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Oldies : Lord Peter et l’inconnu de Dorothy Leigh Sayers

Editeur : Livre de Poche & Editions du Masque

Traducteur : L.Servicien

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Cette lecture va me permettre de combler des lacunes et de faire un retour aux sources du roman policier avec une auteure mise en valeur par la Reine du Policier, Agatha Christie.

L’auteure :  

Dorothy Leigh Sayers (Oxford, Oxfordshire, 13 juin 1893 – Witham, Essex, 17 décembre 1957) est une femme de lettres et une romancière britannique, également poète, dramaturge, essayiste et traductrice. Elle est aujourd’hui principalement connue pour son travail d’écrivain et notamment pour ses romans policiers, ayant pour héros l’aristocrate dilettante Lord Peter Wimsey, écrits pendant l’entre-deux-guerres.

Fille unique du pasteur de Witham, Henry Sayers, qui est chef de chœur de la Cathédrale Christ Church d’Oxford, elle « grandit dans l’amour des livres et la culture classique » au petit village de Bluntisham dans le Huntingdonshire où son père est nommé recteur. Elle « fait preuve dès son jeune âge d’un intérêt prononcé pour les langues, apprenant le latin à sept ans et s’initiant au français auprès de sa gouvernante ». Elle entre en 1912 au Somerville College de l’université d’Oxford. Après de brillantes études, « elle devient en 1915 (et avec mention) l’une des premières femmes diplômées d’Oxford ». Elle obtient également, « en 1920, un Master of Arts en littérature médiévale ».

Issue « de la bourgeoisie de province anglaise que va ruiner la Guerre de 14 », elle se destine à l’enseignement et est brièvement professeur de littérature, mais elle se rend compte qu’elle ne supporte pas ce métier. Elle séjourne en France comme professeur-assistante d’anglais, mais cela ne l’enchante pas. Son meilleur souvenir de la France est d’y avoir lu tous les romans d’Arsène Lupin et d’avoir fréquenté, à l’École des Roches, en Normandie, le séduisant EricWhelpton, dont elle s’inspire pour créer Lord Peter Wimsey, le héros de ses futurs romans policiers.

De retour en Angleterre, elle trouve, à partir de 1921, « un travail de rédactrice, assez bien payé, dans une agence de publicité de Londres, la Benson’sAdvertising Agency ». « Elle va rester dix ans chez Benson » et cette expérience lui sert plus tard à évoquer le milieu des salles de rédaction publicitaire dans Lord Peter et l’Autre. Elle crée notamment des publicités pour la bière Guinness et la moutarde Colman (sans rapport avec le Colonel Moutarde du jeu Cluedo, plus tardif). Après s’être intéressée un temps aux mouvements socialistes qui façonnent la société anglaise de l’entre-deux-guerres, elle publie en 1923 son premier roman policier, Lord Peter et l’Inconnu, qui met en scène l’aristocratique détective Lord Peter Wimsey, flanqué de son fidèle serviteur Bunter, dans une intrigue où Dorothy Sayers « se moque allègrement des sacro-saintes conventions du genre ». Si ses romans s’intègrent dans le cadre du traditionnel roman d’énigme, elle apporte au genre un ton humoristique, quelques traits acérés contre la société bien-pensante de l’époque, et affuble son héros d’une vie sentimentale faisant totalement défaut aux Sherlock Holmes, Dr Thorndyke, Hercule Poirot et autres célèbres limiers de la littérature policière britannique de l’époque. En effet, Lord Peter s’éprend follement de la belle Harriet Vane, qu’il sauve de la pendaison dans Poison violent, épouse dans Noces de crime, et dont il a un enfant dans Le policeman a des visions, une nouvelle de la fin de cycle.

Outre le personnage de Lord Peter, Dorothy Sayers consacre, à partir de 1933, une brève série de nouvelles au personnage de Montague Egg, démarcheur spécialisé en vins et spiritueux et « un nouvel enquêteur assez drôle », qui se trouve mêlé à des énigmes policières (il découvre souvent un cadavre) qu’il parvient non sans mal à dénouer.

La vie privée de Dorothy Sayers est moins idyllique que celle de ses personnages de roman. Sa vie sentimentale est tumultueuse et décevante. Une « liaison avec un mécanicien en automobiles dont elle aura un enfant en 1924 », se solde par une séparation et la responsabilité d’élever seule son fils, un choix qu’elle assume au mépris des convenances du temps, dont, heureusement, ses succès littéraires lui permettent de s’affranchir. En 1928, elle épouse le capitaine Mac Fleming, un grand buveur et un paresseux notoire. Cette union difficile, sinon ratée, laisse toutefois Dorothy Sayers libre de ses mouvements pour produire, à un rythme soutenu, les aventures de Lord Peter qui lui apportent gloire et fortune.

Dorothy Sayers abandonne Lord Peter en 1940 pour se consacrer à sa passion, la littérature médiévale. Elle fournit notamment des traductions de La Divine Comédie de Dante et de La Chanson de Roland. De ses romans policiers, on retient, outre les titres déjà cité, Lord Peter et le Mort du 18 juin et Le Cœur et la Raison. Pour Romain Brian, « Cependant, qu’on le veuille ou non – et que Sayers elle-même l’ait voulu ou non – Lord Peter Wimsey demeure un acteur majeur sur la scène policière de la première moitié du XXe siècle ».

De 1949 à sa mort, elle préside le Detection Club.

Après avoir toute la journée fait ses emplettes pour Noël, elle meurt d’une crise cardiaque dans sa résidence de Witham le 17 décembre 1957.

(Source : Wikipedia)

Quatrième de couverture :  

Désagréable surprise pour Mr Thipps : il vient de découvrir un inconnu dans sa baignoire, à peine vêtu d’un lorgnon et on ne peut plus mort…

Pour la police, aucun doute : Thipps se moque des autorités et est l’auteur de ce crime à peine déguisé. Qu’on l’arrête sur le champ !

Mais le corps dans la baignoire suscite plus d’une interrogation, et la disparition parallèle d’un riche financier éveille l’intérêt de Lord Peter Wimsey…

Mon avis : 

Outre le fait de découvrir une nouvelle auteure, j’adore revenir vers des vieux romans policiers et celui-ci a été publié en 1923 ; il est donc centenaire ! Il a ensuite été traduit en français en 1939 pour une publication chez La Librairie des Champs Elysées, dans la collection Le Masque et repris en format poche au Livre de Poche en 1967. C’est la version que j’ai lue. Une nouvelle traduction existe depuis 1995 aux Intégrales du Masque et en format Poche.

A cette époque, Lord Peter Wimsley arrive après Sherlock Holmes et Hercule Poirot. S’il possède les mêmes caractéristiques de déduction, il se démarque par son esprit immature. D’origine bourgeoise, il mène des enquêtes pour se distraire tout en gardant sa passion pour les livres anciens. Accompagné de son majordome Bunter, il résout des problèmes en collaboration avec l’inspecteur Parker.

Quand Lord Peter doit se rendre à une vente aux enchères pour une version rarissime d’un livre, sa mère lui demande de l’aide pour un ami. M.Thipps s’est en effet réveillé en découvrant un cadavre nu dans sa baignoire, habillé seulement d’un monocle. L’inspecteur Parker doit de son côté résoudre une affaire concernant la disparition de M.Levy, un banquier influent de la City. Parker et Lord Peter se proposent d’échanger leurs mystères.

Comme je l’ai dit, ce roman est remarquablement bien écrit (et traduit) et le ton est léger, humoristique et décalé. Personne ne se prend au sérieux malgré la gravité des affaires. Les pièces de puzzle sont bien disséminées et il faudra toute la jugeote et le talent de Lord Peter pour résoudre ces mystères. Il est aussi à noter que le dernier chapitre va lever le voile sur les derniers doutes, en étant raconté par le meurtrier lui-même. Ce roman est donc une belle découverte originale.

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Oldies : Flood d’Andrew Vachss

Editeur : Presses de la cité (Grand format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Jacques Martinache

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

J’ai encore beaucoup de grands romans noirs à découvrir, ce roman en est la preuve. Il nous présente un nouveau personnage récurrent, Burke, qui apparait dans 18 enquêtes, dont seulement quatre ont été publiées en France.

L’auteur :

Andrew Henry Vachss, né le 19 octobre 1942 à New York et mort le 23 novembre 2021 dans le Nord-Ouest Pacifique, est un écrivain et avocat américain, auteur de roman policier. Il remporte le grand prix de littérature policière en 1988 avec le roman La Sorcière de Brooklyn.

Après des études supérieures à l’université Case Western Reserve de Cleveland (Ohio), il obtient son diplôme en 1965. Il est ensuite chargé d’une enquête sur l’éradication de la syphilis et constate l’importance des abus sexuels dont sont victimes de très jeunes enfants.

De 1966 à 1970, il devient travailleur social dans un ghetto de New York, puis sur place pendant la dernière année de la guerre du Biafra. De retour en Amérique, il dirige un programme pour de jeunes délinquants emprisonnés et d’autres projets de nature similaire. Il reprend ses études, suit des cours de droit à l’Université de Boston et devient avocat en 1975. Il se spécialise alors dans la défense des enfants victimes de violences.

Il amorce sa carrière littéraire en 1985 avec Flood, le premier d’une série de romans noirs ayant pour héros le personnage singulier de Burke, un ancien détenu et roi de l’arnaque, devenu un détective privé new-yorkais pas toujours très honnête. Sorte de vengeur solitaire, Burke n’hésite pas à devenir un justicier pour éliminer de façon violente les sadiques qui croisent son chemin. La Sorcière de Brooklyn (Strega), deuxième roman de la série, remporte le grand prix de littérature policière en 1988.

Quatrième de couverture :

Ça grouille autour de Times Square, à New York : clients en quête de porno, petites filles juchées sur leurs hauts talons, garçonnets maquillés, marchands de chair et autres monstres. Burke est un familier de la « fosse à purin », il y pêche la vermine. Flic privé ? Un peu. Arnaqueur à l’occasion. Plutôt spécialiste de la survie. Solitaire ? Pas tout à fait. Pour surnager, il faut des amis : Michelle, le travelo intello, qui tapine en rêvant de se faire opérer en Suède ; la Taupe, sorte de gnome rondouillard, capable de vous bricoler un laser ; Max le silencieux, un Tibétain sourd-muet, expert en arts martiaux. Et Flood, un petit bout de femme, qui vous fracture trois côtes d’un coup de poing…

Mon avis :

Voilà une sacrée découverte que ce polar, premier d’une série mettant en scène Burke, un détective privé bien particulier. On ressent toute la passion de l’auteur pour les abus envers les enfants et les femmes mais aussi une vision extrêmement noire de New-York et de la société américaine. Andrew Vachss dénonce tout un pan de la violence sous-jacente qu’on ne veut surtout pas voir, ni montrer.

Par son expérience professionnelle, on se doute qu’il partage ici certaines anecdotes qu’il a rencontrées, et cela fait froid dans le dos. De la façon dont sont traitées les prostituées à la maltraitance des enfants, en passant par les films pornographiques et pire, Andrew Vachss nous dresse un portrait effrayant de la Bien-pensante Amérique, qui n’a pas évolué aujourd’hui. L’intrigue va donc s’appuyer sur ce décor, et nous montrer un New-York comme une jungle inhumaine et sans pitié pour les faibles.

En tant que premier roman d’une série, ce roman est juste remarquable. La difficulté de cet exercice est à la fois de présenter le personnage central et son entourage, et de présenter une intrigue passionnante. Burke nous est présenté comme un personnage paranoïaque, qui a installé dans son appartement de New-York toutes sortes de pièges, en cas de visite inopinée d’un potentiel ennemi. A cela, s’ajoute sa chienne Pansy dressée pour attaquer au moindre geste anormal.

Cela peut prêter à rire, et d’ailleurs, le second degré nous fait sourire. Quand Burke sort dehors, on comprend mieux sa réaction, son besoin de survie dans une faune dangereuse et violente qui n’accorde aucune chance aux plus faibles. Ce décor, cette ambiance, cette menace permanente fait peser un poids sur nos épaules, un stress permanent car on ne sait ce qui risque d’arriver la page suivante.

Burke doit retrouver Wilson un violeur pour le compte d’une jeune femme Flood, asiatique adepte des arts martiaux. Andrew Vachss nous présente Flood come une femme forte, mortelle plus que fatale, mais qui est restée une enfant dans sa tête. Il n’en n’oublie pas des scènes comiques quand Flood fait des gaffes lors de la recherche de Wilson, ni de belles séquences émotives. Mais Burke arrive à lui faire comprendre qu’elle n’arrivera pas à trouver Wilson dans ce monde ultra-violent auquel elle est étrangère.

Autour de Burke, on trouve une troupe folklorique pour laquelle on ne peut que craquer. Mama Wong, sorte d’ange gardien, l’étouffe de conseils ; Max le Silencieux est un sourd muet capable de tuer un homme avec un doigt ; La Taupe vit sous terre et se présente comme un expert en technologie ; enfin, Michèle, homme-femme, est la seule à ne pas avoir de dons et la gentille du groupe … quoique …

Et Andrew Vacchs parsème dans son roman des scènes d’une force incroyable, de celles qu’on ne peut oublier. Il enrobe tout cela avec des anecdotes que l’on devine tirées de son expérience personnelle et comme je l’ai dit, cela fait froid dans le dos. Après avoir tourné la dernière page, on comprend la démarche de survie de Burke et on se demande bien dans quel monde on vit. Quelle horreur ! Par contre, il faut absolument que je me procure les autres enquêtes de Burke, cela en devient urgent.

D’ailleurs, je lance un appel aux éditeurs volontaires : S’il vous plait, pourriez-vous éditer les 18 enquêtes de Burke ? C’est trop bien ! Et j’en profite aussi pur remercier Serge Breton membre de l’Association 813 qui a attiré mon attention sur ce roman.

Le sourire du scorpion de Patrice Gain

Editeur : Le Mot et le Reste (Grand Format) ; Le Livre de Poche (Format Poche)

Je poursuis ma découverte des romans de Patrice Gain et la semaine dédiée à cet auteur avec ce roman qui démarre comme une balade familiale pour creuser un sujet totalement inattendu.

Alex et Emilie mènent une vie de nomades avec leurs jumeaux Tom et Luna, au gré des contrats de saisonniers. Cet été là, ils passent des vacances dans le Monténégro. Ils rencontrent un serbe nommé Goran qui leur propose une descente en rafting sur la Tara. Emilie n’est pas enchantée de parcourir cette descente dans des eaux déchainées mais Alex se montre confiant et prêt pour l’aventure.

Le début s’avère calme avant d’attaquer les passages plus remuants voire violents dus aux irrégularités des fonds de la Tara. Bientôt, un front nuageux s’affiche et ils se retrouvent dans un orage phénoménal qui fait gonfler les eaux. Le bateau se retourne et ils se retrouvent séparés et obligés de monter les rives pour échapper à la crue provisoire qui s’annonce.

Tom, le narrateur de cette histoire, va rapidement repérer Goran et ils vont partir à la recherche du reste de la famille. Ils doivent se rendre compte que seul Alex manque à l’appel. Ils décident de continuer la descente pour le retrouver mais ne découvrent que son gilet de sauvetage arraché. Il faut bien se rendre à l’évidence qu’Alex s’est noyé. Goran se sentant responsable, il décide de ramener la famille et de les aider dans leur vie quotidienne.

Le début du roman m’a rappelé ma jeunesse et l’excursion et la descente en rafting que j’avais faite il y a plus de 25 ans sur la Tara. J’en garde un excellent souvenir d’autant plus que l’on m’avait expliqué à l’époque le principe. Forcément, je regrette les approximations de Patrice Gain. Dans le cas du rafting, la seule corde qui retient les passagers est située au centre du bateau et non sur les boudins ; on doit donc glisser les pieds sous cette corde ce qui nous assure que le centre de gravité reste à l’intérieur du bateau. Ensuite, les remous sont violents quand le niveau de l’eau est bas et non l’inverse puisqu’ils sont dus aux irrégularités du fond de la rivière. La crue peut être violente, soit, mais elle n’engendre en rien des remous plus importants.

Bref, j’ai donc commencé cette lecture avec des aprioris négatifs et heureusement, le personnage de Tom m’a convaincu de rester en sa compagnie. Tout le talent de Patrice Gain se déploie pour nous montrer cet adolescent effondré par la mort de son père, éploré par la douleur de sa mère et attristé de voir sa sœur se détacher de sa famille. Il est bigrement intéressant de voir chaque personnage adopter une trajectoire différente.

On suit donc Tom et les changements dans sa vie, sa famille qui explose et les événements qu’il découvre. Comme il se repose sur sa sœur depuis sa plus jeune enfance, il cherche à obtenir son avis tout le temps. L’auteur nous montre parfaitement la douleur de son narrateur quand sa sœur prend ses distances avec la famille. Puis Patrice Gain nous amène à une révélation amenée doucement, en additionnant les faits qui justifie tout le roman. Patrice Gain a une façon incroyable de mener le lecteur là où il le veut, comme il le veut, au rythme où il le veut. Ce roman ressemble à un match de boxe, avec le round d’observation, le combat acharné et le KO final.

Terres fauves de Patrice Gain

Editeur : Le Mot et le Reste (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)

J’avais adoré De silence et de loup l’année dernière. La sortie de son nouveau romans, Les brouillards noirs, m’a donné l’idée de consacrer une semaine à cet excellent conteur qu’est Patrice Gain. Voici donc Terres fauves …

Alors qu’il peaufine la biographie d’Andrew Kearny, le gouverneur de New York City, David McCae reçoit l’ordre de son éditeur d’agrémenter son manuscrit d’un chapitre supplémentaire où il ferait intervenir un proche du gouverneur. Quoi de mieux que d’aller interviewer Dick Carlson, un ami proche du gouverneur et une idole reconnue de l’alpinisme pour avoir gravi un pic de plus de 8000m dans l’Himalaya ?

Malheureusement pour David, Dick Carlson habite à Valdez en Alaska. Pour y accéder, il faut prendre un hydravion, un bateau, bref toute une aventure voire un cauchemar pour ce citadin pure souche qui ne se sent bien qu’en ville. Arrivé sur place, il est confronté au climat rigoureux et à l’animosité des autochtones mais arrive tout de même à décrocher un rendez-vous avec la Gloire américaine.

Le premier contact avec Dick Carlson s’avère froid, voire agressif. David enregistre leur conversation qui dure toute la nuit autour de quelques bouteilles de whisky. A tel point que les deux hommes finissent par s’endormir. Le lendemain, on vient le ramener dans une contrée plus civilisée mais l’hydravion tarde à se montrer. Il doit bien se rendre à l’évidence, Carlson et ses hommes l’ont abandonné en pleine nature.

Si ma précédente lecture d’un roman de Patrice Gain m’avait impressionné, celle-ci me confirme tout le bien que je pense de lui. D’ailleurs j’avais écrit à propos de De silence et de loup : Avec une simplicité remarquable dans le style, mais avec une vraie profondeur dans les thèmes traités, ce roman comporte des scènes d’une force dramatique impressionnante et des thèmes tristement contemporains dans l’actualité),

Si ce roman touche moins à l’actualité, il nous démontre à quel point Patrice Gain est un conteur hors pair. Dans un premier tiers, David nous raconte sa vie, son objectif d’être fier devant son père et ses erreurs, en particulier le fait qu’il délaisse sa compagne et sa sœur. Tout est fait pour nous le rendre sympathique malgré son inconstance et son immaturité. On ressent aussi particulièrement bien la torture pour lui de sortir de sa zone de confort et de se confronter à un environnement hostile.

Pour lui, ce voyage en Alaska ressemble à une torture qui va devenir un cauchemar dans une scène effrayante située au milieu du roman, LA scène du roman. A partir de ce moment, Patrice Gain nous dessine un personnage en quête de vengeance, de justice mais aussi de rédemption envers ses proches. Une nouvelle fois, on ne peut que louer les qualités de conteur de l’auteur.

Ce roman confirme donc tout le bien que l’on peut penser de Patrice Gain. Il a cette faculté de créer des personnages aux prises à des situations inextricables et a le talent de nous parler de sujets différents. Ici il s’agit de l’impunité des gens de pouvoir et on retiendra de cette lecture une scène en particulier. Il me conforte à continuer de lire les romans de cet auteur au talent rare.

La garce de David Goodis

Editeur : Fayard (Grand Format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Claude Benoit

Attention, coup de cœur !

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Ce mois-ci, nous avons l’occasion de redécouvrir, de se rappeler un grand auteur du Noir, un monument de la littérature américaine, tombé aux oubliettes dans son propre pays.

L’auteur :

David Goodis, né le 2 mars 1917, à Philadelphie où il est mort le 7 janvier 1967, est un écrivain américain de roman noir.

Issu du milieu juif de Philadelphie, David Loeb Goodis fréquente brièvement l’université de l’Indiana avant de terminer ses études en journalisme à l’université Temple en 1938. Peu après, il se trouve un emploi dans une agence de publicité et, pendant ses temps libres, rédige un grand nombre de nouvelles policières pour divers « pulps » américains. Il publie son premier livre Retour à la vie (Retreat from Oblivion) en 1938. À New York, où il déménage l’année suivante, il travaille comme scripteur dans le milieu de la radio.

Pendant la première moitié des années 1940, les éditeurs rejettent systématiquement ses manuscrits. En 1942, il se rend sur la côte Ouest et est engagé par les studios Universal. Il se marie à Los Angeles en 1943.

Puis vient le succès en 1946 avec la publication de Cauchemar (Dark Passage). L’adaptation de ce récit en 1947, sous le titre Les Passagers de la nuit avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall, lui permet de signer un lucratif contrat de six ans avec la Warner Bros, mais la plupart des scénarios qu’il écrit pour le studio ne dépassent pas l’étape de la rédaction.

En outre, sa vie privée s’effrite et il divorce en 1948. De retour à Philadelphie en 1950, il s’occupe de ses parents et de son frère schizophrène, puis sombre dans l’alcool. Cette version de l’écrivain maudit relèverait toutefois de la légende d’après l’enquête biographique de Philippe Garnier.

Oublié dans son pays natal, David Goodis doit son succès en France à l’adaptation de plusieurs de ses livres au cinéma, notamment de Tirez sur le pianiste par François Truffaut en 1960, dont c’est le deuxième long-métrage, La lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix, Rue Barbare de Gilles Béhat ou Descente aux enfers de Francis Girod.

(Source : Wikipedia, complété par mes soins)

Quatrième de couverture :

Clara Ervin pourrait être votre voisine. Elle vit tranquille auprès de son mari, mais sort traîner la nuit. Elle veut le bonheur de sa belle-fille, mais lui inculque ses conceptions à coups de poing. Elle aime un homme passionnément, mais lui fait littéralement perdre la tête. Elle veut améliorer son niveau de vie et n’hésite pas à tuer pour cela.

Après La Lune dans le Caniveau, Cassidy’s Girl, voici La Garce, le roman sans doute le plus noir, le plus dur de David Goodis qui, longtemps classé parmi les grands du polar, est maintenant considéré comme l’un des maîtres de la littérature américaine.

Mon avis :

Commençons par une anecdote : quand je fais mes courses le week-end, je ne rate jamais l’occasion de passer devant ce que mon hypermarché appelle la Bibliothèque participative. Je suis tombé sur ce roman que je ne connaissais pas et je n’ai pas hésité à le prendre et le lire aussitôt.

Je n’avais pas lu de roman de David Goodis depuis plus de trente ans, puisqu’en tant que grand fan de la collection Rivages Noir, j’en avais lu trois ou quatre. Peut-être étais-je trop jeune, mais je dois dire que je n’avais pas été enthousiasmé par ces romans. Peut-être suis-je aujourd’hui plus attentif à la construction d’une intrigue, aux descriptions, aux psychologies, au style, toujours est-il que La garce m’a totalement emporté.

Le premier chapitre nous présente Ervin, veuf avec une adolescente, conscient de devoir se trouver une femme qui l’aidera dans ses tâches quotidiennes dont l’éducation de sa fille. Ervin est persuadé d’avoir rencontré la femme idéale. Le deuxième chapitre aborde le personnage d’Evelyn et la façon dont elle voit son père, et sa volonté de faire sa propre vie.

Puis arrive Clara, que l’on découvre experte en manipulation. Le prisme change totalement et on découvre un personnage féminin qui, au fur et à mesure du roman, nous est dépeint comme un véritable monstre. Plus l’intrigue avance, plus on découvre un personnage sans sentiment, incroyablement et monstrueusement stratégique dans sa façon d’influencer les événements pour atteindre son objectif de récupérer l’argent de son mari.

Usant de charme, de sexe, de violence ou de chantage, Clara va se montrer remarquablement consciente des atouts qu’elle possède et des possibilités qui s’offrent à elle de façon incroyablement opportuniste. En se rappelant que ce roman date de 1947, je ne suis pas sûr qu’il existe un roman ayant présenté un tel personnage féminin auparavant.

Et puis, même si le roman se concentre sur les personnages, David Goodis fait partie de ces auteurs capables de vous transporter dans les décors qu’il a créés. Les descriptions se révèlent détaillées, remarquables dans leur évocation, imagées (d’aucuns diraient cinématographiques). Avec ce roman, j’ai enfin découvert la puissance de la plume de ce grand auteur et il va me falloir relire ses autres romans.

Je ne suis pas sûr que vous puissiez trouver cette édition au Livre de Poche, car le tirage est épuisé depuis bien longtemps. Vous pourrez le retrouver dans l’intégrale David Goodis des intégrales des éditions du Masque en eBook. Réhabilitons cet auteur incontournable !

Coup de cœur !

Respire de Niko Tackian

Editeur : Calmann-Levy (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)

Niko Tackian est un auteur que j’affectionne particulièrement, pour la qualité de ses scénarii et son talent à nous plonger dans des intrigues prenantes. Ce nouveau roman est un roman orphelin, qui mélange les genres entre polar et fantastique.

Désirant tourner le dos à sa précédente vie d’auteur de romans, après avoir connu de cuisants échecs après le succès de son premier opus, Yohan a pris contact avec Blue Skye. Cette société lui propose moyennant finances de gommer sa vie antérieure et de s’exiler sur une île, et de tout démarrer. Il avale donc la pilule noire qu’on lui fournit, s’évanouit et se retrouve donc dans une chambre d’hôpital, 48 heures plus tard.

Yohan découvre son nouveau nom Achab, et son nouveau métier, détective ; Achab comme le nom du capitaine du roman de Melville « Moby Dick. », dont il trouve un exemplaire dans son bureau. La maison dans laquelle il se réveille est fonctionnelle, rangée et la cuisine pleine de vivres. Le docteur Temple lui souhaite la bienvenue dans un monde où chacun a un nouveau nom.

Rapidement, Flint lui présente l’île, et son rôle sur l’île, épicier. Cette île est ravitaillée toutes les semaines, mais on n’y trouve aucun port. De même, en tant que détective, il n’a aucun mystère à résoudre, si ce n’est de découvrir ce paysage paradisiaque, qui présente des faces cachées. Son esprit curieux va le pousser à en savoir plus. Bientôt, il apprend que son prédécesseur s’est suicidé.

Le savoir-faire de Niko Tackian n’est plus à démontrer, quand il s’agit de dérouler une intrigue mystérieuse. Prenant comme point de départ un exil, il nous concocte un huis-clos en introduisant petit à petit les questions que Yohan se pose. Et nous, en tant que lecteurs, nous ne pouvons que le suivre dans sa recherche, d’autant plus que les habitants laissent planer des doutes qui sèment des troubles dans ce paysage.

Bien que le rythme soit lent, on ne peut qu’être attrapé par ces descriptions, ces rencontres, et ces questionnements. En tant qu’auteur de thrillers, il termine chaque chapitre sur un suspens qui vous oblige à continuer la lecture. Psychologiquement, c’est bien fait, c’est prenant, mais il faut dire que l’on a affaire avec un auteur qui maitrise son sujet et sait passionner son lectorat.

Ce roman m’inspire deux ou trois réflexions. La première est qu’il a été écrit pendant le confinement et que le thème de l’enfermement et de l’isolement ressort très nettement de cette intrigue. La deuxième vient de l’insertion dans l’intrigue d’un aspect surnaturel, fantastique (un mur invisible) qui n’était pas forcément nécessaire pour l’histoire. Enfin, la fin m’a laissé dubitatif. Sans critiquer l’imagination de Niko Tackian, cette conclusion donne l’impression que l’auteur ne savait pas comment mettre le pont final à son roman. Il faudra d’ailleurs que je lui demande quand je le verrai dans un salon, pour savoir s’il avait prévu cette fin dès qu’il a commencé son écriture.

Le parfum de Patrick Süskind

Editeur : Fayard (Grand Format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Bernard Lortholary

Attention, coup de cœur !

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

L’ayant acheté il y a une éternité, il me fallait une occasion d’aborder ce roman annoncé comme un monument littéraire, voire un chef d’œuvre.

L’auteur :

Patrick Süskind est un écrivain et scénariste allemand. Il est né le 26 mars 1949 à Ambach à côté du lac de Starnberg (am Starnberger See), en Bavière près de Munich. Il a grandi dans le village bavarois de Holzhausen. Il étudie l’histoire (histoire médiévale et contemporaine) et la littérature à Munich et à Aix-en-Provence. Il travaille ensuite comme scénariste pour la télévision.

Il écrit une pièce de théâtre à un personnage : La Contrebasse, qui sera jouée pour la première fois à Munich en 1981. Elle sera publiée en 1984. Depuis sa création, cette pièce est régulièrement jouée en Allemagne et a également été interprétée à Paris par Jacques Villeret dans le rôle-titre.

Le Parfum est son premier roman édité en 1985 à Zurich, sous le titre Das Parfum, Die Geschichteeines Mörders, puis publié en France en 1986 aux éditions Fayard dans une traduction de Bernard Lortholary. Il vaut à son auteur un succès mondial. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 2006 : Le Parfum, histoire d’un meurtrier.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Au XVIIIème siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus horribles de son époque.

Il s’appelait Jean-Baptiste Grenouille.

Sa naissance, son enfance furent épouvantables et tout autre que lui n’aurait pas survécu.

Mais Grenouille n’avait besoin que d’un minimum de nourriture et de vêtements, et son âme n’avait besoin de rien. Or ce monstre de Grenouille avait un don, ou plutôt un nez unique au monde, et il entendait bien devenir, même par les moyens les plus atroces, le Dieu tout-puissant de l’univers, car « qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes ».

C’est son histoire abominable… et drolatique, qui nous est racontée dans Le Parfum, un best-seller mondial.

Mon avis :

On entre dans ce roman comme un voyage dans le temps. On est projeté dans un marché parisien, sur un étal de poissonnerie. On est harcelé par les odeurs de puanteur, des égouts aux entrailles de poisson qui encombrent les rues. La vendeuse de poisson, enceinte, accouche et coupe le cordon ombilical avec son couteau avant de perdre connaissance. De toutes façons, elle l’aurait laissé mourir, ne pouvant le nourrir. Mais le bébé va survivre.

Récupéré par une nourrice, puis par un moine, il est finalement élevé par une femme qui touche de l’argent pour les nourrir. Outre son nez « parfait », qui lui permet de détailler n’importe quelle odeur, Jean-Baptiste Grenouille n’en dégage aucune dans ce monde de relents immondes. Il va être rejeté de tous, être comparé au Diable et trouver un travail chez un tanneur.

J’ai été impressionné, époustouflé par la faculté de l’auteur à nous faire vivre, voir, entendre et sentir la façon dont le peuple vivait au dix-huitième siècle. Dès les premières pages et pendant tout le roman, la multitude de détails mais aussi la justesse des descriptions vont nous emmener ailleurs, et suivre l’itinéraire de ce jeune homme doté d’un talent unique et la façon dont il va se transformer en monstre.

Nous allons ainsi le suivre de Paris au massif central, Montpellier, Grasse pour revenir enfin à Paris. On en apprend à chaque page sur les conditions de vie, les écarts entre les pauvres et les nobles, sur la fabrication des parfums, sur l’essor de cette manufacture mais aussi sur les ambiances. Toute la magie de ce roman repose sur sa capacité à nous immerger dans cette période lointaine.

L’aspect psychologique des différents personnages croisant Jean-Baptiste Grenouille est aussi remarquablement décrit sans jamais être pédant. Il est d’ailleurs original de constater que l’itinéraire de Grenouille est principalement décrit via les personnes qui le rencontrent ou avec qui il travaille. Cela laisse une aura de mystère quant à ce que Grenouille pense réellement et insiste sur la façon dont il est vu et interprété. Car il ne faut pas oublier que dans sa folie, il nous montre une logique implacable le menant à sa fin.

En parlant de fin, l’auteur n’entre jamais dans des descriptions horribles, alors que ses actes le sont. Il se situe plutôt à un niveau technique de parfumerie ce qui évite des scènes à vomir. Et je ne peux qu’insister sur l’issue de ce roman, d’une folie à la hauteur de ce meurtrier, avec un aspect humour noir terrible (c’est mon ressenti). Et alors que l’on peut éprouver de la compassion envers cet enfant que l’on a vu grandir, on termine cette lecture en étant effrayé de ce qu’il fait, avec une rage noire collé au ventre.

J’ai été tellement pris par ce roman que je suis allé chercher sur Internet si ce Grenouille avait existé ! Impressionné de bout en bout, moi qui ne suis pas un fan de romans historiques, je dois bien vous avouer que ce roman vient d’intégrer mon TOP20. Il n’est pas étonnant de constater qu’il se situe en 16ème place des lectures préférées des Français pour sa qualité d’écriture et son immersion dans la France du 18ème siècle. Un roman hors normes.

Coup de cœur, oh que oui, énorme coup de cœur !

Le cercle des poètes disparus de Nancy H. Kleinbaum

Editeur : Livre de Poche

Traducteur : Olivier de Broca

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Initialement, je n’avais pas prévu de parler de ce roman mais ma fille l’ayant adoré, j’ai bousculé ma programmation. Hélas, il s’agit d’une novélisation du scénario du film de Peter Weir.

L’auteure :

Nancy Horowitz Kleinbaum est une auteure et journaliste américaine.

Elle a étudié à l’Université de Northwestern d’Evanston aux États-Unis de 1966 à 1970.

Elle a écrit de nombreuses novélisations à partir de films, dont « D.A.R.Y.L. » (1985), « Le cercle des poètes disparus » (Dead Poets Society, 1989), « Dr. Dolittle » (1998).

Elle a été journaliste au magazine « Lifestyles » pour lequel elle a réalisé diverses interviews.

Mariée et mère de trois enfants, Nancy H. Kleinbaum a vécu à New York, à Mount Kisco dans l’État de New York. Elle vit à Newtown en Connecticut.

Quatrième de couverture :    

À Welton, un austère collège du Vermont, dans les années 1960, la vie studieuse des pensionnaires est bouleversée par l’arrivée d’un nouveau professeur de lettres, M.Keating. Ce pédagogue peu orthodoxe va leur communiquer sa passion de la poésie, de la liberté, de l’anticonformisme, et secouer la poussière des autorités parentale, académique et sociale. Même si un drame met un terme à cette expérience unique, Keating restera pour tous celui qui leur a fait découvrir le sens de la vie.

Mon avis :

Le cercle des poètes disparus fait partie des films marquants, et l’on trouve la même passion quand on le voit une fois ou bien qu’on le regarde plusieurs fois, ce qui est mon cas. D’un scénario génial vantant la littérature et la liberté de penser, Peter Weir se montre inspiré et les acteurs passionnés par leur sujet. Le niveau du film se trouve encore grandi par cette fin, où le système broie sans pitié les initiatives personnelles visant la liberté et les tentatives de sortir du moule où l’on voudrait ranger les gens.

Ma fille de 17 ans n’a pas vu le film, elle a lu le livre et n’a pas hésité à me dire que ce roman était le meilleur qu’elle n’ait jamais lu (elle lit beaucoup). Forcément, la thématique l’attire, et la façon de le traiter remarquable. J’ai donc bouleversé ma programmation pour me faire mon propre avis, sans même me renseigner sur l’auteure ni le livre. Et bien mal m’en a pris, puisqu’il s’agit d’une novélisation du scénario original.

Je comprends bien cette volonté de faire du fric à outrance dès lors qu’un film a du succès. Ce livre a donc été écrit après le film, afin de tirer sur la corde et de récupérer de l’argent auprès des gens qui ont adoré le film … Ô humour cynique, quand le film prône la liberté de penser ou d’agir, les studios leur soutirent un peu plus d’argent. Il faut bien le dire, ce livre est la copie conforme du film, ni plus, ni moins.

On y trouve donc toutes les scènes les unes après les autres, les dialogues in extenso. Peut-être y a-t-il une ou deux scènes en plus, mais je n’en suis même pas sûr. Surtout, les descriptions ou le style aurait pu faire la différence mais tout cela reste bien plat, sans aucune passion, si bien que l’émotion ne passe pas et que l’on ne retrouve dans ce livre que le squelette d’un scénario à forte charge émotionnelle. Alors, un conseil, évitez le livre et courez acheter le film.

Mortels trafics / Overdose de Pierre Pouchairet

Editeur : Fayard / Livre de Poche

Prix du quai des Orfèvres 2017, ce roman a été adapté par Olivier Marchal sous le titre Overdose et réédité à cette occasion au Livre de Poche. Nous faisons donc connaissance avec Léanne Vallauri.

La base militaire anglaise du détroit de Gibraltar est en émoi : un Zodiac navigue dans leur direction. Par peur d’un attentat, la caserne se mobilise, avant de s’apercevoir que le bateau se dirige vers la plage toute proche. Ahuris, les militaires assistent à distance, à travers leur paire de jumelles au débarquement de nombreux paquets de drogue sur la plage réservée aux touristes.

A l’hôpital Necker de Paris, la brigade criminelle est appelée d’urgence. Deux enfants ont été assassinés et on a peint sur les murs « Allahu Akbar » avec le sang des victimes. Le commandant Patrick Girard va être chargé de cette affaire, pour savoir s’il y a un lien avec les réseaux extrémistes. Quand ils vont rendre visite à la mère d’un des jeunes enfants qui loge chez un cousin, ils s’aperçoivent qu’elle a disparu.

La brigade des stupéfiants de Nice s’apprête à arrêter un réseau de trafiquants de drogue, dès qu’ils passeront la douane. Un de leurs indics les a prévenus que des BMW vont faire le trajet de Marbella à la France comme de simples touristes … finis les Go-Fast. Avec l’aide des autorités espagnoles, la commandante Léanne Vallauri va suivre la progression des véhicules jusqu’à ce qu’un accident sur l’autoroute ne chamboule leur plan.

Comme tous les lauréats du Prix du Quai des orfèvres, ce roman offre une bonne intrigue et nous montre tous les rouages du système policier en respectant les relations entre la police et la justice et ici, particulièrement, les relations entre les différents services. Contrairement à d’autres romans, on ne va pas assister à une guerre entre services mais bien à une collaboration entre la police judiciaire et la brigade des stupéfiants.

J’ai particulièrement apprécié les personnages et la façon dont Pierre Pouchairet les a créés, avec Léanne que l’on retrouvera ensuite dans la série des Trois Brestoises et Patrick Girard. Malgré le grand nombre de personnages, on ne se retrouve jamais perdu et on alterne entre les différents lieux avec une aisance remarquable, aidés en cela par un style fluide et une construction maitrisée.

Et dès le début du roman, on se sent pris par le rythme de l’action. Malgré le fait que l’on parle d’un « Go-Slow », on ressent une célérité, une vitesse, un rythme qui nous empêche de lâcher ce roman. Du transfert de la drogue à l’enquête sur les meurtres d’enfants, les pièces du puzzle vont se mettre en place avec en filigrane une certaine urgence à boucler les dossiers pour cause de réduction de budget. Pierre Pouchairet nous offre avec Mortels Trafics (ou Overdose) un polar agréable, costaud, bien fait.

Oldies : L’heure des fous de Nicolas lebel

Editeur : Marabout (Grand Format) ; Marabout & Livre de Poche (Format Poche)

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Et je commence par un auteur que j’affectionne particulièrement et un personnage que j’adore, à savoir le capitaine Mehrlicht, pour sa première enquête qui est sortie il y a déjà 10 ans !

L’auteur :

Nicolas Lebel, né le 29 novembre 1970 à Paris, est un écrivain français.

Après des études de lettres et d’anglais, Nicolas Lebel voyage sur les cinq continents puis habite en Irlande où il enseigne le français. Rappelé en France pour faire son service national, il revient vivre à Paris où il habite aujourd’hui. Traducteur et professeur d’anglais, il publie son premier roman L’Heure des fous en 2013.

Amateur de littérature, de Côtes-du-rhône septentrionales et de whiskies Islay, Nicolas Lebel est aussi un pratiquant assidu de krav-maga.

Quatrième de couverture :

Paris : un SDF est poignardé à mort sur une voie ferrée de la gare de Lyon. « Vous me réglez ça. Rapide et propre, qu’on n’y passe pas Noël », ordonne le commissaire au capitaine Mehrlicht et à son équipe : le lieutenant Dossantos, exalté du code pénal et du bon droit, le lieutenant Sophie Latour qui panique dans les flash mobs, et le lieutenant stagiaire Ménard, souffre-douleur du capitaine à tête de grenouille, amateur de sudoku et de répliques d’Audiard…

Mais ce qui s’annonçait comme un simple règlement de comptes entre SDF se complique quand le cadavre révèle son identité.

L’affaire va entraîner le groupe d’enquêteurs dans les méandres de la Jungle, nouvelle Cour des miracles au cœur du bois de Vincennes, dans le dédale de l’illustre Sorbonne, jusqu’aux arrière-cours des troquets parisiens, pour s’achever en une course contre la montre dans les rues de la capitale.

Il leur faut à tout prix empêcher que ne sonne l’heure des fous…

Mon avis :

J’attendais la bonne occasion de lire la première enquête de Mehrlicht et son groupe, la seule qui me manquait à mon palmarès. Je comprends mieux ce qui m’a passionné avec ce personnage hors du commun, mélange de l’inspecteur Columbo, Paul Préboist et Kermit la Grenouille, mais avec un verbe à la hauteur d’un Audiard.

L’intrigue est menée consciencieusement, sa maitrise en ferait pâlir plus d’un. Le groupe des policiers ont tous une personnalité bien affirmée et on lit cette aventure sans jamais s’arrêter tant le style fluide de l’auteur fait des merveilles. Evidemment, il faut lire cette série de cinq enquêtes dans l’ordre pour les voir évoluer et s’enfoncer dans des problèmes personnels inextricables.

Et déjà, dans ce premier épisode, on ne se lasse pas du lieutenant Dosantos et de ses rappels des articles du code pénal, de Sophie Latour, la seule femme du groupe et la seule à avoir la tête sur les épaules, de Ménard malmené par le capitaine et Mehrlicht aux réparties cinglantes (on aura dans les volumes suivants, des envolées lyriques extraordinaires) et son téléphone aux sonneries rappelant les meilleurs phrases d’Audiard. Et le passage dans les catacombes vaut largement le détour.

Par la suite, le niveau des romans va monter en puissance avec Le jour des morts (Super !), Sans pitié ni remords (Extraordinaire !), et surtout De cauchemar et de feu (Mon préféré !) pour finir avec Dans la brume écarlate. D’ailleurs, je passe un message privé : Dis, Monsieur Nicolas, quand nous referas-tu une enquête de Mehrlicht and Co ?