Il semblerait que cette année 2022 soit une très bonne année pour tous les amateurs de polar. Toutes les lectures que j’ai pu lire que ce soit en janvier ou en février sont intéressantes ; et si je ne me limitais pas, j’aurais déjà mis trois ou quatre coups de cœur parmi tous les titres chroniqués. C’est encore le cas pour ce mois de février où, quelques soient les titres évoqués, on y trouve de la passion, de l’émotion et une fantastique envie de lire, de découvrir.
Commençant par La cour des mirages de Benjamin Dierstein (Les Arènes – Equinox), un roman terrible qui va mélanger la politique, les magouilles financières et les réseaux pédophiles, un roman porté par deux personnages forts, fracassés, malmenés dans leur vie personnelle mais qui gardent en eux la fibre, la passion de leur métier et la volonté de justice. Avec son style haché, avec son rythme, avec ces images ignobles et ses personnages indescriptibles, ce roman clôt de grande façon la trilogie sur la chute du Sarkozysme. Evidemment, c’est un coup de cœur, évidemment vous devez lire ce livre, ces trois livres, même si certaines scènes le réservent à un public averti.
Dans la catégorie Oldies, Le diable de Glasgow de Gilles Bornais (10/18) nous introduit un nouveau personnage de détective, Joe Hackney, travaillant au Scotland Yard. Il doit résoudre une affaire bien loin de la ville et dès le départ le mystère semble insoluble. Mélangeant le fantastique et le polar pur et dur, Gilles Bornais utilise un style direct, très moderne, proche de Robin Cook, qui contraste avec la période du 19e siècle qu’il décrit. En tant que premier roman d’une série, il donne furieusement envie de se plonger dans la suite des enquêtes de Joe Hackney.
Entendez-vous dans les campagnes d’Ahmed Tiab (Editions de l’Aube) marque le retour d’Ahmed Tiab. Et pour ce roman, il place au devant de la scène Lofti Benattar que nous avons rencontré précédemment dans Pour donner la mort tapez 1. Lofti va quitter Marseille pour se retrouver dans le Morvan, quitter le soleil pour le brouillard. Il va être confronté à une affaire de disparition puis de meurtre. Comme d’habitude avec Ahmed Tiab, il s’agit de montrer la société française et ce portrait des campagnes ressemble à s’y méprendre à ce qu’on trouve dans les villes que l’on nous montre dans les journaux télévisés, du racisme, des jeunes radicalisés et des gens qui en profitent. C’est à nouveau une grande réussite.
Béton rouge de Simone Buchholz (Atalante – Fusion) marque le retour de Chastity Riley, le personnage principal créé par cette auteure allemande au talent immense. Avec son style direct, elle a réussi à créer un personnage attachant et moderne. Même si on peut regretter une intrigue légère il n’en reste pas moins qu’on a l’impression d’avoir passé un bon moment avec une amie que l’on ne voudrait jamais quitter.
Le carré des indigents d’Hugues Pagan (Rivages – Thriller) : Au tout début de cette année Hugues Pagan a marqué son retour par un roman noir, situé dans les années 70, juste avant la mort de Georges Pompidou. Schneider, de retour de la guerre d’Algérie, revient dans sa ville natale pour une affaire de disparition d’une adolescente, ce qui va venir confirmer tout le mal qu’il pense de cette société ainsi que la couleur noire de sa vie. Hugues Pagan est un pur styliste il le montre encore ici de façon éclatante, flamboyante.
La forêt des silences de Serge Brussolo (H&O éditions) est un roman étrange comme son nom l’indique, un inédit publié directement au format poche, un polar qui va vous faire passer par toutes les émotions et qui balaye tous les genres. Commençant comme un roman angoissant, il continue comme un polar pour tourner petit à petit vers la politique. Ecrit simplement, il malmène ses trois personnages principaux qui vont être confrontés à une intrigue qui va constituer un très bon divertissement
Les cow-boys sont fatigués de Julien Gravelle (Seuil – cadre Noir) : Il est rare de lire un roman québécois et l’occasion est trop belle de plonger dans un polar qui comporte à la fois suffisamment de rebondissements, un personnage vieillissant qui dit ce qu’il pense et langage mâtiné de temps en temps d’expressions du cru ou d’anglicismes. On rentre rapidement dans l’histoire, le style est vif, rapide, et bigrement agréable. Une bien belle découverte
Ordure d’Eugene Marten (Quidam éditeur) : J’aurais pu donner le titre de Chouchou à ce roman tant il m’a impressionné. D’un format ultra-court il propose un personnage d’homme de ménage dans une grande société, isolé, vivant dans un sous-sol loué par sa mère. Puis un événement va bouleverser sa vie. Eugène Marten est un auteur minimaliste et ce qui est effrayant n’est pas ce qu’il écrit mais les vides qu’il laisse entre deux phrases. A la façon d’un Larry Fondation, il nous montre un personnage sans espoir, une ombre qu’on ne voit pas et qu’on ne veut pas voir. Voilà un roman qui a tout pour devenir culte.
Le titre de chouchou du mois revient donc à Les silences d’Ogliano d’Elena Piacentini (Actes Sud). Dans un paysage inventé de village du Sud, encastré entre les montagnes, Elena Piacentini atteint des sommets d’écriture, et recrée une tragédie digne des plus grands, autant par les personnages que par cette intrigue d’émancipation du jeune Libero.