Peines perdues de Nicolas Lebel

Editeur : Editions du Masque

Je n’ai jamais été déçu par un roman de Nicolas Lebel, et c’est la raison pour laquelle je n’en manquerai aucun. On sent dans ses romans qu’il s’amuse et il arrive à nous amuser aussi, même quand le sujet est noir comme ici.

Théo Pereira purge une peine de quatre ans dans la prison Pieter Brueghel pour homicide involontaire. Ayant conduit dans un état d’ébriété avancé, il a renversé une jeune femme qui a succombé à ses blessures. Après deux ans passés derrière les barreaux, pendant lesquels il dispense des cours de français aux détenus, il espère déposer une demande de libération anticipée pour bonne conduite, et ainsi retrouver sa femme Claire et son fils Malo.

Théo compte aussi sur Pierre Moulins, le veuf de Manon, architecte de son métier qui vient lui rendre visite tous les mois. Ils ont contracté un marché : Moulins écrira une lettre de recommandation et Théo devra lui répéter les événements dramatiques lors de chaque visite. Théo partage sa cellule avec Moussa, une jeune malien qui est harcelé par les frères islamistes mais qui se contente de jouer aux jeux vidéo.

Moussa joue aussi un double-jeu, puisqu’il surveille Théo pour le compte de Marco Minotti, le caïd marseillais, enfermé pour un braquage qui a mal tourné. Marco et son garde du corps décérébré Teddy se livrent une fois par mois à un tabassage en règle de Théo. Et ce n’est pas parce qu’il est leur souffre-douleur, mais parce que Moulins verse à Marco deux mille euros pour le faire souffrir.

Comme je le disais, Nicolas Lebel s’amuse à nous concocter des intrigues, probablement en se lançant des paris. Dans sa trilogie précédente, il adoptait tour à tour les règles de la chasse à courre, d’une partie d’échecs ou d’un tournoi médiéval. Ici, il nous concocte une pièce de théâtre, une tragédie en cinq actes reposant sur trois piliers. D’ailleurs, il nous offre une superbe citation en ouverture : « C’est propre la tragédie. C’est reposant, c’est sûr (…) parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir »Jean Anouilh – Antigone.

Ce roman bénéficie d’un décor quasi-unique savamment travaillé, celui du domaine carcéral. Que cela soit dans les descriptions des cellules, les formalités à l’entrée, les routines de la journée, Nicolas Lebel a dû beaucoup de documenter pour nous plonger dans cet univers, que nous ne connaissions pas, avec tant de précisions. Il y détaille les relations, les rapports de force, les petits arrangements …

Passée la présentation des personnages, Nicolas Lebel insère dans sa mécanique bien huilée un grain de sable, qui remet en cause nos certitudes. Et chaque événement va avoir des conséquences sur chaque personnage et influer sur le déroulement de la vie carcérale. Et je peux vous dire qu’on ne s’y attend pas, et on se fait malmener et surprendre à chaque fois. On touche au grand art !

Nicolas Lebel nous présente donc des personnages qui se retrouvent tous enfermés, soit dans leur cellule, soit dans une compromission, soit dans une situation non voulue. D’ailleurs, chaque acte se termine par Il (ou elle) sort. Ce qui donne à ce roman une illustration des chaines que tous portent autour du cou. Cet exercice de style alliant à la fois la forme et le fond est passé haut la main, un excellent divertissement.

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