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La garce de David Goodis

Editeur : Fayard (Grand Format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Claude Benoit

Attention, coup de cœur !

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Ce mois-ci, nous avons l’occasion de redécouvrir, de se rappeler un grand auteur du Noir, un monument de la littérature américaine, tombé aux oubliettes dans son propre pays.

L’auteur :

David Goodis, né le 2 mars 1917, à Philadelphie où il est mort le 7 janvier 1967, est un écrivain américain de roman noir.

Issu du milieu juif de Philadelphie, David Loeb Goodis fréquente brièvement l’université de l’Indiana avant de terminer ses études en journalisme à l’université Temple en 1938. Peu après, il se trouve un emploi dans une agence de publicité et, pendant ses temps libres, rédige un grand nombre de nouvelles policières pour divers « pulps » américains. Il publie son premier livre Retour à la vie (Retreat from Oblivion) en 1938. À New York, où il déménage l’année suivante, il travaille comme scripteur dans le milieu de la radio.

Pendant la première moitié des années 1940, les éditeurs rejettent systématiquement ses manuscrits. En 1942, il se rend sur la côte Ouest et est engagé par les studios Universal. Il se marie à Los Angeles en 1943.

Puis vient le succès en 1946 avec la publication de Cauchemar (Dark Passage). L’adaptation de ce récit en 1947, sous le titre Les Passagers de la nuit avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall, lui permet de signer un lucratif contrat de six ans avec la Warner Bros, mais la plupart des scénarios qu’il écrit pour le studio ne dépassent pas l’étape de la rédaction.

En outre, sa vie privée s’effrite et il divorce en 1948. De retour à Philadelphie en 1950, il s’occupe de ses parents et de son frère schizophrène, puis sombre dans l’alcool. Cette version de l’écrivain maudit relèverait toutefois de la légende d’après l’enquête biographique de Philippe Garnier.

Oublié dans son pays natal, David Goodis doit son succès en France à l’adaptation de plusieurs de ses livres au cinéma, notamment de Tirez sur le pianiste par François Truffaut en 1960, dont c’est le deuxième long-métrage, La lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix, Rue Barbare de Gilles Béhat ou Descente aux enfers de Francis Girod.

(Source : Wikipedia, complété par mes soins)

Quatrième de couverture :

Clara Ervin pourrait être votre voisine. Elle vit tranquille auprès de son mari, mais sort traîner la nuit. Elle veut le bonheur de sa belle-fille, mais lui inculque ses conceptions à coups de poing. Elle aime un homme passionnément, mais lui fait littéralement perdre la tête. Elle veut améliorer son niveau de vie et n’hésite pas à tuer pour cela.

Après La Lune dans le Caniveau, Cassidy’s Girl, voici La Garce, le roman sans doute le plus noir, le plus dur de David Goodis qui, longtemps classé parmi les grands du polar, est maintenant considéré comme l’un des maîtres de la littérature américaine.

Mon avis :

Commençons par une anecdote : quand je fais mes courses le week-end, je ne rate jamais l’occasion de passer devant ce que mon hypermarché appelle la Bibliothèque participative. Je suis tombé sur ce roman que je ne connaissais pas et je n’ai pas hésité à le prendre et le lire aussitôt.

Je n’avais pas lu de roman de David Goodis depuis plus de trente ans, puisqu’en tant que grand fan de la collection Rivages Noir, j’en avais lu trois ou quatre. Peut-être étais-je trop jeune, mais je dois dire que je n’avais pas été enthousiasmé par ces romans. Peut-être suis-je aujourd’hui plus attentif à la construction d’une intrigue, aux descriptions, aux psychologies, au style, toujours est-il que La garce m’a totalement emporté.

Le premier chapitre nous présente Ervin, veuf avec une adolescente, conscient de devoir se trouver une femme qui l’aidera dans ses tâches quotidiennes dont l’éducation de sa fille. Ervin est persuadé d’avoir rencontré la femme idéale. Le deuxième chapitre aborde le personnage d’Evelyn et la façon dont elle voit son père, et sa volonté de faire sa propre vie.

Puis arrive Clara, que l’on découvre experte en manipulation. Le prisme change totalement et on découvre un personnage féminin qui, au fur et à mesure du roman, nous est dépeint comme un véritable monstre. Plus l’intrigue avance, plus on découvre un personnage sans sentiment, incroyablement et monstrueusement stratégique dans sa façon d’influencer les événements pour atteindre son objectif de récupérer l’argent de son mari.

Usant de charme, de sexe, de violence ou de chantage, Clara va se montrer remarquablement consciente des atouts qu’elle possède et des possibilités qui s’offrent à elle de façon incroyablement opportuniste. En se rappelant que ce roman date de 1947, je ne suis pas sûr qu’il existe un roman ayant présenté un tel personnage féminin auparavant.

Et puis, même si le roman se concentre sur les personnages, David Goodis fait partie de ces auteurs capables de vous transporter dans les décors qu’il a créés. Les descriptions se révèlent détaillées, remarquables dans leur évocation, imagées (d’aucuns diraient cinématographiques). Avec ce roman, j’ai enfin découvert la puissance de la plume de ce grand auteur et il va me falloir relire ses autres romans.

Je ne suis pas sûr que vous puissiez trouver cette édition au Livre de Poche, car le tirage est épuisé depuis bien longtemps. Vous pourrez le retrouver dans l’intégrale David Goodis des intégrales des éditions du Masque en eBook. Réhabilitons cet auteur incontournable !

Coup de cœur !

Viper’s Dream de Jake Lamar

Editeur : Rivages

Traductrice : Catherine RICHARD-MAS

Pour qui a lu Nous avions un rêve, Jake Lamar est un auteur dont il faut lire tous les romans. D’origine américaine, il a choisi de vivre en France et nous parle dans chacun de ses romans de son pays et de la vie des Noirs là-bas. Et quoi de mieux que d’évoquer le milieu du jazz pour en parler, comme il le fait ici.

1961, New York. Viper se retrouve chez Pannonica de Koenigswarter, dite Nica, une richissime baronne qui finance le milieu du jazz. Le jeu de la baronne consiste à demander aux gens qu’elle héberge d’écrire sur une feuille leur trois vœux les plus chers. Il reste quelques heures à Viper avant que la police ne vienne l’arrêter. Car cette nuit, Viper vient de tuer un homme, pour la troisième fois de sa vie.

Viper, c’est le surnom de Clyde Morton. En 1936, Clyde découvre une trompette dans le grenier de ses parents. Son oncle Wilson lui apprend à en jouer et le persuade qu’il deviendra un grand jazzman. Clyde décide de quitter Meachum, Alabama, pour rejoindre New-York, laissant derrière lui sa fiancée Bertha. Mais dès la première audition dans un club de Harlem, on lui fait comprendre qu’il n’a aucun avenir dans la musique.

Alors Clyde trouve un travail au Gentleman Jack’s Barbershop. Ne sachant pas couper les cheveux, il deviendra cireur de chaussures et balayeur. Un richissime client, Mr.O débarque dans la boutique et lui demande s’il sait se battre. Il emmène Clyde sur un ring de boxe et, à la surprise générale, Clyde étend son adversaire. A partir de ce jour, Clyde va devenir Viper, et garde du corps de Mr.O, propriétaire d’un club de jazz et trafiquant de Marijuana.

Ecrit comme un conte, comme une histoire orale (il faut dire qu’à l’origine, ce roman était une pièce radiophonique pour France Culture), on prend un énorme plaisir à s’assoir et écouter Jake Lamar nous narrer la vie de Viper, de son ascension jusqu’à sa chute. Il nous brosse un portrait de l’Amérique, avant et après la deuxième guerre mondiale et la « fameuse » échelle sociale des Etats-Unis. On en déduit à la lecture de ce roman, que pour les Noirs, leur seule possibilité de grimper dans la société réside dans le trafic de drogue, le reste de la société étant noyauté par les Blancs.

Viper’s Dream est avant tout une histoire d’amitié, de tolérance et de loyauté ; amitié envers ses proches, tolérance et accueil des étrangers et loyauté envers ce que l’on croit. Et Viper ne voudra jamais vendre de drogue dure. Viper rencontrera aussi l’amour avec le formidable personnage de femme fatale Yolanda. Tous les codes sont bien présents et c’est bien la façon de raconter cette histoire qui retient l’attention.

Car il y a dans ce roman un rythme lancinant, une mélodie avec des variations de rythme, des improvisations. On ressent le brouhaha de Harlem, et on entend les instruments, parfois du piano, souvent de la trompette. Cet hommage au Jazz se couple à un thème fort sur le poids du passé et les regrets qui se transforment en remords qui me parle. Pour moi, ce roman rejoint ma pile de romans cultes.

Un grand merci à Petite Souris, il saura pourquoi.

Oldies : Fay de Larry Brown

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Daniel Lemoine

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose de poursuivre la découverte des romans de Larry Brown, avec ce roman qui est la suite de Joe, chroniqué ici avec un coup de cœur.

Quatrième de couverture :

À dix-sept ans à peine, Fay fuit une vie de misère. Elle s’élance sur les routes du Mississippi pour gagner la mer et un autre avenir. Elle n’a pas mis les pieds à l’école depuis longtemps, ignore beaucoup des règles de la vie en société et ne sait pas vraiment ce que les hommes attendent des femmes. Belle, lumineuse et parfois inconsciente, elle trace sa destinée au hasard de ses rencontres, s’abandonnant aussi facilement qu’elle prend la fuite. Mais cette femme-enfant, qui ne réalise qu’à demi l’emprise qu’elle exerce sur ceux qui croisent son chemin, laissera dans son sillage une traînée de cendres et de sang.

Mon avis :

Ayant décidé de fuir sa famille et en particulier son père alcoolique, fainéant, violeur et violent, Fay Jones, du haut de ses 17 ans, va parcourir le Mississipi pour rejoindre Biloxi et ses plages paradisiaques vers une vie de rêve. A la fois naïve et belle comme un cœur, elle va apprendre la vie à travers différentes expériences et devenir une femme fatale à qui aucun homme ne peut résister. Elle va trouver un lit dans un camping auprès de jeunes gens vivant d’alcool et de drogue avant de rencontrer Sam, un policier de la route.

Sam et sa femme ont du mal à surmonter la mort de leur fille. Ils accueillent donc les bras ouverts Fay qui va découvrir cette nouvelle vie comme un paradis. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte que Sam trompe sa femme devenue alcoolique. C’est d’ailleurs à cause de l’alcool qu’elle trouvera la mort et que Fay la remplacera … jusqu’à un nouveau drame qui l’obligera à reprendre la route et à rencontrer Aaron, un videur de boite de nuit violent tombé fou amoureux d’elle.

Ecrit dans un style littéraire et méticuleux, Larry Brown continue à nous montrer la société américaine, en s’écartant des miséreux pour détailler la vie des ouvriers. Il montre des gens qui dépensent leur argent en alcool ou en drogues dans un monde sans pitié, un monde sauvage ne respectant que la loi du plus fort. Il est d’ailleurs intéressant de voir que l’auteur oppose Sam à Aaron, comme deux faces d’une même pièce de monnaie, le Bien et le Mal. Pour autant, chacun de ces deux mâles vont succomber aux charmes de Fay et avoir une psychologie complexe et bien plus nuancée qu’une simple opposition Bien/Mal.

On voit aussi Fay, une femme fatale moderne, qui va devenir consciente de son pouvoir d’attraction envers les hommes, et sa capacité à les utiliser. De jeune femme victime, elle va orchestrer les événements à son profit et devenir femme manipulatrice. Personnage éminemment complexe, semblant parfois rechercher une sécurité, parfois prenant des décisions, elle démontre une sacrée faculté à obtenir ce qu’elle veut avec un beau machiavélisme.

De ce personnage féminin d’une force remarquable, de cette peinture de la société sans concession, de ce style si détaillé, de cette intrigue suivant l’itinéraire d’une adolescente, nous garderons cette image bien noire des Etats-Unis brossée par Larry Brown, avec la sensation d’avoir parcouru un sacré chemin et avoir abordé des thèmes divers qui font réfléchir. De la grande littérature, tout simplement.

Zippo de Valentine Imhof

Editeur : Rouergue Noir

Attention, coup de cœur !

Après Par les rafales, son précédent et premier roman, qui démontrait une plume rare de poésie, Valentine Imhof se lance dans le thriller. Pour autant, il est bien plus que cela tant ce roman est brillant.

Clic ! Clic ! Clic ! Le bruit de son briquet Zippo est entêtant mais le calme, dans ce bar au nom étrange : Le Y-Not II. Il l’attend, Elle, Eva, celle qui l’a fait chavirer et qu’il cherche sans relâche. Il l’aperçoit, ou croit l’apercevoir et il chancelle. Il s’approche, lui offre un verre, puis sortent marcher dans le parc. Elle s’assoit (Clic !) et est surprise par le bruit. Elle tourne sa tête vers lui et son regard lui montre qu’il s’est encore trompé. Il sort sa flasque d’essence, l’asperge, surtout sur le visage et Clic ! Prometheus.

Eva l’a connu alors qu’elle était adolescente. Elle lui trouvait une laideur fascinante, une tristesse irrésistible ; son visage marqué l’a tout de suite attirée. Ils ont dansé, comme s’ils étaient seuls au monde sur un rock des années 50. Elle l’a suivi jusqu’à un perron puis un premier baiser les a réunis. C’était leur première rencontre. Leur dernière a commencé de la même façon, et s’est terminée par la mort de sa sœur, calcinée dans une voiture.

La lieutenant Mia Larström vient de débarquer au poste de police de Milwaukee avec un dossier en béton. Elle est convoquée sur le lieu d’un crime : une jeune femme à moitié brûlée sur un banc. Ce n’est pas une première pour elle. Son binôme, le lieutenant Peter « Casanova » McNamara est en retard, comme d’habitude. Il va encore la seriner avec ses aventures sexuelles, lui raconter comment il a fait hurler toute la nuit sa conquête d’un soir. Leur équipe ressemble à un mélange de feu et de glace.

Le début de ce roman ressemble à s’y méprendre à un thriller, et l’enquête, bien complexe, se révèle ardue pour nos deux enquêteurs. Les chapitres, très courts, vont s’enchaîner en passant d’un personnage à l’autre. Il n’y a aucun repère en tête de chapitre pour indiquer lequel est au centre du chapitre et pourtant, on n’est jamais perdu. La magie du talent de Valentine Imhof commence …

Parce que, petit à petit, l’auteure va lever le voile, non pas sur l’intrigue, puisque l’on va rapidement comprendre de quoi il retourne, mais sur les personnages. Petit à petit, Valentine Imhof va gratter le vernis qui cache la psychologie de chacun d’eux, et révéler leur passé et les cicatrices qui en découlent, leurs blessures comme des tatouages indélébiles, ineffaçables, ces moments qui marquent une vie à jamais.

De ces personnages que l’on aura bien du mal à oublier, on se rendra compte que rien n’est aussi simple, qu’aucun d’entre eux n’est ni blanc, ni noir, ni gris. Ils sont un mélange de toutes les couleurs, pour donner un résultat indéfini, poussés par leur motivation propre. Et plus on s’enfonce dans le roman, plus le nombre de personnages augmente, et ils sont tous décrits avec la même acuité, la même justesse.

Valentine Imhof va donc nous plonger dans les abîmes de l’âme, et nous plonger dans un décor de douleur. Rapidement, on se retrouve dans un monde BDSM, et le décor est à l’image des personnages, une descente aux enfers comme une recherche du plaisir, la douleur comme un cri d’extase, non pas pour oublier le passé, mais pour se rechercher soi, sa vraie personnalité.

Valentine Imhof met aussi son style au service de son histoire, poétique et noir, agrémenté par une bande-son sans fautes (merci d’avoir cité Joy Division et d’avoir déterré My Bloody Valentine !). Il y a une vraie rage dans son écriture, de sa plume coule une lave incandescente qu’elle déverse sur chaque ligne. Ses phrases sont éclairées, lumineuses, éblouissantes et emplie de tant de noirceur, jusqu’au dénouement final extraordinaire, sans rédemption, sans espoir, noir opaque. Énorme ! Un brûlant roman à classer juste à côté de Versus d’Antoine Chainas.

Je vous le dis, coup de cœur !

Dans l’œil du démon de Junichirô Tanizaki

Editeur : Editions Philippe Picquier

Traducteurs : Ryôko Sekiguchi et Patrick Honnoré

Je vous avais annoncé que la prochaine vague de polars viendrait du Japon, comme il y eut celle des pays nordiques. C’est une bonne occasion pour moi de revisiter un roman datant de 1919, inédit en France.

L’auteur :

Jun’ichirō Tanizaki est un écrivain japonais, né le 24 juillet 1886 à Tokyo et mort le 30 juillet 1965 à Tokyo.

Né dans une famille aisée de marchands, fortune due à l’ingéniosité de son grand-père, il fait de brillantes études à l’Université impériale de Tôkyô, mais en 1910 la ruine de son père le contraint à les interrompre. Il considéra son père comme un être faible qu’il transposera dans ses écrits. La même année, il publie son premier texte, une nouvelle cruelle et raffinée, « Le Tatouage », dans la revue qu’il a fondée avec quelques amis. L’histoire de la belle courtisane et de son tatouage en forme d’araignée fait scandale et lance sa carrière d’écrivain.

En 1913, il rassemble toutes ses nouvelles dans un recueil intitulé « Le Diable » et subit les foudres de la censure qui les juge « immorales ». Il publie sans trêve drames, comédies et scénarios à une époque où le cinéma en est encore à ses balbutiements, il traduit également la pièce d’Oscar Wilde « L’Éventail de Lady Windermere ».

Installé à Yokohama, il fréquente les résidents étrangers et découvre l’image de la femme occidentale. Lorsqu’un terrible tremblement de terre détruit la ville en 1923, il s’installe définitivement dans le Kansai. Le séisme le bouleverse profondément : alors qu’il puisait son inspiration dans un Occident et une Chine exotiques, il revient vers le Japon à partir de 1924, date à laquelle paraît son premier roman, « Un amour insensé ».

Dans les années 30, il multiplie les publications : « Yoshino » (1931), « Le Récit de l’aveugle » (1931), « Histoire secrète du sire de Musashi » (1932), « Le Coupeur de roseaux » (1932), « Shunkin, esquisse d’un portrait » (1933), « Éloge de l’ombre » (1933).

Il se consacre ensuite à la traduction en japonais moderne de « Le Dit du Genji » de Murasaki Shikibu. En 1943, la publication en feuilleton de son chef-d’œuvre « Quatre sœurs » est interdite car jugée inconvenante en temps de guerre. Après la guerre, Tanizaki publie des romans audacieux comme « La Mère du général Shigemoto » (1950) et « La Clef : La Confession impudique » (1956).

Son état de santé s’aggrave après 1960. Sa souffrance et son obsession de la mort apparaissent dans son « Journal d’un vieux fou » (1961).

En 1964, il fait partie des six derniers candidats retenus de la short list du comité Nobel.

Décerné en son honneur, le prix Tanizaki est l’une des principales récompenses littéraires au Japon.

(Source : Babelio)

Quatrième de couverture :

Un écrivain est interrompu dans son travail par un ami qui lui propose d’assister à un meurtre. Dans un bas-fond de Tokyo, ils assistent à ce qu’ils croient être un assassinat sordide orchestré par une femme démoniaque, dont son ami va devenir fou amoureux. Enfermé dans sa passion, il se rend compte qu’il est destiné à être sa prochaine proie. Bientôt, il demande à son ami d’être témoin de sa propre mise à mort. Mais le lendemain, de retour chez son ami, l’écrivain découvre celui-ci vivant, qui l’attend… Une intrigue haletante qui fonctionne sur le mystère de messages codés à déchiffrer, un jeu d’apparences trompeuses, une ville labyrinthique… Avec toutes les obsessions de Tanizaki : voyeurisme, jeu de miroirs et mise en abyme… Le roman comme théâtre des illusions.

Mon avis :

Datant de 1919, ce roman inédit en France ne peut être lu que comme un hommage à Sir Arthur Conan Doyle et Edgar Allan Poe. Après la mise en place de l’intrigue, (Takahashi, un écrivain est emmené par son vieil ami Sonomura dans un endroit louche où doit avoir lieu un crime car il croit avoir traduit un message mystérieux grâce au Scarabée d’or d’Edgar Allan Poe), les deux hommes vont confronter leur perception de la scène qu’ils ont aperçue à travers un volet.

De la scène détaillée à laquelle nous assistons, les deux hommes vont donc additionner les indices et en déduire une explication sur les auteurs du meurtre et leur motivation. Comme je l’ai dit, cela m’a fait penser à Sherlock Holmes et au docteur Watson par l’extrême précision et la logique implacable de leur raisonnement. Mais la chute, en deux actes va donner tort, à la fois aux deux hommes mais aussi ai lecteur qui a accepté de jouer le jeu.

Cela nous amène donc à nous rendre compte qu’il ne faut pas croire à tout ce que l’on voit, et que nos limites nous amènent bien souvent à nous tromper sur la vérité. Ce roman, après avoir tourné la dernière page, et s’être fait avoir en beauté, est un beau joyau policier qui nous permet de prendre du recul par rapport à nos perceptions. Et cela donne une lecture tout simplement jouissive.

A noter la couverture qui est juste magnifique !

Prendre les loups pour des chiens de Hervé Le Corre

Editeur : Rivages

Précédé d’une réputation d’excellent roman noir, je me devais de le lire rapidement. Enfin, rapidement, à mon rythme … et je regretterais presque de ne pas l’avoir lu plus tôt. Noir, c’est noir ; il n’y a plus d’espoir …

« C’était un temps déraisonnable

On avait mis les morts à table

On faisait des châteaux de sable

On prenait les loups pour des chiens

Tout changeait de pôle et d’épaule

La pièce était-elle ou non drôle

Moi si j’y tenais mal mon rôle

C’était de n’y comprendre rien».

« Est-ce ainsi que les hommes vivent » Aragon

Il fait chaud, étouffant en cet été. Franck vient d’être libéré après cinq années de prison. Ils l’ont libéré avec une heure d’avance sur l’horaire prévu. Du coup, il est obligé d’attendre en face de la prison, s’efforçant à ne pas regarder les portes maudites. La voiture qui vient le chercher est conduite par une femme qu’il ne connait pas. Son frère Fabien aurait pu venir, mais il est en Espagne pour quelques semaines.

Le trajet s’avère étouffant, à cause de la chaleur mais aussi de la présence de cette jeune femme qui dégage une animalité brutale. Elle s’appelle Jessica et vit avec son frère. Le trajet se passe dans un silence lourd de sous-entendus. Surtout, Franck imagine les désirs dont il a été privé derrière les barreaux. Pendant quelque temps, Franck sera logé chez les parents de Jessica, qui les appelle les Vieux. Arrivé dans une masure éloignée de tout, Franck fait connaissance avec la mauvaise humeur des vieux. Il est surtout accueilli par le chien, une sorte de bête proche du loup qui ferait peur à quiconque rencontre son regard agressif. Seule la petite Rachel, la fille de Jessica détonne dans ce paysage aux allures d’enfer.

Franck va loger dans une caravane montée sur des parpaings. Il a plongé pour un casse minable, pour 60 000 euros volés, mais il n’a jamais cafté. Depuis qu’il a sorti, il faut qu’il retrouve ses repères dans une vie qu’il a oubliée. Le lendemain, le Vieux lui demande de l’accompagner pour apporter une voiture de luxe qu’il a maquillée. Mais le Vieux n’est pas le seul à avoir une attitude bizarre …

Si après un début aussi cauchemardesque, on peut penser à un huis-clos, la suite se passant dans divers endroits du sud-ouest va certes nous faire changer de décor, mais on va retrouver la même ambiance étouffante que dans la masure des Vieux. Car Hervé Le Corre nous plonge dans un monde de petits arnaqueurs, que l’on pourrait croire méchants, mais ce n’est rien par rapport à ceux avec lesquels ils sont en affaire. Si l’atmosphère y est lourde, le ton est définitivement violent, que ce soit explicite ou suggéré dans les dialogues.

De dialogues, il y en aura peu, puisque le roman se déroule en présence de Franck, personnage principal, et formidable icône de quelqu’un complètement perdu dans un monde qu’il n’a pas quitté depuis longtemps mais qui lui est inconnu. On commence par voir quelqu’un de perdu, ne voulant pas trop s’imposer, puis on passe à une personnage qui se retrouve confronter à des événements qu’il voudrait éviter mais qu’il est obligé de subir, pour enfin voir un Franck qui prend des décisions qu’il a du mal à supporter.

Le deuxième personnage d’importance de ce roman, c’est Jessica, cette mère instable, qui ne sait qu’attirer le malheur, avide de drogues, de sexe et d’alcool pour oublier son existence misérable. Consciente de son irrésistible pouvoir de séduction, elle s’acharne sur les mâles pour son propre plaisir et son propre bien. A la limite, Rachel sa fille est une erreur de parcours qu’elle aimerait bien effacer mais qu’elle aime aussi comme une mère.

Incontestablement, hervé Le Corre rend hommage aux grands du roman noir, en transplantant cette intrigue en France, une intrigue digne du Grand Jim Thompson. On y retrouve le « héros », la femme fatale, des cinglés, des violents, des dangereux, et un univers si oppressants, si violent, si glauque que l’on a plaisir à se plonger la tête dans cette noirceur.

Et puis il y a la plume magique de Hervé Le Corre, et j’aurais pu commencer mon billet par cela. Rarement sa plume aura été aussi belle, lumineuse dans cette noirceur. Si la tension est omniprésente du début à la fin, les phrases en deviennent hypnotiques, et on prend plaisir à se laisser mener dans cette moiteur néfaste. On ne va pas s’attendrir devant le destin de chacun mais bien se laisser mener par une intrigue vénéneuse. Et c’est probablement, à mon avis, le meilleur roman de la part d’un des meilleurs auteurs de romans noirs français.

Ne ratez pas les avis de Yan, Arutha, Jean-Marc, Sebastien chez Geneviève

 

Le jour des morts de Nicolas Lebel (Marabout)

Je ne connaissais pas Nicolas Lebel, et mal m’en a pris. Ce roman, c’est du pur plaisir de lecture, un vrai polar dense avec de succulents personnages. Bref, voilà un roman avec lequel on passe un excellent moment de divertissement. A déguster !

Le commandant Mehrlicht visite son ami Jacques, à l’hôpital Saint Antoine, où ce dernier suit une chimiothérapie. On ne va pas se laisser abattre, alors les deux compères profitent de la vie, dans la chambre, en buvant du vin et en fumant des cigarettes. Certes, les infirmières gueulent, mais on n’a qu’une vie, après tout ! C’est d’ailleurs à l’hôpital Saint Antoine qu’un patient, Malauron, vient d’être empoisonné. Un voisin de chambre indique qu’il a vu une jeune femme, habillé de blanc, sortir de la chambre de Malauron … elle ressemble à la faucheuse ! Mehrlicht, appuyé par son équipe de lieutenants Sophie Latour et Mickael Dossantos, vont être chargés de l’enquête. Quand d’autres meurtres apparaissent par empoisonnement, et que la suspecte est toujours une jeune femme brune, les media s’emparent de l’affaire, la pression s’intensifie, et la peur envahit la France. Tout le monde a peur de « l’empoisonneuse ».

Car après l’autopsie, il s’avère que le poison utilisé est issu d’un champignon que l’on trouve dans les montagnes françaises. La dose utilisée aurait pu terrasser un éléphant. L’affaire va s’avérer bien complexe, impliquer certaines personnes haut placées à la tête de l’état et trouver ses racines dans un passé lointain.

Dans ce résumé sommaire des premières pages, je me dois d’ajouter que Mehrlicht va être affublé d’un stagiaire (alors qu’il n’en veut pas), que celui-ci est le fils d’un haut dignitaire de l’état et qu’il a une attitude détestable.

Car c’est un polar franchement réussi que nous a concocté Nicolas Lebel. Outre qu’il regorge de péripéties, et que son style, rapide et direct, donne un rythme soutenu au roman, on ressort de ce roman emballé, avec l’envie de déplacer des montagnes. Voilà, c’est ça ! ce roman donne envie de sourire à la vie, donne du moral aussi surement qu’une dizaine de boites de médicaments et c’est rudement bon !

Et la difficile alchimie, celle qui fait que l’on adhère ou non à un roman, c’est grace à ses personnages qu’on la doit. Car ils sont tous truculents, hilarant ou détestables, mais toujours justes. Avec Sophie Latour, amoureuse d’un sans papier et qui désespère de voir son amoureux rester, Avec Dossantos qui est capable de vous débiter les articles de loi par cœur et qui a une foi sans borne en son métier, toujours prêt à aider les autres, avec le stagiaire Lagnac qui est une vraie tête à claques, avec Matiblout, le commissaire qui subit une pression d’enfer et cherche à faire pour le mieux. Avec Mehrlicht, aussi et surtout, personnage central et formidable héraut du bien vivre, excessif en tout, aussi bien pour ses consommations d’alcool ou de cigarettes que capable de descendre en flammes un patron de restaurant qui sert de la merde à manger. Rarement, j’aurais été aussi proche d’un personnage, défenseur du mieux vivre, réfractaire à la vie moderne avec laquelle on passe au travers de trop de bonnes choses.

Dans ce roman, aux péripéties multiples, aux scènes hilarantes, on n’a pas affaire à des enquêteurs surdoués, mais à des bosseurs, des besogneux de la déduction, qui avancent petit à petit avec les éléments qu’ils récupèrent sur leur chemin. Mais je peux vous dire que c’est un vrai plaisir à lire, du pur divertissement qui se permet de pointer les conneries que l’on voit (ou pas) tous les jours comme cette scène où Latour vient régulariser la situation de son amant, en vain. Si on peut éventuellement reprocher à ce roman une intrigue linéaire, on en ressort avec une pêche d’enfer, et on se dit que l’on tient là un excellent roman de divertissement, idéal pour une lecture d’été.

En un mot, lisez ce livre. Quant à moi, je vais acheter son premier roman (L’heure des fous), car c’est le seul regret que j’ai eu en tournant la dernière page.

Envoûtée de Megan Abbott (Editions du Masque)

Quelle joie de lire le dernier roman en date de Megan Abbott, qui est en fait sorti en 2009 aux Etats Unis. Megan Abbott est en train de construire une œuvre noire de très haute qualité, et celui-ci ne dépareille pas par rapport à ses précédents romans.

Nous sommes en 1930. Le docteur Everett Seeley a trouvé un poste au Mexique, en plein marasme économique. Il va donc partir travailler là-bas, en espérant se défaire de son addiction à la morphine et laisser derrière lui sa femme Marion, qui logera dans un petit appartement de Phoenix, et travaillera comme secrétaire dans une clinique.

Rapidement, elle sympathise avec Ginny et Louise, une infirmière. La solitude lui pesant, elle va rapidement passer de folles soirées avec les deux amies, qui ne semblent pas avoir de soucis d’argent tant leurs invités leur apportent des présents qu’elles monnayent en les revendant à la boutique du coin.

Marion, qui est une jeune femme pure et innocente, va petit à petit découvrir un monde de la nuit qu’elle ne soupçonnait pas, tester de nombreuses drogues et les troubles de l’alcool, mais aussi s’encanailler avec Joe Lanigan, un homme très séduisant, mi homme politique mi truand, dont elle va tomber amoureuse.

Megan Abbott va s’emparer de l’affaire de la tueuse à la malle, où deux malles ont été trouvées à la gare de Los Angeles avec des corps humains à l’intérieur, pour bâtir un roman noir exemplaire, d’une finesse et d’une subtilité rares. Ceux qui ont aimé ses précédents romans vont adorer celui-ci qui se situe entre Adieu Gloria et la fin de l’innocence, soit mes deux romans préférés de cette auteure.

Avec de petites touches, Megan Abbott nous plonge dans cette époque des années folles qui finissent mal, et nous brosse le portrait d’une jeune femme qui va en quelques mois changer du tout au tout, comme si son mari l’avait empêcher de vivre auparavant. C’est une femme libre, mais surtout sans limites et on sait que dans ces cas là, cela se termine mal. Mais c’est aussi le portrait d’une femme forte, parfois plus forte que les hommes, ce qui est une constance chez Megan Abbott, qui semble prendre une intrigue typée masculine pour l’inverser et l’adapter aux femmes.

C’est donc un fabuleux portrait psychologique que j’ai pris énormément de plaisir à lire. Et si le rythme est lent, la fin s’avale à une vitesse incroyable avec un changement de rythme qui, personnellement m’a fait regretter que le roman n’ait pas quelques dizaines de pages de plus. Et puis, je peux vous garantir que la fin est formidable et que vous ne la devinerez pas, une fin bien cynique et amorale. Ce suspense psychologique est encore une belle réussite de la part de cette auteure qui écrit des polars noirs et intemporels.

L’avis de l’ami Claude est ici

Red room lounge de Megan Abbott (Editions du Masque)

Adieu Gloria, son précédent roman paru en France aux éditions du Masque, était un coup de cœur Black Novel. Ce roman, paru en 2005, est en fait le premier de cet auteur hors norme.

Elle s’appelle Lora King et vit avec son frère Bill. La vie ne les a pas épargné car ils ont perdu leurs parents très jeunes lors d’un incendie. Ils ont été bien élevés par leurs parrain et marraine mais ont surtout gardé des liens incassables, une relation que personne ne peut expliquer et qui peut traverser toutes les tempêtes. Leur petite vie va être bouleversée par l’arrivée d’une femme.

Un soir, Bill se rend sur les lieux d’un accident de voiture. Au volant, une superbe jeune femme, Alice est blessée. Bill l’emmène à l’hopital, et rapidement en tombe amoureux. Alice est costumière pour le cinéma. D’ailleurs, six mois plus tard, Bill et Alice se marient. Lora, qui est institutrice, va réussir à faire embaucher Alice dans son école.

Sauf que, avec ce mariage, Lora y perd beaucoup. Malgré la gentillesse de Alice, malgré sa volonté de se faire accepter dans les associations de quartier, malgré les dîners qu’elle organise avec les collègues de Bill, Lora voit Bill s’éloigner. Elle met en doute la sincérité de Alice, trouve que tout est bizarre, et en vient à enquêter sur sa belle sœur.

Le titre du roman original est Die a little, tiré de la célèbre chanson de Gerschwin, et il résume tellement bien ce roman. Car ce roman parle du doute, de la jalousie, de l’amour, et de la perte d’innocence. Lora était tellement bien installée dans sa petite vie, en plein confort, qu’elle va essayer de résister pour conserver ses relations avec son frère. Son monde était tellement beau, tellement propre, que quand elle gratte la surface huilée de sa belle sœur, elle va plonger dans un environnement qu’elle n’aurait jamais pu imaginer.

Ce roman est fait de milliers de petites scènes, écrites par la narratrice, et ce procédé est redoutable pour raconter une histoire avec le manque d’objectivité suffisant pour faire planer le doute. Car Lora va occulter des faits, des gestes la concernant, et par contre, elle va décrire dans le détail son enquête. On sent bien que c’est une personne qui va perdre son innocence, ou du moins qui veut paraître innocente. La description de l’époque (les années 50) est parsemée de petits détails qui permettent de nous plonger dans la vie de tous les jours d’une femme comme toutes les autres.

Avec le rythme lent et minutieux, je me suis par moments demandé où Megan Abbott voulait m’emmener, mais j’ai tout le temps été attiré par cette intrigue sinueuse. Et finalement, ce roman est hypnotique, vénéneux comme il faut, terriblement addictif. Il n’y a aucune action, le style est froid comme de la glace et la psychologie est redoutablement juste. Pour un premier roman, c’est tout simplement impressionnant et Megan Abbott nous l’a démontré par la suite.

Bloody cocktail de James M.Cain (Archipel)

Hommage à James Cain, ce grand auteur de polars, avec la parution d’un inédit de 1975, dont on vient de retrouver le manuscrit. L’auteur de Le facteur sonne toujours deux fois a vraiment fait fort pour son ultime création.

L’auteur :

James Mallahan Cain est un écrivain américain né à Annapolis dans l’État du Maryland, (États-Unis) le 1er juillet 1892 et décédé à Hyattsville, Maryland le 27 octobre 1977 à l’âge de 85 ans.

Après avoir enseigné les mathématiques et l’anglais au Washington College, il est mobilisé en 1918 en France, et sera rédacteur du Lorraine Cross, journal officiel de la 79e division.

Entre autres métiers, il a été directeur d’édition au journal The New Yorker et scénariste. Il a publié sa première nouvelle à l’âge de 42 ans et obtint un important succès avec de nombreux romans noirs classiques.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Hyattsville, Maryland, début des années 1960. Joan Medford, une jeune veuve soupçonnée d’avoir provoqué l’accident de voiture dans lequel a péri son mari violent et alcoolique, est obligée de trouver rapidement un travail pour obtenir la garde de son fils, placé chez sa belle-sœur qui la hait.

Grâce à l’aide d’un officier de police bienveillant, Joan devient serveuse dans un bar à cocktails de luxe, le Garden of Roses.

Là, elle fait la connaissance de deux habitués, Earl K. White III, un vieil homme d’affaires richissime, et Tom Barclay, un jeune homme fougueux nourrissant des ambitions politiques.

Entre les deux, son cœur ne balance pas. Pourtant, la jeune femme décide d’accepter la demande en mariage de White. Peut-on refuser quoi que ce soit à un homme qui vous laisse des pourboires de 50 000 dollars ?

Peu de temps après, ce dernier meurt empoisonné…

Mon avis :

C’est un roman noir remarquable que James M.Cain aura écrit et qu’il nous aura laissé à titre posthume. Outre le fait que l’on retrouve ses thèmes chers, sa construction et sa narration en font un de ses meilleurs polars, si ce n’est le meilleur. C’est évidemment l’histoire d’une femme fatale, c’est une femme forte, qui essaie de s’en sortir de sa difficile vie, surtout depuis la mort de son mari dans un accident de voiture. Pour élever son petit garçon qui a été récupéré par sa belle-sœur, elle trouve un emploi de serveuse.

La nouveauté par rapport aux autres romans de James M.Cain, sauf erreur de ma part, est que ce roman est écrit à la première du singulier. Et bien entendu, James M.Cain utilise toutes les possibilités que lui offre ce mode de narration. On suit donc la vie de cette pauvre jeune femme, accusée par des on-dit d’avoir tué son mari, mais contre qui la police ne peut trouver de preuves. Puis, elle rencontre un homme vieux et riche qui s’entiche d’elle et un homme jeune, beau et mystérieux.

Petit à petit, le doute s’installe dans l’esprit du lecteur, ou du moins dans le mien. Toute la psychologie et la motivation de cette jeune femme repose sur l’amour qu’elle porte pour son fils. Mais ses réactions quand elle va voir son fils ne collent pas avec une mère aux abois. Sans vouloir dévoiler toute l’intrigue, James M.Cain va jouer avec notre perception de ce récit, à la fois réaliste, parfait dans ses dialogues et murement réfléchi quand aux descriptions fournies par Joan elle-même.

A la fin, le roman se termine par un superbe pied de nez, mais surtout par une formidable remise en cause de nos certitudes. Ce roman, comme on l’a pressenti dans les dernières pages est en fait un témoignage que Joan a enregistré. De ce fait, on remet en doute tout ce qu’elle nous a raconté. Et on n’a qu’une envie, c’est de relire le livre pour savoir où et quand elle nous a manipulé. Remarquable !

A la fin de livre, on trouve une postface de l’éditeur de James M.Cain. Surtout, ne ratez pas cette postface. Car la sortie de ce roman est une formidable aventure d’édition (en tous cas de la façon dont il la présente). Entre les déclarations de l’auteur sur ce roman que personne n’avait jamais vu, entre les différentes versions (car James M.Cain écrivait et réécrivait sans cesse ses romans et en particulier ses fins), cette postface est passionnante. En tous cas, c’est un roman formidable, qu’il ne faut rater en aucun cas.

Les avis sur le net : Oncle Paul ; Carine ; Belle de nuit ; Garoupe ;