Candyland de Jax Miller

Editeur : Ombres Noires

Traducteur : Claire-Marie Clévy

Attention coup de cœur !

Après Les infâmes, le premier roman de Jax Miller que j’avais bien aimé, je ne m’attendais pas à un tel choc dès son roman suivant. Car, pour vous donner une petite idée sur l’effet qu’il m’a fait, j’ai mis deux jours à m’en remettre sans avoir ne serait-ce que l’envie d’en ouvrir un autre. Le personnage principal de ce roman n’est rien moins que la petite ville de Cane.

Cane est une petite ville minière (imaginaire) de Pennsylvanie qui a connu son heure de gloire dans les années 60 grâce à son parc d’attraction dédié aux sucreries nommé Candyland. Cane était même surnommée Le Cœur Sucré de l’Amérique. Avec la fermeture des mines, la ville a petit à petit dépéri et Le cœur sucré de l’Amérique est devenu le Cœur drogué de l’Amérique. La fermeture de Candyland dans les années 80 a sonné le glas de cette petite ville, le parc étant squatté par les fabricants d’alcool de contrebande et de méthamphétamine.

Cane est une ville entourée de forêts, juste en bordure du comté de Vinegar. Au milieu des bois, se dresse une colline, au sommet de laquelle s’est implantée une communauté Amish. Sadie Gingerich en est issue, et est partie pour tenir une boutique de confiseries. Grace à son don de créer des bonbons originaux, elle connait encore aujourd’hui un grand succès. Elle attend son fils Thomas pour le repas de Thanksgiving, qui est bizarrement en retard. En fait, ils ne se voient que pour cette occasion-là.

L’inspecteur Braxton en a encore pour quelques jours avant de prétendre à une retraite bien méritée. Cela ne le rassure pas, car il va être obligé de subir sa femme Deb. Quand on l’appelle, c’est pour lui signaler un corps dans une grotte à la sortie de Cane. Il se déplace donc avec son remplaçant, l’inspecteur Rose qui ne veut pas s’embêter et veut faire passer cette mort pour une attaque d’ours. Mais quand Braxton retourne le corps, il reconnait en lui Thomas, le fils de Sadie et des souvenirs viennent le hanter.

Braxton tient à aller lui annoncer lui-même la mort de son fils. Le poids du passé les empêche de ne dire que quelques mots, mais il lui promet de trouver le coupable. Le corps a en effet été poignardé à 17 reprises. Lors de l’autopsie, on retrouve un morceau de lame qui s’est cassé entre deux cotes. Dessus, on trouve les empreintes de sa nièce Allison Kendricks, que Braxton a élevée quand son père Danny est parti en prison. Le temps de lever tous les secrets est arrivé …

Dès son deuxième roman, Jax Miller frappe fort, et même plus que fort. J’avais bien aimé Les infâmes, mais j’étais loin d’imaginer que son deuxième roman allait être aussi fort. C’est bien simple, je n’y ai trouvé aucun défaut, sauf peut-être un chapitre en trop (le chapitre 81, qui n’amène rien à l’intrigue). Mais c’est vraiment pinailler car le plaisir de se balader à Cane est immense.

J’ai trouvé hallucinant la facilité avec laquelle Jax Miller arrive à créer une ville complète, sans en faire trop (contrairement à moi dans le résumé que je vous ai fait). En fait elle positionne ses descriptions au fur et à mesure, faisant avant tout la part belle à ses personnages. Surtout, elle montre comment dans cette petite ville comme dans toute petite ville, comment tout le monde se connait, comment tout le monde sait tout et ne dit rien, ou ne sait rien mais dit tout. Surtout, elle nous montre comment tout un chacun garde pour lui ses secrets qui peuvent sembler insignifiants mais qui petit à petit vont s’avérer énormes, dramatiques, catastrophiques.

Sans surprise, Jax Miller va passer d’un personnage à l’autre, évitant d’en faire parler à la première personne du singulier, leur laissant la place sans prendre parti. Et quels personnages, avec Sadie, mère éplorée à cause d’un fils qui la délaisse, ou Braxton, flic vieillissant obligé de s’impliquer dans cette affaire, ou Allison adolescente malheureuse, droguée, qui refuse le bonheur, ou Thomas, fils idéal en apparence, ou Danny ancien taulard qui veut réparer ses erreurs. Même les personnages secondaires sont aussi importants comme Rose qui ne veut pas être emmerdée.

C’est aussi et surtout ce style envoûtant, qui vous prend doucement par la main, qui vous emmène ailleurs, dans une petite ville que l’on pourrait croire tranquille. Puis, plus on avance dans le roman, plus on change d’avis. Mais le plaisir et l’envie d’y retourner est toujours là. Je parle souvent de plume hypnotique, mais je dirai qu’ici elle est magique, elle vous ensorcelle pour laisser dans votre cerveau une envie irrépressible d’y revenir. Comme une drogue …

Il y a aussi cette construction implacable, faite tout en douceur. On voyage d’un personnage à l’autre, d’un lieu à l’autre, d’une époque à l’autre et c’en est un réel plaisir. Tout cela se fait en douceur, pour mieux nous emmener dans un final dramatique époustouflant. Il y a aussi des retournements de situation qui vous renversent, vous prenant à revers dans toutes vos certitudes. Il y a aussi ce souffle romanesque, insufflé par le destin de personnages simples mais hors du commun. Il y a cette description de petites gens, qui m’ont fait penser, dans leur minutie au grand Stephen King.

Énorme, je vous dis que ce roman est énorme. Un vrai grand beau coup de cœur !

Ne ratez pas l’avis de l’ami Yvan

16 réflexions sur « Candyland de Jax Miller »

  1. Un truc de dingue, hein ! Je ne m’en suis toujours pas remis ! Mais comment a t-elle fait pour publier un livre aussi bon et aussi fort alors que c’est seulement son deuxième ! (et qu’accessoirement il n’a pas été publié pour le moment en Angleterre…)
    Que ton enthousiasme me fait plaisir !

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      1. j’aime bien quand on s’influence mutuellement ;-). Faut dire qu’il était difficile d’attendre un tel niveau d’excellence de sa part ! Continuons donc à prêcher la bonne parole livresque 😉

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  2. Je viens de le terminer et que dire……
    Un bijou, un chef d oeuvre. Quelle plume de Jax Miller. Elle fait mouche sur tous les points avec son oeuvre désenchantée que ce soit avec ses personnages , son ambiance , le cadre ou encore son intrigue. Ce roman a ce truc en plus assez indéfinissable qui fait qu il nous hante bien apres la dernière page refermée. Une de mes lectures les plus marquantes de ces dernières années. Merci pour la découverte fabuleuse de ce diamant.

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    1. Salut Olivier, c’est un grand roman, tout simplement. Comme toi, j’ai été emporté par le souffle romanesque de ce roman. Pour un deuxième roman, c’est extraordinaire. Parce que chef d’oeuvre est un mot que je n’utilise jamais ! 😉 Amitiés

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  3. Je te rejoins sur le fait que « chef d’oeuvre » est mis à toute les sauces et qu’au final cela le vide de son sens. D’autant plus que seul le temps peut donner ces lettres d’or à un roman. C’est toutefois une notion très subjective que j’assume entièrement concernant ce polar qui m’aura vraiment marqué et dont je parlerai encore des années comme une de mes références. Amitiés

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