Editeur : Editions du masque (Grand Format) ; Livre de Poche (Format Poche)
Traducteur : Johan-Frédérik Hel Guedj
Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.
Parmi les séries de détective privé, celles de Bernie Gunther font partie des incontournables. Bien que n’ayant pas (encore) tout lu, j’avais prévu dès le début de l’année de lire ce quatrième tome qui se situe en 1937 et 1949.
L’auteur :
Philip Ballantyne Kerr, né le 22 février 1956 à Édimbourg (Écosse) et mort le 23 mars 2018 à Londres, est un auteur britannique de roman policier et de littérature d’enfance et de jeunesse.
Philip Kerr étudie à l’université de Birmingham de 1974 à 1980 et obtient des diplômes de maîtrise en droit et en philosophie. Il travaille un temps comme rédacteur publicitaire pour l’agence Saatchi and Saatchi avant de devenir journaliste indépendant, puis écrivain de romans policiers en 1989. Le succès de sa Trilogie berlinoise (Berlin Noir), ayant pour héros Bernhard Gunther, un enquêteur privé surnommé Bernie, dont les aventures ont pour cadre l’Allemagne nazie, le pousse à se consacrer à l’écriture à temps plein. Alors qu’il avait annoncé la fin de Gunther après la publication de la trilogie, il lui consacre de nouvelles aventures à partir de 2006.
En 2015, avec Le Mercato d’hiver (January Window), il entame un nouveau cycle ayant pour héros un entraîneur de football, Scott Manson.
À l’occasion, il publie des articles pour le Sunday Times, l’Evening Standard et le New Statesman. Envoyé spécial de la BBC à Moscou en 1994, il peut suivre pendant trois semaines une enquête du chef de la police de Saint-Pétersbourg. À son retour au Royaume-Uni, il en tire un roman de procédure policière sur la mafia russe intitulé Chambres froides (Dead Meat).
Trois de ses romans, qui se déroulent dans un futur proche, sont des réquisitoires contre la déshumanisation d’une société envahie par l’informatique : Une enquête philosophique (A Philosophical Investigation, 1992), La Tour d’Abraham (Gridiron, 1995) et Le Sang des hommes (The Second Angel, 1998).
Sous la signature P. B. Kerr, il poursuit également la publication à partir de 2004 d’une série pour la jeunesse, Les Enfants de la lampe magique (Children of the Lamp).
Philip Kerr résidait à Londres avec sa femme, Jane Thynne, également écrivain, et leurs trois enfants. Il meurt des suites d’un cancer le 23 mars 2018, à l’âge de 62 ans.
Quatrième de couverture :
1949. Munich rasée par les bombardements et occupée par les américains se reconstruit lentement. Bernie Gunther aussi : redevenu détective privé, il vit une passe difficile. Sa femme meurt, il a peu d’argent et surtout, il craint que le matricule SS dont il garde la trace sous le bras ne lui joue de sales tours. Une cliente affriolante lui demande de vérifier que son mari est bien mort, et le voici embarqué dans une aventure qui le dépasse. Tel Phil Marlowe, et en dépit de son cynisme, Gunther est une proie facile pour les femmes fatales. L’Allemagne d’après-guerre reste le miroir de toutes les facettes du mal et le vrai problème pour Gunther est bientôt de sauver sa peau en essayant de sauver les apparences de la morale. Atmosphère suffocante, hypocrisies et manipulations, faits historiques avérés façonnés au profit de la fiction : du Philip Kerr en très grande forme.
Mon avis :
On peut être surpris par ce prologue qui fait plusieurs dizaines de pages et qui nous projette en 1937. Bernie plonge dans une combine qui, sous couvert de pousser à l’émigration des juifs en Palestine via la création de sociétés dans lesquelles certains pontes nazis auraient des parts. Bien entendu, la situation se complique quand la Gestapo demande à Bernie d’espionner les membres du ministère des affaires juives du SD. Lors de ce voyage, il côtoiera Adolf Eichmann.
1949, Dachau, près de Munich. Bernie doit s’occuper de l’hôtel familial pendant que sa femme Kirsten agonise à l’hôpital. Dans cette période trouble, il a l’idée de revenir à son travail de détective privé et se spécialise dans la recherche de personnes disparues. Une belle cliente Britta Warzok lui demande de retrouver son mari pour lui permettre de se remarier selon les exigences de l’église.
Je retrouve cet énorme plaisir avec cette lecture de Philip Kerr et ce quatrième tome dans l’ordre de parution. Comme d’habitude, on y trouve une documentation riche et détaillée sans pour autant « jouer » au professeur. On voit ici une Allemagne pressée de tourner la page, prête à pardonner, pour arrêter ces condamnations à mort qui la handicapent pour leur futur.
On y trouve des Allemands penauds, honteux et d’autres qui ne renient pas leurs effroyables actes. Mais au milieu de ce peuple dont chacun veut sauver sa vie, qui dit la vérité ? Alors, Philip Kerr nous montre les organisations organisant la fuite des nazis vers l’Amérique du Sud, dont le réseau ODESSA mais aussi l’église et la Croix Rouge. Evidemment, il nous parle des camps, nous cite des horreurs inimaginables et nous fait découvrir les brigades du Nakam, commando juif qui s’est donné pour mission de tuer les nazis hors de toute justice.
Mais ce roman est aussi et avant tout un gigantesque polar, dans lequel on se laisse emmener par un Bernie plein d’humour, sorte de seule possibilité d’oublier le passé de ses congénères (même si on apprend qu’il n’est pas totalement innocent). Le choc en devient d’autant plus violent quand on découvre la machination dont il est l’objet. Un grand, très grand roman.