flingueuse à qui on annonce qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ces deux auteures sont à suivre de près, foi de Black Novel.

Au niveau des découvertes, deux romans m’auront emballé. Le premier, Qui veut la peau d’Andreï Mladin ? de George Arion (Genèse éditions), est un pur polar, le genre de roman pour lequel on lit ce genre de littérature, drôle du début à la fin, mais pas seulement : écrit sous Ceaucescu, c’est, avec du recul, un brulot passé entre les mailles de la censure que nous avons la chance de découvrir. L’autre roman, c’est une sacrée surprise : il s’agit de L’homme de la montagne de Joyce Maynard (Philippe Rey). Et là, il s’agit d’un roman écrit comme une autobiographie qui raconte l’adolescence de la fille d’un flic. C’est bouleversant tellement c’est beau, tellement c’est triste.

Enfin, il y a les auteurs que j’aime et que je suis à chacune de leurs publications : il y eut Les neuf cercles de RJ.Ellory (Sonatine)  où j’ai enfin retrouvé ce style hypnotique que j’aime tant, qui pourrait m’emmener n’importe où. Il y eut Première station avant l’abattoir de Romain Slocombe (Points) où Romain Slocombe nous montre à nouveau son savoir faire dans la construction d’intrigues solides avec un contexte historique fort. Enfin il y eut L’archange du chaos de Dominique Sylvain (Viviane Hamy), où Dominique Sylvain nous introduit un nouveau couple d’enquêteurs dans une traque de serial killer, à la fin de laquelle on ne souhaite qu’une chose : lire la suite.

Le titre du chouchou du mois, même s’il fut bien difficile à choisir, revient donc à Le chemin s’arrêtera là de Pascal Dessaint (Rivages) pour ce portrait désenchanté et foncièrement pessimiste. Mais il y a une beauté dans ce désespoir, celui du style de l’auteur et de la bassesse de ses personnages.

Après ce mois plein de lectures réjouissantes, je vous donne rendez vous le mois prochain. D’ici là, n’oubliez pas le principal, lisez !

L’archange du chaos de Dominique Sylvain (Viviane Hamy)

Dominique Sylvain nous régale depuis vingt ans avec des romans policiers que l’on peut classer en trois cycles, centrés autour de ses personnages. Les plus connus sont indéniablement Ingrid Diesel et Lola Jost, car ces personnages très typés sont deux femmes fortes qui se débattent avec des affaires complexes et déstabilisantes. Il y a aussi le cycle Louise Morvan, un autre personnage féminin, qui cultive ses contradictions dans sa vie personnelles. Deux autres romans, enfin, (Vox et Cobra) mettront en scène le commissaire Bruce. Bref, vous l’aurez compris, Dominique Sylvain a l’art de construire des intrigues policières autour de personnages forts. Pour L’archange du chaos, nous avons affaire avec deux nouveaux personnages, Bastien Carat et Franka Kehlmann.

Vendredi 15 mars. Victoire est urgentiste. Après une journée difficile, elle récupère sa voiture dans un parking désert. Elle se fait enlever, et se réveille dans une cave. Un homme s’approche. Elle cherche de le maitriser par des paroles rassurantes, avant de commencer à paniquer. L’homme n’aime pas les paroles, il lui coupe la langue.

Mardi 26 mars. Un coup de fil anonyme au commissariat du 15ème arrondissement signale la présence d’un corps rue du Laos. C’est un immeuble en construction, le chantier est à l’arrêt, le corps est dans une cave, bien aligné avec les murs. La police judiciaire est sur le coup. C’est Christine Santini qui est à la tête du département. Elle prévient Bastien Carat qui aura la charge de l’enquête.

Le groupe de Carat comprend Bergerin, Kehlmann et Garut. Bergerin est en attente de son premier bébé. Kehlmann est une jeune recrue, qui vit avec son frère Joey. Hervé Garut quant à lui est un vieux de la vieille. Le groupe Carat va apprendre que le corps a été torturé, brulé, avant d’être soigné avec de la Biafine. Cette affaire promet d’avoir affaire avec un cinglé, c’est pour cela qu’ils craignent que le coupable ne soit un serial killer.

Ceux qui connaissent l’univers de Dominique Sylvain vont adorer ce nouveau roman et ces nouveaux personnages, les autres vont la découvrir. Car si ses précédents romans parlaient d’événements politiques (Guerre sale et Ombres et soleil), celui-ci nous parle de Serial Killer. Pour autant, je ne qualifierai pas ce roman de thriller, mais plutôt de roman policier, avec des aspects psychologiques qui concernent les deux personnages principaux, ou bien de premier roman d’un nouveau cycle.

Oui, c’est un nouveau cycle, qui raconte les enquêtes d’une nouvelle équipe de la Police Judiciaire, ou du moins je l’espère. Dominique Sylvain place certes l’enquête au premier plan, mais ce qui la passionne, ce qui nous passionne, ce sont les relations entre toutes les personnes de l’équipe. Ce sont les relations Carat – Kehlmann qui cherche chacun à savoir de quoi est fait l’autre, qui mènent une sorte d’enquête sur l’autre ; ce sont les relations Carat – Santini qui sont plutôt orageuses ; ce sont les relations Carat avec son équipe qui sont au beau fixe, mais Bergerin et et Garut sont remarquablement professionnels et autonomes ; ce sont les relations de Franka avec son frère, comme une mère avec son enfant ; ce sont les relations de Franka avec son père très tendues. Ce sont aussi les zones d’ombre que chacun porte sur ses épaules, comme Carat qui a fait virer son meilleur ami, qui buvait en service. Bref, c’est un roman de personnages, qu’ils soient au premier rang ou bien au second plan.

Pour autant, et c’est là qu’on reconnait la « patte » de Dominique Sylvain, on ne s’attarde par, on ne s’appesantit pas sur ces aspects psychologiques. La priorité est donnée à l’action et surtout à l’efficacité. C’est ce que j’adore chez cette auteure, le fait que ce soit le lecteur qui en tire les conclusions, qui tire ses propres enseignements d’après les réactions des personnages. C’est aussi ce qui peut en surprendre plus d’un, cette difficulté de se raccrocher à un personnage, une sorte de repère dans la lecture. Car Dominique Sylvain passe d’un personnage à l’autre rapidement, facilement, et cela ne m’a pas posé de problèmes.

Et l’intrigue, me direz-vous ? Elle est présentée du point de vue de la police, et c’est au lecteur d’avancer au rythme des indices qui tombent. De ce fait, le début avance vite, les pistes sont nombreuses et cela peut paraitre opaque. Malgré cela, j’ai suivi cette histoire avec énormément de plaisir. J’ai juste regretté que la fin (les 50 dermières pages) soit si abruptes, ce qui donne l’impression que l’auteure a vite voulu arriver au dernier chapitre. Car ce dernier chapitre, ou du moins, cette dernière scène à Rungis, est fantastique, et la conclusion d’une noirceur que j’adore. Après un premier tome si réussi, on ne peut qu’en demander plus. Alors, à quand le prochain ?

L’information du mardi : Le cycle de Cybione de Ayerdhal (Au Diable Vauvert)

Oyé, oyé, braves gens ! Les éditions Au Diable Vauvert rééditent le cycle de Cybione de Ayerdhal, cette série de 4 romans de science fiction datant des années 2000. 4 romans pour le prix d’un, je me demande comment vous pouvez résister ! Les quatre romans en question sont :

Cybione :

Lui, c’est Deen Chad. Flicaillon d’une sous-filiale de la plus grosse firme policière sur le marché de la justice, récemment promu inspecteur solo chez Invest.

Elle, c’est Elyla. Pour ainsi dire éternelle, puisqu’elle renaît de chacune de ses morts, la mémoire amputée de sa dernière vie. Entre eux, il y a Cheur, une planète ultralibérale dont chacune des institutions est privée. Mais il y a surtout Ender, l’assureur qui garantit les constitutions de mille mondes et qui veille sur ses contrats grâce aux services d’un million d’agents très spéciaux.

Polytan :

Elle s’appelle Elyia. C’est une cybione.

Son métier : agent très spécial, au service de la toute-puissante agence Ender. Aujourd’hui, on vient de l’expédier sur la planète Cinq-Tanat pour briser un mouvement révolutionnaire. Un job qui ne lui fait pas peur ; elle y laissera peut-être sa peau, mais ce ne sera pas la première fois.

Car les missions fatales, elle connaît. Elle a même déjà donné. Non, le vrai problème, c’est que son patron semble lui cacher quelque chose… et que, une fois encore, ses propres convictions la portent à épouser la cause des insurgés.

Keelsom, Jahnaïc :

En Jahnaïc, on chante le reggae, on boit du rhum, on joue au futchibol et on fume la ganja. Parfois aussi, on assassine un ministre ou on fait sauter un commissariat… Tout ça est cependant un peu réducteur. C’est en tout cas ce que pressent Elya Nahm, sans comprendre vraiment quelles raisons poussent l’agence Ender à s’intéresser à cette jeune et fragile république sans histoires. Encore qu’il paraisse normal que l’assureur des constitutions de mille mondes envisage de garantir la démocratie jahnaïcaine ; après tout, c’est sa vocation. Mais quels buts poursuivent alors ceux qui s’obstinent à lui mettre des bâtons dans les roues ?

L’œil de Spad :

Il s’appelle Chad, Deen Chad. il était flic solo sur Cheur quand il a croisé le chemin d’Elyia Nahm. Et c’est à présent sur lui qu’Ender et Saryll comptent pour la mettre hors d’état de nuire. Car depuis qu’elle s’est enfuie de la Jahnaïc, Elyia a entrepris l’éradication des assassins de son espèce. Tous sur Jaïlur, l’ex-planète capitale de l’Union que les agents d’Ender ont largement contribué â effondrer au profit des multiplanétaires de l’Agrégat. Mais ce n’est pas vraiment le problème d’Elyia. En tout cas, ça ne l’était pas jusqu’à ce que son instinct de cybione la contraigne à mettre son nez dans les affaires de la mafia locale et de tous les intérêts qui se cachent derrière..

Maboul Kitchen de Nadine Monfils (Belfond)

Voilà, c’est la dernière aventure de Mémé Cornemuse. Après les vacances d’un serial killer, La petite fêlée aux allumettes, La vieille qui voulait tuer le Bon Dieu et Mémé goes to Hollywood, Nadine Monfils a décidé de mettre un terme à cette série mettant en scène un personnage hors du commun. Mémé Cornemuse, c’est une vieille dame qui aurait été shootée aux amphétamines, et qui aurait monté le son à fond en écoutant les Sex Pistols (ou Stellla). Sa philosophie, c’est que la vie est trop courte pour se laisser emmerder par les cons, alors elle les flingue.

Nadine Monfils a voulu ce dernier épisode comme un feu d’artifice. Alors c’en est un ! D’ailleurs, je vais vous poser une question qui va vous donner une idée du délire : Est-ce que vous imaginez Mémé Cornemuse diriger un hôtel restaurant, une sorte de gite où les surprises sont aussi nombreuses que les chambres d’un manoir ? Vous vous demandez comment on peut en arriver là ? C’est pourtant bien simple …

Mémé Cornemuse est pour de bon enfermée dans un asile … psychiatrique autant que de vieux. Un de ses colocataires s’appelle Gilberto Van Pinderlok, est riche comme Crésus et possède un manoir sur la Riviera. Cela suffit pour décider Mémé Cornemuse à s’échapper avec son nouvel amoureux pour l’épouser … et mettre la main sur la fortune. Son objectif est toujours le même : Se faire faire de la chirurgie esthétique pour séduire JCVD (Comprenez Jean-Claude Van Damme) et l’épouser.

En fait de Riviera, elle atterrit à Saint Amand sur Fion (Fion, c’est le nom de la rivière qui passe en contrebas du parc), et découvre un manoir en état de délabrement avancé. Elle décide son mari (elle s’est vite mariée, bien sur !) à retaper les ruines pour ouvrir un gite. Évidemment, il faudra régler le problème du maire qui voulait mettre la main sur la maison pour faire des logements sociaux (et s’en mettre plein les fouilles) et trouver mille et une idées pour faire vivre cet hôtel perdu au milieu de nulle part.

Pour cette dernière aventure, c’est plus un roman humoristique qu’un polar, comme on aura pu le lire dans quelques précédentes aventures. Nadine Monfils se lâche pour ce dernier épisode et épingle tout le monde, en passant par la télévision, les parcs de divertissement type Mickey-land, ou même les élus qui rêvent de s’enrichir grâce à leur position politique. Mais le but de Nadine Monfils n’est pas de dénoncer, mais de faire rire.

Et on sent qu’elle s’est éclatée à écrire cette histoire, fort bien construite. L’histoire se lit vite, très vite, tant c’est bien fait et très fluide. Je peux même vous dire que je n’avais pas envie de le lâcher, et que je l’ai lu en une journée. Ce qui m’épate chez Nadine Monfils, c’est cette faculté à flirter avec les lignes jaunes, à rebondir avec des situations incroyables, en inventant des scènes d’une créativité énorme.

Et des scènes incroyables, il y en a, et une bonne dizaine ! Je ne peux que vous conseiller la visite de Mémé Cornemuse à Mickey-land, qui est délirante, complètement barrée. Et Nadine Monfils, après nous avoir fait courir de rire, se permet même dans les derniers chapitres de nous émouvoir … avant de repartir à la déconnade. Bref, c’est encore un épisode formidablement réussi qui clôt une série décidément pas comme les autres, et qui aura fait fort en terme de politiquement incorrect … mais comme ça fait du bien ! Adieu Mémé !

Même pas morte ! de Anouk Langaney (Albiana)

C’est après avoir lu l’avis de Hervé Sard que j’avais acheté ce roman , car j’adore l’humour noir. Et c’est l’auteure elle-même qui m’a contacté via un réseau social, et qui m’a rappelé que j’avais son roman dans une de mes bibliothèques. Un premier roman, un roman noir, de l’humour, bref, tout ce qu’il me fallait !

C’est l’histoire d’une vielle dame, comme on en connait tous … sauf que …

Minette a 88 ans. Elle habite un petit village et finit tranquillement sa vie, mais il est hors de question de mourir. Elle durera le plus longtemps possible. Quand son docteur … comment s’appelle-t-il déjà ? Ah oui, le docteur Granger, ou quelque chose comme ça ; quand il lui annonce qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle est effondrée. Alors, il lui conseille de tenir un journal, d’écrire chaque jour, et c’est le roman que vous tenez entre les mains.

Minette n’est pas une vieille dame comme les autres. Elle s’est séparée de sa famille. Elle a bien une sœur, partie se marier aux Etats Unis ; les autres, elle s’en fout. D’ailleurs, y en a-t-il d’autres ? elle ne sait pas, elle ne sait plus ! Quand Edouard, son possible neveu la contacte pour venir la voir, un neveu qu’elle n’a jamais vu, elle accepte avec méfiance …

Et de cette méfiance va naitre une paranoïa de tous les jours. Car Minette n’est pas une vieille dame comme les autres (je l’ai déjà dit ?). Minette a eu un passé riche en émotions, elle a surtout participé avec ses copains à des braquages. Il ne manquerait plus que ce neveu des Amériques n’en veuille à son pactole. D’ailleurs, c’est quoi, déjà, le numéro de son compte en banque ?

Fendard ! C’est le premier adjectif qui m’est venu à l’esprit après voir refermé ce livre. Cela m’a rappelé dans un style plus noir un roman que j’avais lu il y a très longtemps, et qui s’appelait Pisse-vinaigre de Edgar Smadja. J’y ai trouvé ce même humour, sauf qu’ici, il y a beaucoup moins de compassion puisque que l’on va suivre la vie de cette mémé flingueuse dans ses délires.

De l’humour, noir bien entendu, il y a en a à foison. Mais pas seulement. Car si les situations prêtent à rire, avec le débarquement d’Edouard son neveu qu’elle n’a jamais vu, cela se transforme vite en polar, avec les remarques de la vieille … qui flinguerait bien son docteur si elle n’en avait pas besoin, ou bien les voisins trop regardants, sans compter son ancien complice qui habite à coté.

Anouk Langaney se permet même de faire monter la tension, dans ce suspense impeccable au style très adapté à la situation pour finir par un feu d’artifice et quelques scènes finales d’anthologie qui rappelleraient presque un western avec comme personnage principal un John Wayne vieillissant. Et si les descriptions de ces scènes ne collent pas tout à fait avec une vieille atteinte d’Alzheimer, peu importe, car le divertissement et l’humour sont au rendez-vous, et c’est tout ce qui compte, après tout ! Le talent de cette auteure tient en deux points : une psychologie de Minette impeccable et une suite de rebondissements tous plus réjouissants les uns que les autres.

Et dire que c’est un premier roman ! Je ne peux dire qu’une chose, Chapeau ! Car le rythme est soutenu du début jusqu’à la toute fin, avec une conclusion extraordinaire d’humour qui m’a fait éclater de rire dans les transports en commun ! Ce roman alterne entre journal intime, polar, roman noir avec une maestria qui en étonnera plus d’un. Et pour un premier roman, c’est un roman incontournable.

Ne ratez pas l’avis des amis Yvan et Jeanne

L’homme de la montagne de Joyce Maynard (Editions Philippe Rey)

La découverte de ce roman, je le dois à Richard, dit le Concierge Masqué. Je n’aurais jamais eu idée de le lire, pour deux raisons. La première est que ce roman est sorti au rayon littérature blanche, la deuxième est que la quatrième de couverture ma parait bien peu aguicheuse. Tout cela m’amène à une conclusion : Le clivage entre littérature blanche et littérature noire est d’un ridicule risible, ce qui est important, c’est qu’un roman soit bon … ou pas. Mon conseil est donc simple : Ne lisez pas le résumé en quatrième de couverture, achetez ce roman et dégustez.

Dans les années 70, Rachel Toricelli est une jeune adolescente de 13 ans. Les vacances estivales approchent et elle va être obligée de passer ses vacances dans la maison familiale, avec sa sœur Patty, âgée de 11 ans. Elle préférerait passer son temps avec ses copines, qui se targuent d’avoir leur règles et d’être décidées à avoir leur première expérience sexuelle. Au lieu de cela, elle va passer ses journées dans la montagne boisée qui s’élève juste derrière la maison.

Quand le corps d’une première jeune fille est retrouvé dans les bois, cela va pigmenter des vacances qui auraient pu paraitre bien mornes. En plus, c’est le père de Rachel et Patty qui va être chargé de l’enquête. Alors, outre les jeux auxquels peuvent s’adonner deux jeunes enfants laissés libres à elles mêmes par une mère absente (ou du moins un peu déprimée), elles vont se faire des scenarii et essayer d’aider leur père, comme lui les aide en leur donnant des règles de vie.

Quand les meurtres vont s’accumuler, ce père protecteur va être de plus en plus absent. Ajouté à cela qu’il est un charmeur naturel, l’éclatement de la cellule familiale est inéluctable. La relation entre le père et les filles va donc devenir épisodique et Rachel va assister à la déchéance de son père héros, harcelée qu’elle est avec ses problèmes personnels de la découverte de la vie sexuelle.

Ce roman n’est pas un bête thriller, où l’héroïne part à la recherche d’un serial killer. C’est en fait, sous la forme d’un roman écrit par la narratrice, un journal introspectif de toutes les émotions et les attentes que peut ressentir une jeune fille de 13 ans, à l’aube du passage à l’âge adulte. Et l’auteure creuse différents thèmes centrés sur la famille, les relations Père-Fille, sur l’adolescence, sur l’amitié et sur les liens si particuliers entre sœurs. Je me suis souvent dit d’ailleurs que c’est un roman très proche de l’univers de Megan Abbott ou de Thomas H.Cook.

On suit l’évolution de Rachel, de ses relations avec le père héros, figure inébranlable du protecteur, renforcée par le fait qu’il est la vedette de ces événements, puisqu’il passe à la télévision en tant qu’enquêteur sur les meurtres qui surviennent dans cette petite ville. Malgré la menace qui plane autour de cette forêt, les deux enfants vont continuer à s’amuser, comme si de rien n’était. Puis, la police étant en échec devant ces mystères, la pression augmente sur les épaules du père de Rachel, et il y laisse sa santé, devient plus absent, taciturne, fatigué, épuisé. Alors les deux filles vont mener leur enquête pour inverser les rôles et essayer de l’aider.

Le roman est tellement juste, les sentiments exprimés tellement réalistes, que l’on se laisse prendre par cette histoire. On en vient même à oublier les meurtres et à suivre les histoires de famille, on est immergé dans la psychologie de cette jeune fille qui parait à la fois si adulte et si inconsciente. Et cela est d’autant plus fort qu’on se prend d’amitié pour Rachel et pour son entourage. Quand arrivent les événements dramatiques (annoncés mystérieusement au début du roman), ils sont décrits en une seule phrase et ces trois phrases sont tellement simples et bien écrites que l’on est frappé directement au cœur. Et je n’ai pas honte à la dire, j’ai pleuré, j’ai relu ces phrases et j’ai pleuré à nouveau.

Alors, certes, au début, j’y ai trouvé des moments maladroits. Est-ce voulu par l’auteure ou bien est-ce des faiblesses de traduction ? Je ne sais pas, mais je me suis laissé emporter, j’ai dévoré cette histoire, j’ai parcouru ces sentiers boisés si inquiétants la nuit venue, j’ai voulu aider Rachel, j’ai voulu la serrer dans mes bras. C’est un roman à forte teneur émotive, que je garderai bien au chaud au fond de mon cœur, que je ne suis pas prêt d’oublier, et qui démontre une fois de plus qu’il est bien idiot de vouloir mettre des étiquettes sur les styles de romans, de vouloir séparer littérature blanche et littérature noire. Quand un roman est bon, il est bon, et celui-ci est excellent.

L’information du mardi : Envie de polars ?

Voici quelques propositions de polars pour ceux qui seraient en recherche d’idées …

Une fille parfaite de Mary Kubica (éditions Mosaïc)

Une fille parfaite

Premier roman – Sortie le 29 avril

« Je la suis depuis plusieurs jours. Je sais où elle fait ses courses, où elle travaille. Je ne connais pas la couleur de ses yeux ni comment est son regard quand elle a peur. Mais je le saurai bientôt. »

Incapable de dire non au séduisant et énigmatique inconnu qu’elle vient de rencontrer dans un bar, Mia Dennett accepte de le suivre jusqu’à chez lui. Sans savoir qu’elle vient de commettre une grave erreur. Et que rien, jamais, ne sera plus comme avant.

Suspense psychologique envoûtant, Une fille parfaite possède une écriture affûtée, nerveuse, qui sait faire naître peu à peu une émotion bouleversante. Dans ce récit à trois voix, les apparences sont trompeuses, jusqu’à la révélation finale : un uppercut en plein coeur.

Vous n’oublierez pas Une fille parfaite.

Vous n’oublierez pas Mia.

L’enfer à bout touchant de Marie Beyer (Les Nouveaux Romanciers)

enfer à bout touchant

Thriller

Et si l’enfer était à Tahiti ?

Tout a commencé dans la forêt polynésienne, mais Blanche ne le sait pas.

Peu après son arrivée à Tahiti pour des raisons professionnelles, elle reçoit un message anonyme lui donnant rendez-vous à la nuit tombée, dans la vallée de la Fautaua.

Persuadée de participer à une cérémonie d’accueil organisée par ses collègues, elle accepte de s’y rendre. Commence alors une longue marche au coeur des ténèbres de la jungle tropicale la menant dans un sanctuaire en plein air où se retrouvent à la pleine lune des hommes en costumes traditionnels. Peu à peu, Blanche comprend que ces hommes ne jouent pas, qu’il n’a jamais été question de jouer. Blanche, spectatrice impuissante, assiste malgré elle à un rituel macabre à l’image des cultes des anciens temps. Des hommes meurent sauvagement torturés.

Un sentiment de malaise pénètre en elle, imposant une question obsédante qui la glace jusqu’aux os : que fait-elle là ?

Parallèlement, le Docteur Ricky Riley, un Américain spécialiste de la perle noire, la poe rava, enquête sur un trafic de perles volées.

Ricky Riley, Tumare, le détective privé et Kiivea, le greffeur de perles, vont accompagner Blanche dans sa quête de la vérité.

Mais en définitive, elle est seule. Car rien n’a jamais existé en dehors d’elle-même et du sombre secret qu’abrite la forêt polynésienne.

Elle cherchait le Paradis à bout portant de Melville, elle va rencontrer l’enfer à bout touchant.

Au pied du mur de Rayan Ouamara (Edilivre)

Au pied du mur

Recueil de nouvelles

De Cuba à Paris en passant par le Mexique et l’Algérie, ces quinze nouvelles signent la promesse d’une évasion au gré des aventures déroutantes de personnages, dénués de toute aura héroïque. Un prêtre dévoré par ses pulsions meurtrières, une bachelière entraînée malgré elle dans une spirale infernale, le besoin vital d’une jeune déportée se démenant corps et âme pour retrouver sa petite soeur, une escort confrontée aux erreurs passées de son amant, un espoir du foot déchu ou encore une fille entrée en guerre contre une possession maladive sont autant de récits qui témoignent de la faiblesse et du courage des hommes dans un monde qui, depuis longtemps, ne tourne plus très rond.

Âgé de 25 ans, Rayan Ouamara est né à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis). Diplômé d’un Master dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales, il se lance dans le monde de l’écriture avec la publication d’un essai, intitulé Le Poids de Knysna ou l’illusion du mal des banlieues, paru aux éditions L’Harmattan (2013). Un ouvrage dans lequel il exprime sa pensée sur un sujet épineux liant conjointement la question du football à celle des quartiers populaires, au travers du scandale de Knysna, ce désastre médiatico-sportif ayant touché l’équipe de France lors de la Coupe du monde 2010.

Après cette première expérience de publication, il décide de s’ouvrir à de nouveaux horizons. Il se consacre durant plus de six mois à l’écriture d’un recueil de nouvelles, intitulé Au Pied du Mur, qui sera publié chez Edilivre. Fermement attaché à l’envie de transcrire les tourments de ce monde, il s’est attelé à la rédaction de quinze récits, avec la volonté de transporter les lecteurs dans les profondeurs de la nature humaine.

En parallèle de son activité d’écrivain, il oeuvre comme pigiste au journal Le Parisien.

Les neuf cercles de Roger Jon Ellory (Sonatine)

Depuis son premier roman publié en France, Seul le silence, je suis fan de Roger Jon Ellory. Je suis fan de ses personnages, je suis fan de ses décors, je suis fan de ses thèmes, avec plus ou moins de plaisir. Mais un auteur ne peut réellement pas être tout le temps au top, et au global, seul un de ses romans m’a déçu. Avec Les neuf cercles, Roger Jon Ellory renoue avec la veine que j’aime, celle qui consiste à fouiller le quotidien d’un personnage.

« Quand la pluie arriva, elle rencontra le visage de la jeune fille. »

Juillet 1974, dans la ville de Whytesburg, Mississipi. Le corps d’une jeune fille est retrouvé, ressortant de la vase d’une rivière. Le shérif John Gaines, vétéran du Vietnam, se retrouve avec un corps dont il ne connait pas l’identité. Quand son adjoint le rejoint, il est fortement troublé. Il lui semble reconnaitre Nancy Denton, une jeune fille qui a disparu vingt ans auparavant.

John Gaines est un personnage fortement marqué par ce qu’il a connu au Vietnam. Il pensait être revenu de l’enfer, mais il n’a jamais réellement pu tourner la page, étant obsédé par des images de massacre, harcelé par des cauchemars récurrents. Surtout, il se pose des questions sur la chance qu’il a eu de revenir vivant, voyant ses compagnons tomber un à un dans un conflit qui ne le regardait pas, se rendant compte après coup qu’ils n’avaient aucune chance de vaincre sur un terrain hostile et inconnu.

L’autopsie est réalisée par le médecin de la petite ville, qui a mis au monde tous les enfants. Il reconnait, en effet, le visage de Nancy Denton, incroyablement conservé par la boue. Il annonce aussi à Gaines que le corps a été ouvert au niveau du thorax, le cœur de la jeune fille a été prélevé et remplacé par une boite dans laquelle git un serpent qui se mord la queue.

Roger Jon Ellory aborde cette histoire très particulière de la façon dont il aime le faire : Il pose rapidement les faits, détaille rapidement les personnages principaux et ensuite, prend son temps pour détailler à la fois les décors, les psychologies. Et je retrouve dans ces moments là ce qui me fait aimer la plume de Roger Jon Ellory : Sans être lourdingue, il prend le temps de regarder évoluer ses personnages, ne nous assomme pas de considérations psychologiques bas de gamme, mais brosse ses personnages par leurs petits gestes du quotidien, par des dialogues formidablement ciselés.

Le personnage de Gaines, dans cette optique, est emblématique de la façon dont Ellory arrive à nous emmener dans son monde. Il nous décrit un personnage marqué à vie, qui se pose des questions sur le pourquoi et le comment il a réussi à sortir de l’enfer de la guerre du Vietnam, et cette intrigue va le replonger dans un enfer encore pire. Si ces considérations occupent une bonne moitié du roman, l’autre moitié s’oriente plus vers l’enquête, à propos de laquelle les adeptes de rebondissements pourraient être déçus.

En effet, le rythme est lent, comme peut l’être celui de la vie des habitants d’une petite ville des Etats Unis. Certes les pistes sont nombreuses, du racisme ambiant à un potentiel serial killer, mais le livre est plus centré sur les personnages et leurs réactions, leur façon de réagir au travers de leurs phrases.

En prenant un peu de recul, je trouve que le scenario tient sur un post-it ou deux, mais ce n’est pas ce qui m’a fasciné dans ce livre. De même, il y a des passages concernant l’histoire des Etats Unis et la guerre du Vietnam qui m’ont semblé de trop par rapport au reste du livre. Il n’en reste pas moins que Roger Jon Ellory a une écriture hypnotique, que j’y ai retrouvé tout le plaisir de lecture au j’avais trouvé avec Seul le silence. Et quand il écrit comme ça, Ellory est un grand auteur, qui est capable de nous passionner pour une histoire et ses personnages sans que l’on s’en rende compte.

Luc Mandoline, épisodes 3 et 4 (Atelier Mosesu)

Je vous avais déjà parlé de Luc Mandoline, ce personnage récurrent édité aux Ateliers Mosesu, pour les épisodes 1 et 2. Ce personnage, ancien légionnaire, rompu aux enquêtes et sports de combat, se retrouve toujours mêlé dans de drôles d’affaires. Chaque épisode est écrit par un nouvel auteur, comme le Poulpe par exemple, ce qui donne à chaque fois un ton particulier et original. Voici donc les épisodes 3 et 4 :

Concerto en lingots d’os de Claude Vasseur

Concerto en lingots os

Quatrième de couverture :

Qui ne se souvient pas des dégâts occasionnés par la canicule de 2003 et l’augmentation vertigineuse du nombre des décès (15 000) ?

Luc Mandoline a officié durant cette canicule. Surplus de travail pour notre embaumeur, il travaille dans un entrepôt de chevillard réquisitionné pour l’occasion ! Seulement, toutes les morts ne sont pas naturelles, encore moins celle du légiste…

Entre des gendarmes un peu trop tatillons avec Luc, des vieillards priapiques ou nymphomanes, une mafia venue de l’Est et des secrets bien gardés qui resurgissent du passé, Claude Vasseur nous emmène dans un polar argotique bourré d’humour.

Mon avis :

Claude Vasseur décide de nous jouer un film d’action. Luc Mandoline se retrouve, en pleine canicule, appelé au secours vers Versailles. Seulement, le corps du novieillard dont il doit s’occuper a vraisemblablement été étouffé. Et quand il revient du poste de police, il retrouve le corps découpé comme dans un film d’horreur.

A partir de là, Luc va s’en prendre plein la figure. On ne compte plus le nombre de scènes où il se prend un coup sur la tête. Avec un humour noir de bon aloi, avec des expressions argotiques au détour de chaque chapitre, on suit cette intrigue tortueuse qui trouvera son origine dans un passé … revanchard. Un bon épisode distrayant.

Deadline à Ouessant de Stéphane Pajot

Deadline à Ouessant

Quatrième de couverture :

Un ami déclaré mort dont on n’a pas retrouvé le corps, un « accident » entre deux vieux loups de mer qui va révéler les secrets de l’île d’Ouessant, secrets que l’on croyait oubliés depuis des lustres. Des personnages intrigants et touchants, des caractères bien trempés, une ballade insulaire. Un guide du routard à la mode polar. Mandoline va vivre de drôles d’aventures sur ce bout de terre du Finistère au milieu des flots…Tout comme ses amis restés sur le continent.

Stéphane Pajot, tout en musique nous fait visiter sa Bretagne, s’inspirant de ses proches, des lieux qu’il fréquente. De l’humour, de l’histoire, la petite et la grande, un sympathique cocktail pour l’Embaumeur à consommer en ce début d’été !

Mon avis :

C’est plus à une visite de l’ile d’Ouessant qu’à une enquête policière à laquelle Stéphane Pajot nous convie dans ce quatrième tome des aventures de Luc Mandoline. En effet, on passe en revue les petites rues, et surtout les bars, où toutes les discussions vont bon train, arrosées d’alcool local. Le premier chapitre, qui fait 50 pages, nous montre d’ailleurs les discussions que l’on trouve dans tout bar digne de ce nom, avec une justesse fort appréciable.

Quand je dis qu’il n’y a pas d’enquêtes, le roman commence par une bagarre entre deux vieux, Simon et Hector. Le premier accuse le deuxième d’être un ancien collabo. Cela se termine mal, la tête d’Hector heurte un banc. C’est un accident, certes, mais cela permet à Luc de creuser les secrets de la seconde guerre mondiale. Si cela ressemble un peu à un roman fourre tout, il en ressort surtout un roman plein d’amour pour cette région, et une intrigue qui fouille des événements pas si lointains que ça.

Qui veut la peau d’Andreï Mladin ? de George Arion (Genèse éditions)

Je n’avais pas lu Cible royale, le précédent roman de George Arion publié en France, sous prétexte qu’il était annoncé comme un roman d’espionnage. Et comme cela n’est pas ma tasse de thé, je suis passé au travers. C’est le billet de l’ami Claude qui m’a fortement motivé à lire Qui veut la peau d’Andreï Mladin ? Si je devais résumer mon avis, ce serait : Jetez vous sur ce livre, c’est HILARANT !

Dans les années 80, à Bucarest, en Roumanie. Andreï Mladin, journaliste de son état, se réveille dans son salon. Il a fait une telle bringue la veille qu’il n’a plus aucun souvenir de ce qui a bien pu se passer. Il a un tel mal de tête qu’il a du mal à ouvrir les yeux. Et quand, par malheur, il le fait, c’est pour découvrir un corps allongé au milieu de son salon, au milieu des livres de ses bibliothèques. Apparemment, l’homme qui git là a succombé à un violent coup sur la tête et a copieusement saigné.

Hors de question de conserver un cadavre chez lui, ni même d’appeler la police. Ils sont bien capables de faire avouer à Andreï un meurtre qu’il n’a pas commis. Alors il décide de stocker le corps à la cave. Après l’avoir enroulé dans le tapis, il le charge dans l’ascenseurs et descend quand il entend sa voisine Madame Margareta, une commère comme pas deux. Du coup, il appuie sur le bouton du cinquième, quand il entend son voisin du dessus qui veut sortir son chien. Bref, il sort le corps, attend que chacun ait regagné ses pénates avant de planquer le corps à la cave.

La situation va être bien compliquée à gérer ; il va falloir trouver un coupable. La seule chose dont il se rappelle est qu’il était parti la veille pour faire une interview d’une superbe violoniste, Mihaela Comnoiu, qu’ils sont tombés amoureux et que cela n’est pas bien vu par la famille de la musicienne … entre autres. La situation va devenir bien compliquée quand le corps va disparaitre, puis quand d’autres corps vont s’accumuler.

Il faut être honnête : quand on lit du polar, c’est aussi et avant tout pour se divertir. Alors quand on a affaire à un personnage bringuebalé de droite et de gauche, ayant du mal à comprendre ce qui lui arrive, et qu’il arrive tout le temps à relever la tête grâce à son humour décapant, le plaisir de la lecture est énorme. Et dans le cas de ce roman, le plaisir est immense, gigantesque.

Car le style est vif, alerte, les dialogues tapent justes, et surtout on s’amuse comme un fou. Certes, il s’agit d’une enquête classique, les personnages de victimes déclamant des phrases drôles sont légion dans le polar. Mais quand tout se tient de bout en bout, avec la même verve, le même rythme, je dois bien avouer que c’est une lecture à la fois jouissive et addicitve. Il est carrément impossible de lâcher ce roman une fois commencé. J’y ai trouvé le même plaisir que quand je lisais les premiers romans de Carlo Lucarelli.

Forcément, on se prend d’affection pour le personnage d’Andreï, et ce roman dépasse le cadre du simple divertissement, quand on sait qu’il a été écrit sous la dictature de Ceaucescu et qu’il est suffisamment subtil pour être passé au travers des mailles de la censure.

Et avec le recul, on se rend bien compte du coté subversif qu’a pu avoir un tel roman vis-à-vis d’un régime très unilatéral. On y trouve des détails de la vie quotidienne tels que les coupures d’électricité ou les manques de nourriture. On y trouve aussi des travers du dictateur qui demandait à ce que chaque discours soit conclu par « Fin de citation », ce que l’on retrouve de nombreuses fois dans le roman, avec toujours le même sourire.

Tout cela pour vous dire que ce Qui veut la peau d’Andreï Mladin est un excellent divertissement, et qu’il est aussi un peu plus que cela, un vrai témoignage de ce que fut la vie des gens sous Ceaucescu.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude, de l’ami Paul, ainsi que l’interview du Concierge Masqué.