Dernier désir de Olivier Bordaçarre (Fayard)

J’ai découvert Olivier Bordaçarre avec La France Tranquille, que j’ai beaucoup aimé. Il y avait un ton, un style et une verve pour décrire la vie d’une petite ville provinciale que l’on lit trop peu souvent. Son dernier roman est plus intimiste et parait d’ailleurs en littérature, probablement parce que le sujet peut paraitre de prime abord moins étiqueté polar, ce que je ne pense pas du tout. Il n’en reste pas moins que c’est un roman formidable.

Mina et Jonathan Martin est un ancien couple de Parisiens qui, ont commencé par déménager de Paris en banlieue parisienne avant de se rendre compte que leur vie serait plus confortable s’ils allaient vivre en province. Evidemment, ils vivraient plus chichement, Jonathan s’occupant de son jardin, d’ébénisterie et de bricolage tandis que Mina se contenterait de son poste de guide dans un château local. Ils ont donc choisi de s’installer au fin fond du Berry, proche de l’écluse de Neuilly-en-Dun avec leur fils Romain âgé de dix ans.

Un nouveau voisin débarque à quelques centaines de mètres de chez eux. Son prénom est Vladimir et son nom est le même que le leur, Martin. Si la coïncidence peut s’avérer amusante au début, celui-ci s’avère vite énigmatique, toujours aimable, légèrement distant, mais surtout extrêmement riche. Vladimir n’arrête pas de leur faire des cadeaux, entame la rénovation complète de sa maison en faisant appel aux artisans du coin, et commande les derniers équipements nec plus ultra pour améliorer son confort.

Mais certains petits détails vont transformer la vision qu’ont Jonathan et Mina de Vladimir. Il s’achète le dernier modèle de chez Volvo, de couleur rouge, le même que Jonathan et Mina, mais en véhicule neuf. Puis il fait repeindre les murs de la même couleur qu’eux, aménage sa cuisine exactement de la même façon. Quand Vladimir commence à offrir des cadeaux à Romain et qu’il devient de plus en plus intrusif, le couple commence à chanceler sur ses fondations.

Formidable ! D’une situation d’une simplicité extrême, Olivier Bordaçarre construit un petit joyau de roman noir, en distillant de petits détails par ci par là, mais sans en dire trop de façon à faire monter la pression. Sa façon de ne pas donner trop de détails laisse la place à l’imagination du lecteur, ce qui fait que l’on est pris dans la tenaille dès les premières pages sans pouvoir en sortir. On a vraiment l’impression qu’Olivier Bordaçarre tient notre cou entre ses mains, en serrant petit à petit, tout en relâchant la pression avant de resserrer vicieusement et sans prévenir dans la scène suivante.

Et quand je parle de pression, je dois dire que la sensation qui prédomine au fur et à mesure de la lecture est aussi et surtout le malaise. Car quoi de plus normal que d’avoir un nouveau voisin, charmant qui plus est ? Quoi de plus normal que de l’accueillir quand l’alimentation en eau de sa maison est coupée pour trois jours ? Certes, mais quand il se lève la nuit, fouille la maison, quoi de plus inquiétant ? Et puis, quand Vladimir sort de sa maison pour aller en ville, il s’avère un personnage autoritaire, étrange et sans pitié.

En disséquant le couple, Olivier Bordaçarre montre combien le contexte peut jouer sur notre vie quotidienne, tout en balançant le véritable sujet de son livre : Jonathan et Mina sont deux personnes ayant choisi de vivre loin du monde de l’ultra-consommation. Mais combien de temps peut-on résister à la facilité de l’argent, au confort de l’argent, même quand tout ce à quoi l’on croit semblait former des fondations à l épreuve de tous les obstacles. Olivier Bordaçarre nous offre une formidable démonstration de la fragilité du couple, de l’illusion des rêves, de la naïveté des principes de vie.

Je ne peux vous dire qu’une chose : en 275 pages, vous allez vous sentir mal, reconnaissant des situations que vous pourriez rencontrer, parce que vous allez forcément vous identifier à ce couple comme les autres. Et puis, vous ferez comme moi, vous relirez deux, trois, quatre fois ce passage des pages 263 à 265 car le sujet est bien là : la surconsommation n’est qu’une futilité qui ne fait avancer personne. Ce roman est une démonstration à la fois subtile et dure d’un sujet social important dans le fond, avec une forme d’huis-clos formidable. Un des romans incontournables de ce début d’année 2014, selon moi.

Ne ratez pas l’avis entre autres de l’ami Claude ici.

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