L’expatriée de Elsa Marpeau (Gallimard-Série Noire)

Si j’ai lu ce roman sur les conseils insistants de mon ami Richard, mon avis va finalement être très proche de celui de Jean Marc. Car quoi de plus casse-gueule que de situer un polar au milieu d’expatriés français ? Elsa Marpeau nous donne donc à lire une intrigue simple, une sorte de huis clos, au milieu de femmes qui s’ennuient toute la journée, sans parfois voir leur mari pendant plusieurs jours.

Nous sommes à Singapour. Elsa est mariée à Alexandre, qui travaille (beaucoup) dans le domaine de l’informatique. Sa seule occupation est donc de passer ses journées avec ses semblables, des femmes d’expatriés, qui toute la journée flânent au bord de la piscine ou bien font du shopping dans des boutiques de luxe. Même l’entretien de l’immense appartement est confié à une maid (entendez femme de ménage ou bonne à tout faire), Fely, d’origine philippine.

Quand un homme beau comme Apollon débarque dans la résidence sécurisée, Elsa va fondre pour celui qu’elle appelle l’Arabe blond. Elle va avoir une aventure avec Nessim, qui se dit avoir travaillé dans les docks. Nessim joue au poker avec les hommes, gagne et fait du charme. Quand le corps de Nessim est retrouvé poignardé de deux coups de couteau, Elsa se retrouve aux premières loges. Mais dans ces relations étranges, qui peut bien avoir tué le bel Arabe blond ?

Je dois dire que le début du roman est surprenant, car comment décrire l’ennui de ces jeunes gens riches, ultra riches si on les compare aux autochtones, n’ayant rien à faire de leurs journées, à part bronzer et discuter ? Le début du roman n’est donc pas bien passionnant mais pour autant, il est nécessaire pour placer le décor et surtout les psychologies des personnages.

A partir du meurtre de Nessim, l’intérêt change. Car ce qui pouvait paraitre simple au premier abord s’avère vite plus compliqué. Elsa Marpeau sème de petits événements qui remettent sans arrêt nos certitudes en question, et son style, si subtil, si vicieux, nous enserre le cou dans ses serres, tant et si bien que l’on lit la dernière moitié du roman d’une traite.

Car c’est bien un roman vénéneux auquel on a affaire, empreint de mystères, avec parfois en fin de paragraphes, ces petites remarques que l’on peut interpréter de plusieurs façons, et qui donnent tout son charme au roman. On n’est tout à fait dans le registre d’une Megan Abbott qui excelle dans ces intrigues simples basées sur des personnes comme vous et moi et dont les petits gestes habituels semblent revêtir différentes interprétations.

Le lecteur que je suis a adoré se faire manipuler comme une boule de flipper, et alors que j’essayais de deviner ce qui s’était passé, tout était remis en cause dans la minute suivante. Ce n’est pas le genre de livre où on saute des phrases, que l’on lit en diagonale, car il faut bien déchiffrer les mots, les phrases pour suivre et trouver le chemin suivant. Dans ce roman subtil et mystérieux, le mystère est épais comme le brouillard, l’atmosphère est lourde et poisseuse, et en tournant la dernière page, on ne peut qu’être épaté par l’art de l’auteure de nous avoir tenu en haleine alors qu’il ne se passe rien, juste par la force des psychologies des personnages. Chapeau !

5 réflexions sur « L’expatriée de Elsa Marpeau (Gallimard-Série Noire) »

  1. Pour moi c’est un véritable coup de coeur. Et dès le début du roman, l’atmosphère vicié des résidences d’expat. est parfaitement retranscrite. Et que dite de l’atmosphère de Singapour, cette ville état trop policée sans doute. Une touffeur, une moiteur dans laquelle nous somme engloués et que porte magnifiquement les mots d’Elsa.

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