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Disparu de Didier Jung

Editeur : Editions Territoires Témoins

Plus je lis de romans de cette maison d’éditions, et plus je l’aime. Que ce soient Léo tout faux de Claude Charles ou bien Amnésie de Serge Radochévitch, on y retrouve des façons d’aborder une intrigue toujours originales. Sous des couverts d’enquête classique, ce roman ne sort pas de cette règle.

2 juillet 1993, La défense. Carole assiste en tant qu’ingénieur à une réunion réunissant les sociétés qui participent à la construction d’une centrale à Hong Kong. L’homme qui entre dans la salle de réunion ne lui est pas inconnu : c’est son ancien petit ami, Alain Rocher. Ils se sont perdus de vue il y a 16 ans.

Depuis ils ont fait leur vie, avec pas forcément avec de la réussite. Alain est père de deux enfants et divorcé. Carole s’est mariée aussi mais son mari Jean-Marc a disparu trois ans auparavant. Alors qu’il travaillait pour une banque à Strasbourg, il a brusquement démissionné et disparu sans laisser de trace.

Alain recevait parfois des coups de fil de Jean-Marc puisqu’ils étaient amis. Il réalise qu’une expression de celui-ci lui donne une piste pour le retrouver. En effet, il lui a dit « vouloir prendre le maquis » et Alain a tout de suite l’idée qu’il est allé se cacher en Corse. Et comme il connait quelqu’un qui est allé prendre sa retraite là bas, il convint Carole de tenter sa chance de le retrouver. Alain appelle donc l’ancien commissaire Morazzani.

C’est un polar classique auquel nous avons à faire avec ce roman de Didier Jung. Et malgré qu’il s’y passe pas mal de choses, le format est court, puisqu’il ne fait que 150 pages. Et comme ce n’est pas le premier roman de l’auteur, loin de là, l’ensemble respire la sérénité avec une belle efficacité dans le style et les dialogues.

Par moments, nous allons revenir voir Carole et Alain, dans des scènes qui vont jeter le doute dans nos esprits. Finalement, cette affaire n’est peut-être pas aussi simple qu’il n’y parait … Carole se contredit, Alain a des doutes, voire en dit bien peu … Tout le suspense est dans le non-dit qui alterne avec l’enquête de Morazzani, sorte de détective privé du cru.

Et d’ailleurs, ces chapitres là nous font voyager en Corse. Et ces passages là sont remarquables. Clairement, l’auteur nous fait aimer cette ile et ses habitants, en étant remarquablement juste mais aussi en écrivant des descriptions qui font tout simplement rêver. Et comme Morazzani est doué, il arrive à faire parler des gens plutôt réputés pour respecter la loi du silence. Assurément, ce roman fait office de belle publicité pour l’île de beauté. Et ce roman se réserve même le droit de nous surprendre avec un dernier chapitre qui nous prend à revers. Une lecture bien agréable en somme, au moment de préparer ses vacances.

 

Léo tout faux de Claude Charles (Editions Territoires Témoins)

Ce roman qui flirte avec les codes du polar est un roman fort plaisant. Outre l’occasion d’ajouter un auteur supplémentaire à ma liste des découvertes, on découvre une autre façon d’appréhender une intrigue d’arnaque.

Uniphone est une entreprise leader dans le domaine des abonnements de téléphonie mobile. Chaque mois, elle reçoit de ses clients plus d’une trentaine de millions d’abonnements, ce qui correspond à un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros. Cette entreprise est dirigée par Pierre Mahon, un patron tyrannique qui dirige d’une main de fer. Le 14 aout 2013, un homme appelle au téléphone et se présente en tant que membre du cabinet du premier ministre. Quand cet homme a Mahon au téléphone, il lui annonce avoir détourné 200 millions d’euros des comptes de la société.

10 Janvier 2013. Sandrine est l’assistante de direction de Mahon. Elle est épuisée quand elle sort du travail. A un feu rouge, une voiture lui entre dedans. Le cinquantenaire en faute s’excuse et lui propose de l’argent en liquide en guise de dédommagement. Il s’appelle Christian Maillard et est vendeur d’œuvres d’art. Ils vont fricoter … Une histoire d’amour vient de commencer …

9 avril 2013. Caro vient de recevoir un SMS. Léo, un ancien amant, lui propose un rendez-vous. Quand ils se rencontrent, il y a Damien dit DD et Rémy, deux retraités. Cette petite équipe a été réunie pour réaliser un casse : détourner les prélèvements destinés à Uniphone durant le mois d’aout. Le butin est estimé à 200 millions d’euros et Léo s’arrangera pour que Mahon n’ait aucun recours. Chaque membre de l’équipe a une expertise qui permettra de mener à bien ce vol informatique, mais c’est sans compter la personnalité de chacun.

Ce roman est un sacré défi : nous montrer avec cette intrigue comment on peut détourner de l’argent … virtuel … et le blanchir sans que personne ne s’aperçoive de rien. Si cela parait un peu rocambolesque, le déroulement de l’intrigue apparait tout à fait réaliste et surtout en devient passionnant. On y trouve juste ce qu’il faut de rebondissements pour que l’on reste accroché à cette lecture.

On a donc droit à un mélange de Ocean 11 pour le casse, sans les élucubrations acrobatiques que l’on trouve dans le film, et de Mission Impossible quant à la réunion d’une équipe d’expert. En effet, chacun est expert qui en sécurité informatique, qui en liaisons telecoms, qui en blanchiment d’argent. Quant à Léo, c’est une sorte de chef de projet qui mène à bien son affaire pour atteindre son objectif.

Là où c’est original, c’est dans la psychologie des personnages. Chacun se retrouve affublé de petits travers qui vont de la colère à l’envie d’aller voir des prostituées qui viennent enrichir l’intrigue. Car c’est bien parce que Léo a en face de lui des gens et non des machines qu’il va avoir des sueurs froides, voire même des imprévus dangereux. Je ne vous dirai rien quant au dénouement qui est assez inattendu ou en tout cas surprenant.

Le seul petit reproche que l’on peut faire à ce roman concerne les dialogues qui, s’ils sont bien faits et très réalistes, s’avèrent nombreux, longs ce qui nuit un peu à l’efficacité du roman. Certes, ils font avancer l’intrigue mais ils auraient bien eu besoin d’un peu de coupe. Ceci dit, on finit par penser que ce roman, pour très intéressant et passionnant qu’il soit, s’avère être un scenario qui mériterait d’être adapté au cinéma. Car il y a de sacrés numéros d’acteurs à en attendre.

Ne ratez pas l’avis de l’oncle Paul.

Amnésie de Serge Radochévitch (Editions Territoires Témoins)

Le sujet de l’amnésie a été maintes fois traité dans le polar, et dans la littérature en général. Quoi de mieux, en effet, que de partir d’un personnage qui a tout oublié et qui se retrouve vierge, sans passé. Le roman de Serge Radochévitch en est une déclinaison.

Pierre-Julien Renouard est un jeune homme de 29 ans qui a un poste de commercial. Alors qu’il revient d’un rendez-vous d’affaires, il a un accident de voiture. Le traumatisme crânien n’est pas grave au point d’intenter à sa vie, mais il passe tout de même un mois dans le coma. Quand il se réveille, il s’avère qu’il est amnésique.

Cet événement dramatique va surtout marquer ses proches. Si lui se laisse aller, presque bercer par le temps qui passe, ce sont ses parents, ses amis qui vont vouloir le retrouver comme il était avant. Alors, ils vont lui rappeler des souvenirs qu’il a perdus, et qu’il n’a pas forcément envie de retrouver. En particulier, il apprend qu’il est divorcé parce qu’il était violent envers sa femme. Le fait qu’il se fasse virer de son travail va lui donner l’occasion de disposer de la liberté qu’il recherche.

Après avoir décidé de tirer un trait sur son passé et d’avoir amputé son prénom (il devient dorénavant Julien), il passe ses journées à se promener et ses soirées dans des bars. Il fait la connaissance d’un jeune homme qui habite dans un camping. Daniel lui montre un roman qu’il a écrit et Julien lui propose de le lire pour lui donner son avis. Comme il a rencontré Michelle, une journaliste, il a la possibilité de lui donner un coup de pouce. Sauf que … il décide de dire à Michelle que c’est lui l’auteur de ce roman.

Voilà une variation sur le thème de l’amnésie qui présente des aspects très positifs et d’autres qui me laissent sur ma faim. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce roman est globalement construit selon trois actes, comme une pièce de théâtre. La première concerne la sortie de Pierre-Julien de l’hôpital ; La deuxième parle du vol du roman et la troisième de l’enquête d’un journaliste … mais je ne peux vous en dire plus sans dévoiler complètement l’intrigue, et ce serait dommage.

Si la construction est très carrée, je dois dire que cela donne un roman avec une intrigue efficace. D’ailleurs, le format relativement court du roman le prouve. Ensuite, les dialogues sont très bien faits. Il y a une vraie recherche pour en dire le juste nécessaire. Enfin, le thème abordé, l’air de rien, est bien : est-on foncièrement mauvais ou devient-on mauvais ? Quelle part le hasard tient-il dans la trajectoire du commun des mortels ? Et il est presque dommage que le roman soit si explicite à la fin. J’aurais aimé qu’il y reste une part de mystère … mais bon !

Sinon, je suis resté surpris et dubitatif devant certains effets de style qui m’ont laissé pantois. Passer dans une scène d’une narration à la troisième personne puis, sans prévenir à la première personne, est très surprenant. A tel point que l’on se demande qui parle. De même, j’ai trouvé la première partie peu passionnante, la faute peut-être à certains manques de développement de certaines scènes, alors que dès que Julien rencontre Daniel, le roman prend son envol.

Voilà donc un nouvel auteur épinglé sur Black Novel dont le roman aborde le thème de l’amnésie … mais pas seulement. En tous cas, je suis curieux d’avoir votre avis.