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Prions pour la mort de Olivier Gerard (Lokomodo-Asgard)

Excellente découverte à réserver à ceux qui ont du souffle, genre marathonien, car quand vous lirez ce livre, vous n’aurez pas le temps de reprendre votre souffle. Accrochez vous, ça commence là :

Romain Martonne est à la tête du petit laboratoire pharmaceutique Martocosme. Si sa position est très loin des mastodontes du genre, sa nouvelle invention va faire grand bruit. Il vient en effet d’inventer le Néfédron, un médicament contre le cancer du poumon. Romain va donc tout faire pour mettre sur le marché le Néfédron, ce qui tombe bien, car cela lui permet d’oublier Dawn, l’amour de sa vie qu’il a perdu dans un accident de voiture.

Martocosme est un petit laboratoire qui essaie de survivre au milieu des géants du domaine. Parmi ces géants de la pharmaceutique, Ellsner International est dirigé par Calixte Ellsner. C’est un homme qui n’hésite pas à user de tous les moyens en son pouvoir pour atteindre ses objectifs, quitte à tuer ou faire tuer ses adversaires, tout en soignant son image de bienfaiteur.

Martonne est en phase finale du lancement de son médicament, mais il manque cruellement de financements. Sa banque lui refuse un nouveau prêt, car elle vient d’être rachetée mystérieusement par un grand groupe, et c’est un de ses amis Flémand qui va lui présenter un Allemand qui va l’aider à décrocher un prêt en l’échange d’une introduction partielle en bourse. Mais ses ennuis ne font que commencer dans une mer infestée de requins.

Ne croyez pas que ce roman va vous noyer dans des notions chimiques incompréhensibles, ou sur des batailles financières sans fond. C’est un pur roman d’action, bourré de scènes et de rebondissements, qui ne vous laissera aucun répit. Ça part à fond la caisse de la première à la dernière page, et vous n’aurez pas la solution de l’intrigue avant le dernier chapitre.

Alors, prenez bien votre respiration, préparez vous à un sacré marathon car le style de l’auteur est à l’avenant, et participe beaucoup au plaisir de lecture. Les chapitres sont courts, les descriptions sont courtes, les phrases sont courtes, les dialogues sont courts et les situations sans cesse créatives.

Le sujet de fond, qui décrit la bataille d’un petit contre les grands n’est pas nouveau, connu depuis David et Goliath en passant par Au bonheur des dames de Zola, mais le plaisir de lecture d’un vrai roman populaire d’action est bien là. Ce roman est une réédition en format de poche de la première parution de 2005, totalement remaniée par l’auteur, et cela donne un roman au rapport plaisir / prix imbattable, une fois de plus : le prix est de 7,50 euros.

Ce livre fait l’objet d’un coup de coeur chez l’immense Claude ici.

Nocturne pour instruments divers de Laurent Fétis (Asgard éditions)

Quand Claude Mesplède lui-même dit : « Laurent Fétis, jeune auteur dont les productions se font malheureusement trop rares, figure parmi les plus doués de sa génération. », forcément, ça interpelle. Voici son dernier roman en date.

Nous sommes en 1995. Jean-François Langley, dit Jef, est journaliste chez Babel, un journal hebdomadaire français depuis cinq ans. Il sort d’une année traumatisante, où, il a passé deux en internement et où il s’est séparé de Esther, sa compagne depuis sept ans. Simplement, son rédacteur en chef voudrait qu’il sorte quelque chose, alors il le pousse un peu. Et pourquoi pas ne pas reprendre l’enquête qu’il a résolue un an plus tôt à New York, celle-là même qui l’a plongé directement en enfer, et dont il ne s’est pas remis.

En effet, un an plus tôt, aidé de son ami policier Camara, il a enquêté sur une affaire qui concernait la disparition de plus d’une vingtaine d’enfants des bas quartiers de la Grande Pomme en moins d’un an. Comme ce n’était pas la priorité de la mairie, Camara a volontiers confié cette enquête à son ami, et Jef a réussi à la résoudre au prix de sa santé mentale.

Quelle abomination a-t-il découvert en 1994 ? Jef, aidé par un jeune photographe Xavier, va replonger dans l’enfer, le sien, et découvrir des choses dont il n’aurait même imaginé. D’autant plus que Camara a démissionné et disparu sans laisser d’adresse, en notant dans le dossier une incohérence : Lors de la perquisition, ils ont découvert des médicaments aphrodisiaques masculins, mais aussi exclusivement féminins. Le tueur en série qui s’attaque aux mineurs des bas fonds avait-il une complice ?

Quand j’ai attaqué ce livre, j’ai eu peur des scènes gore, que je n’aime pas, mais alors pas du tout. Puis, j’ai eu peur de la narration à la troisième personne du singulier des premières pages. Et dès la page 25, j’étais pris dans les filets de Laurent Fétis. C’est tout proprement hallucinant de se faire happer comme cela, et c’est ce que j’adore quand un thriller (ou page turner) est bien fait. Là, c’est tout simplement du grand art. Et ne cherchez pas une once d’espoir, un brin de lumière dans ce roman, tout y est noir et glauque à souhait.

Tout dans ce roman est parfaitement justifié. De la profondeur de la psychologie de Jef, à son refus de replonger dans ce cauchemar, de la construction du livre qui alterne entre 1994 et 1995 au changement de narrateur (3ème personne pour 1994 et 1ère personne pour 1995), tout est fait pour nous immerger dans ce monde noir à l’extrême. Et cette construction semble faite pour montrer le mur, la distance que Jef veut mettre par rapport à ce passé récent.

Et que dire de l’intrigue, où tout y est construit par petits morceaux, avec de petites briques et le style aide beaucoup. Comme Jef est un très bon journaliste, il s’attache à tous les petits détails. C’est ce qui justifie cette pléthore de descriptions qui ne sont pas lassantes mais m’ont permis de rentrer dans la tête du journaliste. Au bout du compte, je me suis laissé prendre au jeu, emmené par le raisonnement, voyant par les yeux de Jef, ressentant ses émotions, sentant les odeurs de pourriture des bas fonds, entendant tous les bruits des nuits de New York. Et il est inutile de préciser que l’on a droit à une belle galerie de déjantés, pédophiles, zoophiles, nécrophages ou carnivores et cannibales.

Le terme qui me vient naturellement à l’esprit, c’est : impressionnant. Et, malgré un final flamboyant mais qui m’a personnellement laissé sur ma faim car obliquant vers du fantastique, j’ai été épaté par le talent que nous montre Laurent Fétis. C’est un roman que j’ai lu extrêmement vite, c’est un signe, sans jamais ressentir de lassitude, bien que cela soit parfois éprouvant, un vrai voyage en enfer.