Editeur : Métaillié
Traducteur : Serge Quadrupani
Dans la postface de son roman, Carlo Lucarelli nous indique qu’il a encore des comptes à régler avec De Luca après ses quatre précédentes enquêtes qui sont : Carte blanche suivi de L’Été trouble (1999), Via Delle Oche (1999), et Une affaire italienne (2021).
24 juillet 1943, Bologne. Alors qu’il se rend dans une maison pour une interpellation contre des gens pratiquant le marché noir, dont le chef est Egisto Saccani, le commissaire De Luca se trompe de maison et découvre un cadavre sans tête. Ils arrêtent donc un adolescent Negroni Gianfranco qui semble avoir perdu la tête en indiquant avoir vu le Christ des Chiens. Alors qu’il passe la journée avec sa fiancée Lorenza et ses amis, l’un d’eux le met sur la piste d’une fresque présente dans un mausolée du cimetière qui s’appelle le Christ des Chiens. Pendant ce temps-là, la charcuterie est partagée entre la questure et la milice.
Le lendemain, l’information circule que Mussolini vient d’être arrêté. Le consul a ordonné de libérer les hommes arrêtés la veille et De Luca se rend au cimetière. Il découvre la fresque et en déduit que la tête doit reposer dans les environs. En effet, il finit par la découvrir sur la rive de la rivière. Mais en la rapportant, il est pris à partie par des manifestants qui veulent se débarrasser des fascistes et les policiers sont considérés comme les premiers fascistes.
Quand il apporte la tête au service de médecine légiste, les conclusions le guident vers un homme corpulent. Mais surtout, De Luca est surpris d’apprendre que la tête n’appartient pas au corps, les traces de découpe ne correspondent pas. Quand il veut interrogés le Trafiquant et son jeune ami, ils ont tous deux disparus, libérés par le consul Martina, qui est la directeur de la milice.
Carlo Lucarelli nous avait présenté De Luca comme un personnage jugé comme fascisant puisqu’il occupait le poste de commissaire de police pendant la guerre. Un doute subsistait sur sa situation réelle. L’auteur met les choses au clair et nous peint un enquêteur doué et obsédé par les mystères qu’il doit résoudre. Cela en devient une telle obsession qu’il semble être imperméable face aux soubresauts de son environnement et n’avoir comme seule réponse que : « Je ne fais pas de politique, je suis de la police ».
Je ne vais pas vous faire l’affront de juger l’enquête proposée dans ce Péché mortel, tant tout y est mené de main de maître et que l’on suit son avancement du point de vue de De Luca, et pouvoir apprécier sa logique de réflexion. Il faut aussi préciser que Carlo Lucarelli n’est pas du genre à vous mâcher la lecture, chaque mot, chaque phrase sont importants et il arrive à nous faire ressentir l’ambiance qui régnait à cette époque dans des scènes mémorables comme celle du bombardement, où l’on ressent les soubresauts à chaque explosion.
Et puis, le contexte historique est parfaitement rendu, non pas par les événements qui vont se succéder mais par la réaction des différents protagonistes. Il faut bien avouer que la situation a dû être invivable pour le peuple italien. Imaginez : Alors que les Américains entrent en Sicile, Mussolini se fait virer et emprisonner. Le peuple se retourne contre les fascistes qui eux, retournent leur veste. A peine trois mois plus tard, les Allemands envahissent le nord de l’Italie et restaurent la dictature.
Carlo Lucarelli ne s’appesantit pas sur les événements mais se concentre sur leur impact en regardant la réaction des gens (et on n’est pas loin du Corps Noir de Dominique Manotti). Il y rajoute une bonne dose d’humour et de dérision. Outre son personnage de flic remarquablement complexe, son intrigue policière tordue, ce roman est une belle leçon d’histoire grâce à laquelle on apprend beaucoup de choses sur une période dont on a bien peu parlé.