La pension de la Via Saffi de Valerio Varesi

Editeur : Agullo

Traducteur : Florence Rigollet

Attention, coup de cœur !

Ça y est, je le tiens, le premier coup de cœur de 2017. Et quel coup de cœur, quel roman ! Son précédent roman paru chez nous chez Agullo aussi, Le fleuve des brumes, était déjà impressionnant d’ambiance et parlait d’un sujet historique prenant. Celui-ci est plus introspectif et émotionnellement très fort.

A quelques jours de Noel, Parme, Italie. C’est une période habituellement calme au commissariat. Une vieille dame vient pour signaler qu’elle est inquiète car son amie ne répond ni au téléphone, ni quand on sonne à sa porte. De loin, le commissaire Soneri entend que la vieille dame s’insurge, qu’il s’agit de Ghitta, qu’elle ne sort jamais de chez elle, qu’elle tient la pension Tagliavini, dans la Via Saffi. Ce nom, cet endroit, tout cela lui rappelait sa jeunesse.

C’était il y a quinze ans. Tous les jeunes de l’université étaient passés par la pension, logeant dans les chambres meublées de Ghitta. Ada habitait là-bas. C’était la femme de Soneri. Cela fait quinze ans qu’elle est morte en mettant au monde leur enfant. Quinze ans qu’il survit à ce drame, à l’absence de l’être aimé. Quinze ans qu’il imagine ce qu’aurait du être sa vie avec elle.

Peut-être ne voulait-il pas y aller, ressasser ses souvenirs ? Peut-être devait-il y aller ? Il se dirigea vers la pension. La porte avait été claquée, pas fermée à clé. Il l’ouvre avec sa carte de crédit. En entrant, il retrouve le couloir, les chambres alignées, ses souvenirs collés dans l’air ambiant. C’est dans la cuisine qu’il trouve Ghitta, allongée sur le carrelage. Il n’y a aucune trace de sang, les bijoux sont dans un petit coffre en bois. Elle a été poignardée et vidée de son sang comme un cochon.

Déjà avec Le fleuve des brumes, j’avais été enthousiasmé par la qualité de l’écriture de Valerio Varesi et son talent à peindre des atmosphères. Avec ce roman, je retrouve toutes les raisons pour lesquelles j’aime cet auteur, auxquelles j’ajoute cette incroyable plongée dans la psychologie de Soneri, indéniablement marqué par son passé et la perte de sa femme lors de l’accouchement de leur enfant.

On pourrait penser que, chronologiquement, ce roman arrive avant Le fleuve des brumes, puisqu’il aborde le passé du commissaire. Et pourtant, il a été publié en Italie un an après. Surtout, ce roman fait appel aux souvenirs du lecteur, à ses blessures, à ses cicatrices toujours ouvertes, de ces moments désagréables qui, la plupart du temps, nous laissent tranquilles, jusqu’à ce qu’un moment, ils reviennent nous hanter.

Comme tout le monde, j’ai des souvenirs douloureux, des regrets, des moments que je souhaiterais oublier, comme certaines phrases ou réactions qui me marquent. Comme Soneri, je voudrais bien tourner la page, mettre un voile opaque sur tout ça, regarder vers l’avant. Mais ça n’existe que dans les livres. Et en parlant de livres, La pension de la Via Saffi m’a fait mal, même si le sujet est assez loin de mes expériences. Il n’empêche que la façon de raconter cette histoire force forcément le lecteur à se pencher sur son passé, le place devant ses propres responsabilités.

Avec son personnage de commissaire taciturne et sa façon de creuser le passé du personnage, on se retrouve très proche des meilleurs romans d’Arnaldur Indridason. Son style est d’une subtilité rare, détaillant de petits moments, des petits détails qui rappellent des souvenirs, et par conséquent l’absence de la personne aimée. Quand je disais que ce roman était intemporel, il est surtout universel, et m’a permis une vraie remise en cause sur ce qu’est la mémoire et la façon dont on arrange les souvenirs.

Il n’y a pas une seule faute dans ce roman, et je n’y ai vu que des qualités. Son rythme doux et tendre, à l’image des images du passé qui traînent dans nos cerveaux, est d’autant plus cruel, et fait appel à l’expérience du lecteur. C’est en cela que je trouve ce roman remarquable, extraordinaire, puissant, profond : le lecteur que je suis s’identifie au personnage de Soneri et s’approprie cette histoire et tout ce qu’elle implique. Pour tout vous dire, j’en ai pleuré, et j’ai mis une bonne semaine à m’en remettre. Coup de cœur !

Ne ratez pas non plus le coup de cœur de mon ami du Sud La Petite Souris

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