Le loup habillé en grand-mère de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Sérieusement, avec une quatrième de couverture comme celle-là, seriez-vous capable de résister ?

On ne peut jamais prévoir la réaction des gens ! Je vous prends à témoin, mes amis : si vous receviez par la Poste 20 000 000 AF signés anonyme, quelle serait votre réaction ?

J’en connais qui les convertiraient aussitôt en bons du Trésor…, d’autres qui s’offriraient illico une douzaine de danseuses…, d’autres encore qui se feraient construire un coquet pavillon à Créteil…

Eh bien, le bonhomme qui vient d’entrer dans mon burlingue est d’un genre différent, lui : il veut porter plainte !

Comme dit Bérurier : « Une telle honnêteté, c’est pas honnête ! »

Les anecdotes :

Le loup habillé en grand-mère est un roman publié au troisième trimestre 1962 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 50e de la série policière San-Antonio.

Le roman ne comporte que 12 chapitres.

Frédéric Dard rend hommage à Georges Simenon en citant Maigret (voir plus bas).

Les Bérurier ont engagé une bonne, Héloïse, et ont un chien Saint-Bernard qui ne se gêne pas pour pisser sur les jambes des gens qu’il rencontre.

Pinaud travaille au début du roman dans son agence de détective Pinaudère Agency Limited avant d’être réintégré dans la police pour améliorer sa retraite.

Mon résumé :

Il faut quand même être con, excusez-moi du terme, pour demander à un enquêteur de trouver l’expéditeur de paquets remplis d’argent que l’on reçoit toutes les semaines. Et pourtant Cet hôtelier à la retraite devenu rentier M.Fouassa s’adresse à Pinaud pour résoudre ce mystère. Mais le pauvre vieux Pinaud n’y arrivant pas, il demande à San-Antonio de prendre en charge cette affaire.

Après quelques recherches, il ne semble y avoir un autre Fouassa dans la région parisienne. San-Antonio et Pinaud se rendent donc chez le plaignant et tombent sur Madame renard, sa secrétaire (et plus si affinités) qui leur indique que le maître de maison fait une crise d’asthme et est alité. Le temps qu’il descende, du bruit venant du jardin les inquiètent : La secrétaire a été assommée puis égorgée et quelques billets parsèment la pelouse. Fouassa vient d’être dévalisé !

Mon avis :

Voilà une excellente enquête rigolote et grand public. Tout démarre sur une idée géniale (il est difficile de dire le contraire) et cela dévie sur une vraie enquête policière. Puis, à la moitié du roman, alors que San-Antonio and Co ont résolu le mystère, l’intrigue diverge à l’étranger dans une toute autre direction (que je vous laisse découvrir). Car il faut que vous lisiez cet excellent opus de cette série policière.

On y trouve une enquête, du suspense, et surtout de l’humour, une langue remodelée, modifiée, détournée, magnifiée. J’adore particulièrement la façon de présenter les personnages secondaires, de décrire les décors et d’agencer les scènes. Il y a encore peu de digressions mais plutôt des descriptions basées sur des détournements hilarants, et quelques notes de bas de page.

Si San-Antonio tient le premier rôle, j’apprécie de plus en plus Pinaud et Bérurier, même si ce dernier est en petite forme. Ils sont surtout mis en valeur à travers la façon dont San-Antonio les appelle, comment il les traite, avec cet humour vache que l’on réserve envers ceux qu’on adore. Et franchement, j’ai pris mon pied du début à la fin, en trouvant remarquable comment à partir d’une idée idiote, San-Antonio arrive à créer une intrigue qui se tient.

Quelques citations impayables :

« Quand dans une enquête on ne possède aucun élément positif, on essaie de fonctionner à l’atmosphère, méthode Maigret, Pinuche. Tu bois un verre de bière en regardant le dargeot de la patronne du bistrot et tu piges tout. Voilà trente ans que Simenon nous explique ça. »

« D’après ce que j’ai compris, ça serait ma vésicule d’hier qui chercherait des rognes à mon duo des hommes ; en plus, j’ai le pancréas qu’arrive plus à pancréer et l’estomac qui démarrerait un rétrécissement de la hotte. Brèfle, il m’a collé vingt jours de repos absolu. Quinze heures de plumard, crudités, grillades et pas d’alcool ; le régime des stars, quoi ! Si je le suis, je me chope la taille mannequin et un teint de lait que les jeunes filles m’envieront. »

« Je suis t’en congé à partir de dorénavant. Si c’est un ordre, tu peux te le carrer dans l’écrin à thermomètre ; maintenant, si c’est un service que tu me demandes, ça change tout. »

« L’arrivée du vaillant Bérurier interrompt provisoirement des pensées que seule une équipe de spéléologues chevronnés pourrait visiter tant elles sont profondes. Il a mauvaise mine, le Gravos. Le teint couleur de papier (hygiénique) mâché, les yeux comme des œufs au plat (avec filet de vinaigre), les muqueuses ravagées, les paupières pareilles à deux sacs de linge sale, les joues barbues, les bajoues herbues, les lèvres écaillées, le râtelier à l’envers, les cils défrisés, les sourcils penauds, l’abdomen tombant, le sismographe en coquille d’escargot, le pied lourd et le geste tourné à vingt-quatre images seconde. »

« Je le jauge d’un regard savant. C’est un petit homme d’une cinquantaine d’années, déplumé du croûton, mais qui a collé ses derniers crins à la Seccotine pour être certain de ne pas les paumer. Il a le visage allongé, le menton galochard, le nez comme une cerise, un dentier qui le gêne aux épaules, une moustache d’un autre âge, de grandes oreilles, l’œil défraîchi, l’arcade sourcilière proéminente comme celle de certains primates et une cicatrice au front qui représente un coucher de soleil sur la mer Rouge. Je le situe socialement dans la catégorie des rentiers modestes et précoces. Il possède une intelligence qui ne lui ouvrira jamais les portes de l’Institut et il est fringué façon passe-partout. »

« Mon étonnement pourrait être turc car il va croissant. Il pourrait à la rigueur être corbeau car il va aussi croassant, et peut-être même grenouille car, sans en avoir l’« r » il va coassant. »

Ce billet aurait été moins complet sans les nombreuses notations prises chez Autodidacteblog : https://autodidacteblog.wordpress.com/2016/10/13/du-poulet-au-menu/ et https://www.toutdard.fr/book/loup-habille-en-grand-mere/

4 réflexions sur « Le loup habillé en grand-mère de San-Antonio »

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